Les derniers billets de Marie-Antoinette écrits du Temple

François Goguelat, ancien secrétaire de la Reine, ancien officier, participant à l’épopée de Varennes, publie ses mémoires en 1823. Il y évoque la tentative d’évasion de la Reine et du reste de sa famille du Temple après le 21 janvier 93. Il n’a pas participé lui-même à cette tentative car il avait quitté la France, mais il rapporte le témoignage de Mme. de Jarjayes, qui fut aussi, rappelons-le, femme de chambre et intime de Marie Antoinette. Son mari, François Augustin de Jarjayes, officier fidèle du Roi et de la Reine, fut l’artisan, avec les municipaux Toulan et Lepitre, de cette tentative d’évasion. Goguelat et Jarjayes se connaissaient très bien. Ce dernier venait de mourir quand Goguelat publia ses mémoires.
Surtout, Goguelat eut accès aux billets rédigés en cachette par la Reine, et pu les publier sous forme de fac-similé. La femme de Jarjayes les avait conservés. Ils furent ensuite déposés, avec d’autres documents concernant le Temple, aux archives de Paris.
Ce sont ces fac-similé que j’ai choisi de vous présenter. Ils sont d’autant plus précieux que les originaux (sauf deux) ont disparu, comme une grande partie des archives du Temple, dans l’incendie de l’Hotel de Ville en 1871.



Le 2 février 93, un inconnu se présente à Jarjayes. C’est Toulan, un municipal qui a la confiance de Marie Antoinette. Il est porteur d’un billet de sa main :


Il rapportera, en retour, la réponse de Jarjayes à la Reine.
Une deuxième entrevue a lieu. La Reine transmet un autre billet à Jarjayes :



Grâce à la complicité de Toulan, Jarjayes parvient à rencontrer la Reine au Temple. Après son départ, elle lui fait passer ce billet , qui est recto -verso, où elle l’engage à se méfier du couple Tison, qui l’espionne :




Le billet suivant porte sur la nécessité de trouver un autre complice. La Reine propose Lepitre, commissaire de la Commune, qu’elle a gagné à sa cause :



Le plan de fuite est mis en place: faire sortir les femmes habillées en municipaux, puis les enfants. Une voiture sera prête pour les conduire en Normandie, puis départ pour l’Angleterre. Mais il faut de l’argent pour acheter les complicités. Marie Antoinette a suggéré le recours à La Borde, ex trésorier du Roi, mais Jarjayes va refuser et payer de sa poche :



Deux billets suivent, où la Reine fait part de sa gratitude à ses sauveurs :




Malheureusement des trahisons, des défections font échouer le projet. La Reine rédige alors cette belle lettre, que nous connaissons, et qui est parvenue jusqu’à nous . Attention, car il existe une fausse lettre, absolument identique, rédigée au 19e siècle et...signée « Marie-Antoinette » Je crois que c’est celle que présente Carnavalet. Ceci ne retire rien à l’originale, que publie Goguelat :



Toulan pourra une dernière fois aider la Reine, en faisant sortir de la Tour le cachet, l’anneau de mariage du Roi, ainsi que des cheveux. Il transmettra ces reliques à Jarjayes, qui les fera passer à Provence, leur destinataire. Un ultime billet y sera joint, rédigé par la Reine. Ce billet a fait partie des collections Bancel :





Pour être tout à fait précis, un deuxième billet accompagnait l’anneau seul. Il était, lui, rédigé par la Reine et Madame Elisabeth. Marie-Thérèse avait rajouté un mot, et même le Dauphin avait signé...
Louis XVIII montra plus tard ce billet et l’anneau à Cléry, qui le raconte. Ce document a hélas disparu, mais il est reproduit dans l’édition de 1864 du Journal de Cléry :



Je pense que ces fac-similé sont des témoignages irremplaçables. Ils paraissent fidèles aux originaux, si l’on en juge par la comparaison avec la photo du dernier billet.
Ce sont les derniers écrits de la Reine, avant le billet de l’œillet, peut-être une lettre de demande de sursis au Tribunal (inconnue), et bien sûr la dernière lettre...
L’ecriture de la Reine est suffisamment lisible, je pense, aussi n’ai-je pas retranscrit le contenu des billets. Je pourrai le faire si vous le souhaitez...

Merci, cher Févicq, pour ces petits billets tellement émouvants.    
Voici les deux derniers, plus difficile à lire, en effet.

Le premier est adressé à Monsieur, le second au comte d’Artois :

«Ayant un être fidèle, sur lequel nous pouvons compter, j’en profite, pour envoyer à mon frère et ami, ce dépôt qui ne peut être confié qu’entre ses mains, le porteur vous dira par quel miracle nous avons pu avoir ces précieux gages, je me réserve de vous dire moi-même un jour le nom de celui qui nous est si utile, l’impossibilité où nous avons été jusqu’à présent de pouvoir nous donner de nos nouvelles, et l’excès de nos malheurs nous fait sentir encore plus vivement notre cruelle séparation puisse-t-elle n’être pas longue, je vous embrasse en attendant comme je vous aime et vous savez que c’est de tout mon cœur. M.A
Je suis chargée pour mon frère et moi de vous embrasser de tout notre coeur  M.T.  Louis 
Je jouis d'avance du plaisir que vous éprouverez en recevant ce gage de l'amitié et de la confiance ( d' ) être réunie avec vous, et vous voir heureux est tout ce que je désire . Vous savez si je vous aime, je vous embrasse de tout mon coeur.  Elisabeth »

« Ayant trouve enfin un moyen de confier à notre frère un des seuls gages qui nous restent de l’être que nous chérissons et pleurons tous j’ai cru que vous seriez bien aise d’avoir quelque chose qui vient de lui, gardez-le, en signe de l’amitié la plus tendre avec laquelle je vous embrasse de tout mon cœur.   Quel bonheur pour moi, mon cher ami, mon frère, de pouvoir après un si long espace de temps vous parler de tous mes sentiments que j'ai souffert pour vous. Un temps viendra, j'espère, où je pourrai vous embrasser, et vous dire que jamais vous ne trouve( rez ) une amie plus vraie et plus tendre que moi . Vous n'en doutez pas j'espère »

Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt
Histoire de Marie-Antoinette
En bleu ce que les Goncourt n'ont pas retranscrit .

Merci les amis, mais attention, nous avions déjà ouvert un sujet avec ces billets.  

C'est ici : https://marie-antoinette.forumactif.org/t1415-la-correspondance-de-marie-antoinette-avec-jarjayes

Vous y retrouverez notamment le fac-similé du billet manquant ici, c'est à dire celui où il question de l'"empreinte".

La nuit, la neige a écrit:

Vous y retrouverez notamment le fac-similé du billet manquant ici, c'est à dire celui où il question de l'"empreinte".

...   mon préféré, bien sûr !       L'empreinte, destinée à Fersen, c'est ce petit poisson volant, cachet de sa famille, avec la devise non pas de sa famille mais de Marie-Antoinette pour lui seul :   tutto a te mi guida     ...   plus vrai que jamais
Fersen ne recevra ce message qu'après la mort de Marie-Antoinette, comme il le confie à son journal, le 21 janvier 1794.
Claude Dufresne se trompe et croit qu'il s'agit d'un pigeon .

Chers amis,
Jarjayes a-t-il réellement pénétré une fois dans le Temple et rencontré la Reine?
Leos

Oui, nous dit notre ami Févicq :

Vicq d'Azyr a écrit:Grâce à la complicité de Toulan, Jarjayes parvient à rencontrer la Reine au Temple.

C’est en tout cas ce que raconte Goguelat dans ses mémoires :
P 74: « Sous un déguisement qui l’aurait rendu méconnaissable à tous les yeux, Mr. de Jarjayes fut introduit au Temple par Toulan ; il vit la reine : il lui parla. Sa Majesté lui recommanda d’écouter et d’examiner les plans d’évasion que lui proposerait le membre de la commune ; et, dans un moment qui pouvait décider de son sort, cette excellente princesse, occupée de celui des autres, recommande surtout à M. de Jarjayes de lui donner des détails sur ceux de ses anciens serviteurs dont ses malheurs n’auraient point refroidi le zèle.
A peine le général avait-il quitté la Tour du Temple, que toujours frappée de l’idée des dangers auxquels une indiscrétion pouvait exposer M. de Jarjayes, la reine lui fit parvenir les mots suivans. Nous ne citons ce billet que pour montrer à quel point Sa Majesté craignait d’exposer ceux qui désiraient la servir.
« Prenez garde à madame Archi. Elle paraît bien liée avec l’homme et la femme dont je vous parle dans l’autre billet. Tachez de voir madame Th; on vous expliquera pourquoi ; comment est votre femme ? Elle a le cœur trop bon pour n’être pas malade. »




( A propos du doublon concernant ce sujet, j’en suis désolé, mais n’ai pas retrouvé le sujet précédent où ces billets sont déjà postés, avec une étude plus poussée de la lettre « nous avons fait un beau rêve... »
Faut-il regrouper les 2 sujets? Renommer celui-ci en le dédiant au complot Jarjayes (mais le sujet existe déjà je suppose...)?
La Nuit et Eléonore, je vous laisse décider ...)

Merci cher Vickq.

Peut-être qu'il m'a un peu manqué, ou je l'ai oublié ..
Je pense que cette réunion était possible à court terme. Deux mois après l'exécution du roi, lorsque la reine jouit d'une sorte de liberté ... et cette correspondance se produit également.
Mais cela a dû être un plaisir de la voir après une longue période de personne connue et loyale.

Leos

Vicq d Azir a écrit:
( A propos du doublon concernant ce sujet, j’en suis désolé, mais n’ai pas retrouvé le sujet précédent où ces billets sont déjà postés, avec une étude plus poussée de la lettre « nous avons fait un beau rêve... »
Faut-il regrouper les 2 sujets ? Renommer celui-ci en le dédiant au complot Jarjayes (mais le sujet existe déjà je suppose...)?
La Nuit et Eléonore, je vous laisse décider ...)

Ce n'est pas grave, cher Vicq...

Il n'y a pas de sujet "complot Jarjayes" à proprement nommé.

Nous présentons l'homme, ici :

Le chevalier François-Augustin de Jarjayes

Quant à l'"empreinte Fersen", mais aussi au sujet des reliques de Louis XVI (le cachet et son alliance) ou encore de son testament, dont l'histoire est racontée par Cléry, nous en parlons également ici :

Tutto a te mi guida, plus vrai que jamais