Film : Les Adieux à la Reine
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LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: Marie-Antoinette dans la culture moderne :: Cinéma, fictions et documentaires, émissions TV et radio
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Re: Film : Les Adieux à la Reine
Je regardais tranquillement des vidéos sur les reines Elizabeth II et Victoria (je continue mon histoire de la Grande-Bretagne et c'est plus facile à trouver que la Guerre des Deux Roses : ) quand YouTube me proposa ensuite :
Je n'ai pas spécialement envie de le revoir mais si certains le souhaitent, il est désormais ici.
Je n'ai pas spécialement envie de le revoir mais si certains le souhaitent, il est désormais ici.
Invité- Invité
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Merci beaucoup, Reinette, je ne l'ai jamais vu en entier !
Invité- Invité
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Ce qui est sympa, c'est que l'image présentée sur cette vidéo est une des plus belles du film. Une malheureusement trop rare... boudoi29
Invité- Invité
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Louise-Adélaïde a écrit:Merci beaucoup, Reinette, je ne l'ai jamais vu en entier !
Vous ne manquez pas grand chose ! :
Invité- Invité
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Je serais moins catégorique que toi !
Évidemment Louise-Adélaïde constatera les erreurs qui nous titillent encore, mais ce film est une belle plongée dans l'ambiance anxieuse du Versailles des débuts de la révolution... pour ne pas dire de la pré-révolution.
Benoît Jacquot est très fort pour composer ce genre d'atmosphère d'un lieu...
Bien à vous.
Évidemment Louise-Adélaïde constatera les erreurs qui nous titillent encore, mais ce film est une belle plongée dans l'ambiance anxieuse du Versailles des débuts de la révolution... pour ne pas dire de la pré-révolution.
Benoît Jacquot est très fort pour composer ce genre d'atmosphère d'un lieu...
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Hum, bon........Voilà de quoi m'intriguer....... :\\\\\\\\:
Un grand merci à tous les deux ! :\\\\\\\\:
Je vais voir si je peux me capter ça sur la belle tablette que m'a offerte mon fi-fils, le soir dans mes oreillers......
Et si ça me plaît pas, CLIC !
Un grand merci à tous les deux ! :\\\\\\\\:
Je vais voir si je peux me capter ça sur la belle tablette que m'a offerte mon fi-fils, le soir dans mes oreillers......
Et si ça me plaît pas, CLIC !
Invité- Invité
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Majesté a écrit:Je serais moins catégorique que toi !
Évidemment Louise-Adélaïde constatera les erreurs qui nous titillent encore, mais ce film est une belle plongée dans l'ambiance anxieuse du Versailles des débuts de la révolution... pour ne pas dire de la pré-révolution.
Benoît Jacquot est très fort pour composer ce genre d'atmosphère d'un lieu...
Oui, je suis d'accord que la réussite du film tient dans ces atmosphères, comme l'image justement visible sur la vidéo de Marie-Antoinette au coin du feu.
J'avais bien apprécié également la déroute des courtisans dans les couloirs de leurs nombreux appartements et la reconstitution de la "petite cour", à savoir tout ce monde de domestiques.
Mais l'intrigue principale et surtout la représentation de madame de Polignac ne m'ont pas plu du tout.
Invité- Invité
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Une chose est sûre = c'est une période très étrange et intrigante pour Versailles et les gens qui y vivent.......
Invité- Invité
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Moi non plus je n'ai pas aimé cette image de celle qu'ils appellent Gabrielle !!!!Reinette a écrit:Mais l'intrigue principale et surtout la représentation de madame de Polignac ne m'ont pas plu du tout.
Mais comme j'ai pu le dire à Benoît Jacquot, j'en suis comme exorcisé, disons soulagé :
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Le film "Les Adieux à la reine" passe ce soir sur Arte (film en cours).
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3205
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Film : Les Adieux à la Reine
en soporifique, il est magnifique
bref, non en vrai, bien aimé mais juste pour l'esthétique (costumes, atmosphère, peut-être le temps où il se déroule même si ça aurait pu être un chuia moins plat) et, éventuellement, le jeu de Diane Kruger.
mais non, le point de vue qu'il nous ont fait entre notre Reine et la duchesse de Polignac
Ma Majesté- Messages : 152
Date d'inscription : 15/09/2019
Age : 27
Localisation : Trianon
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Les deux sont réduites à leurs caricatures, même les costumes, les coiffures et les bijoux servent une imagerie grossière des personnages.
C'est d'autant plus navrant que Chantal Thomas à publié par ailleurs La reine scélérate un très bon livre sur les pamphlets.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Film : Les Adieux à la Reine
je connais pas ce roman.
que vaut Les adieux à la reine en livre ?
que vaut Les adieux à la reine en livre ?
Ma Majesté- Messages : 152
Date d'inscription : 15/09/2019
Age : 27
Localisation : Trianon
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Sautez donc dans le sujet-ci-dessous, Votre Majesté !
https://marie-antoinette.forumactif.org/t148-chantal-thomas-la-reine-scelerate-et-les-adieux-a-la-reine?highlight=adieux
https://marie-antoinette.forumactif.org/t148-chantal-thomas-la-reine-scelerate-et-les-adieux-a-la-reine?highlight=adieux
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55305
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Film : Les Adieux à la Reine
ah bon bah d'accord,
je vois le genre. cependant, pour la duchesse Yolande de Polignac, je ne connais pas assez pour pouvoir juger. vous connaissez peut être une bonne biographie sur elle ?
je suis plutôt curieuse par rapport à l'autre ouvrage de Chantal Thomas concernant notre Reine (la reine scélérate) , d'après ce que vous en dites.
je vois le genre. cependant, pour la duchesse Yolande de Polignac, je ne connais pas assez pour pouvoir juger. vous connaissez peut être une bonne biographie sur elle ?
je suis plutôt curieuse par rapport à l'autre ouvrage de Chantal Thomas concernant notre Reine (la reine scélérate) , d'après ce que vous en dites.
Ma Majesté- Messages : 152
Date d'inscription : 15/09/2019
Age : 27
Localisation : Trianon
Re: Film : Les Adieux à la Reine
La Reine scélérate, Marie-Antoinette dans les pamphlets de Chantal Thomas, est une analyse très fouillée et documentée, émaillée de beaucoup d'extraits, des pamphlets orduriers et politiques qui ont sali Marie-Antoinette pendant toute la durée du règne et de la Révolution, et de leur influence désastreuse .
Vous le trouverez très facilement en librairie .
Vous le trouverez très facilement en librairie .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55305
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Film : Les Adieux à la Reine
je parlais plutôt d'une biographie concernant la duchesse de Polignac mais je prends en note quant à la reine scélérate .
Ma Majesté- Messages : 152
Date d'inscription : 15/09/2019
Age : 27
Localisation : Trianon
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Alors je vous conseille la meilleure :
Gouverneur Morris- Messages : 11706
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Merci bien pour le conseil, gouverneur !
Ma Majesté- Messages : 152
Date d'inscription : 15/09/2019
Age : 27
Localisation : Trianon
"Les adieux à la Reine" de Benoît Jacquot, 2012
"Les adieux à la Reine" de Benoît Jacquot, 2012
Curieux film que ce "Les adieux à la Reine", présenté comme un drame historique classique, mais dont la trame historique réelle et sérieuse ne se situe que dans les rares interventions de Louis XVI et in fine dans le destin de Sidonie Laborde. Car, avant d'être un drame historique, l'oeuvre de Benoît Jacquot est surtout une histoire d'amour lesbienne présentée d'un point de vue iconoclaste, ce qui n'a pas été assez soulevé par la critique, doublée d'une présentation quasi-pamphlétaire de Marie-Antoinette (et également de la Duchesse de Polignac).
Je parlerai plus tard du point de vue historique pour d'abord me concentrer sur les deux autres aspects beaucoup plus essentiels quant à la critique de ce film.
Comme je l'ai écrit le film de Jacquot nous présente une histoire d'amour lesbienne qu'il faut maintenant analyser.
La trame proposée est assez simple et peut être résumée ainsi : Sidonie Laborde est amoureuse de Marie-Antoinette qui, elle, est amoureuse de Gabrielle de Polignac, qui, elle, n'aime qu'elle-même !
Nous ne savons rien de Sidonie si ce n'est qu'elle est la lectrice de la Reine et qu'elle sait broder. Son passé (et son futur) ne nous sera révélé qu'in fine. Il s'agit d'un personnage de fiction, mais nous verrons, que dans l'esprit de l'oeuvre, il prend sa carnation dans tous les oubliés de l'Histoire...mais nous en parlerons plus tard. Sidonie n'a pas d'amoureux, pas d'amant (il s'en faut de peu...nous y reviendrons), elle ne semble désireuse que d'être auprès de la Reine (elle reste lectrice car brodeuse elle ne la verrait plus), ce qu'elle veut présenter comme du dévouement. Jacob-Nicolas Moreau (Michel Robin) n'en est pas dupe, lui confiant que ce qu'elle interprète comme du dévouement n'est autre que de l'amour. Quelle est la qualité de cet amour ? Veut-il être empreint de charnalité ? C'est toute la question et le glissement progressif du film...cependant, l'une des premières scènes lève assez rapidement cette équivoque : Sidonie lit à Marie-Antoinette du Marivaux, mais ne peut s'empêcher de se gratter le bras à cause des démangeaisons que lui provoquent les piqûres de moustiques...le fait-elle exprès ? Inconsciemment, sans doute mais la réaction désirée ne se fait point attendre quand Marie-Antoinette, constatant ceci, s'empresse de soigner ces démangeaisons avec de l'huile de bois de rose...et cette caresse du bras par l'être aimé, ce seul contact physique entre les deux [jusqu'au baiser final (de la mort ?)], qui entraîne le contentement de Sidonie, comme le prouve l'expression de son visage en quittant la chambre de la Reine, nous emmène sur le chemin thématique du film qui est avant tout celui d'une double possession amoureuse, érotique ou possiblement érotique, charnelle mais aussi désincarnée.
Car on ne peut ici parler que de possession, possession du coeur, possession de l'esprit. Sidonie est possédée par Marie-Antoinette, en son coeur et en son esprit , et comme l'a écrit Jean-Luc Lacuve, "Sidonie aime tant qu'elle ne se préoccupe pas de savoir si elle aime", et comme toute possédée elle ne se rend pas compte de cette possession, sa culture des livres ne lui permettant pas de s'imprégner suffisamment de la connaissance d'elle-même, car comme l'écrit encore Jean-Luc Lacuve, "Le plus de connaissance possible laisse en creux l'ignorance la plus absolue sur soi-même", et nous verrons que cette ignorance la perdra. Sidonie est déjà perdue, car appartenant à l'objet de son affection, elle ne s'appartient plus elle-même : tous ses transferts charnels ne peuvent alors être vus qu'à travers cette notion-même de transfert ! Désire-t-elle vraiment faire l'amour avec le gondolier Paolo, ou n'accepte-t-elle que cet acte charnel car la rumeur court que la Duchesse de Polignac s'est offerte à lui, et n'est-ce pas par transfert, de la peau de Marie-Antoinette qu'elle veut s'imprégner, à travers la peau de Paolo, qui a été "épousée" par la Duchesse de Polignac, qui serait elle-même l'amante de la Reine ? De cet abandon, ne veut-elle pas voir naître une impossible réunion, en son corps et celui de Marie-Antoinette ? Sans doute, car dès qu'elle apprend que la Reine la cherche, elle abandonne Paolo et ce qui n'aurait été alors qu'un pis-aller, un marchandage ! De même, quand elle observe à la lumière de la bougie, le corps nu et offert à la vue de Gabrielle de Polignac, qu'y voit-t-elle, la tentation de la charnalité, l'image de son désir ou ce corps dont on dit que la Reine a fait sien, et dont elle voudrait que ce fût le SIEN ?
L'amour non partagé de Sidonie ne l'est pas car Marie-Antoinette ne l'aime pas d'une part et ne peut pas l'aimer en raison de la condition de Sidonie (ce qui conduit à la dimension pamphlétaire de l'oeuvre). Cette première possession est celle de l'abandon et de la destruction, la personnalité de Sidonie disparaissant dans cet amour et également son existence entière (le dernier dialogue : "je ne serai plus rien").
Cette possession se double d'une deuxième possession, celle de Marie-Antoinette par Gabrielle de Polignac. Celle-ci n'est pas de même nature. Jacquot ne cesse de semer le trouble sur la nature réelle de cette relation, parfois présentée de manière platonique et interrogative comme dans la scène où Marie-Antoinette demande à Sidonie si elle sait ce que c'est d'éprouver une attirance violente pour une femme, où Marie-Antoinette semble elle-même découvrir la force du sentiment qui l'unit à Gabrielle de Polignac, parfois pleine de désir refréné et contenu comme dans ce face-à-face sensuel devant la Cour entière ou alanguies comme deux amantes sur un sofa ! Cet amour a-t-il été consommé ? Jacquot se garde de répondre affirmativement en une assertion définitive, mais sème le trouble devant une Marie-Antoinette en plein désarroi qui quémande la présence de sa Gabrielle en pleine nuit ! Gabrielle de Polignac occupe-t-elle l'esprit et le coeur de la Reine, ou a-t-elle également possédé son corps ? Tout doute est permis, et est peut-être levé par le jeu incarné et possessif de Virginie Ledoyen (loin de la douceur vantée de la Duchesse de Polignac), prédatrice (sexuelle ?) sûre d'elle-même et de sa séduction qui nous amène à nous poser cette question : si Marie-Antoinette est possédée, ne peut-elle l'être que de la beauté de la Duchesse ou n'est-ce pas plutôt en raison des faveurs charnelles accordées ? Le doute toujours : Marie-Antoinette ne s'interroge-t-elle pas sur la réalité de cet amour, car il a d'abord été précédé par la charnalité de deux amantes ? Impossible de trancher. Jacquot ne laisse aucun doute que sur un point : Gabrielle de Polignac n'est pas amoureuse de la Reine, car rien dans son attitude ne le laisse transparaître jusqu'à son départ sans émotion, aucune, et si faveurs charnelles, il y a eu, ce n'est que par ambition et intérêt.
Ce "triangle amoureux" compliqué (y compris par d'autres affects : Paolo semble être l'amant de Gabrielle, manque d'être celui de Sidonie, on nous parle des amants de la Reine ce qui n’est pas contredit à ce moment-là par Madame Campan) peut apparaître étrangement contemporain !
Mais ceci ouvre également une autre porte thématique d’analyse. Mme de Sabran a écrit sur ce forum que le film était baigné dans "un halo saphique" (très belle expression d’ailleurs). Ce qui me fait penser et écrire que l'histoire de possession que nous narre ici Jacquot trouve aussi ses sources non avouées dans la littérature classique fantastique et le cinéma fantastique.
Car c'est là que le film de Jacquot s'avère le plus iconoclaste : comment le lecteur, le cinéphile, le cinéphage empreint de "cinéma cinéma", peut-il ignorer le territoire où s'aventure le film de Jacquot, où nous entraîne cette histoire de possession amoureuse lesbienne ? Ne s'agit-il pas ici d'analyser le contenu vampirique de l'oeuvre de Jacquot : car après tout n'est-ce pas cela de dont il s'agit ici ? Celle d'une possession "vampirique", d'une Sidonie "vampirisée" par Marie-Antoinette, d'une Marie-Antoinette "vampirisée" par Gabrielle ? Comment ne pas penser au "Carmilla" de Sheridan Le Fanu, ce roman de 1872, où Laura, possédée par Carmilla, se laisse aimer par elle, ce qui la tue lentement ?
Tant de plans du film s'orientent en ce sens , tant d'allusions vampiriques : Sidonie rongée par les piqûres de moustiques comme par celles d'un vampire, les piqûres (morsures) calmées par sa possessrice, ce monde de Versailles envahi par les rats, ce monde de la nuit que semble habiter Marie-Antoinette enchanteresse devant sa cheminée, l'errance de Sidonie dans les couloirs éclairés de faiblardes bougies, la "descente" dans la chambre (la crypte) de Gabrielle où elle contemple l'endormie, la lumière sépulcrale qui accompagne ses réveils ou sa nudité devant la Reine, sa disparition dans la nuit qui enveloppe le carrosse ou l'impossible renoncement à son sacrifice qui ne peut qu'évoquer celui de Mina dans le "Dracula" de Francis Ford Coppola.
Le cinéphile-cinéphage ne peut voir qu'éléments de comparaison, entre l'oeuvre de Jacquot et certaines perles cinéphiliques, qui parlent de possession amoureuse lesbienne vampirique, tels les films de Harry Kümel ("Les Lèvres rouges"), de Roy Ward Baker ("The vampire lovers") ou bien de Jess Franco ("Vampyros lesbos").
Cet emprunt est-il inconscient ou secrètement revendiqué ? Impossible de le déterminer ! Un indice pourrait cependant nous être fourni par le premier choix de Jacquot quant au rôle de Marie-Antoinette, qui devait au départ échoir à Eva Green, qui ne put faire le film car elle tournait "Dark shadows" sous la direction de Tim Burton. Choisir l'égérie du cinéma fantastique (et par ailleurs actrice remarquable certainement supérieure dans sa qualité de jeu à Diane Kruger) est un aveu en soi. Il suffit de voir des photos d'Eva Green en blonde dans "Dark shadows" pour se convaincre du choix artistique initial de Jacquot.
Une analyse de l'interprétation ne peut que nous conforter dans ce choix artistique, non revendiqué mais dont la dialectique est une sorte de parcours fléché pour cinéphiles.
Léa Seydoux campe une Sidonie tendre, émotive, par essence victime, laissée en proie à un Versailles tentaculaire et à un monde qui s'écroule. Son amour pour la Reine semble devoir être son guide dans ce brouillard de la Révolution. Dans sa blancheur de teint et sa féminité empreinte de délicatesse elle apparaît telle une héroïne perdue dans un monde gothique fantastique, qui finira victime sacrificielle.
Diane Kruger incarne une Marie-Antoinette qui apparaît en premier lieu comme une héroïne frivole un peu perdue, mais dont le tempérament carnassier se fera de plus en plus jour, totalement consciente de la possession et de l'emprise qu'elle exerce sur Sidonie, mielleuse et fielleuse, qui demandera le sacrifice de Sidonie grâce à ce pouvoir "amoureux" qu'elle peut exercer et aussi par vengeance et souci d'humiliation lié au départ de son aimée (son amante ?). Reine dominatrice ici mais également reine "vampire" qui contrôle l'esprit de Sidonie.
Virginie Ledoyen interprète une Gabrielle de Polignac (10 ans avant, elle aurait pu jouer le rôle de Sidonie), tout empreinte de fierté et de morgue. Aucune douceur dans son attitude, son personnage étant dépeint comme une prédatrice sexuelle. Crainte plus qu'admirée, elle apparaît aux yeux de la Cour comme celle qui a "vampirisé" la Reine.
Cette dimension "fantastique" va entraîner le film dans sa deuxième thématique, celle d'un pamphlet contre Marie-Antoinette et la Duchesse de Polignac.
Difficile de comprendre comment l'auteure de "La reine scélérate" a pu jouer dans ce film (certes inspiré de son roman) à charge contre Marie-Antoinette, son sujet-même et sa thématique étant directement le sujet de certains pamphlets.
Car en effet la dimension pamphlétaire de l’œuvre de Jacquot ne peut que saisir l’esprit tant le portrait ici brossé de la Reine semble ici poussé dans ce paroxysme : Marie-Antoinette est dépeinte comme une frivole paresseuse, mielleuse et faussement gentille avec une bonté de façade. Elle est ici égoïste, dépensière, capricieuse, ingrate, maniaco-dépressive, hystérique, collectionneuse d’amants, lesbienne à la folie…ici semble réuni le florilège de toutes les vilenies pamphlétaires révolutionnaires !
Entendons-nous bien ! Je n’ai aucun problème moral avec le fait qu’une femme soit lesbienne ou bisexuelle ! Si demain, des historiens nous apportent la preuve que Marie-Antoinette a éprouvé des sentiments amoureux pour la Duchesse de Polignac et/ou qu’elle a entretenu des relations charnelles avec elle, cela ne me posera aucun problème !
Mais pour l’instant, ceci n’a pas été démontré historiquement. Et ce qui me pose problème, ce qui me gêne, c’est que ce thème puisse servir de base à un film historique qui se veut sérieux, sans prise d’aucune distance, notamment par un carton ou une démonstration de mise en scène.
Voir une Marie-Antoinette totalement en proie à l’hystérie vouloir dessertir tous ses bijoux, ou décider en proie à sa transe lesbienne d’être prête à envoyer Sidonie à mort, tout en l’humiliant au passage en la forçant à se dévêtir devant elle peut laisser interloqué le spectateur devant ce spectacle dans un film français qui se veut vêtu d’une caution historique ? Est-ce plus louable que la vision de Sofia Coppola ? Je ne crois pas.
Dans cette scène finale, repose ainsi tout le climax, l’acmé, l’apogée de la thématique du film !
Poussée par les évènements de la Révolution (et donc le peuple), Marie-Antoinette ne peut plus avoir à ses côtés l’objet de son affection (ne peut plus la posséder physiquement parlant ?), sa Gabrielle, elle décide donc de l’exiler, ce qui nécessite une vengeance…elle sait, ne peut ignorer, qu’elle possède le cœur et l’esprit de Sidonie, qu’elle l’a « vampirisée »…elle demande donc à disposer de sa vie, comme son pouvoir (et sa classe) l’exige…Sidonie, en victime sacrificielle de par son amour et son statut de possédée (et de par sa classe) n’a pas le choix et ne peut qu’accepter…mais Marie-Antoinette, en plus du devoir va ajouter l’humiliation en forçant Sidonie à se dévêtir devant elle, à se présenter nue devant elle, dont elle sait intimement que c’était là le désir de Sidonie, mais qu’en la forçant ainsi à le faire, hors de tout lien charnel, elle va humilier cet amour, ce désir et Sidonie elle-même, renvoyer Sidonie à sa classe, jusqu'à son anéantissement, possible quant à sa vie, certain quant à son existence. C’est là tout le sens du dialogue final : Sidonie, fille du peuple, sans naissance, n’existait que dans son amour pour la Reine et parce que possédée par elle, éloignée, sans ça, elle n’est plus rien : "Bientôt, je serai loin de Versailles ; bientôt je ne serai plus rien."
Car telle est la thématique du film de Jacquot et sa revendication pamphlétaire : Marie-Antoinette incarne ici le monstre froid et désincarné qui habite sa classe. Le parallèle avec Louis XVI ne fait que renforcer ce côté pamphlétaire : un Roi humain, non violent, habité du sens du dialogue et du devoir et qui ne veut pas fuir ses responsabilités. Marie-Antoinette est ici une sorte de reine « vampire » qui se sert de ceux qu’elle a vampirisés. Son vampirisme est évidemment, dans l’esprit de ce film un vampirisme de classe ! Une scène, en contrepoint, illustre ce propos ! Quand Sidonie se pare des atours de Gabrielle, toute la mise en scène de Jacquot est là pour nous montrer que tout se joue alors dans ce rapport de classes : en Duchesse de Polignac, Sidonie laisse éclater toute sa grâce et sa beauté, comme nimbée dans un halo, à l’inverse, Gabrielle, habillée en servante, laisse apparaître ce qu’elle est avant tout, une créature sexuelle vulgaire sans aucune grâce, que seule la naissance a habillé de son pouvoir maléfique à séduire ! Le baiser de Marie-Antoinette à Sidonie peut ainsi donner lieu à une double interprétation! Il illustre d'une part la possession latente qui réunit encore Marie-Antoinette à Gabrielle mais aussi un transfert de classe : Sidonie, parée des atours de Gabrielle, peut maintenant, par ce transfert (provisoire et éphémère) de classe, recueillir le baiser de Marie-Antoinette, baiser dont le prix sera sa possible mort et son anéantissement social et existentiel.
Dans ce propos, peu importe que le personnage de Sidonie Laborde n’ait pas existé. Aux yeux du réalisateur, elle devient l’incarnation de tous les oubliés de l’Histoire, en proie à un impossible désir, à un impossible rêve, à une impossible quête, les fantômes perdus d’un théâtre d’ombres.
Alors que faut-il penser de ce film au final ?
L’amateur d’histoire n’y pourra jeter qu’un regard au moins interrogatif, voire réprobateur ! Le film prend tant de libertés avec l’Histoire qu’il est difficile de le juger sereinement sur ce point. Même sa thématique de classe, intéressante il est vrai, aurait été mieux servie à travers un autre personnage historique (ou imaginaire) qui s’y serait mieux prêté que Marie-Antoinette. De ce point de vue, le film n’est pas loin d’être inutile ou du moins de le paraître.
Le cinéphile-cinéphage sera plus troublé par cette histoire de possession amoureuse qui recèle de beaux moments de passion comme l’a décrit notamment Jean-Luc Lacuve quand il écrit : « Difficile d'oublier ici les moments où Sidonie, chandelier à la main, dévoile de l'autre le corps de Gabrielle de Polignac en soulevant le drap qui la recouvrait à peine », mais ces moments épars ne sauraient se mesurer au trouble cinématographique que constituent les œuvres précédemment citées. Difficile de ne pas rêver à ce qu’aurait donné une adaptation de « Carmilla » avec la même Léa Seydoux et Eva Green, tourné à la place de ce film-là. Un tel film aurait pu y baigner dans les mêmes volutes, sans avoir à se servir des perpétuels mêmes fantômes qui agitent toujours les mêmes oriflammes, où l’esprit se perd, celui de la légende noire de Marie-Antoinette.
Dommage…
Curieux film que ce "Les adieux à la Reine", présenté comme un drame historique classique, mais dont la trame historique réelle et sérieuse ne se situe que dans les rares interventions de Louis XVI et in fine dans le destin de Sidonie Laborde. Car, avant d'être un drame historique, l'oeuvre de Benoît Jacquot est surtout une histoire d'amour lesbienne présentée d'un point de vue iconoclaste, ce qui n'a pas été assez soulevé par la critique, doublée d'une présentation quasi-pamphlétaire de Marie-Antoinette (et également de la Duchesse de Polignac).
Je parlerai plus tard du point de vue historique pour d'abord me concentrer sur les deux autres aspects beaucoup plus essentiels quant à la critique de ce film.
Comme je l'ai écrit le film de Jacquot nous présente une histoire d'amour lesbienne qu'il faut maintenant analyser.
La trame proposée est assez simple et peut être résumée ainsi : Sidonie Laborde est amoureuse de Marie-Antoinette qui, elle, est amoureuse de Gabrielle de Polignac, qui, elle, n'aime qu'elle-même !
Nous ne savons rien de Sidonie si ce n'est qu'elle est la lectrice de la Reine et qu'elle sait broder. Son passé (et son futur) ne nous sera révélé qu'in fine. Il s'agit d'un personnage de fiction, mais nous verrons, que dans l'esprit de l'oeuvre, il prend sa carnation dans tous les oubliés de l'Histoire...mais nous en parlerons plus tard. Sidonie n'a pas d'amoureux, pas d'amant (il s'en faut de peu...nous y reviendrons), elle ne semble désireuse que d'être auprès de la Reine (elle reste lectrice car brodeuse elle ne la verrait plus), ce qu'elle veut présenter comme du dévouement. Jacob-Nicolas Moreau (Michel Robin) n'en est pas dupe, lui confiant que ce qu'elle interprète comme du dévouement n'est autre que de l'amour. Quelle est la qualité de cet amour ? Veut-il être empreint de charnalité ? C'est toute la question et le glissement progressif du film...cependant, l'une des premières scènes lève assez rapidement cette équivoque : Sidonie lit à Marie-Antoinette du Marivaux, mais ne peut s'empêcher de se gratter le bras à cause des démangeaisons que lui provoquent les piqûres de moustiques...le fait-elle exprès ? Inconsciemment, sans doute mais la réaction désirée ne se fait point attendre quand Marie-Antoinette, constatant ceci, s'empresse de soigner ces démangeaisons avec de l'huile de bois de rose...et cette caresse du bras par l'être aimé, ce seul contact physique entre les deux [jusqu'au baiser final (de la mort ?)], qui entraîne le contentement de Sidonie, comme le prouve l'expression de son visage en quittant la chambre de la Reine, nous emmène sur le chemin thématique du film qui est avant tout celui d'une double possession amoureuse, érotique ou possiblement érotique, charnelle mais aussi désincarnée.
Car on ne peut ici parler que de possession, possession du coeur, possession de l'esprit. Sidonie est possédée par Marie-Antoinette, en son coeur et en son esprit , et comme l'a écrit Jean-Luc Lacuve, "Sidonie aime tant qu'elle ne se préoccupe pas de savoir si elle aime", et comme toute possédée elle ne se rend pas compte de cette possession, sa culture des livres ne lui permettant pas de s'imprégner suffisamment de la connaissance d'elle-même, car comme l'écrit encore Jean-Luc Lacuve, "Le plus de connaissance possible laisse en creux l'ignorance la plus absolue sur soi-même", et nous verrons que cette ignorance la perdra. Sidonie est déjà perdue, car appartenant à l'objet de son affection, elle ne s'appartient plus elle-même : tous ses transferts charnels ne peuvent alors être vus qu'à travers cette notion-même de transfert ! Désire-t-elle vraiment faire l'amour avec le gondolier Paolo, ou n'accepte-t-elle que cet acte charnel car la rumeur court que la Duchesse de Polignac s'est offerte à lui, et n'est-ce pas par transfert, de la peau de Marie-Antoinette qu'elle veut s'imprégner, à travers la peau de Paolo, qui a été "épousée" par la Duchesse de Polignac, qui serait elle-même l'amante de la Reine ? De cet abandon, ne veut-elle pas voir naître une impossible réunion, en son corps et celui de Marie-Antoinette ? Sans doute, car dès qu'elle apprend que la Reine la cherche, elle abandonne Paolo et ce qui n'aurait été alors qu'un pis-aller, un marchandage ! De même, quand elle observe à la lumière de la bougie, le corps nu et offert à la vue de Gabrielle de Polignac, qu'y voit-t-elle, la tentation de la charnalité, l'image de son désir ou ce corps dont on dit que la Reine a fait sien, et dont elle voudrait que ce fût le SIEN ?
L'amour non partagé de Sidonie ne l'est pas car Marie-Antoinette ne l'aime pas d'une part et ne peut pas l'aimer en raison de la condition de Sidonie (ce qui conduit à la dimension pamphlétaire de l'oeuvre). Cette première possession est celle de l'abandon et de la destruction, la personnalité de Sidonie disparaissant dans cet amour et également son existence entière (le dernier dialogue : "je ne serai plus rien").
Cette possession se double d'une deuxième possession, celle de Marie-Antoinette par Gabrielle de Polignac. Celle-ci n'est pas de même nature. Jacquot ne cesse de semer le trouble sur la nature réelle de cette relation, parfois présentée de manière platonique et interrogative comme dans la scène où Marie-Antoinette demande à Sidonie si elle sait ce que c'est d'éprouver une attirance violente pour une femme, où Marie-Antoinette semble elle-même découvrir la force du sentiment qui l'unit à Gabrielle de Polignac, parfois pleine de désir refréné et contenu comme dans ce face-à-face sensuel devant la Cour entière ou alanguies comme deux amantes sur un sofa ! Cet amour a-t-il été consommé ? Jacquot se garde de répondre affirmativement en une assertion définitive, mais sème le trouble devant une Marie-Antoinette en plein désarroi qui quémande la présence de sa Gabrielle en pleine nuit ! Gabrielle de Polignac occupe-t-elle l'esprit et le coeur de la Reine, ou a-t-elle également possédé son corps ? Tout doute est permis, et est peut-être levé par le jeu incarné et possessif de Virginie Ledoyen (loin de la douceur vantée de la Duchesse de Polignac), prédatrice (sexuelle ?) sûre d'elle-même et de sa séduction qui nous amène à nous poser cette question : si Marie-Antoinette est possédée, ne peut-elle l'être que de la beauté de la Duchesse ou n'est-ce pas plutôt en raison des faveurs charnelles accordées ? Le doute toujours : Marie-Antoinette ne s'interroge-t-elle pas sur la réalité de cet amour, car il a d'abord été précédé par la charnalité de deux amantes ? Impossible de trancher. Jacquot ne laisse aucun doute que sur un point : Gabrielle de Polignac n'est pas amoureuse de la Reine, car rien dans son attitude ne le laisse transparaître jusqu'à son départ sans émotion, aucune, et si faveurs charnelles, il y a eu, ce n'est que par ambition et intérêt.
Ce "triangle amoureux" compliqué (y compris par d'autres affects : Paolo semble être l'amant de Gabrielle, manque d'être celui de Sidonie, on nous parle des amants de la Reine ce qui n’est pas contredit à ce moment-là par Madame Campan) peut apparaître étrangement contemporain !
Mais ceci ouvre également une autre porte thématique d’analyse. Mme de Sabran a écrit sur ce forum que le film était baigné dans "un halo saphique" (très belle expression d’ailleurs). Ce qui me fait penser et écrire que l'histoire de possession que nous narre ici Jacquot trouve aussi ses sources non avouées dans la littérature classique fantastique et le cinéma fantastique.
Car c'est là que le film de Jacquot s'avère le plus iconoclaste : comment le lecteur, le cinéphile, le cinéphage empreint de "cinéma cinéma", peut-il ignorer le territoire où s'aventure le film de Jacquot, où nous entraîne cette histoire de possession amoureuse lesbienne ? Ne s'agit-il pas ici d'analyser le contenu vampirique de l'oeuvre de Jacquot : car après tout n'est-ce pas cela de dont il s'agit ici ? Celle d'une possession "vampirique", d'une Sidonie "vampirisée" par Marie-Antoinette, d'une Marie-Antoinette "vampirisée" par Gabrielle ? Comment ne pas penser au "Carmilla" de Sheridan Le Fanu, ce roman de 1872, où Laura, possédée par Carmilla, se laisse aimer par elle, ce qui la tue lentement ?
Tant de plans du film s'orientent en ce sens , tant d'allusions vampiriques : Sidonie rongée par les piqûres de moustiques comme par celles d'un vampire, les piqûres (morsures) calmées par sa possessrice, ce monde de Versailles envahi par les rats, ce monde de la nuit que semble habiter Marie-Antoinette enchanteresse devant sa cheminée, l'errance de Sidonie dans les couloirs éclairés de faiblardes bougies, la "descente" dans la chambre (la crypte) de Gabrielle où elle contemple l'endormie, la lumière sépulcrale qui accompagne ses réveils ou sa nudité devant la Reine, sa disparition dans la nuit qui enveloppe le carrosse ou l'impossible renoncement à son sacrifice qui ne peut qu'évoquer celui de Mina dans le "Dracula" de Francis Ford Coppola.
Le cinéphile-cinéphage ne peut voir qu'éléments de comparaison, entre l'oeuvre de Jacquot et certaines perles cinéphiliques, qui parlent de possession amoureuse lesbienne vampirique, tels les films de Harry Kümel ("Les Lèvres rouges"), de Roy Ward Baker ("The vampire lovers") ou bien de Jess Franco ("Vampyros lesbos").
Cet emprunt est-il inconscient ou secrètement revendiqué ? Impossible de le déterminer ! Un indice pourrait cependant nous être fourni par le premier choix de Jacquot quant au rôle de Marie-Antoinette, qui devait au départ échoir à Eva Green, qui ne put faire le film car elle tournait "Dark shadows" sous la direction de Tim Burton. Choisir l'égérie du cinéma fantastique (et par ailleurs actrice remarquable certainement supérieure dans sa qualité de jeu à Diane Kruger) est un aveu en soi. Il suffit de voir des photos d'Eva Green en blonde dans "Dark shadows" pour se convaincre du choix artistique initial de Jacquot.
Une analyse de l'interprétation ne peut que nous conforter dans ce choix artistique, non revendiqué mais dont la dialectique est une sorte de parcours fléché pour cinéphiles.
Léa Seydoux campe une Sidonie tendre, émotive, par essence victime, laissée en proie à un Versailles tentaculaire et à un monde qui s'écroule. Son amour pour la Reine semble devoir être son guide dans ce brouillard de la Révolution. Dans sa blancheur de teint et sa féminité empreinte de délicatesse elle apparaît telle une héroïne perdue dans un monde gothique fantastique, qui finira victime sacrificielle.
Diane Kruger incarne une Marie-Antoinette qui apparaît en premier lieu comme une héroïne frivole un peu perdue, mais dont le tempérament carnassier se fera de plus en plus jour, totalement consciente de la possession et de l'emprise qu'elle exerce sur Sidonie, mielleuse et fielleuse, qui demandera le sacrifice de Sidonie grâce à ce pouvoir "amoureux" qu'elle peut exercer et aussi par vengeance et souci d'humiliation lié au départ de son aimée (son amante ?). Reine dominatrice ici mais également reine "vampire" qui contrôle l'esprit de Sidonie.
Virginie Ledoyen interprète une Gabrielle de Polignac (10 ans avant, elle aurait pu jouer le rôle de Sidonie), tout empreinte de fierté et de morgue. Aucune douceur dans son attitude, son personnage étant dépeint comme une prédatrice sexuelle. Crainte plus qu'admirée, elle apparaît aux yeux de la Cour comme celle qui a "vampirisé" la Reine.
Cette dimension "fantastique" va entraîner le film dans sa deuxième thématique, celle d'un pamphlet contre Marie-Antoinette et la Duchesse de Polignac.
Difficile de comprendre comment l'auteure de "La reine scélérate" a pu jouer dans ce film (certes inspiré de son roman) à charge contre Marie-Antoinette, son sujet-même et sa thématique étant directement le sujet de certains pamphlets.
Car en effet la dimension pamphlétaire de l’œuvre de Jacquot ne peut que saisir l’esprit tant le portrait ici brossé de la Reine semble ici poussé dans ce paroxysme : Marie-Antoinette est dépeinte comme une frivole paresseuse, mielleuse et faussement gentille avec une bonté de façade. Elle est ici égoïste, dépensière, capricieuse, ingrate, maniaco-dépressive, hystérique, collectionneuse d’amants, lesbienne à la folie…ici semble réuni le florilège de toutes les vilenies pamphlétaires révolutionnaires !
Entendons-nous bien ! Je n’ai aucun problème moral avec le fait qu’une femme soit lesbienne ou bisexuelle ! Si demain, des historiens nous apportent la preuve que Marie-Antoinette a éprouvé des sentiments amoureux pour la Duchesse de Polignac et/ou qu’elle a entretenu des relations charnelles avec elle, cela ne me posera aucun problème !
Mais pour l’instant, ceci n’a pas été démontré historiquement. Et ce qui me pose problème, ce qui me gêne, c’est que ce thème puisse servir de base à un film historique qui se veut sérieux, sans prise d’aucune distance, notamment par un carton ou une démonstration de mise en scène.
Voir une Marie-Antoinette totalement en proie à l’hystérie vouloir dessertir tous ses bijoux, ou décider en proie à sa transe lesbienne d’être prête à envoyer Sidonie à mort, tout en l’humiliant au passage en la forçant à se dévêtir devant elle peut laisser interloqué le spectateur devant ce spectacle dans un film français qui se veut vêtu d’une caution historique ? Est-ce plus louable que la vision de Sofia Coppola ? Je ne crois pas.
Dans cette scène finale, repose ainsi tout le climax, l’acmé, l’apogée de la thématique du film !
Poussée par les évènements de la Révolution (et donc le peuple), Marie-Antoinette ne peut plus avoir à ses côtés l’objet de son affection (ne peut plus la posséder physiquement parlant ?), sa Gabrielle, elle décide donc de l’exiler, ce qui nécessite une vengeance…elle sait, ne peut ignorer, qu’elle possède le cœur et l’esprit de Sidonie, qu’elle l’a « vampirisée »…elle demande donc à disposer de sa vie, comme son pouvoir (et sa classe) l’exige…Sidonie, en victime sacrificielle de par son amour et son statut de possédée (et de par sa classe) n’a pas le choix et ne peut qu’accepter…mais Marie-Antoinette, en plus du devoir va ajouter l’humiliation en forçant Sidonie à se dévêtir devant elle, à se présenter nue devant elle, dont elle sait intimement que c’était là le désir de Sidonie, mais qu’en la forçant ainsi à le faire, hors de tout lien charnel, elle va humilier cet amour, ce désir et Sidonie elle-même, renvoyer Sidonie à sa classe, jusqu'à son anéantissement, possible quant à sa vie, certain quant à son existence. C’est là tout le sens du dialogue final : Sidonie, fille du peuple, sans naissance, n’existait que dans son amour pour la Reine et parce que possédée par elle, éloignée, sans ça, elle n’est plus rien : "Bientôt, je serai loin de Versailles ; bientôt je ne serai plus rien."
Car telle est la thématique du film de Jacquot et sa revendication pamphlétaire : Marie-Antoinette incarne ici le monstre froid et désincarné qui habite sa classe. Le parallèle avec Louis XVI ne fait que renforcer ce côté pamphlétaire : un Roi humain, non violent, habité du sens du dialogue et du devoir et qui ne veut pas fuir ses responsabilités. Marie-Antoinette est ici une sorte de reine « vampire » qui se sert de ceux qu’elle a vampirisés. Son vampirisme est évidemment, dans l’esprit de ce film un vampirisme de classe ! Une scène, en contrepoint, illustre ce propos ! Quand Sidonie se pare des atours de Gabrielle, toute la mise en scène de Jacquot est là pour nous montrer que tout se joue alors dans ce rapport de classes : en Duchesse de Polignac, Sidonie laisse éclater toute sa grâce et sa beauté, comme nimbée dans un halo, à l’inverse, Gabrielle, habillée en servante, laisse apparaître ce qu’elle est avant tout, une créature sexuelle vulgaire sans aucune grâce, que seule la naissance a habillé de son pouvoir maléfique à séduire ! Le baiser de Marie-Antoinette à Sidonie peut ainsi donner lieu à une double interprétation! Il illustre d'une part la possession latente qui réunit encore Marie-Antoinette à Gabrielle mais aussi un transfert de classe : Sidonie, parée des atours de Gabrielle, peut maintenant, par ce transfert (provisoire et éphémère) de classe, recueillir le baiser de Marie-Antoinette, baiser dont le prix sera sa possible mort et son anéantissement social et existentiel.
Dans ce propos, peu importe que le personnage de Sidonie Laborde n’ait pas existé. Aux yeux du réalisateur, elle devient l’incarnation de tous les oubliés de l’Histoire, en proie à un impossible désir, à un impossible rêve, à une impossible quête, les fantômes perdus d’un théâtre d’ombres.
Alors que faut-il penser de ce film au final ?
L’amateur d’histoire n’y pourra jeter qu’un regard au moins interrogatif, voire réprobateur ! Le film prend tant de libertés avec l’Histoire qu’il est difficile de le juger sereinement sur ce point. Même sa thématique de classe, intéressante il est vrai, aurait été mieux servie à travers un autre personnage historique (ou imaginaire) qui s’y serait mieux prêté que Marie-Antoinette. De ce point de vue, le film n’est pas loin d’être inutile ou du moins de le paraître.
Le cinéphile-cinéphage sera plus troublé par cette histoire de possession amoureuse qui recèle de beaux moments de passion comme l’a décrit notamment Jean-Luc Lacuve quand il écrit : « Difficile d'oublier ici les moments où Sidonie, chandelier à la main, dévoile de l'autre le corps de Gabrielle de Polignac en soulevant le drap qui la recouvrait à peine », mais ces moments épars ne sauraient se mesurer au trouble cinématographique que constituent les œuvres précédemment citées. Difficile de ne pas rêver à ce qu’aurait donné une adaptation de « Carmilla » avec la même Léa Seydoux et Eva Green, tourné à la place de ce film-là. Un tel film aurait pu y baigner dans les mêmes volutes, sans avoir à se servir des perpétuels mêmes fantômes qui agitent toujours les mêmes oriflammes, où l’esprit se perd, celui de la légende noire de Marie-Antoinette.
Dommage…
Re: Film : Les Adieux à la Reine
Je vous remercie pour cette critique du film de Jacquot tiré du roman ( que je ne qualifierais certainement pas d'historique ) de Chantal Thomas. Je suis entièrement d'accord avec vous, exception faite des références que vous nous proposez à d'autres films que je ne connais nullement. Cependant, votre parallèle entre la reine et la duchesse assoiffées de sang et les vampires est conforme en tous points à l'esprit des pamphlets, je pense particulièrement aux Imitateurs de Charles IX. Ces dames vampirisent la Nation.
Quant aux fantasmes saphiques des pourfendeurs de Marie-Antoinette, assortis de cruauté, j'ai déjà dit maintes fois mon sentiment là-dessus. C'est glauque à souhait, cela ne peut que plaire à tous les esprits tordus.
Certains font mieux encore : ils misent sur ces prétendues amours et leur prêtent une oreille complaisante parce que l'épouvantail Fersen ( ) s'en trouve écarté, rejeté dans l'ombre . Exit Fersen . Ouf !
C'en est perturbant . Et l'on se demande vraiment à quelles fins ?
Quant aux fantasmes saphiques des pourfendeurs de Marie-Antoinette, assortis de cruauté, j'ai déjà dit maintes fois mon sentiment là-dessus. C'est glauque à souhait, cela ne peut que plaire à tous les esprits tordus.
Certains font mieux encore : ils misent sur ces prétendues amours et leur prêtent une oreille complaisante parce que l'épouvantail Fersen ( ) s'en trouve écarté, rejeté dans l'ombre . Exit Fersen . Ouf !
Je ne vous le fais pas dire ... Vous résumez ma pensée .Eddy2000 a écrit:Difficile de comprendre comment l'auteure de "La reine scélérate" a pu jouer dans ce film (certes inspiré de son roman) à charge contre Marie-Antoinette, son sujet-même et sa thématique étant directement le sujet de certains pamphlets.
Car en effet la dimension pamphlétaire de l’œuvre de Jacquot ne peut que saisir l’esprit tant le portrait ici brossé de la Reine semble ici poussé dans ce paroxysme : Marie-Antoinette est dépeinte comme une frivole paresseuse, mielleuse et faussement gentille avec une bonté de façade. Elle est ici égoïste, dépensière, capricieuse, ingrate, maniaco-dépressive, hystérique, collectionneuse d’amants, lesbienne à la folie…ici semble réuni le florilège de toutes les vilenies pamphlétaires révolutionnaires !
C'en est perturbant . Et l'on se demande vraiment à quelles fins ?
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Date d'inscription : 21/12/2013
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Re: Film : Les Adieux à la Reine
Mme de Sabran a écrit:Je vous remercie pour cette critique du film de Jacquot tiré du roman ( que je ne qualifierais certainement pas d'historique ) de Chantal Thomas. Je suis entièrement d'accord avec vous, exception faite des références que vous nous proposez à d'autres films que je ne connais nullement. Cependant, votre parallèle entre la reine et la duchesse assoiffées de sang et les vampires est conforme en tous points à l'esprit des pamphlets, je pense particulièrement aux Imitateurs de Charles IX. Ces dames vampirisent la Nation.
Quant aux fantasmes saphiques des pourfendeurs de Marie-Antoinette, assortis de cruauté, j'ai déjà dit maintes fois mon sentiment là-dessus. C'est glauque à souhait, cela ne peut que plaire à tous les esprits tordus.
Certains font mieux encore : ils misent sur ces prétendues amours et leur prêtent une oreille complaisante parce que l'épouvantail Fersen ( ) s'en trouve écarté, rejeté dans l'ombre . Exit Fersen . Ouf !Je ne vous le fais pas dire ... Vous résumez ma pensée .Eddy2000 a écrit:Difficile de comprendre comment l'auteure de "La reine scélérate" a pu jouer dans ce film (certes inspiré de son roman) à charge contre Marie-Antoinette, son sujet-même et sa thématique étant directement le sujet de certains pamphlets.
Car en effet la dimension pamphlétaire de l’œuvre de Jacquot ne peut que saisir l’esprit tant le portrait ici brossé de la Reine semble ici poussé dans ce paroxysme : Marie-Antoinette est dépeinte comme une frivole paresseuse, mielleuse et faussement gentille avec une bonté de façade. Elle est ici égoïste, dépensière, capricieuse, ingrate, maniaco-dépressive, hystérique, collectionneuse d’amants, lesbienne à la folie…ici semble réuni le florilège de toutes les vilenies pamphlétaires révolutionnaires !
C'en est perturbant . Et l'on se demande vraiment à quelles fins ?
Comme je vous l'ai dit, je suis avant tout un cinéphile ! J'avoue m'être amusé à écrire cette critique et à établir ces parallèles !
Quant au but recherché ! Le parfum de scandale, je dirais...
Re: Film : Les Adieux à la Reine
... le parfum de scandale, pour vendre ?
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Mme de Sabran- Messages : 55305
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Re: Film : Les Adieux à la Reine
Mme de Sabran a écrit:... le parfum de scandale, pour vendre ?
Oui, même si dans ce cas-ci, cela ne leur a pas profité...
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