Louise-Marie de France, dite Madame Louise

Etait proposé en vente aux enchères aujourd'hui, ce portrait, je cite :

Portrait d'une dame de qualité
Ecole française du XVIIIe siècle
Huile sur toile (rentoilé) 65 x 54 cm


* Source et infos complémentaires : Millon, Nice - Vente du 20 octobre 2022



Finalement vendu près de cinq fois son estimation, les amateurs auront sans doute supposé que derrière l'anonymat de cette "dame de qualité", il s'agit plus probablement d'un portrait de Madame Louise.  



En effet, nous retrouvons les atours de son grand portrait peint par Drouais :

Louise-Marie de France, dite Madame Louise
Attribué à François Hubert Drouais
Huile sur toile, 18e siècle
RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot

Aussi, ce portrait est à rapprocher des oeuvres de Anne-Baptiste Nivelon ( Anne Féret, Mme Nivelon 1711-1786), conservées à Versailles, et qui a peint à au moins deux autres reprises Louise de France, peu avant et après sa prise de voile.
A noter que l'huile sur toile de 1769 est du même format que le tableau présenté aux enchères.  )



Louise-Marie de France, dite Madame Louise
Anne-Baptiste Nivelon, autrefois considéré comme d'après François-Hubert Drouais
Huile sur toile, vers 1769
Ovale H. 64,3 ; L. 54 cm
Image : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot / Franck Raux

Historique :  Ancienne collection. Entré à Versailles, 11 septembre 1833 ; peut-être l'un des deux portraits mentionnés, sans nom d'auteur, Aile du Nord, second étage, salles des portraits, n°141-150, dans le guide de 1837 ; retourné au Louvre. Envoyé à Versailles le 9 juillet 1870 (livre des mouvements, f°225).


Madame Louise en carmélite
Anne-Baptiste Nivelon
Huile sur toile, 1770
H. 53 ; L. 43,5 cm
Image : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot / Franck Raux

Description du château de Versailles

Les Menus-Plaisirs commandent des copies de portraits soit aux maîtres eux-mêmes, soit à des peintres copistes. La copiste la plus sollicité est la Demoiselle Anne-Baptiste Nivelon, en activité de 1754 à 1771. L'Etat des ouvrages faits pendant l'année 1770 par cet artiste comprend un portrait de Madame Louise en carmélite. Il s'agit de l'un des premiers portraits de cette princesse en religieuse, car elle était entrée au carmel de Saint-Denis en avril de la même année.
Cette oeuvre pourrait être celle conservée à Versailles, qu'il convient de mettre en rapport avec un portrait anonyme de la même princesse en robe rayée rose et blanc ornée d'un médaillon représentant saint Jean de la Croix, dont le visage est identique.

Vue au Getty, la commode livrée par Joubert pour la chambre à coucher de la princesse à Versailles en 1769 :









clichés personnels

Pas si mal...

Merci pour ces images, cher Gouv' !

Je l'adore, avec ses petites vagues à la crétoise !
Merci, mon cher Momo.

J’ai lu un jour que lors de son entrée au Carmel, on fit récurer les chaudrons à Mme Louise avec son habit de cour.

Quelqu’un saurait-il qui a rapporté ce fait ? Je ne m’en rappelle plus….

Je ne pense pas avoir jamais lu quoi que ce soit de tel, mon cher Momo ...
...   jusqu'à ce soir !  

Sur le rapport singulier entre le Carmel et les chaudrons ( chaudrons de cuisine ) voici un article de Fabienne Henryot
Université de Lyon, École nationale supérieure
des sciences de l’information et des bibliothèques,
Centre Gabriel Naudé


Le saint devant ses marmites.
 Les vertus du cuisinier dans l’hagiographie moderne

Résumé :

Le Carmel réformé masculin et féminin, qui s’impose dans toute l’Europe occidentale à partir du dernier tiers du XVIe siècle, se caractérise par une attention extrême portée aux mortifications alimentaires. Déplacer l’analyse au niveau de la cuisine, c’est-à-dire de la réfection à la préparation du repas par un préposé, le cuisinier, conduit à observer comment la cuisine se mue à son tour, au XVIIe siècle, en espace privilégié de la sainteté conventuelle. La nature même du travail qui s’y effectue permet de mettre à l’épreuve l’obéissance, la mortification des sens, la permanence de l’oraison, le sens du service et l’humiliation volontaire, qui sont les principales vertus du religieux en général et du cuisinier en particulier.
Cet état de fait a eu deux conséquences. D’une part, les religieux ont instrumentalisé la cuisine pour une surenchère de perfection religieuse, au prix d’une dramatisation extrême de la fonction de cuisinier et de l’espace de la cuisine. D’autre part, la littérature hagiographique a contribué à standardiser les portraits de religieux cuisiniers, par une mise en scène de plus en plus conventionnelle de leurs vertus.

Et voici l'évocation de Madame Louise :


Mieux, cette représentation de la cuisine s’impose jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, comme en témoigne le cas de Madame Louise, fille de France, entrée au Carmel de Saint-Denis en 1770. Dès son arrivée, elle demande à être admise à la cuisine ; on lui  fait remarquer que sa robe de soie ne se prête pas à cet office. Elle demande à son père, Louis XV, des vêtements plus appropriés ; il lui envoie un manteau de taffetas rose. Elle s’en va dans cette tenue faire la vaisselle. Elle choisit le chaudron le plus sale et se met à le frotter avec ardeur sous les yeux ébahis de ses sœurs, moins étonnées de voir une princesse nettoyer une marmite, que de constater qu’on puisse mettre tant d’énergie dans une tâche qui n’a pas de sens : un chaudron de fonte reste noir, même lorsqu’il est propre. Le récit figure les sœurs stupéfaites et dirige le regard du lecteur vers Louise, qui “le tourne et le retourne de tous les sens, elle s’écorche les mains, elle épuise toutes ses forces. Son manteau de taffetas devient aussi noir que le chaudron, sans que le chaudron en soit plus propre”. Puis les sœurs, qui avaient d’abord trouvé la scène amusante, finissent par la décourager d’insister. Avec candeur, Louise répond : “je ne m’en serois jamais douté […] mais comme c’est la première fois de ma vie que je lave des ustensiles de cuisine, je ne pouvois pas deviner.”
La visibilité de la scène est importante, son caractère d’abord absurde puis touchant sont nécessaires, sans quoi elle perdrait son caractère édifiant. On retrouve dans ce récit les éléments essentiels du théâtre : un costume, des répliques, un lieu clos, une action, un public. Cette théâtralisation est au service de trois données essentielles de la sanctification : la mortification, l’extase et le miracle.

La source :
Liévin-Bonaventure PROYART, Vie de Madame Louise de France, religieuse carmélite (Bruxelles,
1793), pp. 117-18.

https://www.brepolsonline.net/doi/pdf/10.1484/J.FOOD.5.116337

C'est hilarant comme scène. Nettoyer un chaudron de fonte qui reste noir, même lorsqu’il est propre qui plus est en habit de cour. On croirait Anémone dans "Le mariage du siècle".