Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
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Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Voici encore une de vos fines analyses cher Bonnefoy.
Je suis très intéressée par votre tableau comparatif. Non pas que je doute un seul instant du fait que Mme Seth ait eu les originaux en main, mais par curiosité, car le XIXe siècle a effectivement modifié certains textes dont le vocabulaire était inaudible à l'époque.
Sans vous je n'aurais jamais acheté le livre de John Hardman tant la couverture me rebutait... Je viens de le commander. Je suis curieuse de lire son analyse sur la correspondance avec Barnave car personnellement elle m'a beaucoup interpellée.
De plus, c'est toujours fascinant de constater à quel point les regards des étrangers sur Marie-Antoinette sont souvent plus nuancées. Exactement comme par le passé !
Je suis très intéressée par votre tableau comparatif. Non pas que je doute un seul instant du fait que Mme Seth ait eu les originaux en main, mais par curiosité, car le XIXe siècle a effectivement modifié certains textes dont le vocabulaire était inaudible à l'époque.
Sans vous je n'aurais jamais acheté le livre de John Hardman tant la couverture me rebutait... Je viens de le commander. Je suis curieuse de lire son analyse sur la correspondance avec Barnave car personnellement elle m'a beaucoup interpellée.
De plus, c'est toujours fascinant de constater à quel point les regards des étrangers sur Marie-Antoinette sont souvent plus nuancées. Exactement comme par le passé !
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Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Votre message me passionne et me comble de plaisir, à plus d'un titre, mon cher Bonnefoy !
MERCI !!!
Je vous promets de vous répondre demain, faute de temps tout de suite .
J'ai eu la Cour, la ville, le ban et l'arrière-ban toute la journée : il faut que je refasse surface ...
A demain !
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Captiver, oui cher Bonnefoy, c'est bien le mot. Nous buvions ses paroles.Bonnefoy du Plan a écrit:
A la Sorbonne, Madame Seth a su captiver un amphithéâtre où la reine n’avait pas que des amis. Son exposé était clair, plaisamment énoncé et son intervention parfaitement préparée, ce qui ne fut pas le cas de tout le monde… L’évidente empathie de Catriona Seth à l’égard de Marie-Antoinette n’émousse en rien la rigueur de l’historienne, soucieuse à chaque instant d’appuyer son propos aux sources les plus indiscutables. Cette exigence fait le prix de ses analyses, qui toujours ajoutent à nos connaissances.
Catriona Seth domine si puissamment son sujet, elle s'exprime avec une telle aisance, qu'elle semblait planer sur les cimes de ce colloque.
Bonnefoy du Plan a écrit: pour les textes nouveaux qu’elle verse au rang des écrits authentiques de la reine. Et puis ensuite pour l’analyse très fine qu’elle fait de la « relation inégale » entre Marie-Antoinette et le très zélé Monsieur de Mercy dont elle surprend si souvent la lâcheté et le cynisme…
S'il met davantage de formes avec Marie-Thérèse, Mercy dans sa correspondance avec Kaunitz se lâche, comme on dit familièrement. Tous deux professent ( et Joseph avec eux ) un mépris condescendant pour Louis XVI qui les conforte dans la certitude de faire de Marie-Antoinette leur chose.
Toutes les questions que vous soulevez au sujet de l'exhaustivité du travail de Mme Lever par rapport à celui de Catriona Seth, ou de l'authenticité des lettres publiées par Feuillet de Conches sont palpitantes !
Les lettres référencées par Feuillet de Conches, documents que La Rocheterie et Beaucourt affirment ne pas tenir pour suspects, mais qu' ils les distinguent toutefois avec une police de caractère spécifique, textes résolument écartés par Evelyne Lever, ces lettres, nous dites-vous, Catriona Seth les conserve presque toutes réduisant finalement à 4 le nombre des textes irrecevables publiés par Feuillet de Conches de correspondance entre la reine et Mercy.
D'où vous concluez :
Bonnefoy du Plan a écrit:
Voilà tout de même une réévaluation plus que spectaculaire pour un chercheur dont le nom reste synonyme de faussaire… Je limite cette dernière remarque à la seule correspondance avec Mercy, car je n’oublie pas d’autres fonds chez Feuillet de Conches où dominent les apocryphes, comme par exemple celui des lettres à la princesse de Lamballe.
C'est une information formidable qui bat en brèche les détracteurs de la Correspondance secrète Fersen / Marie-Antoinette d'Evelyn Farr , au prétexte que Feuillet de Conches figure dans sa bibliographie !
En ce qui concerne les lettres de Marie-Antoinette non incluses dans le recueil de Mme Lever, je ne m'explique toujours pas l'absence de celles si charmantes adressées à Mme de Polignac, datées du 13 novembre 1789 et du 13 décembre 1789, pourtant citées par la comtesse Diane et par Hedwige de Polignac !
Notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t280-les-lettres-de-marie-antoinette-a-madame-de-polignac?highlight=polignac
Bonnefoy du Plan a écrit:Au nombre de 49 (43 reprises + 6 publiées pour la première fois), ces lettres présentent aussi un côté inédit dans la mesure où Madame Seth en donne la version authentique après les avoir consultées directement aux Archives nationales autrichiennes à Vienne. A diverses reprises, elle peut ainsi corriger des imprécisions, des erreurs ou des manques, ou encore retirer des mots ajoutés dans la première version du XIXe siècle. J’ai comparé les deux (et parfois les trois) versions de ces lettres pour en noter les différences. (Je peaufine mon tableau comparatif, je pourrai le partager avec les plus curieux). Ce sont des points de détail, certes, mais ils montrent que Catriona Seth s’est bien trouvée en présence des textes qu’elle a ensuite pu restituer dans leur forme originale, ce qu’elle fait pour chacun des 112 textes soumis.
Ici encore nous sommes à l'unisson, cher Bonnefoy, car j'ai pu faire le même rapprochement et constatation entre certaines lettres photographiées aux Archives par Mme Farr et publiées par d'autres historiens avec des erreurs, des manques ou des phrases modifiées .
Bonnefoy du Plan a écrit:En ajoutant les billets inédits aux lettres mises à l’écart et réintégrées ici dans leur version d’origine – j’insiste à nouveau – ce sont bien 64 textes que Catriona Seth ajoute au recueil des écrits authentiques de Marie-Antoinette !
C'est inouï !!!
Eh ! mine de rien , pas si conches que ça, notre Feuillet !
C'est important de le souligner, sans doute moins dans le cas de sa correspondance avec Barnave ( il tombe sous le sens qu'elle est éminemment politique ) que dans celui de sa correspondance avec Fersen que l'on aurait tort de croire un léger marivaudage pour chavirer les coeurs des lectrices des Veillées des chaumières . Au contraire, là encore, ce sont de très âpres discussions alambiquées sur l'attitude politique à observer face aux ennemis de l'intérieur et aux alliés espérés, à l'extérieur.Bonnefoy du Plan a écrit:
Tout l’enjeu de son livre est de faire ainsi reconnaître, de manière indiscutable et définitive, l’authenticité de lettres jusqu’ici tenues pour suspectes. La question est d’autant plus sensible que la plus grande partie de ces courriers éclaire la réflexion et l’action de Marie-Antoinette pendant la Révolution.
Malheureusement l'amour que Marie-Antoinette porte à Fersen lui fera préférer ses conseils à ceux de Barnave ...
Bonnefoy du Plan a écrit:Les lettres à Mercy recueillies par Catriona Seth prennent une place centrale dans le dispositif complexe de communication déployé par la reine pour se faire entendre de l’extérieur, au même titre que les courriers à Fersen ou les notes échangées avec Barnave. Marie-Antoinette est une femme politique en mouvement, ses convictions ne dévient pas, mais elle fait preuve de pragmatisme. Elle comprend qu’elle est dans un rapport de forces défavorable et qu’il faut composer avec les évènements et les hommes qui prétendent les contrôler. Sur la forme, beaucoup de ses lettres sont touchantes car on l’entend se confier à un interlocuteur qu’elle considère comme un mentor, celui qui reste un trait d’union avec sa mère.
Pauvre Marie-Antoinette, elle jugeait les hommes à l'aune de son propre coeur ...
Bonnefoy du Plan a écrit:Mesdames Lever et Seth donnent bien évidemment les références des cartons d’archives qu’elles ont consultés. Je n’alourdis pas un texte déjà long en indiquant ici ces détails, je renvoie directement aux introductions dans leurs ouvrages. La question fondamentale de l’authenticité des sources y est bien entendu développée.
Cependant, je ne retrouve pas les mêmes cotes dans les deux livres, ce qui semble suggérer ou bien des informations incomplètement relevées ou encore des fonds distincts. C’est un point suffisamment critique pour être clarifié et je poserai directement la question à Catriona Seth. Je ne manquerai pas de partager ici la réponse qu’elle pourrait faire à ces dernières interrogations.
Nous vous en remercions par avance, cher Bonnefoy !
Bonnefoy du Plan a écrit:
5. Nos amis les anglais…
Nous devons aux historiennes britanniques Evelyn Farr (en 1995, 2013 et 2016) et Catriona Seth (2006 et 2019), ainsi qu’à leur compatriote John Hardman en 2019 les livres les plus complets et les analyses les plus pertinentes autour des principales correspondances de Marie-Antoinette dans les dernières années du règne. La plus grande partie de ces ouvrages concerne en effet les années à partir de 1788 et la lecture croisée des trois reste nécessaire pour approcher le personnage politique de la reine tel qu’il se développe et s’affirme. Les trois correspondances se complètent et forment comme les trois panneaux d’un même triptyque. Il faut les étudier ensemble et apprendre à les décoder les unes par rapport aux autres.
Tout à fait d'accord avec vous . Coup de chapeau à ces historiens britanniques qui ont davantage de liberté de pensée et d'expression, un peu de recul aussi et par là même un champ de vision plus large, comme les observateurs étrangers contemporains .
Notre ami Roi-cavalerie nous a conseillé à plusieurs reprises la lecture de John Hardman et de Monroe Price, tous deux spécialistes de la Révolution française . Vous souvenez-vous que nous en parlions la veille au soir, à la Conciergerie avec le duc d'Ostrogothie.
Comme Marie-Jeanne le souligne :
Marie-Jeanne a écrit:
... c'est toujours fascinant de constater à quel point les regards des étrangers sur Marie-Antoinette sont souvent plus nuancées. Exactement comme par le passé !
Françoise Kermina le notait déjà quant à la relation de Marie-Antoinette avec Fersen.
Bonnefoy du Plan a écrit:On ne saurait trop conseiller cette étude minutieuse à certains des intervenants du même colloque auquel participait Madame Seth à la Sorbonne…
Puissent-ils vous lire ici et en prendre de la graine ! ...
Bonnefoy du Plan a écrit:Nul besoin d’encourager la lecture des ouvrages de Madame Farr, elle est ici chez elle ...
C'est vrai ! Elle a quelques groupies inconditionnels parmi nous !
En effet, ils traitent aussi du seul bonheur de Marie-Antoinette. ( mon Graal à moi )Bonnefoy du Plan a écrit: il parait même que ses excellents ouvrages ne parleraient pas que de politique.
Bonnefoy du Plan a écrit:Deux mots sur ce dernier auteur, John Hardman, spécialiste outre-manche de Louis XVI . La lecture des échanges avec Barnave est particulièrement fouillée, plutôt novatrice et surtout John Hardman y accorde beaucoup plus d’importance que les autres historiens en général. J’y reviendrai certainement, mais il y a d’abord un gros travail à faire, à commencer par l’assimilation du livre de Catriona Seth et sa mise en miroir avec les autres correspondances…
Ah quelle chance ! Que nous sommes gâtés !!!
Je brûle d'impatience de découvrir cette " mise en miroir ", votre triptyque : FARR, SETH, HARDMAN !!!
Bonnefoy du Plan a écrit:Et, pour terminer, une bien jolie couverture…
Vous comprenez bien qu’il est impossible de conclure sans un clin d’œil à la couverture du livre de Catriona Seth !
Quelle belle audace d’éditeur, en effet, de choisir un portrait qui pourrait ne pas être Marie-Antoinette pour illustrer un recueil de lettres qu’elle pourrait ne pas avoir écrites !
A se demander si Marie-Antoinette a bien existé !
Vous me faites penser à Xavier Mauduit ( que j'adore ! ) qui finit toujours ( sur ARTE 28' ) par une pirouette humoristique .
Bonnefoy du Plan a écrit:Albin-Michel n’a sans doute pas pensé second degré et l’éditeur aura tout simplement repris les informations de la banque d’images.
Je ne manquerai pas pour autant d’attirer l’attention de Madame Seth sur notre petite série « A la recherche d’Antoine … ». Elle pourra y lira que, si le portrait iconique de sa couverture est controversé, il existe aussi suffisamment d’éléments factuels pour donner des arguments à ceux qui souhaitent toujours y reconnaître Marie-Antoinette… CQFD
Bravo !
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Dans le passé, et particulièrement au XIXe siècle, les auteurs qui publièrent des lettres authentiques modifièrent certains vocabulaires, ou même des tournures de phrases, parce qu'ils les jugeaient inappropriés et même choquants. Je ne crois pas que leur intention était mauvaise, mais plutôt de rendre les écrits audibles aux mentalités de leur époque.
Le problème est qu'ils furent sans cesse recopiés par d'autres durant tout le XXe siècle.
Aujourd'hui les historiens ont plus de recul, ils sont soucieux de se rapprocher au plus près de la réalité historique. Il faut dire aussi que les moyens actuels permettent de gagner beaucoup de temps pour approfondir la recherche.
Le problème est qu'ils furent sans cesse recopiés par d'autres durant tout le XXe siècle.
Aujourd'hui les historiens ont plus de recul, ils sont soucieux de se rapprocher au plus près de la réalité historique. Il faut dire aussi que les moyens actuels permettent de gagner beaucoup de temps pour approfondir la recherche.
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Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
La question se pose en effet de savoir « quel bon usage faire de Feuillet de Conches » …
La critique abonde autour des 6 volumes qu’il a publiés. J’ai cité quelques sources dans ma note de lecture, j’aurais pu ajouter la postface de A. Geffroy au deuxième tome de Gustave III et la Cour de France (« Etude critique sur Marie-Antoinette et Louis XVI apocryphes », 1867). Ou encore le chapitre des Girault de Coursac dans une de leurs ouvrages, aussi grâcieux que les autres pour Marie-Antoinette : « Histoire, historiens & mémorialistes » (F-X de Guibert, 1997).
Mises bout à bout, toutes ces analyses font un gros livre et il faut s’accrocher pour ne pas perdre le fil.
Catriona Seth a montré dans son livre que Feuillet de Conches a bien copié à Vienne une partie des lettres de Marie-Antoinette à Mercy, comme il avait prétendu l’avoir fait. Quoi dire maintenant pour les autres correspondances? C’est autre chose…
Pour les lettres qu’il affirme avoir reproduites aux archives de Vienne, Moscou ou ailleurs, le même travail de vérification que celui effectué par Catriona Seth doit être possible. Directement à la source ! A commencer par Vienne, encore, pour la correspondance avec ses deux frères pour lesquels bien des lettres publiées par Feuillet de Conches ne se retrouvent pas chez Madame Lever…
Pour les documents issus de fonds privés, c’est plus compliqué et j’avoue ne pas me fier à des textes dont la seule provenance serait « autographe de mon cabinet » ou même sans indication aucune.
Cela mérite une étude de fond, appel aux volontaires ! Car je ne pense pas qu’on puisse évacuer la question en deux lignes, avec un brin de désinvolture, comme le fait Joël Félix dans son livre « Louis XVI et Marie-Antoinette, un couple en politique » (Payot, 2006). Je cite page 640, à propos donc de Feuillet de Conches : « Cet auteur a été fortement critiqué à son époque et accusé d’être un faussaire (…) ; s’il semble en effet qu’il ait acquis certains faux et reproduit parfois ses sources de manière un peu cavalière, les éditions plus sérieuses de la correspondance de la reine montrent cependant qu’on peut globalement lui faire confiance. »
Le livre de Joël Félix est le portrait de « Louis XVI en sale type » (pour reprendre le titre d’un article de Jean-Christian Petitfils dans le Figaro, à la sortie du livre, le 2 novembre 2006). Marie-Antoinette ne vaut guère mieux, et Félix cite une lettre d’elle à Léopold II en date du 22 octobre 1790. La reine y parle notamment de Mirabeau en ces termes : « Cet homme est un volcan qui mettrait le feu à un empire, comptez-donc sur lui pour éteindre l’incendie qui nous dévore. » La lettre se termine par une phrase reprise aussi par d’autres, si je me souviens bien : « Ô mon Dieu, si nous avons commis des fautes, nous les avons bien expiées » (Feuillet der Conches, p. 375-376, Tome 1. Pages 529-530 chez Félix). Or cette lettre ne se trouve ni chez La Rocheterie ni chez Madame Lever. Pour la bonne et simple raison que la provenance n’en est pas les archives d’Autriche, mais une « minute autographe de mon cabinet » … Est-ce là une approche sérieuse pour des textes dont on sait qu’ils sont souvent contestables ? Que peut bien vouloir dire la notion de confiance globale par rapport à un fonds d’archives quand il est plutôt question de devoir apprécier chaque document selon ses mérites propres ? Chacun jugera…
Ce qui semble établi, c’est que les fonctions diplomatiques de Feuillet de Conches lui ont permis d’accéder à de véritables fonds d’archives dans diverses cours européennes. Il est également prouvé qu’il s’est laissé berner par des faussaires pour augmenter sa collection de lettres autographes, certains allant jusqu’à dire qu’il était même l’instigateur de ce commerce apparemment très profitable. Ce manque de rigueur a nui considérablement à la réputation de l’auteur et à la portée de ses recherches auprès des historiens.
Il est donc heureux qu’une historienne rigoureuse comme Madame Seth ait permis aujourd’hui de rétablir les faits, une bonne fois pour toutes, pour une partie importante de ce fonds. Et s’il lui venait maintenant l’excellente idée de faire le même exercice pour les lettres de Marie-Antoinette à ses frères et sœurs! Et même pour celles à sa mère pour lesquelles Madame Lever (via Arneth + Girard) ne donne pas toujours non plus la version intégrale de certain documents (si, si, je vous assure, je vous préparerai un petit dossier sur le sujet dans quelque temps...).
Pour l’heure, je m’applique à travailler au tableau comparatif des textes avec les versions Hunolstein (tant qu’à faire…), Feuillet de Conches, La Rocheterie-Beaucourt et bien sûr celle donnée dans son livre par Catriona Seth. C’est un travail un peu fastidieux, j’espère qu’il apportera des éclairages intéressants sur les modifications et sur les pratiques des chercheurs et des historiens du XIXe siècle, qui n’étaient pas les nôtres en matière de transmission comme le rappelle Marie-Jeanne.
Bonne semaine à tous!
La critique abonde autour des 6 volumes qu’il a publiés. J’ai cité quelques sources dans ma note de lecture, j’aurais pu ajouter la postface de A. Geffroy au deuxième tome de Gustave III et la Cour de France (« Etude critique sur Marie-Antoinette et Louis XVI apocryphes », 1867). Ou encore le chapitre des Girault de Coursac dans une de leurs ouvrages, aussi grâcieux que les autres pour Marie-Antoinette : « Histoire, historiens & mémorialistes » (F-X de Guibert, 1997).
Mises bout à bout, toutes ces analyses font un gros livre et il faut s’accrocher pour ne pas perdre le fil.
Catriona Seth a montré dans son livre que Feuillet de Conches a bien copié à Vienne une partie des lettres de Marie-Antoinette à Mercy, comme il avait prétendu l’avoir fait. Quoi dire maintenant pour les autres correspondances? C’est autre chose…
Pour les lettres qu’il affirme avoir reproduites aux archives de Vienne, Moscou ou ailleurs, le même travail de vérification que celui effectué par Catriona Seth doit être possible. Directement à la source ! A commencer par Vienne, encore, pour la correspondance avec ses deux frères pour lesquels bien des lettres publiées par Feuillet de Conches ne se retrouvent pas chez Madame Lever…
Pour les documents issus de fonds privés, c’est plus compliqué et j’avoue ne pas me fier à des textes dont la seule provenance serait « autographe de mon cabinet » ou même sans indication aucune.
Cela mérite une étude de fond, appel aux volontaires ! Car je ne pense pas qu’on puisse évacuer la question en deux lignes, avec un brin de désinvolture, comme le fait Joël Félix dans son livre « Louis XVI et Marie-Antoinette, un couple en politique » (Payot, 2006). Je cite page 640, à propos donc de Feuillet de Conches : « Cet auteur a été fortement critiqué à son époque et accusé d’être un faussaire (…) ; s’il semble en effet qu’il ait acquis certains faux et reproduit parfois ses sources de manière un peu cavalière, les éditions plus sérieuses de la correspondance de la reine montrent cependant qu’on peut globalement lui faire confiance. »
Le livre de Joël Félix est le portrait de « Louis XVI en sale type » (pour reprendre le titre d’un article de Jean-Christian Petitfils dans le Figaro, à la sortie du livre, le 2 novembre 2006). Marie-Antoinette ne vaut guère mieux, et Félix cite une lettre d’elle à Léopold II en date du 22 octobre 1790. La reine y parle notamment de Mirabeau en ces termes : « Cet homme est un volcan qui mettrait le feu à un empire, comptez-donc sur lui pour éteindre l’incendie qui nous dévore. » La lettre se termine par une phrase reprise aussi par d’autres, si je me souviens bien : « Ô mon Dieu, si nous avons commis des fautes, nous les avons bien expiées » (Feuillet der Conches, p. 375-376, Tome 1. Pages 529-530 chez Félix). Or cette lettre ne se trouve ni chez La Rocheterie ni chez Madame Lever. Pour la bonne et simple raison que la provenance n’en est pas les archives d’Autriche, mais une « minute autographe de mon cabinet » … Est-ce là une approche sérieuse pour des textes dont on sait qu’ils sont souvent contestables ? Que peut bien vouloir dire la notion de confiance globale par rapport à un fonds d’archives quand il est plutôt question de devoir apprécier chaque document selon ses mérites propres ? Chacun jugera…
Ce qui semble établi, c’est que les fonctions diplomatiques de Feuillet de Conches lui ont permis d’accéder à de véritables fonds d’archives dans diverses cours européennes. Il est également prouvé qu’il s’est laissé berner par des faussaires pour augmenter sa collection de lettres autographes, certains allant jusqu’à dire qu’il était même l’instigateur de ce commerce apparemment très profitable. Ce manque de rigueur a nui considérablement à la réputation de l’auteur et à la portée de ses recherches auprès des historiens.
Il est donc heureux qu’une historienne rigoureuse comme Madame Seth ait permis aujourd’hui de rétablir les faits, une bonne fois pour toutes, pour une partie importante de ce fonds. Et s’il lui venait maintenant l’excellente idée de faire le même exercice pour les lettres de Marie-Antoinette à ses frères et sœurs! Et même pour celles à sa mère pour lesquelles Madame Lever (via Arneth + Girard) ne donne pas toujours non plus la version intégrale de certain documents (si, si, je vous assure, je vous préparerai un petit dossier sur le sujet dans quelque temps...).
Pour l’heure, je m’applique à travailler au tableau comparatif des textes avec les versions Hunolstein (tant qu’à faire…), Feuillet de Conches, La Rocheterie-Beaucourt et bien sûr celle donnée dans son livre par Catriona Seth. C’est un travail un peu fastidieux, j’espère qu’il apportera des éclairages intéressants sur les modifications et sur les pratiques des chercheurs et des historiens du XIXe siècle, qui n’étaient pas les nôtres en matière de transmission comme le rappelle Marie-Jeanne.
Bonne semaine à tous!
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(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Bonnefoy du Plan a écrit:La question se pose en effet de savoir « quel bon usage faire de Feuillet de Conches » …
La critique abonde autour des 6 volumes qu’il a publiés. J’ai cité quelques sources dans ma note de lecture, j’aurais pu ajouter la postface de A. Geffroy au deuxième tome de Gustave III et la Cour de France (« Etude critique sur Marie-Antoinette et Louis XVI apocryphes », 1867). Ou encore le chapitre des Girault de Coursac dans une de leurs ouvrages, aussi grâcieux que les autres pour Marie-Antoinette : « Histoire, historiens & mémorialistes » (F-X de Guibert, 1997).
Mises bout à bout, toutes ces analyses font un gros livre et il faut s’accrocher pour ne pas perdre le fil.
Heureusement nous suivons vos petits cailloux blancs !
Bonnefoy du Plan a écrit:Catriona Seth a montré dans son livre que Feuillet de Conches a bien copié à Vienne une partie des lettres de Marie-Antoinette à Mercy, comme il avait prétendu l’avoir fait. Quoi dire maintenant pour les autres correspondances? C’est autre chose…
Mais ce début de débroussaillage, de Catriona Seth, c'est déjà énorme !!!
Quel travail !
Bonnefoy du Plan a écrit:Pour les documents issus de fonds privés, c’est plus compliqué et j’avoue ne pas me fier à des textes dont la seule provenance serait « autographe de mon cabinet » ou même sans indication aucune.
Hum, oui, prudence ... il vaut mieux les laisser de côté.
Bonnefoy du Plan a écrit:Cela mérite une étude de fond, appel aux volontaires ! Car je ne pense pas qu’on puisse évacuer la question en deux lignes, avec un brin de désinvolture, comme le fait Joël Félix dans son livre « Louis XVI et Marie-Antoinette, un couple en politique » (Payot, 2006). Je cite page 640, à propos donc de Feuillet de Conches : « Cet auteur a été fortement critiqué à son époque et accusé d’être un faussaire (…) ; s’il semble en effet qu’il ait acquis certains faux et reproduit parfois ses sources de manière un peu cavalière, les éditions plus sérieuses de la correspondance de la reine montrent cependant qu’on peut globalement lui faire confiance. »
Le livre de Joël Félix est le portrait de « Louis XVI en sale type » (pour reprendre le titre d’un article de Jean-Christian Petitfils dans le Figaro, à la sortie du livre, le 2 novembre 2006).
Louis XVI en « sale type »
LE 250 e ANNIVERSAIRE de la mort de Marie-Antoinette, suivi du film, contestable mais esthétiquement agréable, de Sofia Coppola, a donné naissance à une floraison d'ouvrages sur le sujet.
Par Jean-Christian Petitfils
Publié le 2 novembre 2006 à 06:00, mis à jour le 15 octobre 2007 à 12:08
LE 250 e ANNIVERSAIRE de la mort de Marie-Antoinette, suivi du film, contestable mais esthétiquement agréable, de Sofia Coppola, a donné naissance à une floraison d'ouvrages sur le sujet. Dans son Louis XVI et Marie-Antoinette, Joël Félix, professeur à l'Université de Reading (Angleterre), auteur notamment d'un dictionnaire des magistrats du Parlement de Paris et d'une biographie du ministre L'Averdy, présente un portrait croisé du couple.
Du couple ? Pas exactement, à vrai dire. On chercherait en vain ici une analyse des rapports psychologiques du roi et de la reine, comme l'ont fait avec sensibilité Evelyne Lever et Simone Bertière. La reine est à peine présente, n'ayant vécu, selon l'auteur, que « dans l'ombre de son mari ». Le personnage essentiel est donc Louis XVI. Une thèse inlassablement déclinée traverse le livre : loin d'être un homme bon et compatissant, voulant le bonheur de son peuple, mais faible et indécis, le dernier roi de l'Ancien Régime ne serait qu'un « monarque sûr de lui, jaloux de son autorité, volontiers despotique et belliqueux et à la pensée claire ». Cet obstiné menteur, parjure à son serment de 1791, n'aurait rêvé que de contre-révolution, au besoin par la force.
Tout laisse penser que ce roi, réformiste avant la Révolution, a cherché sincèrement un compromis avec elle, finissant par admettre les droits de l'homme, la représentation nationale et la rénovation administrative. Tout laisse penser aussi que la Révolution n'a cessé de le rejeter, lui déniant jusqu'aux pouvoirs constitutionnels qu'elle lui avait concédés, comme le droit de veto. Il est trop facile de dire qu'en s'opposant « aux voeux » du tiers état en juin 1789 il s'est « finalement mis hors la loi », et sommaire, d'affirmer que le coup de force du 10 août 1792, fruit d'une minorité subversive, porte en lui une « légitimité populaire » permettant de passer outre à son « caractère illégal ». Qu'avant et après Varennes le roi et la reine aient toujours été sur la même ligne politique de fermeté paraît également fort contestable. Bien des éléments montrent que Marie-Antoinette souhaitait un retour partiel à l'Ancien Régime, alors que Louis se serait accommodé d'un système politique nouveau, à condition que fût préservé un exécutif consistant, face à une assemblée enivrée de sa toute puissance.
La biographie de Joël Félix ne manque pas de qualités. Elle est claire et documentée, utilisant des sources en partie inédites. La difficulté vient de l'interprétation systématique des faits, surtout à partir de la pré-Révolution. La vieille historiographie de la IIIe République, hostile à Louis XVI, savait au moins l'excuser, montrant ses hésitations et sa bonne volonté. En brossant par goût du paradoxe le portrait d'un « souverain extrêmement prétentieux », « essentiellement faux », et d'une reine agissant « comme son ministre des affaires étrangères », en faisant d'eux des automates de Vaucanson, programmés pour des temps surannés, que la Révolution triomphante froidement brise de son couperet mécanique, l'auteur soutient une thèse excessive et sans nuance, qui dessert les qualités de sa recherche. C'est regrettable.
Bonnefoy du Plan a écrit:Ce qui semble établi, c’est que les fonctions diplomatiques de Feuillet de Conches lui ont permis d’accéder à de véritables fonds d’archives dans diverses cours européennes.
En effet, selon WIKI, Le 25 juin 1824, Félix Sébastien Feuillet de Conches entre au ministère des Affaires étrangères sur recommandation de Talleyrand. Le 1er avril 1832, il est nommé chef de bureau au service du protocole. À partir de 1835, il s'emploie à réunir des dessins venant d'Égypte, d'Abyssinie, de Perse, d'Inde, de Chine, du Japon. Sa profession favorise ses missions à l'étranger et les relations avec les ambassadeurs, il voyage à Londres, à Dresde, à Munich, à Prague, à Vienne, en Hongrie, en Russie, en Italie.
https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9lix-S%C3%A9bastien_Feuillet_de_Conches
Bonnefoy du Plan a écrit: Il est également prouvé qu’il s’est laissé berner par des faussaires pour augmenter sa collection de lettres autographes, certains allant jusqu’à dire qu’il était même l’instigateur de ce commerce apparemment très profitable. Ce manque de rigueur a nui considérablement à la réputation de l’auteur et à la portée de ses recherches auprès des historiens.
C'est le piège dans lequel donnent trop souvent les collectionneurs de reliques.
Bonnefoy du Plan a écrit:Il est donc heureux qu’une historienne rigoureuse comme Madame Seth ait permis aujourd’hui de rétablir les faits, une bonne fois pour toutes, pour une partie importante de ce fonds. Et s’il lui venait maintenant l’excellente idée de faire le même exercice pour les lettres de Marie-Antoinette à ses frères et sœurs! Et même pour celles à sa mère pour lesquelles Madame Lever (via Arneth + Girard) ne donne pas toujours non plus la version intégrale de certain documents (si, si, je vous assure, je vous préparerai un petit dossier sur le sujet dans quelque temps...).
Nous saurons être bien sages et patients : prenez tout votre temps !
Et, en attendant, voici le pendable ( ? ) héros de ce nouveau feuilleton :
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Si vous convoquez le diable, cela ne risque pas de devenir plus simple!Mme de Sabran a écrit:Le 25 juin 1824, Félix Sébastien Feuillet de Conches entre au ministère des Affaires étrangères sur recommandation de Talleyrand
Il faudra que j'en parle à mon voisin Emmanuel de Waresquiel dont la campagne est à 5km de la mienne.
Pour le reste, j'ai aussi lu que Feuillet de Conches adorait Poussin, ce qui fait nécessairement de lui à mes yeux un homme d'excellente compagnie, à défaut d'être parfaitement recommandable...
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" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
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Localisation : Le Maine
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Quel voisinage choisi vous avez !
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Jean-Christian Petitfils a écrit:
La reine est à peine présente, n'ayant vécu, selon l'auteur ( Joël Félix ) , que « dans l'ombre de son mari ».
Et moi je sentirais plutôt exactement l'inverse ...
Comme quoi l'Histoire est quelquefois question d'interprétation .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Bonnefoy du Plan a écrit:Note de lecture
Mais s’il vous plait, ajoutez à vos bibliothèques le livre de Catriona Seth et, pour les anglophones, celui de John Hardman !
Deux mots sur ce dernier auteur, spécialiste outre-manche de Louis XVI depuis sa première biographie du roi en 1993, entièrement réécrite en 2016. On lui doit nombre d’ouvrages sur le règne, et notamment une étude – hélas non traduite, elle non plus – consacrée à l’échec de la révolution royale lors de l’Assemblée des Notables.
CQFD
Cher Bonnefoy du Plan, pour battre le fer tant qu'il est chaud, je reviens sur la précision ci-dessus qui signale une étude qu'il me plairait de pouvoir consulter. Est-ce faisable et dans ce cas comment est-il possible de la lire.
Par avance, mille mercis. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
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Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Roi-Cavalerie a écrit:... je reviens sur la précision ci-dessus qui signale une étude qu'il me plairait de pouvoir consulter (au sujet de John Hardman)
Voici la couverture du livre en question, cher Roi-Cavalerie, avec aussi celle de l'étude bien connue sur l'ensemble du règne jusqu'à la prise de la Bastille. Le premier livre date de 2010, vous le trouvez auprès de Oxford University Press; le second est de 1995, il a été édité chez Longman.
Hardman est non seulement le biographe de Louis XVI, il a aussi écrit la vie de Robespierre.
Je n'ai pas ce livre, un simple oubli sans doute...
Quant à la manière pro-active dont la perfide albion suivait les évènements révolutionnaires, on ne peut qu'être d'accord avec votre commentaire de spécialiste... Il y a toujours eu une revanche à prendre entre ces deux pays-là...
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Bonnefoy du Plan- Messages : 390
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Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Merci, cher Bonnefoy du Plan, pour cette information. J'ai dans ma bibliothèque French Politics mais je ne connaissais pas Overture to Revolution que je vais tenter de me procurer.
Bien à vous. Roi-cavalerie
Bien à vous. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Merci également cher Bonnefoy du Plan pour votre récit passionnant quant à cette correspondance.
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« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
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Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Note de lecture
FONDAMENTAL et INDISPENSABLE !
Suite du message en date du 22 mai 2020
Il semble que l’actualité soit aux correspondances en ce moment… Et avec quelle fébrilité sur nos pages !
décaviardage de la correspondance entre Marie-Antoinette et Fersen - CP Archives nationales 8 juin 2020
Mais moi, je n’attends pas le début 2021 pour vous faire part des résultats de mon enquête à l’occasion de la sortie de l’ouvrage de Catriona Seth, "Marie-Antoinette, lettres inédites" (Albin Michel, 2019) …
Un livre qui permet de corriger nombre d'erreurs et de fantaisies. Comme par exemple celle-ci, choisie spécialement pour Madame de Sabran et le duc d’Ostrogothie :
« Gardez cette lettre pour la montrer au baron de Fersen » (sic)
28 septembre 1791, chez Feuillet de Conches, Arneth, La Rocheterie et Beaucourt !
Face à tant de rigueur éditoriale, il était plus que temps de revenir aux textes originaux, tels que Marie-Antoinette les a écrits…
Ce deuxième message sert d'ouverture aux conclusions de l’étude que j’ai souhaité faire pour comparer les textes réunis par Madame Seth avec ceux qui ont déjà fait l’objet d’une parution au XIXe siècle, dans l’un ou l’autre des recueils de correspondances royales publiés dans la seconde moitié du siècle. Cette étude porte donc sur la forme et sur les différences entre toutes les versions connues de ces textes.
Il faudra revenir une autre fois sur le fond, particulièrement pour des lettres majeures écrites dans les années 1790 et 1791.
Il est intéressant de faire un parallèle entre le travail engagé aux Archives sur la correspondance entre Marie-Antoinette et Fersen et le livre de Catriona Seth au sujet des lettres à Mercy-Argenteau. Un lien factuel existe en effet entre ces deux actualités épistolaires. Dans le dossier Fersen, les scientifiques sont penchés sur des rayures pour percer le secret du texte qu’elles dissimulent ; dans le dossier Mercy, Madame Seth a rétabli la vérité d’une correspondance en restituant des passages jusqu’ici caviardés ou rendus de manière incorrecte par ses devanciers. Les ratures ne sont pas les seuls obstacles à la communication de la vérité ...
1- 114 textes : 22 inédits absolus ; 71 inédits relatifs ; 21 textes identiques dans toutes les versions
Une petite précision, j’ai parlé de 112 textes dans le premier post. Il faut lire non pas 112 mais 114 billets et lettres ! Et ce sont 65 et non 64 textes qui sont ainsi rajoutés au recueil d’Evelyne Lever…
Parmi ces 114 textes, 22 sont des inédits « absolus » car ils n’apparaissent dans aucun des ouvrages du XIXe siècle, qu’il s’agisse de ceux d’Arneth, Feuillet de Conches ou autres auteurs. Pour les 92 messages restants, 21 sont parfaitement identiques dans les différentes versions disponibles. Ceci nous laisse 71 billets et lettres, que l’on peut qualifier d’inédits « relatifs », mais inédits tout de même dans la mesure où la version qui est donnée par Madame Seth s’écarte – et parfois de manière significative, nous le verrons – de celles transmises par Feuillet de Conches (1864 à 1873) et par Arneth (différents titres, entre 1866 et 1891). Ces versions ont été reprises ensuite, à d’infimes nuances près, dans l’ouvrage de référence publié en 1895-1896 par La Rocheterie et Beaucourt :
« Lettres de Marie-Antoinette, Recueil des lettres authentiques de le reine » en 1895-1896.
Je renvoie au message du 22 mai, pour tous les détails autour de ces publications.
J’ai d’abord patiemment constitué un tableau (un bon vieux tableau Excel!), avec les références de chaque lettre dans les différents ouvrages, auxquels j’ai ajouté le recueil d’Evelyne Lever en 2005. J’ai précisé les sources données par les auteurs, guidé principalement par La Rocheterie qui ajoute l’information après chaque texte, avec un renvoi bien utile aux éditions d’Arneth et de Feuillet de Conches lorsque les mêmes textes y sont donnés. Ces informations sont réunies dans l’onglet « dates et sources », illustré ci-dessous).
Pour ne pas alourdir ce message de trop de chiffres, ce tableau permet de visualiser le nombre de lettres communes aux différents ouvrages de référence.
Il apparaît clairement dans ce tableau que la piste de recherche privilégiée était celle du recueil de La Rocheterie et Beaucourt, puisque les 92 textes classés dans la catégorie « autres » chez Madame Seth s’y retrouvent (« autres », c’est-à-dire ceux qui ne sont donc pas des inédits « absolus » à proprement parler).
Le travail d’enquêteur pouvait alors commencer , il consistait à noter toutes les variantes entre les textes dans les différentes autres versions, en tenant compte des principes d’édition rappelés par Catriona Seth en tête de son volume pour ne pas allonger inutilement la liste.
Le tableau ainsi constitué permettait ensuite de classer toutes ces différences en fonction de la typologie d’erreurs préalablement définie.
2. Cadre et principes de l’étude comparative
Je n’ai pas repris dans l’onglet « comparatif textes » la version d’Evelyne Lever. Ce n’est pas un parti pris, mais les textes que donne Madame Lever sont exclusivement ceux qui figurent au corpus d’Arneth. Ces lettres sont déjà toutes présentes chez La Rocheterie et Beaucourt, qui les ont copiées à la même source. Une rapide étude comparative entre les versions « Lever » et « La Rocheterie » confirme d’ailleurs que ces textes « issus d’Arneth » sont bien identiques, à quelques détails près, qui ne tiennent qu’à des points mineurs de syntaxe. Dès lors, les différences que j’aurais pu relever entre Catriona Seth et Evelyne Lever étaient celles que j’avais déjà enregistrées entre Catriona Seth et Maxime de La Rocheterie. Je rappelle que La Rocheterie et Beaucourt n’ont pas eu accès aux archives de Vienne et qu’ils ont travaillé à partir des sources Arneth + Feuillet de Conches. Pour sa part, Madame Lever rejette dans son recueil tout ce qui vient de chez Feuillet de Conches et n’aurait pas été publié (et donc authentifié) par Arneth.
En revanche, j’ai pensé utile d’intégrer les lettres publiées par Hunolstein, mais uniquement quand elles correspondaient à des textes du corpus de Catriona Seth. Les liens entre Feuillet de Conches et Hunolstein sont en effet connus et la réputation de faussaire du second n’est plus à faire… Elle se confirmera ici, comme c’était prévisible.
La version de référence du tableau est celle de Catriona Seth, tant pour les dates que le texte. Il est assez vertigineux de réaliser que cette historienne est la première à avoir travaillé sur les originaux depuis le milieu des années ... 1850 ! Ou, plus exactement, c’est la première à l'avoir fait dans le but de restituer cette correspondance dans son intégralité.
Son travail a permis de sortir d’un long purgatoire des textes considérés comme apocryphes par de nombreux historiens en raison de leur estampille « Feuillet de Conches ». Le fonds "impérial" constitué des minutes copiées par ce chercheur aux archives de Vienne, en 1854, lui a ensuite servi de socle pour la publication de six célébrissimes volumes de correspondances. Marie-Antoinette y tient la plus grande part, mais la présence de lettres apocryphes à côté de textes authentiques a nui considérablement à l’image de Feuillet de Conches et son travail de chercheur s’en est trouvé marginalisé. Et pourtant, pour ne parler que de la correspondance entre Marie-Antoinette et Mercy-Argenteau, sur les 97 textes connus au XIXe siècle, 58 provenaient de son Cabinet, et tous sauf 5 ont pu être authentifiés par Madame Seth à Vienne. Ces 53 textes ont donc bien été copiés aux archives impériales, comme Feuillet de Conches l’avait toujours assuré !
CQFD.
Des 58 textes de Marie-Antoinette à Mercy au catalogue de Feuillet de Conches, seules les 5 lettres qui ne figurent donc pas dans les archives de Vienne ont donc été écartés par Madame Seth :
A vrai dire, c’est sans déchirement excessif que nous abandonnons l’idée de Marie-Antoinette traçant de sa plume ces lignes immortelles :
« Pour des nouvelles, je ne peux pas vous en mander de nouvelles » … (3 août 1788)
Vous avez bien lu : « Pour des nouvelles, je ne peux pas vous en mander de nouvelles » ! (sic et re-sic)
Et toujours ce 3 août, du même faussaire à deux doigts du burn-out : « le roi se montre toujours le meilleur des pères, mais parmi ses enfants il y a toujours bien des fous »…
3- typologie des disparités entre les différentes versions des mêmes lettres
Les différences entre versions sont classées dans le tableau en fonction de 6 catégories, le type d’erreur étant précisé ensuite à l’intérieur de la catégorie. Différences et Erreurs qualifient les versions anciennes des lettres et se rapportent donc toujours aux textes publiés par La Rocheterie, Feuillet de Conches ou Hunolstein.
C’est amusant à noter car cette gymnastique peut vite donner le tournis … En effet, lorsque les auteurs du XIXe corrigent la grammaire et la syntaxe de Marie-Antoinette, cela devient une erreur dans le tableau, dès lors que Madame Seth restitue la version authentique de la lettre
(version authentique, certes, mais le plus souvent grammaticalement incorrecte. ).
Corriger les erreurs des anciens chercheurs revient donc à rétablir celles de la reine ! Erreurs oh combien précieuses, par ailleurs, pour se figurer comment la dame pouvait parler…
les 6 catégories :
- transcription : erreurs (volontaires ou non), maladresses, difficultés de déchiffrage …
- omission de mot(s) : en général une décision délibérée, pouvant aller jusqu’à la censure pure et simple
- ajout de mot(s) : même remarque que pour les omissions sur le côté délibéré de l’exercice
- grammaire : erreurs de genre, de nombre ou encore de conjugaison
- syntaxe : mots en trop, mots qui manquent, formes narratives incorrectes …
- ponctuation : uniquement quand elle a conduit les chercheurs du XIXe siècle à des contresens, repris depuis sans ciller, voire à des non-sens suite à une compréhension erronée du texte.
Pour les 71 lettres et billets ainsi passés à la moulinette, j’ai recensé près de 250 erreurs et différences.
Elles se distribuent de la manière suivante entre les 6 catégories :
Je vous laisse méditer sur ces chiffres et les proportions relatives de chacune des catégories.
D’ici quelques jours, je vous proposerai une analyse détaillée, l’occasion d’illustrer les principaux types d’erreurs, celle aussi – bien sûr – de partager quelques perles…
A quoi bon tous ces efforts, en effet, si le chercheur n’est pas gratifié de quelques découvertes, qu’il se soit heurté ou non à des ratures ?
FONDAMENTAL et INDISPENSABLE !
Suite du message en date du 22 mai 2020
Il semble que l’actualité soit aux correspondances en ce moment… Et avec quelle fébrilité sur nos pages !
décaviardage de la correspondance entre Marie-Antoinette et Fersen - CP Archives nationales 8 juin 2020
Mais moi, je n’attends pas le début 2021 pour vous faire part des résultats de mon enquête à l’occasion de la sortie de l’ouvrage de Catriona Seth, "Marie-Antoinette, lettres inédites" (Albin Michel, 2019) …
Un livre qui permet de corriger nombre d'erreurs et de fantaisies. Comme par exemple celle-ci, choisie spécialement pour Madame de Sabran et le duc d’Ostrogothie :
« Gardez cette lettre pour la montrer au baron de Fersen » (sic)
28 septembre 1791, chez Feuillet de Conches, Arneth, La Rocheterie et Beaucourt !
Face à tant de rigueur éditoriale, il était plus que temps de revenir aux textes originaux, tels que Marie-Antoinette les a écrits…
Ce deuxième message sert d'ouverture aux conclusions de l’étude que j’ai souhaité faire pour comparer les textes réunis par Madame Seth avec ceux qui ont déjà fait l’objet d’une parution au XIXe siècle, dans l’un ou l’autre des recueils de correspondances royales publiés dans la seconde moitié du siècle. Cette étude porte donc sur la forme et sur les différences entre toutes les versions connues de ces textes.
Il faudra revenir une autre fois sur le fond, particulièrement pour des lettres majeures écrites dans les années 1790 et 1791.
Il est intéressant de faire un parallèle entre le travail engagé aux Archives sur la correspondance entre Marie-Antoinette et Fersen et le livre de Catriona Seth au sujet des lettres à Mercy-Argenteau. Un lien factuel existe en effet entre ces deux actualités épistolaires. Dans le dossier Fersen, les scientifiques sont penchés sur des rayures pour percer le secret du texte qu’elles dissimulent ; dans le dossier Mercy, Madame Seth a rétabli la vérité d’une correspondance en restituant des passages jusqu’ici caviardés ou rendus de manière incorrecte par ses devanciers. Les ratures ne sont pas les seuls obstacles à la communication de la vérité ...
1- 114 textes : 22 inédits absolus ; 71 inédits relatifs ; 21 textes identiques dans toutes les versions
Une petite précision, j’ai parlé de 112 textes dans le premier post. Il faut lire non pas 112 mais 114 billets et lettres ! Et ce sont 65 et non 64 textes qui sont ainsi rajoutés au recueil d’Evelyne Lever…
Parmi ces 114 textes, 22 sont des inédits « absolus » car ils n’apparaissent dans aucun des ouvrages du XIXe siècle, qu’il s’agisse de ceux d’Arneth, Feuillet de Conches ou autres auteurs. Pour les 92 messages restants, 21 sont parfaitement identiques dans les différentes versions disponibles. Ceci nous laisse 71 billets et lettres, que l’on peut qualifier d’inédits « relatifs », mais inédits tout de même dans la mesure où la version qui est donnée par Madame Seth s’écarte – et parfois de manière significative, nous le verrons – de celles transmises par Feuillet de Conches (1864 à 1873) et par Arneth (différents titres, entre 1866 et 1891). Ces versions ont été reprises ensuite, à d’infimes nuances près, dans l’ouvrage de référence publié en 1895-1896 par La Rocheterie et Beaucourt :
« Lettres de Marie-Antoinette, Recueil des lettres authentiques de le reine » en 1895-1896.
Je renvoie au message du 22 mai, pour tous les détails autour de ces publications.
J’ai d’abord patiemment constitué un tableau (un bon vieux tableau Excel!), avec les références de chaque lettre dans les différents ouvrages, auxquels j’ai ajouté le recueil d’Evelyne Lever en 2005. J’ai précisé les sources données par les auteurs, guidé principalement par La Rocheterie qui ajoute l’information après chaque texte, avec un renvoi bien utile aux éditions d’Arneth et de Feuillet de Conches lorsque les mêmes textes y sont donnés. Ces informations sont réunies dans l’onglet « dates et sources », illustré ci-dessous).
Pour ne pas alourdir ce message de trop de chiffres, ce tableau permet de visualiser le nombre de lettres communes aux différents ouvrages de référence.
Il apparaît clairement dans ce tableau que la piste de recherche privilégiée était celle du recueil de La Rocheterie et Beaucourt, puisque les 92 textes classés dans la catégorie « autres » chez Madame Seth s’y retrouvent (« autres », c’est-à-dire ceux qui ne sont donc pas des inédits « absolus » à proprement parler).
Le travail d’enquêteur pouvait alors commencer , il consistait à noter toutes les variantes entre les textes dans les différentes autres versions, en tenant compte des principes d’édition rappelés par Catriona Seth en tête de son volume pour ne pas allonger inutilement la liste.
Le tableau ainsi constitué permettait ensuite de classer toutes ces différences en fonction de la typologie d’erreurs préalablement définie.
2. Cadre et principes de l’étude comparative
Je n’ai pas repris dans l’onglet « comparatif textes » la version d’Evelyne Lever. Ce n’est pas un parti pris, mais les textes que donne Madame Lever sont exclusivement ceux qui figurent au corpus d’Arneth. Ces lettres sont déjà toutes présentes chez La Rocheterie et Beaucourt, qui les ont copiées à la même source. Une rapide étude comparative entre les versions « Lever » et « La Rocheterie » confirme d’ailleurs que ces textes « issus d’Arneth » sont bien identiques, à quelques détails près, qui ne tiennent qu’à des points mineurs de syntaxe. Dès lors, les différences que j’aurais pu relever entre Catriona Seth et Evelyne Lever étaient celles que j’avais déjà enregistrées entre Catriona Seth et Maxime de La Rocheterie. Je rappelle que La Rocheterie et Beaucourt n’ont pas eu accès aux archives de Vienne et qu’ils ont travaillé à partir des sources Arneth + Feuillet de Conches. Pour sa part, Madame Lever rejette dans son recueil tout ce qui vient de chez Feuillet de Conches et n’aurait pas été publié (et donc authentifié) par Arneth.
En revanche, j’ai pensé utile d’intégrer les lettres publiées par Hunolstein, mais uniquement quand elles correspondaient à des textes du corpus de Catriona Seth. Les liens entre Feuillet de Conches et Hunolstein sont en effet connus et la réputation de faussaire du second n’est plus à faire… Elle se confirmera ici, comme c’était prévisible.
La version de référence du tableau est celle de Catriona Seth, tant pour les dates que le texte. Il est assez vertigineux de réaliser que cette historienne est la première à avoir travaillé sur les originaux depuis le milieu des années ... 1850 ! Ou, plus exactement, c’est la première à l'avoir fait dans le but de restituer cette correspondance dans son intégralité.
Son travail a permis de sortir d’un long purgatoire des textes considérés comme apocryphes par de nombreux historiens en raison de leur estampille « Feuillet de Conches ». Le fonds "impérial" constitué des minutes copiées par ce chercheur aux archives de Vienne, en 1854, lui a ensuite servi de socle pour la publication de six célébrissimes volumes de correspondances. Marie-Antoinette y tient la plus grande part, mais la présence de lettres apocryphes à côté de textes authentiques a nui considérablement à l’image de Feuillet de Conches et son travail de chercheur s’en est trouvé marginalisé. Et pourtant, pour ne parler que de la correspondance entre Marie-Antoinette et Mercy-Argenteau, sur les 97 textes connus au XIXe siècle, 58 provenaient de son Cabinet, et tous sauf 5 ont pu être authentifiés par Madame Seth à Vienne. Ces 53 textes ont donc bien été copiés aux archives impériales, comme Feuillet de Conches l’avait toujours assuré !
CQFD.
Des 58 textes de Marie-Antoinette à Mercy au catalogue de Feuillet de Conches, seules les 5 lettres qui ne figurent donc pas dans les archives de Vienne ont donc été écartés par Madame Seth :
A vrai dire, c’est sans déchirement excessif que nous abandonnons l’idée de Marie-Antoinette traçant de sa plume ces lignes immortelles :
« Pour des nouvelles, je ne peux pas vous en mander de nouvelles » … (3 août 1788)
Vous avez bien lu : « Pour des nouvelles, je ne peux pas vous en mander de nouvelles » ! (sic et re-sic)
Et toujours ce 3 août, du même faussaire à deux doigts du burn-out : « le roi se montre toujours le meilleur des pères, mais parmi ses enfants il y a toujours bien des fous »…
3- typologie des disparités entre les différentes versions des mêmes lettres
Les différences entre versions sont classées dans le tableau en fonction de 6 catégories, le type d’erreur étant précisé ensuite à l’intérieur de la catégorie. Différences et Erreurs qualifient les versions anciennes des lettres et se rapportent donc toujours aux textes publiés par La Rocheterie, Feuillet de Conches ou Hunolstein.
C’est amusant à noter car cette gymnastique peut vite donner le tournis … En effet, lorsque les auteurs du XIXe corrigent la grammaire et la syntaxe de Marie-Antoinette, cela devient une erreur dans le tableau, dès lors que Madame Seth restitue la version authentique de la lettre
(version authentique, certes, mais le plus souvent grammaticalement incorrecte. ).
Corriger les erreurs des anciens chercheurs revient donc à rétablir celles de la reine ! Erreurs oh combien précieuses, par ailleurs, pour se figurer comment la dame pouvait parler…
les 6 catégories :
- transcription : erreurs (volontaires ou non), maladresses, difficultés de déchiffrage …
- omission de mot(s) : en général une décision délibérée, pouvant aller jusqu’à la censure pure et simple
- ajout de mot(s) : même remarque que pour les omissions sur le côté délibéré de l’exercice
- grammaire : erreurs de genre, de nombre ou encore de conjugaison
- syntaxe : mots en trop, mots qui manquent, formes narratives incorrectes …
- ponctuation : uniquement quand elle a conduit les chercheurs du XIXe siècle à des contresens, repris depuis sans ciller, voire à des non-sens suite à une compréhension erronée du texte.
Pour les 71 lettres et billets ainsi passés à la moulinette, j’ai recensé près de 250 erreurs et différences.
Elles se distribuent de la manière suivante entre les 6 catégories :
Je vous laisse méditer sur ces chiffres et les proportions relatives de chacune des catégories.
D’ici quelques jours, je vous proposerai une analyse détaillée, l’occasion d’illustrer les principaux types d’erreurs, celle aussi – bien sûr – de partager quelques perles…
A quoi bon tous ces efforts, en effet, si le chercheur n’est pas gratifié de quelques découvertes, qu’il se soit heurté ou non à des ratures ?
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Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Travail de recensement et d'analyse impressionnant avec des outils modernes de quantification. Etude certainement intéressante pour les chercheurs. Notre chère Evelynn Farr va être certainement enthousiasmée par votre travail qui va compléter ses propres études. Bravo !
Amitiés Roi-cavalerie.
Amitiés Roi-cavalerie.
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Un grand merci, cher Bonnefoy, pour ce travail considérable , dont vous gratifiez notre Forum. J'en suis vraiment admirative ! Quelle limpidité dans votre synthèse ! J'ajoute que je raffole de vos petites digressions humoristiques ...
Nous brûlons de découvrir la suite ...
En effet, ce que dit notre ami Bonnefoy : Il est assez vertigineux de réaliser que cette historienne est la première à avoir travaillé sur les originaux depuis le milieu des années ... 1850 ! est valable également pour Mme Farr .
Rencontrant ce " baron de Fersen ", que vous épinglez, cher Bonnefoy, le duc et moi avions levé un sourcil circonspect et nous nous étions demandé s'il ne pouvait s'agir de Fabian ou d'un cousin.
Je n'arrive plus à retrouver où .
Notre Grâce s'en souvient-elle ?!
Nous brûlons de découvrir la suite ...
Oui, n'est-ce pas ! Quelle remarquable complémentarité avec Catriona Seth !Roi-cavalerie a écrit:
Notre chère Evelynn Farr va être certainement enthousiasmée par votre travail qui va compléter ses propres études. Bravo !
.
En effet, ce que dit notre ami Bonnefoy : Il est assez vertigineux de réaliser que cette historienne est la première à avoir travaillé sur les originaux depuis le milieu des années ... 1850 ! est valable également pour Mme Farr .
Rencontrant ce " baron de Fersen ", que vous épinglez, cher Bonnefoy, le duc et moi avions levé un sourcil circonspect et nous nous étions demandé s'il ne pouvait s'agir de Fabian ou d'un cousin.
Je n'arrive plus à retrouver où .
Notre Grâce s'en souvient-elle ?!
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Mme de Sabran a écrit:ce " baron de Fersen ", que vous épinglez
Ne cherchez pas, chère Eléonore, il s'agit tout simplement d'une mauvaise lecture de la lettre en chiffre du 28 septembre 1791. La reine écrit en fait :
"Gardez cette lettre pour la montrer au Baron et à M. de Fersen, qui va vous joindre." Le baron étant bien sûr Breteuil...
Et ainsi de suite... ces petits travaux pratiques étaient passionnants. La suite au prochain numéro...
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Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
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Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Merci, avec plaisir !!!
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Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
« La vérité est comme un flambeau que les uns cherchent à allumer, que les autres s’efforcent à éteindre. Eh bien! travaillons à l’allumer de concert; étudions en honnêtes gens la question, pièces sur table, sans préoccupation, sans passion, aigreur, arguties ni voies de fait oratoires.» Feuillet de Conches.
De l'authenticité des lettres de Marie-Antoinette, Revue des Deux Mondes, 2ème période, tome 64, 1866 - Extrait d'un mémoire de Feuillet de Conches à lire en entier sur Wikisource.
Alfred von Arneth, attaché aux archives impériales à partir de 1841, puis directeur adjoint en 1860, et ensuite directeur en chef des archives d'état à Vienne a lui aussi publié d'après les originaux.
À ma connaissance, il effectua quelques modifications de transcriptions et/ou des omissions, dans la correspondance de Marie-Antoinette avec sa mère, dérangeantes pour les prudes oreilles du XIXe siècle, mais ne portant pas à priori sur le fond.
Merci Bonnefoy, hâte de vous lire.
De l'authenticité des lettres de Marie-Antoinette, Revue des Deux Mondes, 2ème période, tome 64, 1866 - Extrait d'un mémoire de Feuillet de Conches à lire en entier sur Wikisource.
Alfred von Arneth, attaché aux archives impériales à partir de 1841, puis directeur adjoint en 1860, et ensuite directeur en chef des archives d'état à Vienne a lui aussi publié d'après les originaux.
À ma connaissance, il effectua quelques modifications de transcriptions et/ou des omissions, dans la correspondance de Marie-Antoinette avec sa mère, dérangeantes pour les prudes oreilles du XIXe siècle, mais ne portant pas à priori sur le fond.
Merci Bonnefoy, hâte de vous lire.
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« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Merci cher Bonnefoy pour votre travail d’analyse et de synthèse.
Il est constant que les historiens du XIXEME siècle ont eu à cœur de retranscrire la correspondance de Marie-Antoinette à leur manière. Tel Reiset par exemple qui a retranscrit les lettres de la reine à la princesse de Hesse Darmstadt:
- non seulement en corrigeant les fautes d’orthographe (ce qui peut a priori sembler louable mais gomme une partie de la personnalité de la reine, en particulier son petit accent germanique : je pense notamment à cette lettre où elle a écrit “grandes chapeaux” au lieu de “grands chapeaux” );
- mais également en modifiant carrément certains mots ou certaines phrases, tel un Viollet le Duc voulant “faire mieux” que l’original.
Cela est assez stupéfiant . Ce qui l’est encore plus c’est la reprise de ces transcriptions inexactes dans certains recueils de lettres modernes.
Il est constant que les historiens du XIXEME siècle ont eu à cœur de retranscrire la correspondance de Marie-Antoinette à leur manière. Tel Reiset par exemple qui a retranscrit les lettres de la reine à la princesse de Hesse Darmstadt:
- non seulement en corrigeant les fautes d’orthographe (ce qui peut a priori sembler louable mais gomme une partie de la personnalité de la reine, en particulier son petit accent germanique : je pense notamment à cette lettre où elle a écrit “grandes chapeaux” au lieu de “grands chapeaux” );
- mais également en modifiant carrément certains mots ou certaines phrases, tel un Viollet le Duc voulant “faire mieux” que l’original.
Cela est assez stupéfiant . Ce qui l’est encore plus c’est la reprise de ces transcriptions inexactes dans certains recueils de lettres modernes.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Chers amis,
Sur twitter, vous pourrez écouter cet interview de Catriona Seth enregistré récemment dans le cadre de la sélection de son dernier livre pour le prix du livre d'histoire.
"Le Scribe a eu la possibilité d’interviewer Catriona Seth par Skype. Entretien filmé à découvrir en cliquant ci-dessous."
https://scribeaccroupi.fr/entretien-lettres-inedites-de-marie-antoinette-par-catriona-seth/
Amitiés Roi-cavalerie
A toutes fins utiles, pour ceux que cela intéresse le compte du Centre de Recherche du château de Versailles sur twiter est @CRCVersailles. On y trouve des photographies et des informations très intéressantes dont notamment des plans ou des dessins d'époque.Profitez en !
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"Le Scribe a eu la possibilité d’interviewer Catriona Seth par Skype. Entretien filmé à découvrir en cliquant ci-dessous."
https://scribeaccroupi.fr/entretien-lettres-inedites-de-marie-antoinette-par-catriona-seth/
Amitiés Roi-cavalerie
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Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Roi-cavalerie a écrit:Chers amis,
Sur twitter, vous pourrez écouter cet interview de Catriona Seth enregistré récemment dans le cadre de la sélection de son dernier livre pour le prix du livre d'histoire.
https://scribeaccroupi.fr/entretien-lettres-inedites-de-marie-antoinette-par-catriona-seth/
Merci, cher Roi-cavalerie !
C'est effroyable de découvrir le niveau de duplicité de Mercy envers une Marie-Antoinette qui place en lui une confiance d'autant plus absolue qu'il est en quelque sorte un substitut de sa famille et de sa patrie ... Il apparaît comme parfaitement ignoble .
Pire, quand éclate la Révolution qui veut la broyer, il temporise, minimise la gravité de la situation, conseille à Marie-Antoinette de prendre son mal en patience, et tient à l'Autriche le discours suivant : " Il est urgent d'attendre; surtout ne faisons rien pour l'instant . "
Quel fumier, ce Mercy !!! J'en tremblerais presque d'indignation .
Catriona Seth constate l'absence de Louis XVI , dans cette correspondance. Il est présent " en creux ", inactif, dépressif. Il ne connaît parfois pas les choses que Marie-Antoinette rapporte à Mercy . Marie-Antoinette fait écran entre la réalité et lui, pour le ménager. Le rôle politique de Marie-Antoinette s'élabore au cours des années faisant d'elle un personnage plus profond .
Il est trop facile de plaquer sur les personnages historiques la grille interprétative qui est la nôtre. Il faut s'en garder en écoutant leurs propres voix.
Marie-Antoinette n'est ni la caricature frivole ni la harpie qui met à sac les caisses de l'Etat .
Catriona Seth évoque l'imaginatif producteur d'autographes Feuillet de Conches. Elle mentionne aussi une lettre de Marie-Antoinette à sa soeur Marie-Christine comme celle qui l'a le plus bouleversée ( en nous promettant de la publier un jour ... )
Mais j'en dis trop . Ouvrez plutôt le lien que nous donne notre ami Roi-cavalerie et écoutez Mme Seth.
Marie-Jeanne a écrit:
Alfred von Arneth, attaché aux archives impériales à partir de 1841, puis directeur adjoint en 1860, et ensuite directeur en chef des archives d'état à Vienne a lui aussi publié d'après les originaux.
À ma connaissance, il effectua quelques modifications de transcriptions et/ou des omissions, dans la correspondance de Marie-Antoinette avec sa mère, dérangeantes pour les prudes oreilles du XIXe siècle, mais ne portant pas à priori sur le fond.
Catriona Seth te donne tout à fait raison, chère Marie-Jeanne : Arneth a censuré ( n'ayons pas peur des mots ) la correspondance secrète.
C'est l'explication de l'invisibilité parfaite de Fersen . Il n'existe nulle part.
En 1866, un historien autrichien, Alfred von Arneth, publie les missives échangées par l'impératrice et reine de Bohême avec la benjamine de ses filles. Plus tard, en collaboration avec Auguste Geffroy, puis avec Jules Flammermont, il procure le texte de la " correspondance secrète " de Marie-Thérèse, Joseph II, Mercy et Kaunitz. Les documents présentés sont conservés à Vienne, au sein des Archives impériales, que l'érudit éditeur connaît mieux que quiconque. C'est un lecteur scrupuleux et très cultivé, dont le seul véritable tort est d'avoir voulu préserver la mémoire des uns et des autres en jetant un voile discret sur des révélations jugées trop intimes, par exemple tout ce qui touche au corps et à la sexualité .
Un petit neveu d'Axel de Fersen, Rudolf Maurits de Klinckowström, livre en 1878, dans " Le Comte de Fersen et la Cour de France", des versions caviardées d'envois de la période révolutionnaire . Des éléments supplémentaires sont apportés en 1930 par Alma Söderhjelm puis, en 2013 et 2016, par Evelyn Farr, qui a étudié les documents désormais conservés aux Archives nationales à Paris avec l'appui d'une spécialiste de la cryptographie. Alma Söderhjelm, qui joint à d'autres titres celui de première femme à avoir occupé une chaire universitaire en Finlande, a en outre donné à lire, en 1934, les missives de la souveraine retenues aux Tuileries et d'Antoine Barnave, auquel elle s'est liée sur le chemin du retour de Varennes, le député ayant fait partie de la délégation chargée de reconduire le famille royale à Paris.
En 2005, prenant appui sur ces travaux et sur de nombreuses autres parutions du siècle et demi écoulé, l'historienne française Evelyne Lever fait paraître, chez Tallandier, un fort volume comprenant nombre de lettres écrites par Marie-Antoinette ( ainsi que d'autres qui lui sont adressées ) et représentant, selon ce qu"indique l'introduction, sa correspondance complète . L'affirmation est audacieuse : si l'ouvrage comprend bien la réunion la plus importante de courriers de la Dauphine et reine, il omet un certain nombre de documents déjà livrés au public, ainsi que d'autres, présents dans des fonds d'archives, dont l'authenticité ne peut être mise en doute. Plus de la moitié des missives adressées à Mercy est absente de cette publication . La présente édition permet ainsi de compléter une partie d'un riche panorama épistolaire .
( Catriona Seth, Marie-Antoinette, lettres inédites )
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
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Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Chère Eléonore,
Ne vous récriez pas et ne vouez pas aux gémonies ce "pauvre " Mercy. Il s'agit d'un diplomate qui ne sacrifie surtout pas aux bons sentiments mais fait ce qu'il croit nécessaire de faire pour les intérêts de son souverain ou ce qu'il pense être les intérêts de son pays en l'occurrence ne pas s'engager imprudemment au secours d'un couple royal en perdition. Il se veut réaliste et est dans la ligne de ce que d'aucun appellent la Realpolitik à savoir : les états n'ont pas d'amis mais seulement des intérêts. Nous en avons tous les jours des exemples en ouvrant les pages de nos journaux du matin. Les bons sentiments ne font pas forcément une bonne politique. C'est bien regrettable, mais la morale est presque toujours absente des relations internationales.
Amitiés Roi-cavalerie
Ne vous récriez pas et ne vouez pas aux gémonies ce "pauvre " Mercy. Il s'agit d'un diplomate qui ne sacrifie surtout pas aux bons sentiments mais fait ce qu'il croit nécessaire de faire pour les intérêts de son souverain ou ce qu'il pense être les intérêts de son pays en l'occurrence ne pas s'engager imprudemment au secours d'un couple royal en perdition. Il se veut réaliste et est dans la ligne de ce que d'aucun appellent la Realpolitik à savoir : les états n'ont pas d'amis mais seulement des intérêts. Nous en avons tous les jours des exemples en ouvrant les pages de nos journaux du matin. Les bons sentiments ne font pas forcément une bonne politique. C'est bien regrettable, mais la morale est presque toujours absente des relations internationales.
Amitiés Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Roi-cavalerie a écrit:
C'est bien regrettable, mais la morale est presque toujours absente des relations internationales.
Bien-sûr, vous avez raison, cher Roi-cavalerie, mais il me semble que des liens d'affection auraient pu se tisser tout naturellement entre eux, du fait de l'étroitesse de la relation Mercy / Marie-Antoinette, toute jeune, naïve, confiante et bonne . Peut-être ne serait-ce même que par ricochet de la véritable dévotion que Marie-Thérèse inspire à l'ambassadeur. Et puis, du fait de sa position d'équilibriste entre Vienne et Versailles, Mercy devrait se sentir responsable " quelque part " de Marie-Antoinette ( même si le renversement des alliances était davantage le fait de Kaunitz et non le sien ).
Elle n'avait pas demandé à être livrée aux Français pour y jouer les Mata Hari. Elle est piégée.
Avril 1791 , Marie-Antoinette ne pense plus qu'à fuir les Tuileries et s'assurer le soutien des puissances étrangères .
Je frémis en lisant :
Mercy botte en touche à toutes les requêtes de la reine, comme il l'indique à l'empereur : il répond ne pas pouvoir faire mouvoir les troupes et savoir que celles-ci ne traverseraient pas les frontières, met en garde sur le grave danger d'une fuite qui pourrait échouer, affirme qu'il serait impossible de se procurer de l'argent en Hollande. ( ... ) recommande encore de surseoir à une évasion qui lui paraît trop dangereuse.
Jusque là, pourquoi pas, après tout c'est un avis d'extrême prudence qui peut se défendre, mais ... et là, je tombe de ma chaise ...
Parmi les éléments que Mercy soulignera pour l'empereur et Kaunitz, auquel il adresse une copie de la lettre, figure l'embarras potentiel d'avoir à accueillir les fuyards sur le territoire autrichien s'ils réussissent à s'échapper . ( ... )
En somme: " Vous aurez bonne mine, avec soeur et beau-frère sur les bras ! "
Dans une Europe où les liens familiaux concurrencent les associations politiques, Marie-Antoinette répète à Mercy qu'elle entend ne se conduire que d'après les conseils de son frère . Elle reste dans l'attente d'un geste fort de l'Autriche qui ne viendra jamais .
( Catriona Seth, Marie-Antoinette, lettres inédites )
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Re: Marie-Antoinette - Lettres inédites. De Catriona Seth
Roi-cavalerie a écrit:
Il se veut réaliste et est dans la ligne de ce que d'aucun appellent la Realpolitik
Eh oui ! Ainsi ne trouve-t-il rien à redire à l'alliance improbable de Marie-Antoinette avec Mirabeau ( qu'il a pourtant dans le collimateur mais qu'il faut utiliser au besoin ) :
Mercy à Marie-Antoinette, le 11 février 1791
... c'est dans des temps aussi extraordinaires et critiques que ceux-ci qu'il faut savoir se servir même des scélérats; ils sont souvent plus utiles que les bonnes et honnêtes gens qui, portant leur nullité dans tout ce qu'il font, n'ont à offrir qu'un zèle stérile.
Voilà bien la Realpolitik !
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