Isabelle Aristide-Hastir, Marie-Antoinette & Axel de Fersen, Correspondance secrète

J'ai en mains le livre de Mme Aristide-Hastir.       Il est très beau, tout en papier glacé, agrémenté de beaucoup d'illustrations parfois incrustées dans le texte, police de caractères agréable, lecture aérée .
Si son ramage se rapporte à son plumage ...  

Voici la quatrième de couverture:


On pensait trouver des mots tendres et de l'amour, mais ce sont avant tout deux années de correspondance politique pour sauver un royaume et sa reine qui voient le jour.

Puis-je émettre un bémol ?     Ces deux années de correspondance politique ne voient pas le jour, puisque ce sont justement les termes politiques, parfaitement lisibles, qui étaient au grand jour et plusieurs fois déjà publiés. Nous les connaissions parfaitement.  
Ce sont les phrases, ou bribes de phrases, scrupuleusement raturées qui gardaient tout leur mystère.      Or ce ne sont nullement des considérations politiques que le comte de Fersen avait si soigneusement caviardées, et qui ont fait l'objet du remarquable décryptage scientifique du Projet REX.   Non.  Ce sont de tendres serments, des mots d'amour, des " je vous aime à la folie " ...
Nous les connaissions déjà aussi, mais seulement en partie   , grâce au travail de Mme E. Farr , Mme V. Nachef et J. Patarin  .

Une page bien faite de Repères chronologiques aidera les indécis.
Et bien-sûr sont mentionnées les indispensables Sources auxquelles a puisé cet ouvrage :

-  Archives nationales de France
-  Archives royales de Suède

Sources bibliographiques :

-  Mme Campan
-  Evelyn Farr
-  baron de Klinckowström
-  Evelyne Lever
-  Alma Söderhjelm
-  Mme de Tourzel

Mme de Sabran a écrit:
On pensait trouver des mots tendres et de l'amour, mais ce sont avant tout deux années de correspondance politique pour sauver un royaume et sa reine qui voient le jour.

Puis-je émettre un bémol ?     Ces deux années de correspondance politique ne voient pas le jour, puisque ce sont justement les termes politiques, parfaitement lisibles, qui étaient au grand jour et plusieurs fois déjà publiés. Nous les connaissions parfaitement.  
Ce sont les phrases, ou bribes de phrases, scrupuleusement raturées qui gardaient tout leur mystère.      Or ce ne sont nullement des considérations politiques que le comte de Fersen avait si soigneusement caviardées, et qui ont fait l'objet du remarquable décryptage scientifique du Projet REX.   Non.  Ce sont de tendres serments, des mots d'amour, des " je vous aime à la folie " ...
Nous les connaissions déjà aussi, mais seulement en partie   , grâce au travail de Mme E. Farr , Mme V. Nachef et J. Patarin  .

Réflexions très justes qui nous renvoient à notre discussion d'hier soir !
https://marie-antoinette.forumactif.org/t91p650-la-correspondance-de-marie-antoinette-et-fersen-lettres-lettres-chiffrees-et-mots-ratures#171176

Je viens également de l'acheter aujourd'hui, c'est un gros livre avec de belles photos de la correspondance.  

Je n'ai pas encore eu le temps de le lire, juste eu le temps de voir en le feuilletant très rapidement cet après-midi que cette correspondance est qualifiée à la fois de politique et d' "amoureuse" (noonn ?? je sens que cela ne va pas plaire à tout le monde   ).  Bref, jusqu'ici tout va bien.

Je démarrerai la lecture dès que possible, mais il n'y a pas le feu au lac car de toute façon, une partie des passages sous ratures avait déjà été découverte et divulguée par Evelyn Farr il y a 5 ans, tandis que l'autre partie a été divulguée dans les médias, le documentaire et le livre d'Evelyne Lever sortis il y a quelques mois.

Le livre ne porte que sur une petite partie de la correspondance Marie-Antoinette / Fersen échangée pendant la Révolution, celle conservée aux Archives Nationales en France.

Les lettres inédites entre Fersen et Marie-Antoinette, retrouvées par Evelyn Farr en Suède, ne sont pas évoquées, ni la correspondance détruite / aujourd'hui non localisée dont nous ne connaissons que de brefs résumés grâce au brevdiarium de Fersen.

Autant dire qu'à l'inverse de l'ouvrage d'Evelyn Farr (qui reste la référence en la matière), il ne s'agit pas d'un ouvrage qui traite de manière complète, de la correspondance entre Fersen et Marie-Antoinette. Aussi, est-il pour le moins étonnant que le titre de cet ouvrage soit identique à celui d'Evelyn Farr.

Duc d'Ostrogothie a écrit:Je viens également de l'acheter aujourd'hui, c'est un gros livre avec de belles photos de la correspondance.  

Je n'ai pas encore eu le temps de le lire, juste eu le temps de voir en le feuilletant très rapidement cet après-midi que cette correspondance est qualifiée à la fois de politique et d' "amoureuse" (noonn ?? je sens que cela ne va pas plaire à tout le monde   ).  Bref, jusqu'ici tout va bien.

Je démarrerai la lecture dès que possible, mais il n'y a pas le feu au lac car de toute façon, une partie des passages sous ratures avait déjà été découverte et divulguée par Evelyn Farr il y a 5 ans, tandis que l'autre partie a été divulguée dans les médias, le documentaire et le livre d'Evelyne Lever sortis il y a quelques mois.

Le livre ne porte que sur une petite partie de la correspondance Marie-Antoinette / Fersen échangée pendant la Révolution, celle conservée aux Archives Nationales en France.

Les lettres inédites entre Fersen et Marie-Antoinette, retrouvées par Evelyn Farr en Suède, ne sont pas évoquées, ni la correspondance détruite / aujourd'hui non localisée dont nous ne connaissons que de brefs résumés grâce au brevdiarium de Fersen.

Autant dire qu'à l'inverse de l'ouvrage d'Evelyn Farr (qui reste la référence en la matière), il ne s'agit pas d'un ouvrage qui traite de manière complète, de la correspondance entre Fersen et Marie-Antoinette. Aussi, est-il pour le moins étonnant que le titre de cet ouvrage soit identique à celui d'Evelyn Farr.

Analyse très juste pour ma part qui va dans le sens des réflexions que la parution de ce livre a suscité en moi !

Je vous remercie, Eddy2000, pour ces appréciations.
Que vous dire ? Je ne progresse pas vite dans ma lecture, car j'ai une vie bien remplie aussi dans notre XXIème siècle.  

Le livre de Mme Aristide est vraiment très attrayant par l'esthétique de sa présentation, sa lecture est aisée, c'est un plaisir.   Cela posé, la contextualisation des lettres de Fersen et Marie-Antoinette me semble moins complète que dans le livre de Mme Farr, moins ... vivante .  

Par exemple.
En décembre 1790, Sophie Piper, la soeur de Fersen, voudrait une bague faite des cheveux de Marie-Antoinette.  Les lettres de Fersen, publiées par Mme Farr, sont un véritable et charmant dialogue à trois : Marie-Antoinette, sa soeur et lui,  lui  pour qui le summum du bonheur serait leur réunion à tous les trois !   Marie-Antoinette envoie ses cheveux en précisant que, s'il n'y en a pas assez, elle en enverra encore . Et Marie-Antoinette de s'inquiéter pour les peines de Sophie, pour la santé de Sophie ....

Cela peut sembler futile et de peu d'importance,  mais pas du tout, car cela nous dit combien tout ce qui touche à Fersen, ou bien aux personnes qu'il aime, compte pour Marie-Antoinette.  C'est cette extrême délicatesse qui la lui faisait aimer et qu'il disait n'avoir jamais trouvé chez nulle autre.

Il écrit à Sophie :



Ou bien encore,  tenez !  le drame de Varennes.

Dans le livre de Mme Aristide figure le mémoire de Fersen à Louis XVI et Marie-Antoinette du 27 mars 1791, ainsi qu'une lettre de Fersen à Breteuil annotée par Marie-Antoinette, le 2 avril 91.
Même chose dans le livre de Mme Farr, mais qui nous offre en plus :
-   un échange trépidant de lettres Fersen / Breteuil / Bouillé .
-   et le 27 juin ( après l'arrestation de Varennes ) , une lettre de Fersen et Mercy adressée à Marie-Antoinette  ( qui ne figure pas non plus dans ce nouvel ouvrage ) .

En revanche, cette lettre du 27 juin 1791 figure bien dans Le grand amour de Marie-Antoinette Lettres secrètes de la reine et du comte de Fersen d'Evelyne Lever.
A moins que je ne la trouve un peu plus loin  à une autre date, chez Mme Aristide .

Mme de Sabran a écrit:En revanche, cette lettre du 27 juin 1791 figure bien dans Le grand amour de Marie-Antoinette Lettres secrètes de la reine et du comte de Fersen d'Evelyne Lever.
A moins que je ne la trouve un peu plus loin  à une autre date,  chez Mme Aristide .

Le travail de fourmi et de décryptage continue !

Eddy2000 a écrit:

Mme de Sabran a écrit:En revanche, cette lettre du 27 juin 1791 figure bien dans Le grand amour de Marie-Antoinette Lettres secrètes de la reine et du comte de Fersen d'Evelyne Lever.
A moins que je ne la trouve un peu plus loin  à une autre date,  chez Mme Aristide .

Le travail de fourmi et de décryptage continue !

C'est peut-être parce que l'original de cette lettre est perdu, comme note Evelyn Farr citée ci-dessus. Elle a publié une transcription de la lettre retrouvé parmi les papiers du baron de Klinckowström en Suède. Evelyne Lever sans doute a pris la lettre du livre de Klinckowström. Ni la lettre ni la transcription ne se trouvent aux Archives Nationales, donc je suppose qu'elle a été omise pour cette raison.

Ce qui me sidère, c'est que l'on puisse reprendre impunément presqu'au mot près un titre de livre qui existe déjà, j'en suis baba ! Peut-être les auteurs devraient-ils déposer leurs titres d'ouvrages pour les protéger ?
Au moins Evelyn Farr est dorénavant régulièrement citée par les historiens et conservateurs, ce qui est la reconnaissance officielle, indéniable et définitive de son travail ; et, comme le fait remarquer le duc d'Ostrogothie, son livre "reste la référence en la matière"...
Cela dit, je vais me procurer ce livre au moins pour la richesse des illustrations justement, car il doit comporter des reproductions de bonne qualité de documents rares, que l'on n'a pas souvent l'occasion de voir... Notamment les lettres j'imagine ! Mme de Sabran, vous qui l'avez feuilleté, vous confirmez ?

Eva Sophie von Fersen a écrit: il doit comporter des reproductions de bonne qualité de documents rares, que l'on n'a pas souvent l'occasion de voir... Notamment les lettres j'imagine ! Mme de Sabran, vous qui l'avez feuilleté, vous confirmez ?

C'est vrai; les lettres sont présentées en couleur et sur un fond vieil or, comme encadrées.  Le coup d'oeil est raffiné, très léché.  

Lady Bess a écrit:
C'est peut-être parce que l'original de cette lettre est perdu, comme note Evelyn Farr citée ci-dessus. Elle a publié une transcription de la lettre retrouvé parmi les papiers du baron de Klinckowström en Suède. Evelyne Lever sans doute a pris la lettre du livre de Klinckowström. Ni la lettre ni la transcription ne se trouvent aux Archives Nationales, donc je suppose qu'elle a été omise pour cette raison.

Oui, certainement, car il en va de même pour cette autre lettre de Fersen à Marie-Antoinette,  avec la même annotation d'E. Farr,   et qui ne figure pas non plus chez Mmes Lever et Aristide :

Aix-la-Chapelle, 30 juin  ( 1791 )

Le roi est fort bien pour vous; voici un mot de lui. Je pars demain pour Bruxelles, et de là à Vienne, pour négocier et tâcher de réunir toutes les puissances; de là je reviens à Bruxelles. Lévêque d'Arras ne serait-il pas bon au lieu de Breteuil ou Calonne ?  Je me porte bien et ne vis que pour vous servir. Dites-moi si vous voulez qu'on agisse pour vous.

Et, jointe à cette lettre, la copie de la main de Fersen de ce billet de Gustave III pour Marie-Antoinette :

Je prie Votre Majesté de ne pas douter de la part sensible que nous prenons tous à votre malheur. Vos amis ne vous abandonneront pas. Soutenez avec fermeté votre état présent comme vous avez soutenu les dangers qui vous environnaient. Ne souffrez surtout pas qu'on avilisse en votre personne la dignité royale et les rois viendront à votre secours. C'est le conseil de votre plus ancien allié et de votre plus fidèle ami.

Aix-la-Chapelle, ce 30 juin 1791

Chez Mme Farr seulement aussi, voici la copie autographe de Fersen du plein pouvoir joint à la lettre précédente, de Louis XVI à ses frères :

Copie du papier envoyé à Monsieur par le Roi .

Je m'en rapporte absolument à la tendresse de mes frères pour moi, à leur amour et à leur attachement pour la patrie, à l'amitié des princes souverains mes parents et alliés et à l'honneur et à la générosité des autres souverains, pour convenir ensemble de la manière et des moyens à employer dans les négociations dont le but doit tendre au rétablissement de l'ordre et à la tranquillité dans le royaume, mais je pense que tout emploi de force que ( sic ) ( doit être ) placé en arrière des négociations. Je donne tout pouvoir à mes frères de traiter dans ce sens-là avec qui ils voudront et de choisir les personnes pour employer dans ces moyens politiques.

A Paris, ce 7 juillet 1791

Louis

Ah !    voici tout un passage qui était resté obstinément obscur à Mme Farr mais dont le décryptage scientifique est venu à bout.      
Déjà publié dans Le grand amour de Marie-Antoinette ( rappelons que Mme Lever était conviée à assister au travail du Projet REX ) , le voici en gras dans le livre de Mme Aristide.  Nous sommes en septembre 1791 :

Fersen à Marie-Antoinette.

Bruxelles, ce dix octobre ( 1791 )

Me voilà enfin de retour  ...


Zoomons, pour mieux apprécier l'hermétique noirceur du caviardage.  



Et alors là, coup de chapeau à Evelyn Farr !  

Parfois des mots entiers sont écrits sur le texte original. Il faut agrandir l'image, ajuster le contraste et utiliser une loupe pour distinguer l'encre du texte original de celle des mots superposés . (   écrit-elle en 2016 )

Le résultat est bluffant :



Bien-sûr le décryptage scientifique de la formidable machine du Projet REX est plus complet  mais globalement il corrobore toujours, comme ici, les décryptages opérés à l'oeil nu par Mme Farr.  C'est ce que nous savions déjà depuis la publication de ces résultats par Mme Lever en 2020.

C'était l'objet de la dernière énigme de notre Jeu, résolue en deux coups de cuiller à pot (    ) par notre ami Vicq d'Azyr :
  les ayatollahs de la vertu de Marie-Antoinette doutaient  du fameux " Resté là " qu'Alma Söderhjelm croyait lire, dans le journal intime de Fersen, et qu'elle interprétait comme " passé la nuit là ".
Fut-elle assez contestée !


Alma, la fine mouche, avait raison.  

Fersen l'écrit à Marie-Antoinette :  " J'irai chez vous, j'y resterai jusqu'au lendemain "
...   détail qu'il caviarde soigneusement   mais que le projet REX a mis en pleine lumière .

Nous savons donc aujourd'hui qu'il a passé la nuit du 13  au 14 février 92 caché dans l'appartement de la reine.
Il n'a vu le roi que le lendemain soir.

Il s'agit d'une lettre du 29 octobre 1791.   Voici, en caractères gras, les mots caviardés décryptés :

Vicq d Azir a écrit:
Très étonnant qu’on ait la confirmation qu’il est bien resté là, n’est ce pas ?

N'est-ce pas,  et de la bouche même de l'intéressé !  

Mme de Sabran a écrit:
C'était l'objet de la dernière énigme de notre Jeu, résolue en deux coups de cuiller à pot (    ) par notre ami Vicq d'Azyr :
  les ayatollahs de la vertu de Marie-Antoinette doutaient  du fameux " Resté là " qu'Alma Söderhjelm croyait lire, dans le journal intime de Fersen, et qu'elle interprétait comme " passé la nuit là ".

Fut-elle assez contestée !


Alma, la fine mouche, avait raison.  

Fersen l'écrit à Marie-Antoinette :  " J'irai chez vous, j'y resterai jusqu'au lendemain "
...   détail qu'il caviarde soigneusement   mais que le projet REX a mis en pleine lumière .

Nous savons donc aujourd'hui qu'il a passé la nuit du 13  au 14 février 92 caché dans l'appartement de la reine.
Il n'a vu le roi que le lendemain soir.

Il s'agit d'une lettre du 29 octobre 1791.   Voici, en caractères gras, les mots caviardés décryptés :

Vicq d Azir a écrit:

Très étonnant qu’on ait la confirmation qu’il est bien resté là, n’est ce pas ?

N'est-ce pas,  et de la bouche même de l'intéressé !  

Oui c'est une belle découverte du projet REX.

Autre belle information : le projet REX a confirmé ce passage stupéfiant de la lettre du 9 décembre 1791 de Marie-Antoinette à Fersen, que Evelyn Farr avait déjà réussi à mettre en lumière en partie :

"M. de La Porte, qui porte tout au Roi, lui avait donné votre paquet, il a de l'eau pour faire sortir l'écriture, je l'ai trouvé étant après, par bonheur il n'a pas eu le temps, et je me suis emparée du papier, ainsi mon cher ami, pour le bonheur de tous trois, prenez garde à ce que vous écrirez, surtout quand il y a des affaires."

Le projet REX a permis de mettre en lumière "ainsi mon cher ami, pour le bonheur de tous trois", alors que Evelyn Farr avait déjà trouvé le reste de la lettre.

Je tire deux enseignements de cette lettre :

- d'une part, la reine menait avec Fersen une politique secrète et parallèle à celle du roi (c'est un véritable couple en politique, sans vouloir "troller" le titre du livre de Joël Félix au sujet de Louis XVI et Marie-Antoinette   )

- d'autre part, et comme on le savait déjà grâce aux mémoires du comte de Saint-Priest, la reine avait réussi à faire agréer sa liaison avec Fersen par le roi ; cette lettre nous apprend néanmoins que le roi n'était prêt à fermer les yeux sur la liaison de la reine avec Fersen, qu'à condition que Fersen ne se mêlât point "des affaires' dans un sens contraire aux volontés du roi ... le "bonheur de tous trois" en dépendait !

Encore une superbe pièce qui s'insère parfaitement au reste du puzzle (mémoires du comte de Saint-Priest pour ce cas précis).  

...    ce qui nous fait ( déjà ) deux scoops d'importance.    
  Va savoir quel formidable inédit cachent encore, peut-être, les caviardages non élucidés ?!

Certainement pas des secrets politiques.

Extrait d'un article de Lorraine Rossignol.
...https://www.telerama.fr

« Les Archives nationales ne sont pas non plus les paparazzis de l’Histoire ! » remarque Isabelle Aristide-Hastir –, mais la mise en évidence au contraire, par la magie de rayonnements électromagnétiques appliqués à l’aide d’un scanner sur les encres utilisées pour cet échange épistolaire, d’une élévation d’âme, d’une adoration et d’une déférence peu communes, chez ce couple déjà « vieux ».
Un peu comme si le phénomène de “cristallisation” décrit par Stendhal pour désigner les débuts du sentiment amoureux et son cortège d’idéalisations aveugles durait encore chez eux », constate la conservateur. Comme si l’émoi qui avait présidé à leur première rencontre, le 30 janvier 1774, lors du bal masqué de l’Opéra, alors que tous deux n’avaient pas 20 ans (Fersen achevait alors le « tour d’Europe » que tout jeune aristocrate se devait d’entreprendre, à l’époque), durait encore.  


Je vous propose, les amis, de nous amuser à retrouver les termes même de Stendhal sur ce qu'il appelle phénomène de “cristallisation”, et de voir de quelles manières ils peuvent ou non s'appliquer à Fersen et Marie-Antoinette .  

" Voici ce qui se passe dans l'âme :

1- l'admiration
2- on se dit : " quel plaisir de lui donner des baisers, d'en recevoir ! etc. "
3- l'espérance.
On étudie les perfections. C'est à ce moment qu'une femme devrait se rendre pour le plus grand plaisir physique possible. Même chez les femmes les plus réservées, les yeux rougissent au moment de l'espérance; la passion est si forte, le plaisir si vif qu'il se trahit par des signes frappants ...  

...   signes frappants que Marie-Antoinette n'arrive pas à dissimuler, même en présence de toute la Cour:


4- l'amour est né (...)

5- la première cristallisation commence.

On se plaît à orner de mille perfections une femme de l'amour de laquelle on est sûr ; on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie. Cela se réduit à s'exagérer une propriété superbe, qui vient de nous tomber du ciel, que l'on ne connaît pas, et de la possession de laquelle on est assuré. Laissez travailler la tête d'un amant pendant vingt-quatre heures, et voici ce que vous trouverez. Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d'arbre effeuillé par l'hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes : les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses que la patte d'une mésange, sont garnies d'une infinité de diamants mobiles et éblouissants ; on ne peut plus reconnaître le rameau primitif.

Comme ceci :


...   bien poétique comparaison !  

Ce que j'appelle cristallisation, c'est l'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections. En un mot, il suffit de penser à une perfection pour la voir dans ce qu’on aime.

Ce phénomène, que je me permets d’appeler la cristallisation, vient de la nature qui nous commande d’avoir du plaisir et qui nous envoie le sang au cerveau, du sentiment que les plaisirs augmentent avec les perfections de l’objet aimé, et de l'idée :  elle est à moi

... qui nous envoie le sang au cerveau  
Cela me rappelle  Brassens qui va à la chasse aux papillons,   " un volcan dans l'âme ".  

...  je ne doute pas qu'une femme tendre n'arrive à ce point de ne trouver le plaisir physique qu'auprès de l'homme qu'elle aime .
L'analogie est frappante avec Marie-Antoinette, Louis XVI et Fersen :  ( 95 fois sur 100,  la femme ... )  


6- Le doute naît
Un homme passionné voit toutes les perfections dans ce qu'il aime, cependant l'attention peut encore être distraite ( par les Eléonore Sullivan et autres éventuelles maîtresses )  car l'âme se rassasie de tout ce qui est uniforme même du bonheur parfait.

Voilà ce qui survient pour fixer l'attention: l'amant demande des assurances plus positives.  On lui oppose de l'indifférence ( 1 )
 

Le coup de foudre advient du côté de Marie-Antoinette. Elle s'y livre sans défiance et rend presque déjà les armes.  



(  Simone Bertière  Marie-Antoinette, l'insoumise  )


 Fersen est plus réservé, circonspect., au moins dans un premier temps.

La première phase de la cristallisation,  selon Stendhal,  marque les prémices de l'amour, ses  balbutiements et, bonheur suprême, la promesse de la possession érotique .  Alors s'opère la cristallisation avec idéalisation extatique de l'être aimé paré de toutes les perfections, ce que la sagesse populaire traduit par " l'amour est aveugle ".  

Cette continuation de l'état d'adoration réciproque, visiblement éclatant dans le décaviardage de la correspondance de Marie-Antoinette et Fersen, ne laisse pas d'étonner  l'équipe de chercheurs des Archives nationales. Ils doutent qu'entre Marie-Antoinette et Fersen l'amour aurait pu durer, ainsi magnifique et exalté, si leur désir réciproque avait été assouvi, faisant d'eux fatalement au bout de tant d'années  des amants repus et blasés ... éventualité qui leur semble exclue parce qu'il n'y a pas d'allusions explicitement sexuelles dans les lettres récemment décryptées.
... vénération, adoration certes, mais de loin,  e poi basta !  Nos tourtereaux en seraient restés benoîtement, depuis l'âge de dix-huit ans, au stade de la cristallisation des premiers émois .    ...   hum !

Alma Söderjhelm pense au contraire que la phase de cristallisation est très largement dépassée.   ( Fersen et Marie-Antoinette, correspondance et journal inédit du comte Axel de Fersen )

Pour autant,  même partagé,  l'amour n'est pas un long fleuve tranquille . Marie-Antoinette, dans un sursaut de lucidité sans doute,  se dérobe quand il s'agit de fuir avec Fersen.
  Evelyn Farr  nous donne des détails sur la période de déchirement et de doutes qui met Marie-Antoinette et Fersen au supplice après février 1792.  ( Marie-Antoinette et le comte de Fersen, la correspondance secrète )   


Une femme se conduit ainsi, soit qu'elle se réveille d'un moment d'ivresse et obéisse à la pudeur qu'elle tremble d'avoir enfreinte, soit simplement par prudence ou par coquetterie .
L'amant arrive à douter du bonheur qu'il se promettait, il devient sévère sur les raisons d'espérer qu'il a cru voir. Il veut se rabattre sur les autres plaisirs de la vie, il les trouve anéantis. La crainte d'un affreux malheur le saisit et avec elle l'attention profonde.

La pleine conscience de ses devoirs retient Marie-Antoinette de suivre Fersen. Il a pourtant déjà prévu et arrangé tous les détails de cette nouvelle évasion,  avec la complicité de Craufurd. .   La femme se sacrifie à la reine et à la mère.  La période de froid qui s'ensuit entre eux le rend malade.
L'aime-t-elle ? Ne l'aime-t-elle plus ?

7- Seconde cristallisation.

Alors commence la seconde cristallisation produisant pour diamants des confirmations à cette idée :  Elle m'aime.

A chaque quart d'heure de la nuit qui suit la naissance des doutes, après un moment de malheur affreux, l'amant se dit : oui, elle m'aime ; et la cristallisation se tourne à découvrir de nouveaux charmes ; puis le doute à l'œil hagard s'empare de lui et l'arrête en sursaut. Sa poitrine oublie de respirer ; il se dit : mais est-ce qu'elle m'aime ? Du milieu de ces alternatives déchirantes et délicieuses, le pauvre amant sent vivement : elle me donnerait des plaisirs qu'elle seule au monde peut me donner.
C'est l'évidence de cette vérité, c'est ce chemin sur l'extrême bord d'un précipice affreux, et touchant de l'autre main le bonheur parfait, qui donne tant de supériorité à la seconde cristallisation sur la première.

Pour Fersen, le " diamant de confirmation ", comme l'appelle Stendhal,  tiendra en cinq tout petits mots : Tutto a te mi guida.

Marie-Antoinette à Jarjayes :
Je n'ose pas lui écrire, mais voila l'empreinte de ma devise. Mandez en l'envoyant que la personne à qui elle appartient sent que jamais elle n'a été plus vraie.

La devise portait  " Tutto a te mi guida " . Hélas, écrit Simone Bertière, le morceau de carte où elle avait imprimé son cachet était vierge, la chaleur avait tout effacé . Restait le message " Tout me conduit vers toi " plus vrai que jamais .
La mort de Louis XVI a libéré Marie-Antoinette légalement, son testament l'a libérée moralement . A cette date où elle ne désespère pas d'échapper aux griffes de la Révolution, ose-t-elle rêver, pour la première fois, à un avenir aux côtés de Fersen, comme l'impératrice Marie-Louise en aura un auprès de Neipperg ? Est-ce au contraire, pour le cas où elle ne le reverrait pas, la promesse que son âme volera vers lui ? Pourquoi pas aussi, un élan simple et spontané vers l'homme aimé ? Chaque lecteur est libre de choisir . Mais pour Fersen, les circonstances se chargèrent de le faire : quand il lui parvint au début de l'année suivante, le message ne pouvait être qu'un adieu, Marie-Antoinette était morte .

La passion est une souffrance…

On ne peut pas écrire de réflexions pareilles à celles que tu as faites, chère Eléonore, que si l'esprit du sujet concerné ne possédait pas ton propre esprit. C'est à dire que tu t'identifies complètement aux sentiments de ces deux amants que tu comprends parfaitement et que Stendhal explique si bien. La cristallisation n'est pas que le début de l'amour, elle opère tant que l'amour existe et se casse comme du verre quand l'amour n'existe plus.

Ma chère Teresa, je n'ai fait que citer, en miroir, Stendhal et trois historiennes.

Buongiorno a tutti. Il libro della signora Aristide è uscito solo di recente in italiano. La prefazione italiana è curata da Madame Benedetta Craveri, scrittrice e storica, che ha scritto numerose biografie su Maria Antonietta, Sissi, ecc. Lei è molto famosa in Italia. Nella prefazione, la signora Craveri scrive che, alla luce di quanto sopra, è possibile ritenere che Louis Charles e Sophie Helene fossero figli di Fersen. Volevo chiederti, cosa ne pensi? Chi ha scritto la prefazione al libro in Francia? Grazie!

Benedetta a ecrit sur le marechal duc de richelieu à une époque où tous nos historiens de France se cachaient sous la table.
Elle est vedette des media car elle correspond aux attentes des vendeurs dans toute l'Europe mais qu'a elle découvert?
Réponse :R I E N !!
Hope this help!

Merci pour la réponse. Je le pense aussi en fait !

C'est Emilie Champion qui a sauvé l'honneur des historiennes et des historiens!
Le maréchal-duc de Richelieu, l'héritier du cardinal
Un homme de pouvoir et de guerre au siècle des lumières

Émilie Champion (Auteur) fnac+


Je ne suis pas competent sur Marie-Antoinette ...;