Les amants de Catherine II
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LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: Autres contemporains : les hommes du XVIIIe siècle
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Re: Les amants de Catherine II
Nous avons droit, dans le journal intime de Corberon, à la valse des favoris de Catherine . Et tenez, par exemple, Michel Korsakof, sergent dans le régiment des hussards de la garde, avait été choisi par Potemkine ( ) pour succéder à Zoritz dans la faveur et le lit de la tsarine. Il fut pendant quinze mois le favori en titre (1778-1780) et puis congédié pour avoir été surpris avec l'amie de Catherine II, la comtesse de Bruce.
https://archive.org/stream/undiplomatefran02corbuoft/undiplomatefran02corbuoft_djvu.txt
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Mme de Sabran- Messages : 55510
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Re: Les amants de Catherine II
Là-dessus, voilà que Corberon apprend la cause de la froideur que l'Impératrice témoigne au comte Strogonof !
C'est un vrai feuilleton que les amours de Catherine .
Landskoï, le favori actuel dont elle est dégoûtée, s'est adressé à Strogonof pour obtenir le cordon bleu de Pologne. Strogonof a écrit à Stackelberg, ambassadeur de Russie en Pologne, pour le demander au roi de Pologne qui l'a accordé. Ce cordon arrive, sous l'adresse de l'Impératrice, à qui on a cru plaire : elle a renvoyé le paquet à Varsovie.
Alexandre Dmitriùvitch Landskoï était âgé de vingt-deux ans et chevalier garde quand Catherine jeta les yeux sur lui pour remplacer Korsakof dont elle commençait à se lasser. Elle le fit général, chambellan, chef de son régiment de cuirassiers, etc., etc ... et le combla de richesses jusqu'à ce qu'il fût emporté par la maladie, le 25 juin 1784. Son « régne » avait duré quatre ans.
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Mme de Sabran- Messages : 55510
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Re: Les amants de Catherine II
Landskoi fut un des compagnons les plus chéris de l'impératrice. Il semble qu'elle en fut réellement amoureuse et elle fut dévastée de sa perte lorsqu'il mourut prématurément.
Dominique Poulin- Messages : 7013
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Les amants de Catherine II
Dominique Poulin a écrit:Landskoi fut un des compagnons les plus chéris de l'impératrice.
Oui, Domi, nous le disions !
Il meurt à la tâche ...
Malheureusement, le beau Lanskoï meurt en 1783 dans les bras de son illustre maîtresse. De santé fragile, cherchant à ne pas décevoir son impératrice, il aurait eu recours à des aphrodisiaques qui achèveront de détraquer sa santé. Le désespoir de Catherine est grand. Poussant des cris aigus et sauvages, elle refuse toute nourriture et s'enferme dans l'obscurité.
Allez, je vous en remets une couche sur Landskoi ! Enfin, ce n'est pas moi, c'est toujours notre observateur zélé à la Cour de Catherine, le chevalier de Corberon . Landskoi ne suscite pas chez lui grande admiration :
Le favori Landskoï, qu'on disoit être sur le déclin, jouit toujours de sa faveur. Il est vrai que le cordon bleu de Pologne n'est pas encore en sa possession, et il a boudé à cause de cela; mais l'Impératrice l'a consolé, en lui disant qu'il ne pouvoit encore le porter par des raisons particulières. On m'assure de plus qu'elle lui a écrit une lettre, et je le tiens de Montory qui l'a vue, dans laquelle elle lui dit qu'il doit se fier à son amie, qu'elle l'aimera toujours. Cela me rappelle le mot de Ninon de Lenclos : « Ah ! le beau billet qu'a la Châtre ! » Cette lettre étoit remplie de conseils et d'exhortations de ne pas l'entretenir de fadaises et de songer à servir son pays, parce qu'elle vouloit faire de lui un homme d'État. Parmi les lectures qu'elle lui indiquoit, elle lui recommandoit particulièrement les lettres de Cicéron. La lettre avoit en titre : Mes prophéties, et étoit dans une fort belle boîte.
Je doute, mon ami, que ces prophéties s'accomplissent, car le pauvre Landskoï est un peu bête, et son illustre amie ne le changera pas plus que Zoritz, auquel elle trouvoit une tête sublime lors de sa faveur, et dont elle vouloit faire aussi un être intéressant pour l'Empire. Korsakof, qui l'a suivi, n'a pas été plus heureux après son éducation; c'est un des favoris que j'ai vus, qui m'a le plus étonné par sa tournure et le goût très vif qu'il a inspiré. C'étoit le mannequin de la fatuité, mais de la plus petite espèce, de celle qui ne seroit pas tolérée même à Paris; ce qui m'a très étonné, c'a été de le voir l'amant de la Strogonof, qui arrive de France. On ne peut rien dire après cela du goût des femmes.
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Mme de Sabran- Messages : 55510
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Re: Les amants de Catherine II
Je suis un peu surpris, quoique modérément du témoignage du chevalier de Corberon.
Landskoi n'avait pas l'envergure de Potemkine, cela ne fait pas de doute, mais plusieurs biographes de Catherine II décrivent Landskoi sous un jour favorable comme un jeune homme intelligent et cultivé. C'est pourquoi l'impératrice aurait commencé à l'initier doucement à certaines de ses affaires ; peut-être l'a t-elle surestimé, c'est bien possible, l'amour des favoris successifs auquel elle s'est attachée lui ayant fait perdre de sa froide lucidité sur leur potentiel intellectuel. N'est pas homme d'État qui veut !
Je chercherais un livre ancien sur les favoris de Catherine II dans mes bibliothèques afin de comparer nos points de vue.
Landskoi n'avait pas l'envergure de Potemkine, cela ne fait pas de doute, mais plusieurs biographes de Catherine II décrivent Landskoi sous un jour favorable comme un jeune homme intelligent et cultivé. C'est pourquoi l'impératrice aurait commencé à l'initier doucement à certaines de ses affaires ; peut-être l'a t-elle surestimé, c'est bien possible, l'amour des favoris successifs auquel elle s'est attachée lui ayant fait perdre de sa froide lucidité sur leur potentiel intellectuel. N'est pas homme d'État qui veut !
Je chercherais un livre ancien sur les favoris de Catherine II dans mes bibliothèques afin de comparer nos points de vue.
Dominique Poulin- Messages : 7013
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Les amants de Catherine II
Selon notre observateur Corberon, Catherine et Potemkine sont un peu en froid à ce moment-là .
Le prince Potemkin est un peu brouillé avec la bonne dame ( ), parce qu'il n'approuve pas ses changements et lui a représenté que ses favoris se moquoient d'elle et la bravoient quand ils étoient congédiés avec des grâces, témoin Korsakof qui est toujours en ville et fait une peinture dégoûtante de ses anciens devoirs de favori. Potemkin voudroit qu'elle les choisît dans un état obscur, et Catherine veut de l'éclat et par conséquent beaucoup de dépenses.
On dit que c'est à l'occasion de cette petite brouillerie que Potemkin est venu brusquement en ville, et que l'Impératrice a envoyé un courrier à Orlof mais tout cela se raccommodera.
Apparemment, il n'était pas chose aisée pour Catherine de naviguer entre ses ex, l'actuel, les futurs ... une vie amoureuse certes trépidante mais, dans ces grands froids nordiques, il faut bien se réchauffer n'est-ce pas !
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Mme de Sabran- Messages : 55510
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Re: Les amants de Catherine II
Dominique Poulin a écrit: .... l'impératrice aurait commencé à l'initier doucement à certaines de ses affaires ; peut-être l'a t-elle surestimé, c'est bien possible, l'amour des favoris successifs auquel elle s'est attachée lui ayant fait perdre de sa froide lucidité sur leur potentiel intellectuel. N'est pas homme d'État qui veut !
Il est vrai, Domi ...
Voici l'avis du chevalier de Corberon sur la question.
Il raisonne en jeune-homme frais émoulu de l'adolescence, aux certitudes très ... définitives.
Revenons, mon bon ami, à cet enthousiasme de l'Impératrice et examinons-en le principe. Rien n'est plus naturel que ce sentiment de la part d'une femme maîtrisée à son âge par cette espèce de passion; rien n'est plus fâcheux en même temps, parce qu'il conduit à des foiblesses mineures de la part d'une souveraine. Il seroit à désirer qu'elle n'eût des amants que pour le physique; mais c'est une chose rare dans les gens âgés, et lorsque leur imagination n'est pas amortie ( ) , ils font plus de folies cent fois qu'un jeune homme. N'ai-je pas vu ici le prince Repnin amoureux comme un jeune homme de la Nélédinski, et cependant Repnin est un homme d'esprit et la Nélédinski très peu de chose du côté de l'esprit.
L'imagination et la vanité dans un vieux cerveau fermentent davantage; c'est un malheur sans doute, mais c'est en même temps l'indice de quelques bonnes qualités. L'Impératrice, en voulant faire de Landskoï un homme d'État, prouve qu'elle songe à cet État. C'est une bonne intention mal dirigée, mais c'est beaucoup qu'une bonne intention, et si cette souveraine étoit menée, comme elle le pourroit par un homme de génie, on lui feroit faire les plus grandes et les meilleures choses; mais cet homme ne se rencontre pas, et l'illusion que se fait cette femme à chacun de ses favoris se détruisant et se renouvelant tour à tour, la succession de ses foiblesses devient innombrable et les suites en sont effrayantes. Avec les plus grandes vues et les meilleures intentions, Catherine II perd son pavs par les mœurs, le ruine par les dépenses et finira par être jugée femme foible et romanesque.
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Mme de Sabran- Messages : 55510
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les amants de Catherine II
Landskoï est pourtant peut-être déjà sur la touche, Domi , car le chevalier note dans son journal :
Le règne de Landskoï ne sera pas long, malgré l'enthousiasme. On vient de lui acheter une bibliothèque de dix mille roubles, qu'il ne lira assurément pas; on fera la fortune d'un certain Cezat, outchitel qui est un garçon sans mérite; sa femme sera placée, à ce qu'on assure, auprès de l'Impératrice qui l'a promis, et tout cet édifice croulera pour faire place à un autre.
Que signifie " outchitel " ?
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Mme de Sabran- Messages : 55510
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les amants de Catherine II
Je ne sais pas Eléonore ; comment peut-on être dans les petits papiers de l'impératrice...
En tout cas, j'ai retrouvé le livre que je cherchais dans mes étagères :
" Les Favoris de Catherine La Grande " de Alexandre Polovtsoff aux éditions Plon de 1939.
Voici un premier extrait du chapitre consacré à Lanskoi :
" Il faut croire que Potemkine, plus au courant que Catherine de ce qui se passait autour d'elle, prévoyait à quel brusque revirement les imprudences de Rimski-Korsakov allaient l'acculer et c'est probablement en vue de cette éventualité qu'au début d'octobre, il se hâta de prendre pour aide de camp Alexandre Lanskoi, afin d'avoir un candidat à portée de main le cas échéant.
C'était un garçon de petite noblesse de province ; ses parents étaient pauvres et n'avaient pu lui payer un cours d'éducation dans une école bien fréquentée ; ce qu'il savait, il l'avait appris dans sa famille. A quatorze ans, il entra comme soldat au régiment d'Izmailovsky, et quatre ans plus tard il entra il passa aux chevaliers-garde. Ceux ci formaient un corps d'élite spécialement chargés de la sécurité du souverain. Les chevaliers-garde détenaient les listes des personnes ayant soit les grandes, soit les petites entrées. Ils étaient chargés d'un poste à l'intérieur du palais qui formait la limite entre ces deux catégories : ne passaient " au delà des chevaliers-garde " que les petites entrées. On choisissait de préférence des hommes de grande taille et de belle prestance pour ce service, ou les simples soldats avaient rang de lieutenants dans l'armée. Le fait que Lanskoi devint chevalier-garde témoigne qu'il était beau garçon, mais aussi que ses parents, malgré leur manque de fortune, avaient des relations à la Cour, à moins que le jeune homme n'ait su s'en créer par lui-même pendant qu'il servait au régiment d'Izmailovsky. Maintenant qu'il pouvait frayer avec le monde élégant, Lanskoi comprit qu'il ferait mieux d'apprendre le français ; faute de pouvoir le parler, on risquait de passer pour un rustre ; il s'entendit avec un professeur, un certain chevalier de Serres, qui lui donna des leçons ; au dire de de Serres, son élève était si pauvre, que tout son avoir était composé de cinq chemises.
Trois ans plus tard, las de se débattre plus longtemps, Lanskoi présenta le 4 octobre 1779, une requête au collège de la Guerre, pour être transféré dans un régiment de ligne ; au lieu de cela, deux jours plus tard, le vice-president de ce collège, le tout puissant Potemkine, le prit pour aide de camp. Il savait sans doute que pendant l'été qui venait de s'ecouler, les fois que Lanskoi avait été de service, l'impératrice avait remarqué quel beau spécimen d'humanité il y avait parmi les chevaliers-garde ce jour-là. Pyrrhus, roi d'Epire, faisait encore la pluie et le beau temps à ce moment ; mais Potemkine le voyait s'aventurer sur une pente dangereuse et à tout hasard il empêcha Lanskoi de s'en aller dans une garnison de province. L'ordre du jour le nommant aide de camp de Potemkine est du 6 octobre et le 10 Rimski-Korsakov partait pour Moscou. Nous ne savons pas combien de temps il fallut à Potemkine pour arranger les choses à son gré, mais la faveur de Lanskoi fut déclarée le jour de la Sainte-Catherine, le 24 novembre, quand il devint aide de camp de l'impératrice. Il reçut un appartement au palais et 100 000 roubles " pour sa garde-robe " : l'ère des cinq pauvres chemises était close. "
A suivre le deuxième extrait !
En tout cas, j'ai retrouvé le livre que je cherchais dans mes étagères :
" Les Favoris de Catherine La Grande " de Alexandre Polovtsoff aux éditions Plon de 1939.
Voici un premier extrait du chapitre consacré à Lanskoi :
" Il faut croire que Potemkine, plus au courant que Catherine de ce qui se passait autour d'elle, prévoyait à quel brusque revirement les imprudences de Rimski-Korsakov allaient l'acculer et c'est probablement en vue de cette éventualité qu'au début d'octobre, il se hâta de prendre pour aide de camp Alexandre Lanskoi, afin d'avoir un candidat à portée de main le cas échéant.
C'était un garçon de petite noblesse de province ; ses parents étaient pauvres et n'avaient pu lui payer un cours d'éducation dans une école bien fréquentée ; ce qu'il savait, il l'avait appris dans sa famille. A quatorze ans, il entra comme soldat au régiment d'Izmailovsky, et quatre ans plus tard il entra il passa aux chevaliers-garde. Ceux ci formaient un corps d'élite spécialement chargés de la sécurité du souverain. Les chevaliers-garde détenaient les listes des personnes ayant soit les grandes, soit les petites entrées. Ils étaient chargés d'un poste à l'intérieur du palais qui formait la limite entre ces deux catégories : ne passaient " au delà des chevaliers-garde " que les petites entrées. On choisissait de préférence des hommes de grande taille et de belle prestance pour ce service, ou les simples soldats avaient rang de lieutenants dans l'armée. Le fait que Lanskoi devint chevalier-garde témoigne qu'il était beau garçon, mais aussi que ses parents, malgré leur manque de fortune, avaient des relations à la Cour, à moins que le jeune homme n'ait su s'en créer par lui-même pendant qu'il servait au régiment d'Izmailovsky. Maintenant qu'il pouvait frayer avec le monde élégant, Lanskoi comprit qu'il ferait mieux d'apprendre le français ; faute de pouvoir le parler, on risquait de passer pour un rustre ; il s'entendit avec un professeur, un certain chevalier de Serres, qui lui donna des leçons ; au dire de de Serres, son élève était si pauvre, que tout son avoir était composé de cinq chemises.
Trois ans plus tard, las de se débattre plus longtemps, Lanskoi présenta le 4 octobre 1779, une requête au collège de la Guerre, pour être transféré dans un régiment de ligne ; au lieu de cela, deux jours plus tard, le vice-president de ce collège, le tout puissant Potemkine, le prit pour aide de camp. Il savait sans doute que pendant l'été qui venait de s'ecouler, les fois que Lanskoi avait été de service, l'impératrice avait remarqué quel beau spécimen d'humanité il y avait parmi les chevaliers-garde ce jour-là. Pyrrhus, roi d'Epire, faisait encore la pluie et le beau temps à ce moment ; mais Potemkine le voyait s'aventurer sur une pente dangereuse et à tout hasard il empêcha Lanskoi de s'en aller dans une garnison de province. L'ordre du jour le nommant aide de camp de Potemkine est du 6 octobre et le 10 Rimski-Korsakov partait pour Moscou. Nous ne savons pas combien de temps il fallut à Potemkine pour arranger les choses à son gré, mais la faveur de Lanskoi fut déclarée le jour de la Sainte-Catherine, le 24 novembre, quand il devint aide de camp de l'impératrice. Il reçut un appartement au palais et 100 000 roubles " pour sa garde-robe " : l'ère des cinq pauvres chemises était close. "
A suivre le deuxième extrait !
Dominique Poulin- Messages : 7013
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Les amants de Catherine II
Ah, Messieurs, quand vous nous tournez la tête !
Seulement voilà, nous ne sommes pas toutes Impératrice de Russie ...
Dominique Poulin a écrit:
A suivre le deuxième extrait !
Avec plaisir !!!
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Mme de Sabran- Messages : 55510
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les amants de Catherine II
Dans notre sujet dédié à Catherine II, notre grand reporter Gouverneur Morris nous a posté un trombinoscope des principaux amants de l'impératrice.
Un inventaire illustré, présenté L’Hermitage Amsterdam, lors de l’exposition consacrée à la Grande Catherine en 2016 :
Lire nos messages et commentaires ici : Catherine II de Russie
Un inventaire illustré, présenté L’Hermitage Amsterdam, lors de l’exposition consacrée à la Grande Catherine en 2016 :
Lire nos messages et commentaires ici : Catherine II de Russie
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Les amants de Catherine II
Suite du chapitre consacré au favori Lanskoi de Alexandre Polovtsoff / Plon / 1939.
" Dès l'abord Lanskoi adopta une ligne de conduite dont il ne se departit jamais ; non seulement il ne s'occupa point de politique, mais il se tint résolument à l'écart de toutes les affaires d'Etat et ne permit à personne de lui en parler ; grâce à cela aucune cabale ne tenta de se frayer un chemin jusqu'à lui. Plusieurs souverains vinrent en Russie pendant que Lanskoi était le favori de l'impératrice : Joseph II, empereur d'Allemagne, Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse et Gustave III, roi de Suède. Chacun d'eux essaya d'amorcer une conversation avec Lanskoi, mais ce fut peine perdue ; ils se heurterent à une fin de non-recevoir polie mais ferme. Pour une entrevue avec Gustave III, l'impératrice avait emmené Lanskoi en Finlande ou le roi vint la rejoindre. Catherine trouvait que son royal cousin n'avait rien à lui dire et l'avait dérangée bien inutilement, mais il tenait à créer l'impression qu'il discutait avec elle des questions de la plus haute importance et s'enfermait avec elle pour d'interminables tête à tête, aussi chargea t-elle Lanskoi d'inventer des prétextes pour venir interrompre les entretiens.
Malgré cette attitude du nouveau favori, par laquelle il s'excluait du vaste champ des devoirs qui remplissaient la vie de Catherine, il découvrit d'emblée une autre sphère d'intérêts qui le rapprochait d'elle. Quoique n'ayant reçu qu'une éducation rudimentaire, il avait beaucoup de goût naturel, un amour inné des Beaux-Arts et un vif désir de s'instruire. Catherine trouva en lui un élève bien doué et ce fut pour elle un plaisir réel de s'occuper à développer ses talents. Il était devenu son compagnon à un moment où son goût à elle venait d'évoluer et de cristalliser sous l'influence de " l'antique ", qui était à la mode du jour.
Un architecte écossais, Cameron, après avoir fait un stage prolongé à Rome, avait remanié pour elle une aile du palais de Tsarskoe-Selo, où il avait créé un décor dans le style nouveau ; cet appartement devait rester le cadre caractéristique de Catherine jusqu'à la fin de sa vie. En 1780, on vit arriver à Saint-Petersbourg, Quarenghi, autre représentant de l'école d'artistes qui s'était formée sous l'influence des découvertes faites à Herculanum et à Pompéi, et Quarenghi a laissé une empreinte indélébile sur tout l'art russe de la fin du dix huitième siècle. Il a beaucoup travaillé pour l'impératrice Catherine et l'on peut même dire " avec elle ", car ses dessins, légués par lui aux archives de sa ville natale, Bergame, portent des annotations écrites de la main de la souveraine qui imposait à son architecte des indications de détail fort minutieuses. Cette période de son règne est également celle où Catherine faisait activement travailler Clerisseau qui prodiguait aquarelles et maquettes, lesquelles plaisaient beaucoup à l'impératrice.
Lanskoi entra au palais à un moment très favorable au développement de ses facultés ; il suivit avec un intérêt croissant le tourbillon des projets et contre-projets pour les décors que créait l'impératrice. Sur les conseils qu'il reçut d'elle, il se mit à compléter son instruction par la lecture, principalement dans le domaine de l'histoire et des belles lettres.
Catherine écrivait à Grimm : " Pour savoir ce que c'est que ce jeune homme il faut que vous sachiez le mot du prince Orlov à son sujet à un de ses amis : " Oh ! dit-il , vous verrez quel homme elle en fera ! Cela gloutonne tout. "
" Il a commencé par gloutonner les poètes et les poèmes dans un hiver ; plusieurs historiens dans un autre ; les romans nous ennuient et nous gobons le goût dans Algarotti et consorts. "
A suivre !
" Dès l'abord Lanskoi adopta une ligne de conduite dont il ne se departit jamais ; non seulement il ne s'occupa point de politique, mais il se tint résolument à l'écart de toutes les affaires d'Etat et ne permit à personne de lui en parler ; grâce à cela aucune cabale ne tenta de se frayer un chemin jusqu'à lui. Plusieurs souverains vinrent en Russie pendant que Lanskoi était le favori de l'impératrice : Joseph II, empereur d'Allemagne, Frédéric-Guillaume II, roi de Prusse et Gustave III, roi de Suède. Chacun d'eux essaya d'amorcer une conversation avec Lanskoi, mais ce fut peine perdue ; ils se heurterent à une fin de non-recevoir polie mais ferme. Pour une entrevue avec Gustave III, l'impératrice avait emmené Lanskoi en Finlande ou le roi vint la rejoindre. Catherine trouvait que son royal cousin n'avait rien à lui dire et l'avait dérangée bien inutilement, mais il tenait à créer l'impression qu'il discutait avec elle des questions de la plus haute importance et s'enfermait avec elle pour d'interminables tête à tête, aussi chargea t-elle Lanskoi d'inventer des prétextes pour venir interrompre les entretiens.
Malgré cette attitude du nouveau favori, par laquelle il s'excluait du vaste champ des devoirs qui remplissaient la vie de Catherine, il découvrit d'emblée une autre sphère d'intérêts qui le rapprochait d'elle. Quoique n'ayant reçu qu'une éducation rudimentaire, il avait beaucoup de goût naturel, un amour inné des Beaux-Arts et un vif désir de s'instruire. Catherine trouva en lui un élève bien doué et ce fut pour elle un plaisir réel de s'occuper à développer ses talents. Il était devenu son compagnon à un moment où son goût à elle venait d'évoluer et de cristalliser sous l'influence de " l'antique ", qui était à la mode du jour.
Un architecte écossais, Cameron, après avoir fait un stage prolongé à Rome, avait remanié pour elle une aile du palais de Tsarskoe-Selo, où il avait créé un décor dans le style nouveau ; cet appartement devait rester le cadre caractéristique de Catherine jusqu'à la fin de sa vie. En 1780, on vit arriver à Saint-Petersbourg, Quarenghi, autre représentant de l'école d'artistes qui s'était formée sous l'influence des découvertes faites à Herculanum et à Pompéi, et Quarenghi a laissé une empreinte indélébile sur tout l'art russe de la fin du dix huitième siècle. Il a beaucoup travaillé pour l'impératrice Catherine et l'on peut même dire " avec elle ", car ses dessins, légués par lui aux archives de sa ville natale, Bergame, portent des annotations écrites de la main de la souveraine qui imposait à son architecte des indications de détail fort minutieuses. Cette période de son règne est également celle où Catherine faisait activement travailler Clerisseau qui prodiguait aquarelles et maquettes, lesquelles plaisaient beaucoup à l'impératrice.
Lanskoi entra au palais à un moment très favorable au développement de ses facultés ; il suivit avec un intérêt croissant le tourbillon des projets et contre-projets pour les décors que créait l'impératrice. Sur les conseils qu'il reçut d'elle, il se mit à compléter son instruction par la lecture, principalement dans le domaine de l'histoire et des belles lettres.
Catherine écrivait à Grimm : " Pour savoir ce que c'est que ce jeune homme il faut que vous sachiez le mot du prince Orlov à son sujet à un de ses amis : " Oh ! dit-il , vous verrez quel homme elle en fera ! Cela gloutonne tout. "
" Il a commencé par gloutonner les poètes et les poèmes dans un hiver ; plusieurs historiens dans un autre ; les romans nous ennuient et nous gobons le goût dans Algarotti et consorts. "
A suivre !
Dominique Poulin- Messages : 7013
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Les amants de Catherine II
Grand merci, cher Dominique, de nous avoir tapé tout ce long extrait .
C'est vraiment gentil à vous !
Landskoi avait donc des qualités qu'il eût pu cultiver si la mort ne l'avait pas fauché si jeune .
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Mme de Sabran- Messages : 55510
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les amants de Catherine II
Je reprends le chapitre consacré à Lanskoi de Alexandre Polovtsoff : Les Favoris de Catherine La Grande.
Mais avant d'en arriver là (cette lettre est de juin 1782), tout n'avait pas marché sans encombres.
Presque un an et demi après le début de sa faveur, Lanskoi faillit en voir la fin.
L'impératrice paraissait ne plus apprécier sa société et un rival surgit que beaucoup de gens s'attendaient à voir remplacer Lanskoi. C'était un officier de marine, Alexandre Mordvinov. Fils d'un amiral, il était l'aîné d'une nombreuse famille, dont tous les garçons étaient élevés pour servir dans la flotte. Son frère, Nicolas, devint un amiral célèbre et joua un rôle important dans l'histoire de la marine russe. Alexandre Mordvinov ( 1753-1832 ) n'aimait pas ce métier et ne put jamais surmonter son horreur du mal de mer. Il semble qu'il ait su profiter de son court moment d'intimité avec l'impératrice pour passer dans la diplomatie ; car dès septembre 1781, il est nommé chargé d'affaires à Gênes, puis ministre plénipotentiaire dans la même ville. Trois ans plus tard, il est transféré à Venise, où il reste jusqu'en 1800, époque où un brusque édit de Paul 1er mit fin à sa carrière.
Au printemps de 1781, pendant plusieurs semaines, le sort des deux jeunes gens, Mordvinov et Lanskoi, resta en suspens ; mais Lanskoi se désespérait si sincèrement que Catherine n'était plus là même à son endroit, et il s'en plaignait d'une façon si touchante, qu'elle se rendit compte à quel point elle serait injuste et cruelle en rompant avec lui. Mordvinov resta en termes amicaux avec son rival ; une lettre de lui, écrite après la mort de Lanskoi, mentionne une promesse que celui-ci lui avait faite de veiller après le départ de Mordvinov à ce qu'il ne fut pas lésé par les bureaux de certains avantages d'ancienneté lors de son passage du service de la Marine à celui des Affaires étrangères. En Italie, Mordvinov s'eprit de peinture et acheta des tableaux anciens.
Après qu'il eut cédé sa place à Lanskoi, l'affection de Catherine pour celui-ci ne fit que croître et le favori, reconnaissant, lui fournit en toutes choses des preuves d'un dévouement absolu, si absolu avouait-elle, que de sa vie elle n'en n'avait pas rencontré de pareil. Elle parle souvent de Lanskoi dans ses lettres à Grimm : " Il a un sentiment exquis, dit-elle une fois, et la grande raison et la justice ne lui échappent jamais. "
Dès l'abord, l'impératrice avait mis Grimm en rapports avec le nouveau favori en lui demandant de s'occuper du frère puîné de celui-ci. Âgé seulement de dix-sept ans, ce jeune homme avait été envoyé faire ses études à Dresde, mais s'etait enfui de là à Paris avec une donzelle du nom de Lenchen. Lanskoi dépêcha un de ses cousins pour ramener le fugitif.
Cette aventure fut cause que Lanskoi écrivit directement à Grimm et Catherine l'encouragea à poursuivre et à soutenir cette correspondance, mais comme le jeune homme n'écrivait pas assez facilement le français, elle voulu jouer auprès de lui le rôle de secrétaire, autrement dit c'était elle qui écrivait les lettres et Lanskoi qui les signait. "
A suivre !
Mais avant d'en arriver là (cette lettre est de juin 1782), tout n'avait pas marché sans encombres.
Presque un an et demi après le début de sa faveur, Lanskoi faillit en voir la fin.
L'impératrice paraissait ne plus apprécier sa société et un rival surgit que beaucoup de gens s'attendaient à voir remplacer Lanskoi. C'était un officier de marine, Alexandre Mordvinov. Fils d'un amiral, il était l'aîné d'une nombreuse famille, dont tous les garçons étaient élevés pour servir dans la flotte. Son frère, Nicolas, devint un amiral célèbre et joua un rôle important dans l'histoire de la marine russe. Alexandre Mordvinov ( 1753-1832 ) n'aimait pas ce métier et ne put jamais surmonter son horreur du mal de mer. Il semble qu'il ait su profiter de son court moment d'intimité avec l'impératrice pour passer dans la diplomatie ; car dès septembre 1781, il est nommé chargé d'affaires à Gênes, puis ministre plénipotentiaire dans la même ville. Trois ans plus tard, il est transféré à Venise, où il reste jusqu'en 1800, époque où un brusque édit de Paul 1er mit fin à sa carrière.
Au printemps de 1781, pendant plusieurs semaines, le sort des deux jeunes gens, Mordvinov et Lanskoi, resta en suspens ; mais Lanskoi se désespérait si sincèrement que Catherine n'était plus là même à son endroit, et il s'en plaignait d'une façon si touchante, qu'elle se rendit compte à quel point elle serait injuste et cruelle en rompant avec lui. Mordvinov resta en termes amicaux avec son rival ; une lettre de lui, écrite après la mort de Lanskoi, mentionne une promesse que celui-ci lui avait faite de veiller après le départ de Mordvinov à ce qu'il ne fut pas lésé par les bureaux de certains avantages d'ancienneté lors de son passage du service de la Marine à celui des Affaires étrangères. En Italie, Mordvinov s'eprit de peinture et acheta des tableaux anciens.
Après qu'il eut cédé sa place à Lanskoi, l'affection de Catherine pour celui-ci ne fit que croître et le favori, reconnaissant, lui fournit en toutes choses des preuves d'un dévouement absolu, si absolu avouait-elle, que de sa vie elle n'en n'avait pas rencontré de pareil. Elle parle souvent de Lanskoi dans ses lettres à Grimm : " Il a un sentiment exquis, dit-elle une fois, et la grande raison et la justice ne lui échappent jamais. "
Dès l'abord, l'impératrice avait mis Grimm en rapports avec le nouveau favori en lui demandant de s'occuper du frère puîné de celui-ci. Âgé seulement de dix-sept ans, ce jeune homme avait été envoyé faire ses études à Dresde, mais s'etait enfui de là à Paris avec une donzelle du nom de Lenchen. Lanskoi dépêcha un de ses cousins pour ramener le fugitif.
Cette aventure fut cause que Lanskoi écrivit directement à Grimm et Catherine l'encouragea à poursuivre et à soutenir cette correspondance, mais comme le jeune homme n'écrivait pas assez facilement le français, elle voulu jouer auprès de lui le rôle de secrétaire, autrement dit c'était elle qui écrivait les lettres et Lanskoi qui les signait. "
A suivre !
Dominique Poulin- Messages : 7013
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Re: Les amants de Catherine II
Oh, mais c'est qu'il est attachant, ce petit Lanskoi . Voilà que je me prends d'affection pour lui .
Au contraire, Catherine, quel coeur d'artichaut !!!
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Mme de Sabran- Messages : 55510
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Re: Les amants de Catherine II
... et l'on ne se gênait pas, à la Cour même de Catherine, pour railler sa boulimie amoureuse.
Le chevalier de Corberon tend l'oreille :
Il y a eu des propos de la princesse Galitzin-Engelhardt sur l'Impératrice, dont elle a dit qu'elle étoit assez vieille pour se passer d'amour. Ces propos ont été racontés par Tolstoï, créature ingrate du prince; ils ont piqué comme de raison la grande dame , et l'ou croit que les Galitzin seront envoyés sur leurs terres, sans que Potemkin le puisse empêcher.
Le prince Potemkin a cédé à l'orage qui gronde sur la tète des Galitzin, et leur départ pour leurs terres est sûr; il est fixé à mercredi matin. La princesse, convaincue des propos qu'elle a tenus contre l'Impératrice, ne les a pas niés; elle en est convenue, en disant qu'on ne lui donneroit pas le knout pour une vérité qu'elle s'étoit permise.
( Journal intime du chevalier de Corberon )
J'imagine sans peine que cette matrone n'avait pas sa langue dans sa poche !
Varvara Galitzine (née Engelhardt), by Giovanni Battista Ortolani Damon
(State Hermitage Museum )
Le chevalier de Corberon tend l'oreille :
Il y a eu des propos de la princesse Galitzin-Engelhardt sur l'Impératrice, dont elle a dit qu'elle étoit assez vieille pour se passer d'amour. Ces propos ont été racontés par Tolstoï, créature ingrate du prince; ils ont piqué comme de raison la grande dame , et l'ou croit que les Galitzin seront envoyés sur leurs terres, sans que Potemkin le puisse empêcher.
Le prince Potemkin a cédé à l'orage qui gronde sur la tète des Galitzin, et leur départ pour leurs terres est sûr; il est fixé à mercredi matin. La princesse, convaincue des propos qu'elle a tenus contre l'Impératrice, ne les a pas niés; elle en est convenue, en disant qu'on ne lui donneroit pas le knout pour une vérité qu'elle s'étoit permise.
( Journal intime du chevalier de Corberon )
J'imagine sans peine que cette matrone n'avait pas sa langue dans sa poche !
Varvara Galitzine (née Engelhardt), by Giovanni Battista Ortolani Damon
(State Hermitage Museum )
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Mme de Sabran- Messages : 55510
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les amants de Catherine II
Toujours avec Lanskoi sous la plume de Alexandre Polovtsoff :
" Grimm n'avait jamais vu Lanskoi, aussi Catherine à travers ses plaisanteries tâchait-elle d'en tracer le portrait pour son vieil ami. Celui-ci était son agent pour l'acquisition d'œuvres d'art et c'est justement cette branche là de son activité qui intéressait surtout le nouveau favori.
Dans une de ses lettres elle dit :
" Je fais chercher en Sibérie et partout des pierres pour les camées, mais justement mes recherches et celles du général Lanskoi, très décidé amateur et très chaud rechercheur de pierres à camées, ont été vaines. "
Lanskoi aimait la société des gens cultivés et dans une autre lettre, Catherine, en parlant du ministre de Naples à Saint-Petersbourg, duc de San-Nicolo, dit de lui : " Il est devenu l'ami intime du général Lanskoi ; quand il sort, il l'enferme dans sa bibliothèque pour le retrouver quand il rentre. "
Lanskoi avait beaucoup de discrétion et de tact ; il détestait les intrigues et ne se mêlait jamais de ce qui ne le regardait pas. Il savait adoucir les rapports de l'impératrice avec son fils le grand-duc Paul dont elle était à l'ordinaire mécontente.
Bien plus tard, Lanskoi n'étant plus en vie, Bezborodko, le comparant à Mamonov, qu'il n'aimait pas, disait :
" Quoique Lanskoi n'eut pas bon caractère, c'était néanmoins un véritable ange ; il avait des amis ; il ne s'efforçait pas de nuire à son prochain sans but déterminé et souvent même il tacha de venir en aide à des gens. " Il n'avait pas une bonne santé et en 1783, à la suite d'une chute de cheval, souffrit beaucoup pendant longtemps de douleurs à la poitrine.
A propos de lui, Catherine parle souvent à Grimm d'objets d'art. Ainsi en décembre 1782, elle lui écrit : " Encore une fois cette tête de Greuze est très convoitée par le général Lanskoi ; si vous lui en procurez une copie miniature en email, il sautera comme un daim et ses couleurs, toujours très belles, en deviendront encore plus vives, et ses yeux, qui sans cela ressemblent à deux torches, jetteront des étincelles. "
Puis encore : " Le général Lanskoi vous prépare un ballot à lui qui emplira un coin de votre appartement. Bromton est mort sans avoir achevé le portrait commencé. Mais vous verrez que le choix du général Lanskoi n'est pas mauvais. Dieu sait où il a été déterrer cela : il rode dans tous les ateliers tous les matins et il a des souffres-douleur à lui qu'il fait travailler comme des forçats ; je crois qu'il y en a dans ma galerie plus d'une demi-douzaine qu'il fait enrager tous les jours.
Si Brompton mourut sans avoir achevé le portrait de Lanskoi, celui-ci fort heureusement s'adressa à Levitsky ; ce peintre exécuta le grand portrait reproduit en tête de ce chapitre, qui est une de ses œuvres particulièrement réussies.
Un autre jour, l'impératrice écrit à Grimm : " La plaque en émail que vous promettez et la lettre que vous avez écrite au général Lanskoi lui ont fait grand plaisir ; il dit toujours qu'il n'a rien à vous envoyer. Il faut le laisser faire, mais ce qu'il y a de sûr, c'est que vos lettres sont un grand régal pour lui et qu'il n'a rien de plus pressé que de venir me les montrer. " Dans la même lettre, elle mentionne que Lanskoi a fait une silhouette d'elle et que ce profil fut utilisé à la Monnaie pour la frappe de roubles d'un nouveau modèle.
Lanskoi était devenu un véritable collectionneur et l'impératrice lui fournissait les moyens de satisfaire sa passion.
Nommé chambellan en 1780 pendant le voyage de Catherine dans la Russie blanche, il devint ensuite général aide de camp, lieutenant aux chevaliers-garde et finalement lieutenant général. Il ne se lia jamais avec personne et ne recherchait que la société de l'impératrice. Il ne tenta jamais de faire la fortune d'aucun membre de sa famille, et ce fut Catherine qui, d'elle même, donna à chacune de ses sœurs, le chiffre de demoiselle d'honneur. Lanskoi possédait une maison à Saint-Petersbourg, une autre à Tsarskoe-Selo et des terres dans différentes provinces.
Enfin Catherine était amoureuse en amour. Son partenaire était l'amoureux parfait, ne s'occupant que d'elle et avec cela toujours gai, toujours prêt à rire du côté comique des choses. "
A suivre !
" Grimm n'avait jamais vu Lanskoi, aussi Catherine à travers ses plaisanteries tâchait-elle d'en tracer le portrait pour son vieil ami. Celui-ci était son agent pour l'acquisition d'œuvres d'art et c'est justement cette branche là de son activité qui intéressait surtout le nouveau favori.
Dans une de ses lettres elle dit :
" Je fais chercher en Sibérie et partout des pierres pour les camées, mais justement mes recherches et celles du général Lanskoi, très décidé amateur et très chaud rechercheur de pierres à camées, ont été vaines. "
Lanskoi aimait la société des gens cultivés et dans une autre lettre, Catherine, en parlant du ministre de Naples à Saint-Petersbourg, duc de San-Nicolo, dit de lui : " Il est devenu l'ami intime du général Lanskoi ; quand il sort, il l'enferme dans sa bibliothèque pour le retrouver quand il rentre. "
Lanskoi avait beaucoup de discrétion et de tact ; il détestait les intrigues et ne se mêlait jamais de ce qui ne le regardait pas. Il savait adoucir les rapports de l'impératrice avec son fils le grand-duc Paul dont elle était à l'ordinaire mécontente.
Bien plus tard, Lanskoi n'étant plus en vie, Bezborodko, le comparant à Mamonov, qu'il n'aimait pas, disait :
" Quoique Lanskoi n'eut pas bon caractère, c'était néanmoins un véritable ange ; il avait des amis ; il ne s'efforçait pas de nuire à son prochain sans but déterminé et souvent même il tacha de venir en aide à des gens. " Il n'avait pas une bonne santé et en 1783, à la suite d'une chute de cheval, souffrit beaucoup pendant longtemps de douleurs à la poitrine.
A propos de lui, Catherine parle souvent à Grimm d'objets d'art. Ainsi en décembre 1782, elle lui écrit : " Encore une fois cette tête de Greuze est très convoitée par le général Lanskoi ; si vous lui en procurez une copie miniature en email, il sautera comme un daim et ses couleurs, toujours très belles, en deviendront encore plus vives, et ses yeux, qui sans cela ressemblent à deux torches, jetteront des étincelles. "
Puis encore : " Le général Lanskoi vous prépare un ballot à lui qui emplira un coin de votre appartement. Bromton est mort sans avoir achevé le portrait commencé. Mais vous verrez que le choix du général Lanskoi n'est pas mauvais. Dieu sait où il a été déterrer cela : il rode dans tous les ateliers tous les matins et il a des souffres-douleur à lui qu'il fait travailler comme des forçats ; je crois qu'il y en a dans ma galerie plus d'une demi-douzaine qu'il fait enrager tous les jours.
Si Brompton mourut sans avoir achevé le portrait de Lanskoi, celui-ci fort heureusement s'adressa à Levitsky ; ce peintre exécuta le grand portrait reproduit en tête de ce chapitre, qui est une de ses œuvres particulièrement réussies.
Un autre jour, l'impératrice écrit à Grimm : " La plaque en émail que vous promettez et la lettre que vous avez écrite au général Lanskoi lui ont fait grand plaisir ; il dit toujours qu'il n'a rien à vous envoyer. Il faut le laisser faire, mais ce qu'il y a de sûr, c'est que vos lettres sont un grand régal pour lui et qu'il n'a rien de plus pressé que de venir me les montrer. " Dans la même lettre, elle mentionne que Lanskoi a fait une silhouette d'elle et que ce profil fut utilisé à la Monnaie pour la frappe de roubles d'un nouveau modèle.
Lanskoi était devenu un véritable collectionneur et l'impératrice lui fournissait les moyens de satisfaire sa passion.
Nommé chambellan en 1780 pendant le voyage de Catherine dans la Russie blanche, il devint ensuite général aide de camp, lieutenant aux chevaliers-garde et finalement lieutenant général. Il ne se lia jamais avec personne et ne recherchait que la société de l'impératrice. Il ne tenta jamais de faire la fortune d'aucun membre de sa famille, et ce fut Catherine qui, d'elle même, donna à chacune de ses sœurs, le chiffre de demoiselle d'honneur. Lanskoi possédait une maison à Saint-Petersbourg, une autre à Tsarskoe-Selo et des terres dans différentes provinces.
Enfin Catherine était amoureuse en amour. Son partenaire était l'amoureux parfait, ne s'occupant que d'elle et avec cela toujours gai, toujours prêt à rire du côté comique des choses. "
A suivre !
Dominique Poulin- Messages : 7013
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Les amants de Catherine II
Qu'entendez-vous, Domi, par Catherine était amoureuse en amour ? ... que Catherine était sensuelle et insatiable ?
Ou bien que Catherine était, de plus, sincèrement amoureuse ?
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Mme de Sabran- Messages : 55510
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Re: Les amants de Catherine II
Ha, Eléonore qu'en sais-je ? C'est Alexandre Polovtsoff que je cite.
Je pense qu'elle aimait sincèrement Alexandre Lanskoi ; elle était amoureuse de lui. Vous verrez sous peu lors de sa disparition, qu'elle éprouva un chagrin immense. Les deux amants avaient l'amour du beau et des beaux arts et Lanskoi à n'en pas douter régénérait la maturité de l'impératrice.
A t-il été heureux ? dans une certaine mesure oui, dans l'autre je ne pense pas. C'est Catherine qui l'a associé à sa vie, mais partager l'intimité des sens de l'impératrice signifiait n'être qu'à elle, sans espoir d'aimer ailleurs, sous peine de perdre la faveur impériale. Certains favoris en firent l'expérience, ils furent priés de faire leurs bagages comme Mamonov en 1788 qui s'était épris d'une de ses demoiselles d'honneur. Ceci dit, elle était clémente, toutes les richesses accumulées leur étaient conservées, ce qui n'est pas rien !
Je pense qu'elle aimait sincèrement Alexandre Lanskoi ; elle était amoureuse de lui. Vous verrez sous peu lors de sa disparition, qu'elle éprouva un chagrin immense. Les deux amants avaient l'amour du beau et des beaux arts et Lanskoi à n'en pas douter régénérait la maturité de l'impératrice.
A t-il été heureux ? dans une certaine mesure oui, dans l'autre je ne pense pas. C'est Catherine qui l'a associé à sa vie, mais partager l'intimité des sens de l'impératrice signifiait n'être qu'à elle, sans espoir d'aimer ailleurs, sous peine de perdre la faveur impériale. Certains favoris en firent l'expérience, ils furent priés de faire leurs bagages comme Mamonov en 1788 qui s'était épris d'une de ses demoiselles d'honneur. Ceci dit, elle était clémente, toutes les richesses accumulées leur étaient conservées, ce qui n'est pas rien !
Dominique Poulin- Messages : 7013
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Les amants de Catherine II
C'était rompre avec élégance, en effet .
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Mme de Sabran- Messages : 55510
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les amants de Catherine II
La suite de notre récit consacré à Lanskoi sous la plume de Alexandre Polovtsoff :
" Hélas ! C'était trop beau pour durer ! Le 19 juin 1784, Lanskoi se plaignit d'un mal de gorge qui empira rapidement malgré les soins de plusieurs médecins, et six jours plus tard il était mort, apparemment d'une diphtérie.
Le désespoir de Catherine ne connut pas de bornes. Le 2 juillet, elle écrivait à Grimm :
" Lorsque je commençais cette lettre, j'étais dans le bonheur et la joie et mes journée se passaient si rapidement que je ne savais ce qu'elles devenaient. Il n'en ai plus de même : je suis plongée dans la douleur la plus vive et mon bonheur n'est plus ; j'ai pensé moi-même mourir de la perte irréparable que je viens de faire il y a huit jours de mon meilleur ami.
J'espérais qu'il deviendrait l'ami de ma vieillesse ; il s'appliquait, il profitait, il avait tous mes goûts ; c'était un jeune homme que j'elevais, qui était reconnaissant, doux et honnête, qui partageait mes peinés quand j'en avais et qui se réjouissait de mes joies ; en un mot, en sanglotant, j'ai le malheur de vous dire que le général Lanskoi n'est plus ! Une fièvre maligne accompagnée d'esquinancie l'a emporté en cinq jours au tombeau et ma chambre, si agréable pour moi ci-devant est devenue un antre vide dans lequel je me traîne à peine comme une ombre ; un mal de gorge m'a gagné la veille de sa mort avec une fièvre de cheval ; cependant depuis hier je suis hors du lit, mais faible et si douloureusement affectée, qu'à l'heure qu'il est je ne puis voir face humaine sans que les sanglots ne m'otent la parole ; je ne puis ni dormir, ni manger, la lecture m'ennuie et l'écriture excède mes forces ; je ne sais ce qui adviendra de moi, mais ce que je sais c'est que de ma vie je n'ai été si malheureuse que depuis que mon meilleur et aimable ami m'a ainsi abandonnée. J'ai ouvert mon tiroir ; j'ai trouvé cette feuille commencée, j'ai tracé ces lignes, mais aussi je n'en puis plus. "
Catherine, enfermée dans son appartement, ne voulait voir personne et Bezborodko écrivit à Potemkine, qui était dans le Midi, de revenir au plus vite. Le 10 juillet, il était déjà là, et il fit ce qu'il put pour distraire l'impératrice, mais la seule vue de Tsarskoe-Selo d'ou Lanskoi venait de disparaitre lui était odieuse. Elle s''enfuit d'abord à Peterhof, emmenant avec elle l'une des sœurs du défunt. Mais elle détestait Peterhof, et bientôt elle rentra à Tsarskoe-Selo, d'ou elle se transporta le 5 septembre au Palais d'Hiver.
Le 8, la fête de la Nativité de la Sainte-Vierge, il y eut comme à l'ordinaire les jours de fête, " sortie " à la Cour, c'est à dire que la souveraine alla en procession à la chapelle du palais, puis tint un cercle après la messe. C'était la première fois que Catherine se montrait en public depuis la mort de Lanskoi et, le lendemain, elle écrivait à Grimm :
Je vous avoue que tout ce temps, j'étais hors d'état de vous écrire parce je savais que cela nous ferait souffrir tous les deux. Huit jours après, que je vous eus écrit, ma lettre du mois de juillet, me sont venus le comte Fédor Orloff et le prince Potemkine. Jusqu'à ce moment, je n'avais pu supporter face humaine ; ceux ci s'y sont pris de bonne manière : ils se sont mis à hurler avec moi , et alors je me suis sentie à mon aise avec eux, mais il y avait bien du chemin à faire, et à force de sensibilité, j'étais devenue un être insensible à tout, excepté à la seule douleur ; celle-ci augmentait et s'alimentait à chaque pas et à chaque parole. Cependant, n'allez pas croire que malgré l'horreur de cette situation, j'aie négligé la moindre des choses ou mon attention était nécessaire ; dans les moments les plus affreux, on me demandait des ordres pour tout et je les donnais bien, avec ordre et intelligence. Plus de deux mois se sont passés dans aucune espèce de relâche ; enfin sont venus quelques intervalles, premièrement d'heures plus calmes, puis de journées. La saison avançant et decevant humide, il a fallu chauffer les appartements de Tsarskoe-Selo ; les miens se sont mis à fumer, mais avec une telle violence que le 5 septembre, au soir, n'ayant plus ou donner de la tête, j'ai fait venir un carrosse, et suis venue à l'improviste et sans que personne s'en doute, ici, en ville, où j'ai débarqué à l'Ermitage, et hier pour la première fois, j'ai été à la messe et par conséquent pour la première fois aussi, j'ai vu tout le monde et tout le monde m'a vue, mais en vérité, c'est un si grand effort, qu'en revenant dans ma chambre, j'en ai senti un tel abattement que tout autre que moi s'en serait évanouie, chose que de ma vie ne m'est arrivée. "
Dans le jardin privé du palais de Tsarskoe-Selo, Catherine érigea une urne funéraire avec les mots :
" A mon plus cher ami " gravés dessus en français. Deux ans plus tard, elle fut encore aperçue pleurant devant ce monument. "
A suivre !
A travers la douloureuse disparition de Alexandre Lanskoi, fauché dans la fleur de la jeunesse, il est émouvant de lire cette correspondance entre l'impératrice et Grimm, si pleine de sentiments, si vraie. Catherine s'exprime ici comme une femme, ce n'est plus du tout la souveraine, mais l'amie qui confie ses joies et ses peines en particulière.
" Hélas ! C'était trop beau pour durer ! Le 19 juin 1784, Lanskoi se plaignit d'un mal de gorge qui empira rapidement malgré les soins de plusieurs médecins, et six jours plus tard il était mort, apparemment d'une diphtérie.
Le désespoir de Catherine ne connut pas de bornes. Le 2 juillet, elle écrivait à Grimm :
" Lorsque je commençais cette lettre, j'étais dans le bonheur et la joie et mes journée se passaient si rapidement que je ne savais ce qu'elles devenaient. Il n'en ai plus de même : je suis plongée dans la douleur la plus vive et mon bonheur n'est plus ; j'ai pensé moi-même mourir de la perte irréparable que je viens de faire il y a huit jours de mon meilleur ami.
J'espérais qu'il deviendrait l'ami de ma vieillesse ; il s'appliquait, il profitait, il avait tous mes goûts ; c'était un jeune homme que j'elevais, qui était reconnaissant, doux et honnête, qui partageait mes peinés quand j'en avais et qui se réjouissait de mes joies ; en un mot, en sanglotant, j'ai le malheur de vous dire que le général Lanskoi n'est plus ! Une fièvre maligne accompagnée d'esquinancie l'a emporté en cinq jours au tombeau et ma chambre, si agréable pour moi ci-devant est devenue un antre vide dans lequel je me traîne à peine comme une ombre ; un mal de gorge m'a gagné la veille de sa mort avec une fièvre de cheval ; cependant depuis hier je suis hors du lit, mais faible et si douloureusement affectée, qu'à l'heure qu'il est je ne puis voir face humaine sans que les sanglots ne m'otent la parole ; je ne puis ni dormir, ni manger, la lecture m'ennuie et l'écriture excède mes forces ; je ne sais ce qui adviendra de moi, mais ce que je sais c'est que de ma vie je n'ai été si malheureuse que depuis que mon meilleur et aimable ami m'a ainsi abandonnée. J'ai ouvert mon tiroir ; j'ai trouvé cette feuille commencée, j'ai tracé ces lignes, mais aussi je n'en puis plus. "
Catherine, enfermée dans son appartement, ne voulait voir personne et Bezborodko écrivit à Potemkine, qui était dans le Midi, de revenir au plus vite. Le 10 juillet, il était déjà là, et il fit ce qu'il put pour distraire l'impératrice, mais la seule vue de Tsarskoe-Selo d'ou Lanskoi venait de disparaitre lui était odieuse. Elle s''enfuit d'abord à Peterhof, emmenant avec elle l'une des sœurs du défunt. Mais elle détestait Peterhof, et bientôt elle rentra à Tsarskoe-Selo, d'ou elle se transporta le 5 septembre au Palais d'Hiver.
Le 8, la fête de la Nativité de la Sainte-Vierge, il y eut comme à l'ordinaire les jours de fête, " sortie " à la Cour, c'est à dire que la souveraine alla en procession à la chapelle du palais, puis tint un cercle après la messe. C'était la première fois que Catherine se montrait en public depuis la mort de Lanskoi et, le lendemain, elle écrivait à Grimm :
Je vous avoue que tout ce temps, j'étais hors d'état de vous écrire parce je savais que cela nous ferait souffrir tous les deux. Huit jours après, que je vous eus écrit, ma lettre du mois de juillet, me sont venus le comte Fédor Orloff et le prince Potemkine. Jusqu'à ce moment, je n'avais pu supporter face humaine ; ceux ci s'y sont pris de bonne manière : ils se sont mis à hurler avec moi , et alors je me suis sentie à mon aise avec eux, mais il y avait bien du chemin à faire, et à force de sensibilité, j'étais devenue un être insensible à tout, excepté à la seule douleur ; celle-ci augmentait et s'alimentait à chaque pas et à chaque parole. Cependant, n'allez pas croire que malgré l'horreur de cette situation, j'aie négligé la moindre des choses ou mon attention était nécessaire ; dans les moments les plus affreux, on me demandait des ordres pour tout et je les donnais bien, avec ordre et intelligence. Plus de deux mois se sont passés dans aucune espèce de relâche ; enfin sont venus quelques intervalles, premièrement d'heures plus calmes, puis de journées. La saison avançant et decevant humide, il a fallu chauffer les appartements de Tsarskoe-Selo ; les miens se sont mis à fumer, mais avec une telle violence que le 5 septembre, au soir, n'ayant plus ou donner de la tête, j'ai fait venir un carrosse, et suis venue à l'improviste et sans que personne s'en doute, ici, en ville, où j'ai débarqué à l'Ermitage, et hier pour la première fois, j'ai été à la messe et par conséquent pour la première fois aussi, j'ai vu tout le monde et tout le monde m'a vue, mais en vérité, c'est un si grand effort, qu'en revenant dans ma chambre, j'en ai senti un tel abattement que tout autre que moi s'en serait évanouie, chose que de ma vie ne m'est arrivée. "
Dans le jardin privé du palais de Tsarskoe-Selo, Catherine érigea une urne funéraire avec les mots :
" A mon plus cher ami " gravés dessus en français. Deux ans plus tard, elle fut encore aperçue pleurant devant ce monument. "
A suivre !
A travers la douloureuse disparition de Alexandre Lanskoi, fauché dans la fleur de la jeunesse, il est émouvant de lire cette correspondance entre l'impératrice et Grimm, si pleine de sentiments, si vraie. Catherine s'exprime ici comme une femme, ce n'est plus du tout la souveraine, mais l'amie qui confie ses joies et ses peines en particulière.
Dominique Poulin- Messages : 7013
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Re: Les amants de Catherine II
Merci, cher Dominique ! Quel travail vous vous donnez pour nous taper tout cela !
Oui, Catherine aimait très profondément Landkoi, peut-être même plus qu'elle n'aima aucun autre de ses amants. Son désespoir impressionne Simon Sebag Montefiore .
Catherine ne pouvait se résoudre à faire enterrer son corps . Ce ne fut fait que plus d'un mois après le décès du pauvre garçon. Comment a-t-il pu mourir si rapidement, c'est effrayant ! Le médecin ( ) impérial, Rogerson, avait lui aussi la manie des saignées ... ceci explique peut-être cela ?
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Mme de Sabran- Messages : 55510
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les amants de Catherine II
Suite de " Les Favoris de Catherine La Grande " de Alexandre Polovtsoff avec Lanskoi :
A la fin de ce même mois de septembre, l'impératrice écrivait encore à Grimm : " Je n'ai guère pu soutenir la vue du salon du matin ni de tout ce qui nous enchantant à Tsarskoe-Selo. Hier, il y a eu trois mois révolus de la malheureuse catastrophe depuis laquelle je suis devenue un être à monosyllabes... Si vous voulez savoir au juste mon état, je vous dirai que depuis hier trois mois, je suis inconsolable de la perte irréparable que j'ai faite, que l'unique mieux qu'il y a c'est qu'il y a c'est que je me suis raccoutumee aux faces humaines, que d'ailleurs le cœur me saigne comme le premier moment, que je fais mon devoir et tâche de le faire bien, mais que ma douleur est extrême, et comme je n'en ai senti de ma vie et voilà trois mois que je suis dans cette cruelle situation, souffrant comme un damné. "
Ce n'est que le 20 février qu'elle lui écrivit : " Je n'ai que faire de vous dire comment j'étais pendant ces six mois que je ne vous ai pas écrit ; vous me connaissez assez pour en juger ; ma santé y a résisté ; je ne vous écrivais pas parce qu'en vérité je n'avais rien de réjouissant à vous dire. "
A partir de ce moment, sa correspondance reprend le ton enjoué qui lui était naturel.
Cependant, un an plus tard, à l'anniversaire de la mort de Lanskoi, l'impératrice raconta encore une fois à Grimm, comment les choses s'étaient passées : " Le temps ne s'était pas arrêté ; il coulait lentement et tout était odieux et ennuyeux. Mais le prince Potemkine fut très rusé : il se glissait partout comme un chat ; quand une circonstance n'était pas favorable, il se retournait et avait toujours une autre proposition toute prête. "
Lanskoi fut enterré à Tsarskoe-Selo, au faubourg de Sophia, où il avait une maison. Sur sa tombe, l'impératrice bâtit une église, qui, selon ses intentions, devait devenir le lieu de sépulture de toute la famille Lanskoi. Cependant le favori seul y fut enseveli et aucun de ses parents ne voulut y reposer après lui, apparemment pour l'unique raison que l'autre avait été " favori ". C'est la seule fois que la réprobation de toute une famille se fit sentir envers la trop brillante situation créé par la souveraine à l'un des leurs. Tous le Lanskoi envisageaient la faveur de leur parent Alexandre comme un opprobre et, si ce parent, ne fit jamais rien pour aucun d'entre eux, peut-être est-ce parce qu'ils n'auraient pas accepté ses services. Son propre frère, Jacques Lanskoi, construisit une église dans une terre qu'il avait à Tambov ; il y fit peindre des icônes de saints avec des visages qui reproduisaient les traits des différents membres de sa famille, tandis que dans un tableau de l'Enfer, il ne se gêna pour faire figurer l'image de son propre frère brûlant du feu naturel. Peut-être Alexandre Lanskoi dissimula-t-il cette attitude des siens aux yeux de l'impératrice. Toujours est-il que le lendemain de sa mort, elle écrivit une lettre touchante à la vieille madame Lanskoi.
Se sentant mourir, Lanskoi avait fait un testament par lequel il léguait ses immeubles à l'État. Quand à la disposition de ses biens mobiliers, il s'en remettait au bon vouloir de l'impératrice. Sa fortune fut estimée entre 6 et 7 millions de roubles ; Catherine partagea cet argent entre la mère, le frère et les cinq sœurs du défunt.
Quant à sa collection, elle la racheta pour 350 000 roubles. L'acte d'évaluation s'est conservé et a été dressé comme suit :
1) Bibliothèque et estampes 33 500
2) 2418 médailles 2500
3) Intailles antiques 10 000
4) Bronzes, statues 4 252
5) Peintures, tapisseries 24 541
6) Miniatures, émaux 4815
7) Diamants, bijoux 234 000
Soit 313 508 roubles
Le magnifique portrait de Levitsky, reproduit dans ce volume, qui avait été commandé par l'impératrice, resta à l'Ermitage. L'empereur Nicolas 1er l'y trouva un demi siècle plus tard et dit en fronçant les sourcils : " Ici n'est pas sa place. " Il en fit cadeau au chef de la famille Lanskoi. Celui-ci mourut en laissant deux filles qui ne se marierent ni l'une ni l'autre. A la fin du règne de Alexandre III, le prince Alexis Lobanov, pour lors ambassadeur à Vienne, retrouva la trace de ce tableau pendant un de ces séjours à Saint-Petersbourg et s'en fut chez les deux vieilles demoiselles qui habitaient à la campagne près de Peterhof ; il leur acheta le portrait et le donna au nouveau musée d'Art russe, inauguré au début du règne de Nicolas II sous le nom de musée Alexandre III. Le tableau s'y trouve, dit-on encore.
A suivre avec un nouveau favori de Catherine II !
A la fin de ce même mois de septembre, l'impératrice écrivait encore à Grimm : " Je n'ai guère pu soutenir la vue du salon du matin ni de tout ce qui nous enchantant à Tsarskoe-Selo. Hier, il y a eu trois mois révolus de la malheureuse catastrophe depuis laquelle je suis devenue un être à monosyllabes... Si vous voulez savoir au juste mon état, je vous dirai que depuis hier trois mois, je suis inconsolable de la perte irréparable que j'ai faite, que l'unique mieux qu'il y a c'est qu'il y a c'est que je me suis raccoutumee aux faces humaines, que d'ailleurs le cœur me saigne comme le premier moment, que je fais mon devoir et tâche de le faire bien, mais que ma douleur est extrême, et comme je n'en ai senti de ma vie et voilà trois mois que je suis dans cette cruelle situation, souffrant comme un damné. "
Ce n'est que le 20 février qu'elle lui écrivit : " Je n'ai que faire de vous dire comment j'étais pendant ces six mois que je ne vous ai pas écrit ; vous me connaissez assez pour en juger ; ma santé y a résisté ; je ne vous écrivais pas parce qu'en vérité je n'avais rien de réjouissant à vous dire. "
A partir de ce moment, sa correspondance reprend le ton enjoué qui lui était naturel.
Cependant, un an plus tard, à l'anniversaire de la mort de Lanskoi, l'impératrice raconta encore une fois à Grimm, comment les choses s'étaient passées : " Le temps ne s'était pas arrêté ; il coulait lentement et tout était odieux et ennuyeux. Mais le prince Potemkine fut très rusé : il se glissait partout comme un chat ; quand une circonstance n'était pas favorable, il se retournait et avait toujours une autre proposition toute prête. "
Lanskoi fut enterré à Tsarskoe-Selo, au faubourg de Sophia, où il avait une maison. Sur sa tombe, l'impératrice bâtit une église, qui, selon ses intentions, devait devenir le lieu de sépulture de toute la famille Lanskoi. Cependant le favori seul y fut enseveli et aucun de ses parents ne voulut y reposer après lui, apparemment pour l'unique raison que l'autre avait été " favori ". C'est la seule fois que la réprobation de toute une famille se fit sentir envers la trop brillante situation créé par la souveraine à l'un des leurs. Tous le Lanskoi envisageaient la faveur de leur parent Alexandre comme un opprobre et, si ce parent, ne fit jamais rien pour aucun d'entre eux, peut-être est-ce parce qu'ils n'auraient pas accepté ses services. Son propre frère, Jacques Lanskoi, construisit une église dans une terre qu'il avait à Tambov ; il y fit peindre des icônes de saints avec des visages qui reproduisaient les traits des différents membres de sa famille, tandis que dans un tableau de l'Enfer, il ne se gêna pour faire figurer l'image de son propre frère brûlant du feu naturel. Peut-être Alexandre Lanskoi dissimula-t-il cette attitude des siens aux yeux de l'impératrice. Toujours est-il que le lendemain de sa mort, elle écrivit une lettre touchante à la vieille madame Lanskoi.
Se sentant mourir, Lanskoi avait fait un testament par lequel il léguait ses immeubles à l'État. Quand à la disposition de ses biens mobiliers, il s'en remettait au bon vouloir de l'impératrice. Sa fortune fut estimée entre 6 et 7 millions de roubles ; Catherine partagea cet argent entre la mère, le frère et les cinq sœurs du défunt.
Quant à sa collection, elle la racheta pour 350 000 roubles. L'acte d'évaluation s'est conservé et a été dressé comme suit :
1) Bibliothèque et estampes 33 500
2) 2418 médailles 2500
3) Intailles antiques 10 000
4) Bronzes, statues 4 252
5) Peintures, tapisseries 24 541
6) Miniatures, émaux 4815
7) Diamants, bijoux 234 000
Soit 313 508 roubles
Le magnifique portrait de Levitsky, reproduit dans ce volume, qui avait été commandé par l'impératrice, resta à l'Ermitage. L'empereur Nicolas 1er l'y trouva un demi siècle plus tard et dit en fronçant les sourcils : " Ici n'est pas sa place. " Il en fit cadeau au chef de la famille Lanskoi. Celui-ci mourut en laissant deux filles qui ne se marierent ni l'une ni l'autre. A la fin du règne de Alexandre III, le prince Alexis Lobanov, pour lors ambassadeur à Vienne, retrouva la trace de ce tableau pendant un de ces séjours à Saint-Petersbourg et s'en fut chez les deux vieilles demoiselles qui habitaient à la campagne près de Peterhof ; il leur acheta le portrait et le donna au nouveau musée d'Art russe, inauguré au début du règne de Nicolas II sous le nom de musée Alexandre III. Le tableau s'y trouve, dit-on encore.
A suivre avec un nouveau favori de Catherine II !
Dominique Poulin- Messages : 7013
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Les amants de Catherine II
Merci, mon cher Dominique, c'est tout à fait passionnant !
Dominique Poulin a écrit:
A suivre avec un nouveau favori de Catherine II !
Eh oui, que voulez-vous ! Comme dit la sagesse populaire : " un clou chasse l'autre ".
Catherine ne sera pas éternellement inconsolable, et tant mieux, après tout ! Du moins avait-elle été profondément sincère, ça compte. Mais quelles que fussent les qualités réelles de Lanskoi, il figure comme un amant parmi beaucoup d'autres sur le long palmarès amoureux de la tsarine. Est-il le seul auquel la mort aura évité la prévisible disgrâce ?
N'est-ce pas finalement là ce qui fait son exception ?
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55510
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les amants de Catherine II
Justement je me suis posé la même question et c'est effectivement le seul à ma connaissance qui soit mort pendant sa faveur.
Qui sait en effet si un jour ou l'autre, l'impératrice n'aurait pas jeté les yeux sur un autre jeune homme ? Le doute est permis.
Potemkine lui-même avait bien quitté le lit de la tsarine pour choisir les nouveaux élus ! A mon avis à l'instar de Potemkine, Catherine II était fidèle en amitié ; quant à l'amour, les désirs de la chair avaient une certaine importance dans la psychologie de Catherine, peut-être confondait-elle les deux.
Qui sait en effet si un jour ou l'autre, l'impératrice n'aurait pas jeté les yeux sur un autre jeune homme ? Le doute est permis.
Potemkine lui-même avait bien quitté le lit de la tsarine pour choisir les nouveaux élus ! A mon avis à l'instar de Potemkine, Catherine II était fidèle en amitié ; quant à l'amour, les désirs de la chair avaient une certaine importance dans la psychologie de Catherine, peut-être confondait-elle les deux.
Dominique Poulin- Messages : 7013
Date d'inscription : 02/01/2014
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