Film : Jeanne du Barry, avec Johnny Depp. De la réalisatrice Maïwenn

Duc d'Ostrogothie a écrit: Mme du Barry était une jolie jeune fille "sans histoire", gaie, gentille. Elle zézayait. Je me la représente (à tort ou à raison) comme une personne un peu plate, sans esprit. Il est déjà difficile de dépeindre un tel personnage, sans grande aspérité.

Non, non. Il fallait vraiment qu'elle ait un petit quelque chose de plus ( de plus que nous toutes ).

Fallait-il reconnaître Chon du Barry dans cette personne toujours sur les talons de Lolo ? ( comme on appelait Adolphe )
Pas de comtesse de Béarn, alors que cette présentation officielle fit tellement de bruit.
Et puis ce mariage avec Jean au lieu de Guillaume ! C'était vraiment un raccourci à l'abrupte.

Je vous quitte jusqu'à demain ...

Bonne balade !!!!

Sans esprit, je n'irais pas jusque là.
Elle a quand-même passé des années au couvent où elle a appris à lire et écrire, elle avait des notions de musique, de dessin et un bagage culturel inattendu pour quelqu'un de son milieu.
Retirée à Louveciennes, elle donnait des soupers très courus avec des convives comme Talleyrand ou Auguste Choiseul Gouffier. Et signalons, en parlant des Choiseul, que le duc y allait aussi, la belle n'étant décidément pas rancunière.

Je dirais plutôt qu'elle n'avait pas l'esprit d'intrigue, elle se moquait de faire ou défaire les ministres ou de s'intéresser aux affaires de l'état. Sorte de Cendrillon, elle profitait pleinement de tout ce que sa nouvelle position pouvait lui apporter, sans chercher plus loin je dirais.

Voici une description de Madame du Barry par la duchesse de Northumberland, invitée de la comtesse à l'occasion du mariage du dauphin.

” J’avoue l’avoir imaginée plus belle. Elle est assez grande, de corpulence moyenne avec une forte poitrine, très jolie mais pas de celle qu’on peut qualifier de belle. Elle ressemble tout à fait aux gravures mais en moins bien, avec une forte touche de son ancienne profession.  
Son teint est clair, sa peau très lisse bien que la fraicheur de la jeunesse se soit évaporée. Son visage est ovale, plutôt long, son front haut est surmonté de cheveux fins très abondants. Elle porte du rouge mais discrètement et en petite quantité.
Ses yeux bleu clair sont vifs, son regard est des plus capricieux. Ses sourcils sont bien formés, de même que son nez. Sa bouche est jolie, ses lèvres très rouges et ses dents belles, mais elle a une sorte de petit sourire satisfait dont la saveur évoque fortement son ancien commerce. Son menton est très joli, sa voix forte, elle a bon air, ses manières obligeantes sont pleine de civilité, mais vulgaires.
Son comportement est extrêmement libre et enjoué. Elle est naturellement bienveillante, généreuse et charitable, mais par son caractère que j’imagine aussi chaud que son tempérament, son langage est grossier et indélicat lorsqu’elle est en colère.“

The Diaries of a Duchess est disponible en anglais sur archives.org.

Allée le voir aujourd'hui, à reculons .... Un peu cher pour y  apercevoir  mon ex St Esprit et la plume en diams .  

C'est la fille de Maïwenn qui joue Madame du Barry jeune?

Calonne a écrit:Sans esprit, je n'irais pas jusque là.
Elle a quand-même passé des années au couvent où elle a appris à lire et écrire, elle avait des notions de musique, de dessin et un bagage culturel inattendu pour quelqu'un de son milieu.

Maïwenn nous la présente, toute jeunette, s'adonner assidument à la lecture. Pourquoi pas ?  Elle avait beaucoup de goût  ( en témoigne son influence en matière d'arts décoratifs )  ce qui signifie le sens du beau et de l'éducation ...  Dans une scène particulièrement odieuse, nous voyons Jean du Barry survenir pendant qu'elle lit, confortablement installée dans sa baignoire, lui arracher son livre des mains, lui enfoncer la tête dans l'eau et l'y maintenir furieusement à plusieurs reprises, en hurlant : " Tu es, et tu seras toujours, une putain ignare !!! "

Melvil Poupaud prête au Roué sa physionomie bien trop franche, honnête et sympathique ( choix contestable de casting ).  Heureusement, cette scène de la baignoire nous rappelle que Jean du Barry n'était qu'une ignoble fripouille, un maquignon de la pire espèce.

J'ai craqué pour le séduisant la Borde, excellent Benjamin Lavernhe tout en retenue et sensibilité.

Maïwenn imagine un embryon d'idylle entre Adolphe et Jeanne.  Il est certain que Jeanne aimait beaucoup ce " neveu " ( beau-fils dans le film    )  et s'est montrée très généreuse envers son épouse et lui, mais de là à supposer plus  ...  
Toujours est-il qu'il mourut bien en se battant en duel, avec le comte de Rice,  mais à Bath en Angleterre, et bien après la disgrâce de sa famille, en 1778.

Tous les détails dans notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t902-la-famille-du-barry?highlight=barry

Dans le film nous voyons un jeune-homme éthéré et romantique avant l'heure .
Dans la réalité ...
Les mauvaises langues disaient qu'il avait hérité des vices de son père, le jeu et les femmes, avec un tempérament belliqueux.
( Charles-Olivier Blanc )

...   hum !  

Monsieur de Coco a écrit:
C'est la fille de Maïwenn qui joue Madame du Barry jeune?

Ah ?!  ...  je ne sais pas.
Mais je conviens avec vous qu'il y a entre elles deux une certaine ressemblance.

Je ne me suis ni endormi ni ennuyé. La Jeanne du Barry de Maiwenn se laisse agréablement regarder.

A quelle période de sa vie termine le film?

Le film s'achève sur la mort de Louis XV ,  et l'arrivée de Jeanne à l'abbaye du Pont-aux-Dames.  
... avec tout de même un très rapide épilogue sur le destin tragique de Mme du Barry et des principaux protagonistes qui gravitaient autour d'elle.

Mme de Sabran a écrit:Le film s'achève sur la mort de Louis XV ,  et l'arrivée de Jeanne à l'abbaye du Pont-aux-Dames.  
...   avec tout de même un très rapide épilogue sur le destin tragique de Mme du Barry et des principaux protagonistes qui gravitaient autour d'elle.

Oui c'est ce que je déplore. On dirait que sa vie s'est achevée à la mort du roi.

Monsieur de Coco a écrit:
Oui c'est ce que je déplore. On dirait que sa vie s'est achevée à la mort du roi.

...   ce qui, à de nombreux points de vue, n'est pas faux, reconnaissons-le.     Mais Jeanne a connu encore quelques années de bonheur, malgré disgrâce et exil.

Le film est entièrement polarisé sur la relation sentimentale Louis XV /  Madame du Barry.  Comme si cet amour n'avait été qu'une bluette pour les Veillées des Chaumières de nos grand-mères.  
Rien sur les implications politiques majeures,  Jeanne mécanisée par le trio Terray / Maupeou /  d'Aiguillon,  la disgrâce de Choiseul...  etc  ...

Personnellement, même si le film est loin d'être d'une fidélité historique, je l'ai vraiment beaucoup aimé. J'irai même jusqu'à dire que c'est un rêve de cinéphile, où Maïwenn tend un arc narratif et le suit jusqu'à son inévitable conclusion : celle d'un amour inextinguible entre Jeanne du Barry et Louis XV. Le traitement de l'image est d'une grande délicatesse à commencer par le recours à la pellicule argentique, le recours à un éclairage à la "Vermeer", le fait de jouer avec les clairs-obscurs, d'avoir parsemé ici ou là le métrage de plans magistraux pris au drone. L'interprétation des rôles principaux n'est pas en reste. Johnny Depp campe un Louis XV secret et tourmenté, jouant aussi bien avec les silences qu'avec sa diction lente, et légèrement empruntée, ce qui lui donne beaucoup de pesanteur, de majesté, sans effets de manche. Maïwenn est cette Jeanne du Barry. Certes ce n'est la Madame du Barry historique mais sa manière d'habiter chaque plan, la douceur de ses gestes, la fraîcheur qu'elle insuffle à l'écran font croire à son personnage, lui donnent chair et sang. Benjamin Lavernhe est un très bon La Borde (assez éloigné du La Borde historique), tout en pudeur et en retenue, cherchant toujours à protéger Jeanne de ce monde hostile. Pauline Pollmann est une charmante Marie-Antoinette, encore naïve, légèrement inconsciente du carcan qui va bientôt s'enserrer autour de sa personne. Loli Bahia incarne très bien cette jeune Jeanne qui comprend peu à peu la fascination qu'elle exerce sur les hommes. La musique de Stephen Warbeck est particulièrement envoûtante. Et il y a ces adieux, sur le pas de la porte de la mort, entre Louis XV et Jeanne, Louis ici une dernière fois bien-aimé, ce "Je t'aime" qui s'envole dans l'Histoire.

...un rêve de cinéphile ?!
Vous voulez dire que ce film atteint, selon vous, une absolue perfection ?
La beauté est dans les yeux de celui qui regarde...
( Oscar Wilde, toujours )

Mme de Sabran a écrit:...un rêve de cinéphile ?!  
Vous voulez dire que ce film atteint, selon vous, une absolue perfection ?
La beauté est dans les yeux de celui qui regarde...
( Oscar Wilde, toujours )

Non, quand même pas. Mais en matière de film historique c'est un film dont peut rêver un cinéphile (j'ajouterai avec un peu d'humour, s'il ne réveille pas l'historien en lui ).

Ce que je voulais dire par là, c'est que la réalisatrice vise un but et l'obtient. En soi sa démonstration est quasi-parfaite. Ce qui ne rend pas le film quasi-parfait. Mais rêvé.

Eddy2000 a écrit:
Ce que je voulais dire par là, c'est que la réalisatrice vise un but et l'obtient. En soi sa démonstration est quasi-parfaite. Ce qui ne rend pas le film quasi-parfait. Mais rêvé.

Que démontre le film ? Quel est son message féministe ?
... puisque le féminisme est dans l'air du temps.
Louis XV et Jeanne ne figurent tout de même pas Hercule aux pieds d'Omphale.

Mme de Sabran a écrit:

Eddy2000 a écrit:
Ce que je voulais dire par là, c'est que la réalisatrice vise un but et l'obtient. En soi sa démonstration est quasi-parfaite. Ce qui ne rend pas le film quasi-parfait. Mais rêvé.

Que démontre le film ? Quel est son message féministe ?
... puisque le féminisme est dans l'air du temps.
Louis XV et Jeanne ne figurent tout de même pas Hercule aux pieds d'Omphale.  

Maïwenn veut nous présenter la relation entre Louis XV et Jeanne du Barry comme une véritable histoire d'amour, au parfum d'absolu. Et elle y réussit. Oui, il y a aussi un message féministe, celui de la liberté d'aimer et d'aimer absolument. Mais ce n'est pas vraiment une revendication. C'est ce qui fait la force de ce film. Il n'y a pas de jugement moral sur le personnage de Jeanne. Maïwenn nous propose sa thèse et s'y tient. Ce n'est pas un précis universitaire sur cette période, c'est la présentation d'une conviction. David Lean utilise le même procédé dans "Lawrence d'Arabie". Son Lawrence n'est pas le Lawrence historique. Mais Lean a une thèse : celle d'un Lawrence qui n'appartient à aucun monde, l'occidental qu'il rejette, l'oriental qui le rejette. Et il s'y tient tout son film : l'un des derniers plans est formidablement évocateur de son point de vue.

Eddy2000 a écrit:
Maïwenn veut nous présenter la relation entre Louis XV et Jeanne du Barry comme une véritable histoire d'amour, au parfum d'absolu.

Certainement. Il y aurait dans cet amour improbable entre un vieux monarque noceur et une femme galante ... comme une manière de rédemption? Eh bien, je vous avoue le sentir davantage dans la réalité historique que dans le film de Maïwenn.

Mme de Sabran a écrit:

Eddy2000 a écrit:
Maïwenn veut nous présenter la relation entre Louis XV et Jeanne du Barry comme une véritable histoire d'amour, au parfum d'absolu.  

Certainement.  Il y aurait dans cet amour improbable entre un vieux monarque noceur et une femme galante ... comme une manière de rédemption?  Eh bien, je vous avoue le sentir davantage dans la réalité historique que dans le film de Maïwenn.  

Je ne faisais pas de comparaison avec la réalité historique. Le film de Maïwenn le dévoile à sa manière, la réalité historique d'une autre façon.

Sans doute, mais il m'est difficile, voire impossible, d'occulter la référence historique ...
Maïwenn est certainement une femme très séduisante, mais une beauté énergique, piquante, un peu anguleuse et si brune.   Pour un peu, je la verrais l'exact opposé physiquement de Jeanne .  Cela m'a chiffonnée pendant tout le film.   Johnny Depp m'a semblé, comment dire, un peu absent .

Sincèrement, je ne vois pas ce qu'il y a de féministe chez Madame du Barry.
Elle était une femme entretenue qui a eu la chance de tomber dans les bras du roi, de l'aimer et de s'en faire aimer. Après la mort de son amant, elle a vécu selon les codes et les rites du milieu qu'elle avait adopté, sorte de châtelaine mondaine donnant soupers et soirées avec des invités brillants, entretenant une relation avec un grand seigneur. Je cherche où est le féminisme là-dedans.

Sauf erreur, elle n'a pas milité ou manifesté comme certaines sous la révolution pour les droits ou le vote des femmes, elle n'a pas fait de politique en ce sens, elle n'a pas écrit de manifeste politique ou social revendiquant des droits pour son sexe, elle n'a pas écrit d'œuvres "féministes"... Elle était une fille de joie comme on disait, qui a eu la chance (un peu aidée) de tomber sur le bon pour parler familièrement et qui en a profité.

Cendrillon à la limite, oui.

Calonne a écrit:Sincèrement, je ne vois pas ce qu'il y a de féministe chez Madame du Barry.

Euh ...   moi non plus.  Jeanne, tout au contraire,  apparaît comme un objet sexuel que les hommes se refilent sans vergogne.  Et ça lui convient.  Elle demande même benoîtement à la Borde s'il ne veut pas l'essayer.   Elle se prête à un examen gynécologique  ( pas public mais peu s'en faut ) qui doit certifier qu'elle peut être offerte au roi sans risquer de le poivrer.  

Maïwenn s'explique :

Le magazine Première a qualifié votre film de "fresque féministe". Êtes-vous d’accord ?

Oui. Jeanne du Barry est un film féministe parce qu’il met en valeur une femme qui était libre et avait décidé de faire valser les usages et les codes ce qui, à l’époque, n’était pas fréquent. Par ailleurs, étant roturière, elle venait d’un milieu social qui n’était pas entendu. Enfin, c’est un film sur une femme, réalisé par une femme. C’est du féminisme à l’état pur ! Je crois que ça m’aurait ennuyée qu’un homme s’empare de ce sujet. J’aurais redouté qu’il use de facilités et joue sur la beauté, la séduction de Jeanne. J’espère ne pas être tombée dans ce piège.
https://www.programme-tv.net/news/cinema/327330-exclu-maiwenn-jeanne-du-barry-cest-du-feminisme-a-letat-pur/

Jeanne est libre ...  de vendre son corps.  Elle fait valser les usages et les codes ...    en courant les cheveux dénoués, riant trop fort, se frottant au roi devant toute la Cour, ne marchant pas à reculons devant lui ( effet comique que Maïwenn use jusqu'à la corde ).
Elle, l'ancienne petite prostituée, fait manger dans sa main le roi de France.  Est-ce que les moyens d'un pareil triomphe ne sont pas précisément sa beauté et sa séduction ?  Ben si.
Où est le féminisme dans tout ça ?
Cela ne l'empêche pas de demeurer entièrement à la merci des hommes.

Tout à faire d'accord, je ne vois pas ce qu'il y a de féministe dans cette Mme du Barry fantasmée par Maïwenn. Comme réalisatrice c'est son droit de réinventer l'histoire, mais sa vision n'en est pas moins absurde.