Chaussures et souliers du XVIIIe siècle

Toujours dans la même vente aux enchères, sont annoncés nombre d'autres lots qui nous intéressent ici.
Je cite des extraits des descriptifs instructifs, car riches d'un vocabulaire spécialisé.  

- Rare paire de bottes de gentilhomme en cuir marron à étriers appliqués de passementerie dorée et patte de cuir rouge
Avec provenance XVIIe / début XVIIIe siècles.
Empeigne à bouts carrés et haut de la botte à patte pointue. Doublure de chamois blanc avec attaches en coton et inscription manuscrite Monsieur Moynier.
(...)





- Paire de mules en turquerie époque Régence ou début Louis XV à hauts talons bobine et soie brodée verte
Circa 1720/1730.
Empeigne pointue et relevée en broderies de fils argentés montés sur carton (...). Talons recouverts de chamois crème surpiqué.
Production probable de l'Empire Ottoman pour la mode en Europe.



- Paire de mules à la turque période Louis XV en velours chamois, semelles et talons bobine recouverts de chamois crème
Circa 1750.
Riche broderie bosselée ottomane (?) en sequins, chenillettes et fil d'argent à âme de soie orange (...), ornée de pompons en soie effilée rouille.
Doublure de sergé de coton crème et semelle de velours. (...)




- Paire de mules en pékin crème brodé à petits talons bobine
Circa 1770/1780.
Broderies polychrome au fil de soie floche en forme de coeur et petit coeur, ornée d'un ruban gauffré en taffetas bleu-ciel et passepoilé (...).
Semelles en chevreau. (...)




- Paire de chaussures pour dame en satin noir, boucle argentée et petit talon bobine
Fin Louis XV vers 1760/1770.
Empeigne à passes pointues croisées dans la boucle, et surpiqûres blanches au talon.
Provenance britannique probable avec étiquette manuscrite à l'encre "Shoes worn about 1760". (...)



- Paire de chaussures période Louis XV à hauts talons bobines, satin crème et boucles en strass (dépareillées)
Circa 1750.
Empeigne haute à rabat intérieur et pans croisés à oeillets. Ruban en ottoman crème en passepoil. Soie légèrement fusée au talons et sur le pourtour de la semelle (...)



- Paire de chaussures pour dame en cuir marron et petit talon bobine
Circa 1785/1790.
Empeigne pointue à motif de cuir rose surpiqué au point de chainette crème, soulignée d'une tresse en ottoman noir. Intérieur en lin grège.(...)





- Chaussure Louis XV en cuir lustré chocolat et talon haut recouvert de cuir caca d'oie surpiqué
Circa 1740 / 1750
Empeigne à bout pointu, petit noeud et passepoil en ruban de taffetas marron clair. (...)



- Paire de chaussures de simplicité pour dame en sergé de laine et soie (?) bleu de France
Circa 1770 / 1780.
Empeigne à patte haute et petit talon en cuir lustré marron (éraflures), doublée de lin grège et semelle en cuir fauve. (...)




- Paire de chaussure en chevreau crème peint et talon bobine
Circa 1775/1785.
Empeigne arrondi et bombée en cuir peint de fines rayures et tresses en miniature jaune paille, noir et bleu-ciel. Ornée d'un plissé gauffré en ruban de taffetas cerise terminant en passepoil. Semelle en chevreau. (...)




- Paire de chaussures à petits talons et satin crème
Circa 1785 / 1790.
Empeigne à bout pointu ornée d'une ganse de ruban crème à pans éffilés. Passepoil en ruban d'ottoman assorti et doublure de coton crème. (...)



- Chaussure fin Louis XVI en maroquin de cuir vert et petit talon de cuir blanc
Circa 1790 / 1795.
Empeigne pointue à crevé de taffetas crème brodé au point de noeud et au point de Beauvais, ornée d'un ruban rayé plissé gauffré.
Lien de serrage en coton passepoilé d'un ruban de soie vert jaune. Intérieur en chevreau. (...)




- Paire de chaussure en cuir jaune citron et petit talon bobine de cuir noir
Circa 1785 / 1895.
Sur impression de fines rayures noire (en partie effacées) et ornée d'une tresse de soie noire. Semelle en coton crème avec trace d'une ancienne étiquette disparue. (...)



- Paire de chaussures à la sultane en cuir jaune citron à bouts pointus relevés
Circa 1790 / 1800.
Chaussures plates soulignées d'une tresse de soie assortie et d'une broderie de sequins et chenillettes (lacunaire). Intérieur en coton crème. (...)



- Paire de chaussure à la sultane en pékin de soie taupe brodé et maroquin
Circa 1795 / 1805.
Chaussures plates à bout pointu et taffetas à rayures satinées, soulignées de maroquin sur l'empeigne finement brodée d'une frise au point de Beauvais crème et bleu. Cordon de serrage élimé sur les bords, intérieur en chevreau et carton. (...)




* Source et infos complémentaires : Richard MdV - Collection Labrosse Partie I

Ces souliers-ci ne datent pas de la  fin XVIIIème, ils sont même presque d'un siècle plus vieux, et pourtant les pieds droit et gauche ne sont pas différenciés !  
Alors, j'ai une question tout bête : à partir de quand les chausseurs se sont-ils souciés de faire un pied droit, un pied gauche ?!

Merci Éléonore tu me donnes l'occasion d'une petite révision  

Les premières chaussures à pieds différenciées seraient attestées aux États-Unis dès 1801. En France, elles seraient apparues en 1831, mais restèrent d'un usage peu répandu. Elles ne s'imposèrent communément, sans pour autant se généraliser, entre 1870 et 1890, ce qui répond à ta question. (source Catalogue de l'exposition Marche et Démarche, MAD, Paris, 2019)

Avant la différenciation pied droit, pied gauche qui simplifiait la fabrication, on les intervertissait d'un pied à l'autre pour empêcher les déformations. Les  souliers étant peu coûteux en comparaison de la plupart des articles d'habillement, les personnes aisées, en particuliers à la cour, en changeaient extrêmement souvent.

C'est donc très tardif !
Merci, chère Marie-Jeanne .

Marie-Jeanne a écrit:
Avant la différenciation pied droit, pied gauche qui simplifiait la fabrication, on les intervertissait d'un pied à l'autre pour empêcher les déformations.

... sans compter le valet qui " cassait " les souliers avant qu'ils ne soient portés par son maître .
En 1887, nous voyons que le petit talon à la Saint-Huberty est toujours à la mode !

Au XIXe siècle, on l'appelle talon bobine.

Merci pour ce sujet, avec ces belles photos.

Je découvre l'expression "talon bobine" (pourquoi cette expression ?..) ainsi que le fait qu'elle date du 19ème.

Chère Marie-Jeanne : une robe qui aurait appartenu à la duchesse de Berry passe en vente cette semaine à Drouot (étude Tessier Sarrou).

Duc d'Ostrogothie a écrit:

Je découvre l'expression "talon bobine" (pourquoi cette expression ?..) ainsi que le fait qu'elle date du 19ème.

Sans doute parce que la forme du talon rappelle un peu celle de la bobine de fil de la couturière.

Ah d'accord bien vu .

Dans la vente Tessier-Sarrou, deux paires de souliers de bal à semelles indifférenciées sont marqués à l'intérieur pied droit, pied gauche.


Vers 1810-1815


Vers 1830-1835

Ravissant

Oui, adorables !

Marie-Jeanne a écrit:Dans la vente Tessier-Sarrou, deux paires de souliers de bal à semelles indifférenciées

... mais de bal ou de danse, crois-tu ?
Ils ressemblent tout à fait à des ballerines de danseuse .

Tu as raison, mais ce sont bien des chaussures de bal. On en voit sur de nombreuses gravures et encore beaucoup dans les ventes.

Vu ce soir dans Secrets d'Histoire ce portrait de Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, duchesse de Berry, 1827.







Une paire de souliers lui ayant appartenu, Domaine de Chambord.

Marie-Jeanne, tu m'époustoufles !!!
Ce sont bien, très exactement, les mêmes petits souliers !

Bonjour. Quelqu'un aurait-il une adresse pour des chaussures de femme période 1780 environ? Pour une de mes comédiennes. Je vous remercie.

Sans doute, cher M. Ventier, pourriez-vous trouver votre bonheur dans un magasin de location de costumes historiques ?
Du moins, j'imagine .   Quel rôle, dans quelle pièce de théâtre,  votre comédienne endossera-t-elle ?   

Suite à ma dernière traduction dans le sujet "Modes et costume du XVIIIème siècle", pour la planche 5 du Journal des Luxus de 1789, voici ce que le reporter de Paris nous signale comme nouveauté en 1789 pour les chaussures :

Correspondant de Paris pour le Journal des Luxus und der Moden a écrit:
Les chaussures sont en satin mauve, avec des « falbalas-chiffrés » en blanc.
Les « Falbalas chiffrés » sont une nouvelle décoration à la mode pour les chaussures des dames, et qui est en quelque sorte une rigolade. Il s’agit en effet de petites devises découpées dans des dorures très fines, comme on en voyait aussi sur des bracelets à un moment donné, qu’on coud maintenant sur les chaussures, et qui comportent très peu d’humour. Par exemple : « Vous êtes aimable – je suis redevable », ou « Allons, allons – sur nos talons ! » ( ).

Bonjour chers amis et chères amies. Une question une personne de notre spectacle est un petit marquis de province en 1780. Nous avons reçu ses chaussures.
Question:
Faut il lui peindre en rouge les talons comme la grande noblesse ? Dans notre histoire il fréquente un peu Versailles. Mais surtout les salons parisiens. Ou doit on laisser ses talons noirs ? Merci pour vos reponses.

Les talons rouges sont des hauts talons, cher M. Ventier .
Ne peignez pas en rouge ceux-ci.

On ne voit pas sur la photo excusez mes talents de photographe, mais les talons sont hauts.
Que doit faire notre costumière ?

Mr ventier a écrit: Une question une personne de notre spectacle est un petit marquis de province en 1780. Nous avons reçu ses chaussures.
Question:
Faut il lui peindre en rouge les talons comme la grande noblesse ? Dans notre histoire il fréquente un peu Versailles. Mais surtout les salons parisiens. Ou doit on laisser ses talons noirs ? Merci pour vos reponses.

A mon avis il n'y avait plus tellement de talons rouges en 1780, et uniquement portés par la grande noblesse. Je ne les peindrais pas en rouge, sauf si votre petit marquis doit jouer le rôle d'un fat et d'un vaniteux ridicule.

Merci comte d'Hézècques, je vous suivre vos conseils.
Dans l'histoire ce marquis de province n'est pas de la haute noblesse de la cour. Donc talons noirs. Encore merci à tous pour les réponses

Voici un extrait du dossier de presse de l'exposition à venir organisée au château-musée de Marly : Séduction et pouvoir, l'art de s'apprêter à la cour aux 17e et 18e siècles







Et au sujet des mules évoquées ci-dessus, lire aussi notre sujet : Souliers et chaussures dits de Marie-Antoinette