L’embouteillage des eaux minérales commence au XVIIIe siècle.

Xavier Mauduit ( mon historien chouchou )  nous le disait hier soir sur ARTE, au XVIIIe siècle, l'eau minérale manque de transparence .  



Ecoutons-le !
https://www.arte.tv/fr/videos/122785-004-A/piege-en-eaux-troubles/



Sous l'Ancien Régime, l'eau minérale était considérée comme un véritable médicament et, à ce titre, était un produit cher que, seules, quelques personnes aisées pouvaient s'offrir. Aujourd'hui, ses « propriétés favorables à la santé » sont toujours reconnues, mais elle est devenue accessible à tous. En effet, quoi de plus simple, aujourd'hui, que de consommer chez soi une eau minérale de qualité ?
Cette facilité, cette accessibilité qui nous paraissent si normales et si naturelles, sont le fruit d'une évolution qui, depuis le XVIle siècle, n'a cessé d'apporter fiabilité et sécurité.

par Pascal Chambriard

Chaque époque a su contribuer à la notoriété de l'eau minérale : l'Ancien Régime, en apportant à l'eau minérale une dimension sanitaire, a compris l'intérêt et la nécessité d'une réglementation.   Le XXe siècle a poursuivi le mouvement du siècle précédent, mais, placé sous le signe d'un développement général de l'industrialisation, il a porté l'activité sourcière à un niveau jusque-là inconnu.
Les origines de l'expédition des eaux minérales restent imprécises. On sait que, dès l'Antiquité, les hommes ont su utiliser les eaux minérales pour leur santé : les très nombreuses découvertes de thermes le confirment ; en revanche, il reste peu de témoignages attestant l'usage de l'eau minérale loin de sa source.




A partir du XVIe siècle, on redécouvre l'utilisation des eaux minérales qui redeviennent, peu à peu une thérapie reconnue et, au XVIle siècle, les premiers règlements administratifs encadrent les activités issues des eaux minérales. En effet, Henri IV crée, en mai 1605, la charge de Surintendant des Eaux Minérales de France, charge attribuée à son Premier Médecin.
Personnage tout à fait considérable, le Premier Médecin du Roi se place à la tête de tout le corps médical du royaume. Prérogative importante : ce  Surintendant des Eaux aura le pouvoir de « nommer ung Intendant et Maître ou plusieurs de capacité et suffizance requise par les provinces de cestuy nostre royaulme païs et terre de nostre, obéissance esquelles il se trouvera desdicts bains et fontaine ».

Ainsi, l'embryon d'un encadrement médical et administratif, va désormais se mettre lentement en place : il faut près d'un siècle pour qu'un lent glissement permette de passer de la Surintendance des Eaux (en 1605) à la création d'intendances régionales, puis d'intendances attachées à un groupe d'établissements, et enfin d'intendances attachées à un seul établissement. L'expédition des eaux relève aussi du domaine personnel du Surintendant des Eaux. Celui-ci accorde le droit de vente de telle eau minérale à qui lui plaît.

Le caractère personnel du traité, entre le Premier Médecin du Roi et l'autre partie, est sans doute le premier aspect à retenir de l'organisation du commerce des eaux minérales : il introduit une notion de privilège, interdisant tout commerce libre de ce produit.  Malgré ce genre de traité, des abus existent, constatés par le Roi dans ses Lettres Patentes du 19 août 1709 : « plusieurs personnes s'estant ingérées d’en faire le transport et la distribution, Nous avons appris qu'ils en vendoient souvent de fausses ou en faisant voiturer de véritables en trop grande quantité, elles les gardoient longtemps et les débitoient quoyque passées et corrompues… ».
A titre d'exemple, on peut évoquer les différentes fraudes pratiquées autour des eaux minérales et dont l’Intendant des Eaux, Emmanuel Tardy, dresse l'inventaire pour celles de Vichy, au  XVIIIe siècle. Il évoque d'abord le cas où les domestiques viennent chercher l'eau directement auprès des sources, pour le compte de leur maître : « tout le monde sçait le penchant des domestiques à n'être pas toujours fidèles (…) Ne les a-t-on pas vû souvent remplir leurs bouteilles au premier ruisseau, ou, tout au plus à l'écoulement des sources, où les Eaux sont éventées ? ».

Le 25 avril 1772, une Déclaration du Roi établit une Commission Royale de Médecine pour l'examen des remèdes particuliers et la distribution des eaux minérales. En elle-même, cette déclaration est intéressante car elle met la distribution des eaux minérales sur le même plan que la distribution des remèdes.

L'arrêt édicté le 5 mai 1781 sera le fondement de la réglementation des eaux minérales françaises au XIXe siècle.


Vous pouvez lire cet article en entier ici :
https://www.annales.org/edit/ri/1998/ri05-98/020-029%20Chambriard.pdf

Petit rappel de notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t2655-vichy-reine-des-villes-d-eaux?highlight=vichy