Félicité du Crest de Saint-Aubin, comtesse de Genlis, puis marquise de Sillery

Mme de Sabran a écrit:Comme vous dites, mon cher Comte .  Mme de Genlis ne brillait pas par la modestie .
C'est ainsi qu'un jour , elle écrivit sous l'un de ses portraits:

Vertus, grâces, talents, esprit juste, enchanteur,
Elle a tout ce qu'il faut pour embellir la vie.
C'est le charme des yeux, de l'oreille et du coeur
Et le désespoir de l'envie .

C'est ce qui s'appelle être contente de soi !!!!   :n,,;::::!!!: 

Dans ses mémoires, Mme de Genlis continue dans la même tonalité :

Il est une louange que je puis me donner, parce que je suis sûre que je la mérite ; c'est que j'ai toujours eu l'esprit parfaitement juste, et par conséquent un grand fonds de raison ; et cependant j'ai fait mille étourderies, mille actions déraisonnables, et personne au monde n'a moins réfléchi que moi sur sa conduite, ses intérêts et sur l'avenir : en même temps, qui que ce soit aussi n'a autant réfléchi sur tout ce qui ne lui était pas personnel, sur ses lectures, sur les hommes en général, sur le monde, et enfin sur des chimères.

Au moins elle avoue avoir fait des actions déraisonnables, mais évidemment dans le but que le pauvre lecteur s'exclame : "Mais non ma chère et bonne Genlis, vous n'avez absolument rien à vous reprocher !"

Un peu plus loin, elle dit même qu'elle a vieilli avec ses défauts !  

La princesse de Lamballe avait moult occasions de croiser Mme de Genlis au Palais Royal .  Elle ne se méprenait pas sur les sentiments que professait à son égard le précepteur en jupons des petits Orléans .

Un jour que celle-ci saluait, en passant près de son carrosse :
" Madame de Genlis, s'écria la princesse avec un frémissement qui tenait de l'aversion, Madame de Genlis, visage d'agneau, coeur de loup, ruse de renard ! "; ou, pour citer la phrase italienne qui sortit de la bouche de la princesse, à qui cette langue était aussi familière que la langue française : colla facia d'agnello, il cuore d'un lupo, et la drittura d'ella volpe.

Docteur Cabanès : La princesse de Lamballe intime .

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Il ne suffisait pas à Mme de Genlis d'avoir poussé son frère, le marquis de Ducrest, à la tête de la maison du duc d'Orléans, elle intrigua aussi pour le placer à la tête des affaires du gouvernement !
J'en suis scandalisée, et je l'écris à M. de Boufflers en termes peu amènes, en décembre 1787 :

L'archevêque de Toulouse ( Loménie de Brienne ) est fort malade; bien des gens sont aux aguets. ( ..... ) M. Ducrest, cet homme important, ce ministre à grandes vues, ce génie créateur, vient de donner sa démission à M. le duc d'Orléans, et de gagner l'Angleterre . Il a, dit-on, huit cent mille livres de dettes; cela paraît merveilleux quand on songe qu'il y a vingt ans il n'avait pas huit cent mille sous . C'est le pays des fées que celui-ci . On ignore le véritable motif de cette conduite; on croit que le gouvernement l'a exigé à cause de plusieurs intrigues cachées qui ont été découvertes entre madame la gouvernante et lui, qui, toute dévote qu'elle est, n'a point encore renoncé aux vanités de ce monde pour y jouer un rôle plus brillant . Elle ne voulait seulement que chasser l'archevêque de Toulouse pour mettre son frère à la place . Il a fait un mémoire à ce sujet que M. le duc d'Orléans a osé remettre au Roi, qui était bien la plus folle et en même temps la plus plate chose qu'on puisse voir et qui a suscité une risée générale.
Imagine-toi ce que serait M. Ducrest représentant à la Cour dans la place de premier ministre, avec sa figure ignoble et son mauvais ton; ce serait une parodie, et encore une mauvaise parodie, des Richelieu, des Sully .

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Mme de Sabran a écrit:La princesse de Lamballe avait moult occasions de croiser Mme de Genlis au Palais Royal .  Elle ne se méprenait pas sur les sentiments que professait à son égard le précepteur en jupons des petits Orléans .

Un jour que celle-ci saluait, en passant près de son carrosse :
" Madame de Genlis, s'écria la princesse avec un frémissement qui tenait de l'aversion, Madame de Genlis, visage d'agneau, coeur de loup, ruse de renard ! "; ou, pour citer la phrase italienne qui sortit de la bouche de la princesse, à qui cette langue était aussi familière que la langue française : colla facia d'agnello, il cuore d'un lupo, et la drittura d'ella volpe.

Docteur Cabanès : La princesse de Lamballe intime

Ce sacré docteur Cabanès !   
Je dois toujours mettre la main sur son livre dédié à la princesse et le dr. Seiffert.
Pourtant, ayant déjà lu énormément sur la princesse, j'ai de grands doutes qu'elle ait vraiment proféré ces paroles, puisqu'on la connaît plutôt douce, dans l'incapacité de dire des mechancetés sur qui que ce soit. Mais bon, peut-être devrait-on s'efforcer d'oublier l'image de la princesse figée au 19e siècle à la façon des images pieuses  

La devise de cette pécore ! (  :  )

: Elle en a consumé des chandelles dans sa vie, c'est clair !  :

Oui, Comte, je crois qu'on peut le dire, au propre et au figuré !   :  


Voici la signature de la dame :

Merci Elie.
Un bon p’tit air coquin, si c’est elle, sur cette miniature !! : 
Mais ce n’est pas dit qu’il s’agisse de sa signature...

Tu as raison.    Cela semble plutôt être écrit Mlle de Saint-Aubin .
Elle-même signerait : Ducrest Genlis, ou bien Ducrest Sillery
Lorsqu'une dame signait, le nom de jeune-fille précédait généralement le nom d'épouse .

Ouh là ! C’est pour Lulu et toi tout ça... : 
Mais Saint-Aubin, lui vient de son père.
C’est sûr, c’est plus chic que Ducrest.

Ce n'était d'ailleurs pas Ducrest mais du Crest  ( particule )  de Saint-Aubin.   

Et Brûlart parce que Félicité de Genlis rencontra Charles-Alexis Brûlart, comte de Genlis, filleul et héritier d’un ancien ministre d’État, Louis Philogène Brûlart de Sillery, marquis de Puisieulx, colonel des Grenadiers, qui devint par la suite marquis de Sillery.

La verve littéraire de Mme de Genlis était intarissable .    
En aperçu, ce petit florilège     :

Pour le plaisir, un lien vers un document évoquant les délicieuses et instructives maquettes qu'elle fit réaliser pour les petits Orléans :

http://www.arts-et-metiers.net/pdf/MAQUETTE%20CNAM-%20GENLIS.pdf

Une vue de la galerie du Musée des Arts et Métiers qui les abrite :

C'est incroyable ! Tous les corps de métiers sont représentés !!! Merci, Gouverneur !  :n,,;::::!!!: 
Cela va passionner JAG !   

Je ne connaissais pas ce portrait de Félicité très jeune, que nous montre la lithographie de Delpech .

Mme de Sabran a écrit:
Je ne connaissais pas ce portrait de Félicité très jeune, que nous montre la lithographie de Delpech .

D’après le portrait qui illustre la page de couverture des Mémoires de la dame, publiés au Mercure de France.





Et puisque que nous parlions d’Olympe de Gouges il y a peu, savais-tu qu’elles étaient « amies » ?
Elles fréquentaient toutes deux, notamment, la Société des amis des Noirs (et les loges franc-macs, pour te faire plaisir... )

Cela ne m'étonne qu'à moitié : Félicité était une progressiste !  : 

Merci pour tous les renseignements que tu rajoutes toujours .  
 

Mme de Sabran a écrit:
Cela ne m'étonne qu'à moitié : Félicité était une progressiste !

Oui.
La Société des amis des Noirs était une rare association « mixte », où les femme étaient admises, et le sont restées assez longtemps (fait exceptionnel !).
Olympe n’était pas adhérente, mais sympathisante.
Entre autres consoeurs : Sophie de Grouchy (Mme Condorcet), Mme de La Fayette (autre grand personnage romanesque de la fin XVIIIème).

On parle plus souvent des adhérents masculins, évidemment : Condorcet, Mirabeau, l’abbé Grégoire, l’abbé Sieyes etc.

Nous avions un beau sujet sur les iles à sucre et l'esclavage !       Nous y parlions notamment de la société des Amis des Noirs .
Qu'à cela ne tienne : schpounk ! demain, je t'insufflerai cela ici, en toute légitimité puisque c'est moi qui avais rempli ces pages !

Mme de Sabran a écrit:La verve littéraire de Mme de Genlis était intarissable .    

Et en toute occasion, même la plus difficile. Bannie de Prusse par le Roi Frédéric-Guillaume II pendant son émigration (je n’exclurai jamais Mme de Genlis de ma bibliothèque, mais ne la souffrirai pas dans mes Etats :\\\\\\\\: ), elle se fendit d'une épigramme vengeresse au moment de passer la frontière et de signer l'engagement de ne plus revenir dans le pays :

Malgré mon goût pour les voyages
Je promets avec grand plaisir
D'éviter, et même de fuir
Ce Royaume dont les usages
N'invitent pas à revenir

  

Les Mémoires de la marquise sont consultables en ligne ici.

Il faut reconnaître que c'était de bonne guerre !   

Gouverneur Morris a écrit:
Les Mémoires de la marquise sont consultables en ligne ici.

Merci, Gouverneur !   

J'avoue que je ne connais pas beaucoup madame de Genlis... àè-è\': 

Gouverneur Morris a écrit:Pour le plaisir, un lien vers un document évoquant les délicieuses et instructives maquettes qu'elle fit réaliser pour les petits Orléans :

http://www.arts-et-metiers.net/pdf/MAQUETTE%20CNAM-%20GENLIS.pdf

Durfort a écrit :

Mme de Genlis fit bâtir ces maquettes à l'attention des petits Orléans.
Celles-ci devaient l'assister dans ses leçons et montrent l'intérieur d'une manufacture, celui d'un atelier...

Saisies à la Révolution, elles sont aujourd'hui conservées aux Arts et Métiers, non loin de la Joueuse de Tympanon  .
Très émouvantes pièces de musée, d'autant plus si l'on considère que Mme de Genlis en fait mention dans ses Mémoires.

http://www.culture-technique.net/musee.php?P=214&id=68&lang=fra&flash=f&arc=1


Petit rectificatif : elle s'attribue l'idée de ces maquettes ! C'est M. de Bonnard qui en a eu l'initiative . Comme il pratiquait aussi, avant l'heure, l'audio-visuel, en appuyant son enseignement sur des supports originaux .



Il y a vraiment de l'eau dans le gaz entre Louis-Philippe et Genlis .
Elle ne le lui envoie pas dire :

...... Quand vous pourriez légitimement et raisonnablement prétendre au trône, je vous y verrais monter avec peine parce que vous n'avez pas les qualités nécessaire dans ce rang . Vous êtes fait, par vos goûts et par votre caractère, pour la vie sédentaire et privée et non pour représenter avec éclat et pour gouverner avec fermeté un grand empire ... En vous plaçant sur le trône, vous n'y porterez jamais que le plus odieux de tous les titres. De nouvelles fonctions vous en chasseront et vous vous retrouverez alors dans l'exil et la proscription ....

Rien ne va plus ....

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Merci Mme de Sabran. Ce débat sur l'origine des maquettes me revient à l'esprit. J'ai le sentiment d'avoir fait le même post dans une vie antérieure et d'avoir reçu la même réponse d'ailleurs  

Gouverneur Morris a écrit: J'ai le sentiment d'avoir fait le même post dans une vie antérieure et d'avoir reçu la même réponse d'ailleurs  

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Comme c'est étrange ! Serait-ce dans le Boudoir ?!!!   

Pour André Castelot, Genlis est positivement détrônée dans l'esprit fumeux d'Orléans par Choderlos de Laclos . Il faut absolument que je m'intéresse de plus près à cestuy-là !!!
Le duc est toujours sous influence . Mirabeau le proclame assez haut et fort !
Laclos, quand il s'est carré dans le fauteuil de secrétaire particulier d'Orléans s'est vanté de le " travailler " . Il s'y est employé !
Selon A. Castelot toujours, c'est Laclos qui pense et Orléans qui voit défiler les évènements sans rien y comprendre, y compris ce qui se trame sous son toit, au Palais-Royal .
Mais cela ne change en rien la position de gouverneur des petits Orléans de Mme de Genlis .

La nuit, la neige ajoute que,

le jour de ses 30 ans , Félicité sidère la compagnie, au Palais Royal, à l'occasion d'une fête donnée par la duchesse de Chartres, en apparaissant sans fard et dans une robe très simple.
Elle déclare alors renoncer à la danse, aux toilettes, au maquillage, au jeu, bref à tout (y compris l'amour ) pour se consacrer à l'écriture.
Ce qu'elle tiendra !
Louis Philippe racontera à Victor Hugo qu'il avait été élevé  " avec férocité "  (sic).

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