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XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges

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Message par Mme de Sabran Dim 15 Nov 2020, 21:16

Lucius a écrit: Il est possible que cela était inclus dans l'appartenance à la maison d'un prince de Sang.
Tu as raison !   Very Happy
Je trouve que,  tous les offices de la bouche du roi, donnaient droit au port de l'épée, ...
https://www.gastronomiac.com/chefs_metiers_bouche/bouche-du-roi/



Quant au port du jabot, alors là ...   Shocked  ...   bystère et moule de gomme !

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Message par Lucius Lun 16 Nov 2020, 08:52

Certainement un coup de pub pour le restaurateur, pour donner un air 'ancien régime' et 'officier de la maison du Roi'.
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Message par Mme de Sabran Lun 16 Nov 2020, 12:55

Oui, en effet,  mon petit Lulu, à la Révolution est due la gloire des restaurants parisiens, écrit LenôtreVery Happy Quand les grandes maisons de la noblesse se fermèrent, les chefs se trouvant sans emploi, n'eurent d'autre ressource que de s'établir à leur compte.  Naudet, Roze, Meot, Robert, Véry, Legasque, tous avaient cuisiné chez de nobles gourmets; en outre le nouvel ordre des choses attirait à Paris un monde de députés, de fonctionnaires, de militaires qui, campés en de modestes garnis, prirent l'habitude de dîner et de souper chez les restaurateurs .

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Message par Mme de Sabran Mar 17 Nov 2020, 13:42

Il y avait aussi le père Lathuile !  Very Happy

Guinguette créée à Paris en 1765 par un nommé Lathuile, près de la barrière de Clichy, et qui connut une certaine vogue pour sa cave, son poulet sauté et ses tripes à la mode de Caen.
Sautons quelques années !  Le 30 mars 1814, le maréchal Moncey y installa son poste de commandement, lors de la chute de l'Empire, dans une ultime résistance aux armées coalisées. Le père Lathuile distribua aux soldats toutes ses provisions de bouche et ses bouteilles "pour ne rien laisser à l'ennemi".    XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 309649167   ... et toc !   La paix revenue, le restaurant connut un succès redoublé de curiosité. La guinguette laissa la place, en 1906, à un café-concert.

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Message par Mr de Talaru Mar 17 Nov 2020, 13:53

Puisque tu parles de Beauvilliers, il y avait naguerre à Montmartre un restaurant à ce nom connu du tout Paris, c'était au pied du Sacré Coeur. Aujourd'hui y sévit un jeune chef des plus talentueux qui a une étoile Guillaume Sanchez.

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Message par Mme de Sabran Jeu 19 Nov 2020, 15:53

Mr de Talaru a écrit:
Puisque tu parles de Beauvilliers, il y avait naguère à Montmartre un restaurant à ce nom connu du tout Paris, c'était au pied du Sacré Coeur. Aujourd'hui y sévit un jeune chef des plus talentueux qui a une étoile Guillaume Sanchez.
C'était en hommage à ce Beauvilliers si célèbre sous Louis XVI .   Very Happy
Ces fou comme ces grands noms ne sont nullement tombés dans l'oubli. 

" Le Veau qui tette " était, paraît-il, un établissement parisien du XVIe siècle !!!  On venait y manger du veau de lait et des pieds de mouton.   Pas pour toi, Félix !  Eventaille  
Au XVIIIe siècle, Grimod de la Reynière en parle ainsi : 
"On y mange d'excellentes anguilles piquées de truffes; l'aimable Veau-qui-tette toujours sur pied depuis deux siècles vous invite gracieusement à y faire une station."

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Message par Comte Valentin Esterhazy Jeu 19 Nov 2020, 16:29

Pour ceux que cela intéresse j'ai vu que  France 4 passe (ou repasse?) "la fabuleuse histoire du restaurant" le dimanche 22 novembre à 21h05. Very Happy
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Message par Mr de Talaru Jeu 19 Nov 2020, 18:30

J'espère que l'on pourra la revoir en replay.

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Message par Mme de Sabran Sam 21 Nov 2020, 11:58

Mr de Talaru a écrit:
J'espère que l'on pourra la revoir en replay.

En tous cas, c'est demain.  Very Happy
Merci, cher comte Esterhazy, pour cette annonce .

Nous disions donc également le fameux cabaret du Père Lathuille.
 Créé en 1765, il disparaît en 1906. Belle longévité ! 

Ce cabaret ou guinguette, fondé à Paris en 1765 par un nommé Lathuile est  situé à l’entrée de l’actuelle avenue de Clichy (à l'emplacement actuel du cinéma du 7 avenue de Clichy), juste après la barrière de Clichy afin peut-être d’échapper aux taxes parisiennes sur le vin.  Wink 
 Il connut sous Louis XVI une certaine vogue pour sa cave, la réputation de son poulet sauté et ses tripes à la mode de Caen. Il est très fréquenté avant la Révolution par les Parisiens, mais sa renommée date de 1814 lorsque le Général de Moncey, dont les troupes défendent héroïquement la barrière de Clichy, installe son QG dans le restaurant. 
Le Père Lathuille  ( père ou fils, depuis le temps ? ) ne lésine pas sur la fourniture des vivres aux soldats. Devant l’arrivée des ennemis, il distribue aux soldats français sa marchandise en leur disant :
 « Buvez, mes amis, buvez gratis ; ne laissez pas aux cosaques une seule bouteille de mon vin ».

En 1820, Vernet réalise le tableau La Barrière de Clichy   Défense de Paris, le 30 mars 1814 en l’honneur des défenseurs de la Barrière de Clichy en 1804. 
Le cabaret du père Lathuille apparaît en arrière plan de l’œuvre.  Le patron invite les soldats à entrer chez lui . 


XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 Cabare10



En 1835, le Théâtre de la Porte Saint-Antoine monte un vaudeville d'Adolphe de Leven et Philippe-Auguste-Alfred Pittaud de Forges qui rappelle cette anecdote : Le Père Lathuille ou la Barrière de Clichy.


Enfin, le Père Lathuille est immortalisé en 1879, par Manet qui y allait parfois.

Réalisée peu avant sa mort, cette œuvre est conservée au musée des Beaux Arts de Tournai, en Belgique. Elle est signée et datée en bas à gauche : « Manet, 1879 ». Dans le cadre verdoyant et apaisé du restaurant-jardin Chez le père Lathuille, un jeune homme fait une cour empressée à une jeune femme. L'œuvre, en raison de la douceur de sa lumière et de ses couleurs tendres, est emblématique des nombreuses scènes peintes par Manet se déroulant dans un café ou un restaurant.


XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 Cabare11



G. Lenôtre
Le cabaret du Père Lathuille - Paris-Bistro
Chez le père Lathuille — Wikipédia

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Message par Mme de Sabran Dim 22 Nov 2020, 17:31

A la toute fin de la Révolution , tu pouvais aussi aller casser une petite graine au Café Hardy, estaminet médiocre ouvert en 1799 au coin du boulevard de Gand, plus tard des Italiens. En 1789, l'Assemblée Nationale avait des horaires incompatibles avec les heures de repas de l'époque : elle siégeait de 1 heure à 6 heures du soir. Or les restaurants ne servaient pas à dîner avant 2 heures et demie ou 3 heures. En revanche ils refusaient de servir après 6 heures du soir. 
A quoi tient la célébrité !    XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 1123740815 le Café Hardy acquiert la sienne à partir de 1804 car l'hôtesse (Mme Hardy) a l'idée de proposer à ses clients du matin (entre 10 et 11 heures), un déjeuner "à la fourchette" pourtant fort cher : des côtelettes, saucisses ou rognons grillés. Le déjeuner moderne est né. L'usage peu à peu se répand de déjeuner à 11 heures et de dîner à 6 heures. 

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Message par Mme de Sabran Mar 24 Nov 2020, 12:04

Poursuivons notre tournée des Grands Ducs, les amis !   cheers
...    un petit creux ?

XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 A_la_p10

Cette carte est celle du restaurant très chic et réputé Les Trois Frères Provençaux ouvert en 1786 rue Hélvétius par Maneille dont les deux beaux-frères Barthélémy et Simon, venus aussi de Marseille, étaient alors au service du prince de Conti. Après l’émigration du prince, les trois hommes gèrent l’affaire et se déplacent dans la galerie de Beaujolais, au Palais Royal, où se concentre un grand nombre de restaurants parisiens. Le leur connut rapidement le succès, à cause de la nouveauté des plats méridionaux que l'on y servait,  par exemple leur morue à l'ail.    Les Frères Provençaux seraient les premiers à mettre en valeur une cuisine régionale, en l’occurrence la provençale, à Paris. Les textes de l’époque citent surtout la brandade de morue.
  La vogue de leur restaurant dura pendant tout le début du XIXème siècle.


 Dans Histoire et géographie gourmandes de ParisXVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 Tzolz215
 René Héron de Villefosse cite un certain M. de Jouy qui, dans ses Observations en 1813, parle des Trois Frères (p. 161-162) :
Le temple du goût, ce sont les salons des Frères provençaux au Palais Royal. C’est là qu’on pénètre l’intimité de la bonne compagnie et des coulisses, qu’on observe les étrangers et les femmes galantes. Aux avant-postes de l’escalier, des écaillères vous offrent les fruits de mer et les pauvres tendent leur sébile, recevant de ceux qui montent et jamais de ceux qui descendent.
On aperçoit au passage les vingt marmitons dans la cuisine dans un tourbillon de fumée. Il faut éviter le premier salon à droite qui est pour les provinciaux, les deux suivants qui sont tristes, et s’installer au fond du sanctuaire de façon à bien voir et entendre mieux encore. Il y a là des militaires de la Grande Armée en congé qui boivent plus qu’ils ne mangent et rient aux éclats, une jeune femme qui cherche à voiler ses traits avec un jeune homme ridicule “qui fait tout son possible pour trahir l’incognito que sa dame paraît avoir intérêt à conserver”. […]


En 1836, le restaurant fut vendu et perdit sa renommée et sa clientèle. Il connut de nouveau le succès pendant le second Empire, dirigé cette fois par Godin, puis par Dugléré, Hurel et enfin Goyard. 
Il ferma définitivement ses portes en 1869.


XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 Almana10

Extrait de l’Almanach des gourmands de Grimod de La Reynière, 1808 (page 242)


https://happy-apicius.dijon.fr/une-carte-de-restaurant-ancienne-nos-belles-acquisitions-2016-n1/

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Message par Monsieur de la Pérouse Mar 24 Nov 2020, 18:36

 "Il faut être bien riche pour aller chez Hardy et bien hardi pour aller chez Riche" ( un autre restaurant célèbre du boulevard).   disait Cambacérès
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Message par Mme de Sabran Mar 24 Nov 2020, 18:47

...   Eventaille

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Message par Mr de Talaru Mer 25 Nov 2020, 15:56

Dugléré était un très grand chef, aujourd'hui encore l'on se sert de ce patronyme pour désigner une préparation à base de crème fraiche, de fumet de poisson et de dés de tomates et de persil haché.
 Exemple : filet de turbot à la Dugléré.

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Message par Mme de Sabran Jeu 26 Nov 2020, 15:52

Ah, tais-toi !  XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 693620883   ...  miam mmm ... je parie que tu excelles à la préparer ! XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 Miam811

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Message par Mr de Talaru Jeu 26 Nov 2020, 18:59

Il me semble que j'étais tombé sur ce plat à un examen. Aujourd’hui j'ai fait des nems au crabe et aux crevettes.

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Message par Mme de Sabran Jeu 26 Nov 2020, 19:11

Oooh!  Je saute dans Pitchoune et j'arrive !  XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 1434844716

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Message par Mme de Sabran Ven 27 Nov 2020, 15:31

Jean Ramponneau et son Tambour Royal vaut bien un sujet à lui tout seul !  XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 693620883
C'est ici :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t5168-le-tambour-royal-de-jean-ramponneau#161189

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Message par Calonne Mar 08 Déc 2020, 21:43

Les soupers

XVIIIe siècle : Les premiers restaurants et auberges - Page 3 Souper10

(Source de l'image : francetvinfo.fr)

Dans la haute société, c'est presque un rite, une obligation sociale : grandes dames et grands seigneurs donnent à souper (repas du soir), régulièrement, à certaines dates, attirant à leur table nobles, gens de lettres, diplomates, artistes et autres. Ces soupers en rivalisent presque avec les fameux salons de Paris. Au lieu d'aller au restaurant, pourquoi ne pas nous faire inviter ? Ceci étant, à quelle table se faire convier ?

Les soupers les plus réputés sont sans doute ceux de la marquise d'Angivillier. Parente de la Pompadour, elle donne régulièrement des soupers fins très courus. Autour de la table, entre autres : Marmontel, l'abbé Dellile, Mirabeau, Chamfort, Mme Vigée-Lebrun, Talleyrand... Vous serez peut-être assis à côté de Claude Carloman de Rulhière, ancien aide de camp du maréchal de Richelieu, ancien secrétaire de Breteuil qu'il accompagna dans toutes ses ambassades dont celle de Saint-Petersbourg, ancien secrétaire des commandements de Monsieur et qui raconte très bien, entre la poire et le fromage, ses nuits au bord de la Neva (le pauvre sera ruiné par la Révolution, privé de ses rentes et mourra dans la gêne en 1791). Louis Gabriel, peintre du comte d'Artois, Moreau le Jeune et son jeune frère seront là aussi, certainement.
Chez Mme Necker, la table ne vous transportera pas... Mais vous pourrez bavarder sérieux avec Marmontel, Suard, Grimm, l'abbé de Véri ou encore Gouverneur Morris, successeur de Jefferson comme ambassadeur des Etats-Unis. Même si ce dernier vous glissera, en confidence, que "Mme de Staël, tout en ayant quelque chose de masculin dans le caractère, a absolument l'air d'une femme de chambre et que son père a des manières de comptoir qui contrastent fortement avec ses vêtements de velours brodé... Tout dans sa manière indique que "c'est moi l'homme". Il s'ensuit quelque déplaisance".
Vous serez plus à l'aise chez la vicomtesse de Beauharnais, future impératrice Joséphine. Cette dernière vous accueillera tout sourire, mais "Yéyette" ploie sous les problèmes d'argent, comme toujours. Du coup, son feu est maigre et elle a dû sans doute emprunter argenterie et couverts en toute hâte à ses voisins. Vous n'y croiserez pas le vicomte, fort dépité de s'être fait poliment mais fermement envoyer sur les roses par M. Berthier, généalogiste des Ordres du Roi, auquel notre vicomte avait demandé d'être présenté au souverain...
Faites-vous inviter à la table de la marquise de la Tour-du-Pin : vous y croiserez le duc de Dorset, ambassadeur d'Angleterre, le duc d'Harcourt (gouverneur du pauvre petit Dauphin), le comte d'Artois en personne ou le très sympathique prince Henri de Prusse, frère de Frédéric II himself, francophile passionné, capable de réciter par coeur nos plus célèbres pièces de théâtre et des passages entiers de nos plus grands auteurs.
Si vous n'avez pu vous faire inviter par Mme d'Angivillier, prenez place à la table de sa rivale, Mme d'Héricourt. Une fois par semaine, elle invite ses fidèles, tous gens de haute tenue et bel esprit. Talleyrand s'étonne que "dans une réunion où il y ait tant d'amour-propre en présence, il ne soit jamais sorti ni un bavardage, ni une tracasserie".
Sinon, faites-vous inviter par la maréchale de Ségur, à la conversation aussi éblouissante que son argenterie, Mme de Chastellux qui reçoit somptueusement au Palais -Royal, Mme de Rully, dame d'honneur de la duchesse d'Orléans, Mme de Flahaut qui vous recevra entre son mari (le comte de Flahaut), son amant (Talleyrand), son deuxième amant (Gouverneur Morris qui vient chaque jour préparer le thé), voire même le diplomate portugais de Souza, qu'elle épousera sous l'Empire.
Mme du Barry, elle, n'est pas rancunière : dans son château de Louveciennes, elle invite volontiers à sa table Choiseul (qui pourtant tirait sur elle à boulets rouges autrefois). Mais aussi Talleyrand, Narbonne, Lauzun, Choiseul-Gouffier, le diplomate-archéologue auteur du fameux Voyage du jeune Anarchis en Grèce.
Souper chez Mme Helvétius ? La veuve du grand Helvétius, ce dernier "riche comme Crésus et beau comme l'Amour", aimé de toutes les femmes, reçoit fastueusement et plutôt du beau monde : Chamfort, Mirabeau, Condorcet, Morellet (ancien collaborateur de Diderot pour l'Encyclopédie), Marmontel, Cabanis (médecin personnel de Mirabeau), l'acteur Garat... Ce dernier s'enthousiasme : "Nous tenons ici les états-généraux de l'esprit humain". En confidence, bonne chance si vous avez Condorcet en voisin de table. Mlle de Lespinasse l'a dit autrefois : "Il est aussi triste qu'une bougie en train de s'éteindre. Vous pensez que sa conversation est pleine d'agréments. Hé bien non ! Il ne cause point en société..."

Les hommes ne sont pas en reste.
Si vous avez grand faim, faites-vous inviter chez M. de Limon, surintendant des finances du duc d'Orléans en personne : sa table croule sous les mets et plats les plus copieux, poissons énormes, foie gras truffé, dindes et chapons, sauces copieuses et grands crus... Vous aurez de quoi vous sustenter.
Vous pouvez aussi souper chez le prince de Croy, dont la femme, selon Besenval "est aussi fraîche et jolie que son mari est fluet, délicat et fané"...
Beaucoup de monde à table chez Lafayette. Beaucoup de francs-maçons surtout, mais aussi le duc de Rochefoucauld-Liancourt, le marquis de Chastellux... Vous y verrez peut-être même, au moment du café, Cagliostro ou Pinelli, magicien lui aussi et qui prétend lire l'avenir en consultant une petite tête en or au fond d'une carafe d'eau pure...
Le fin du fin ? Se faire inviter par le prince de Conti, au palais du temple, dans le salon des Quatre-Colonnes. Soupers éblouissants, soirées artistiques avec l'abbé Prévost, Jean-Jacques Rousseau, la comtesse de Boufflers... A défaut d'y souper, venez y prendre le thé en compagnie des plus grands noms du royaume. Comment oublier que c'est ici qu'en 1776 un enfant du nom de Mozart jouait du clavecin...

(Source des informations : Arthur Conte Le premier janvier 1789)
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Message par Mr de Talaru Jeu 10 Déc 2020, 09:00

La tête m'en tourne avec toutes ces propositions gastronomiques. A vous suivre mon cher Calonne on a l'impression de lire un menu dans une maison étoilée. Tout fait envie, la surprise et l'imagination a chaque ligne.
Se remplir le ventre ou se remplir l'esprit ?

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Message par Gouverneur Morris Jeu 10 Déc 2020, 09:54

Calonne a écrit:Mais vous pourrez bavarder sérieux avec Marmontel, Suard, Grimm, l'abbé de Véri ou encore Gouverneur Morris, successeur de Jefferson comme ambassadeur des Etats-Unis. Même si ce dernier vous glissera, en confidence, que "Mme de Staël, tout en ayant quelque chose de masculin dans le caractère, a absolument l'air d'une femme de chambre et que son père a des manières de comptoir qui contrastent fortement avec ses vêtements de velours brodé... Tout dans sa manière indique que "c'est moi l'homme". Il s'ensuit quelque déplaisance".

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Message par Calonne Jeu 10 Déc 2020, 17:03

Le "souper" était un véritable rite. Dès qu'on avait un certain standing, on se devait de tenir table ouverte une fois par semaine et d'offrir mets fins et savoureuses victuailles dans un cadre raffiné avec, encore mieux, une conversation aussi délicieuse que le repas. On allait au spectacle, à l'opéra, au théâtre et, vers 21h00/21h30, on allait souper.

Comme pour les salons, c'étaient majoritairement les dames qui recevaient. On se pressait à la table de Mme d'Angivillier (où c'était Laclos, l'auteur des Liaisons dangereuses qui tenait le dé de la conversation), on tentait de se faire inviter aux medianoche de Mme d'Houdetot (succulents repas froids servis très tard et à l'extérieur à la belle saison), mais aussi chez Mme de Marsan (où, après le repas, on jouait au loto)... Les soupers de l'hôtel de Mortemart ou de l'hôtel de Soubise étaient réputés également.

Du côté des hommes, chez M.de Limon, que nous avons croisé plus haut, beaucoup d'évêques à table (Maxime de Sabran, évêque de Laon, Anne-Antoine-Jules de Clermont-Tonnerre, évêque de Châlons, Louis-André de Grimaldi, évêque de Noyon, Montmorency-Laval, évêque de Metz) mais aussi l'abbé de Clairvaux ou le comte de Lauragais ("Féfé" pour ces dames de l'opéra)... Chaque souper a ses fidèles, ses habitués, sa tendance intellectuelle ou politique...

Le tourbillon, interrompu par la Révolution, reprendra dès le Directoire puis avec le Consulat. Cambacérès et Talleyrand rivaliseront, une fois par semaine, à qui proposera à ses invités les mets les plus réputés dans le cadre le plus fastueux, Mme de Montesson recevra à nouveau à sa table ses commensaux dont Morellet (qui dira que ses chevaux, sans cocher, le guident tout droit vers la maison de son hôtesse), Pauline de Beaumont ouvrira sa table aux seuls royalistes... La tradition se poursuivra tout au long du XIXème siècle et pas que chez les grandes dames : sous le Second Empire, la Païva, célèbre courtisane, donnera des soupers fastueux dans son non moins fastueux hôtel,  y invitant gens de lettre, artistes (Théophile Gautier y aura son couvert chaque soir)...
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Message par Mme de Sabran Jeu 10 Déc 2020, 17:17

Calonne a écrit:

Du côté des hommes, chez M.de Limon, que nous avons croisé plus haut, beaucoup d'évêques à table
 Ce M. de Limon qui rédigera le manifeste de Brunswick ?

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Message par Calonne Jeu 10 Déc 2020, 17:28

Oui, c'est bien lui.
Jérôme-Joseph Geoffroy de Limon, né en 1746 et mort en 1799.
Ses soupers étaient réputés pour être parmi les plus copieux de Paris. Férocement dévoué au duc d'Orléans, il fût même soupçonné d'avoir tenté d'empoisonner le comte d'Artois d'après Tatie Wikie...

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Message par Calonne Jeu 10 Déc 2020, 17:53

Service à la française/service à la russe

Le fameux souper se décompose en plusieurs services, de deux à huit, mais quatre le plus souvent, d'environ un quart-d'heure chacun. Chaque service propose entre 3 et 8 plats.
Le premier service pour les potages et les entrées.
Le deuxième, les "rots", c’est-à-dire les viandes qui ont été rôties.
Le troisième pour les entremets, littéralement entre les mets, car le dernier service, le fruit, terminait le repas.
A chaque service, les plats étaient posés sur la table et desservis au fur et à mesure qu'ils étaient consommés. Grand inconvénient de ce service à la française : les plats chauds refroidissaient très vite, d'où la présence parfois de réchauds ou "réchauffoirs". Chaque invité pioche et se sert dans les plats, ce qui peut être ardu quand la soupière est trop loin... En général, il n'y a pas de verre devant les convives : les verres sont à part et les domestiques servent à boire et amènent le verre à l'invité qui a demandé à boire. De nombreux invités tiennent également leur assiette en main ou la posent sur leurs genoux.

Apparaît vers la fin du XVIIIème siècle, le service à la russe : chaque invité est servi par un ou deux domestiques qui lui présente les plats directement. Le convive se sert alors, à sa convenance. Grand avantage : on peut enfin manger chaud. Les verres sont désormais posés devant chaque convive et le domestique les remplit au fur et à mesure. Il débarrasse également les assiettes vides et les couverts qui ne servent plus. Les sauces sont dissociées des plats désormais : un premier domestique présente le plat au convive, suivi d'un second qui lui présente les sauces. Dans le service à la russe, les mets sont servis à gauche et desservis à droite, les boissons (vin, eau, champagne) sont servies à droite, et dans une série de verres différenciés.


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