La vie de la famille royale dans la prison du Temple

sur le site http://cour-de-france.fr/article3823.html

 Je suis abonnée à ce site qui est une mine d'or pour les passionnés d'histoire.....
Il met en ligne un article passionnant sur un sujet certes bien connu, mais qui suscite encore maintes études;

Voici donc =  L’emprisonnement de la famille royale au Temple par Hélène Becquet

"  Le 13 août 1792, Louis XVI, son épouse Marie-Antoinette d’Autriche-Lorraine, sa sœur, Madame Élisabeth, sa fille, Marie-Thérèse-Charlotte, dite Madame Royale, son fils Louis-Charles, dauphin de France, sont conduits au Temple. Le « Temple » était un ensemble de bâtiments entouré d’une enceinte, propriété du grand prieur de l’ordre de Malte. Il était composé d’un palais datant du XVIIe siècle et d’un donjon du XIIIe siècle auquel était accolée une petite tour. C’est là, successivement dans la petite puis dans la grande tour, que la famille royale est emprisonnée pendant trois ans. Seule survivante, Marie-Thérèse de France en sort le 19 décembre 1795.
L’emprisonnement de la famille royale au Temple est un épisode bien connu du grand public, ne serait-ce qu’à cause de la fameuse « affaire Louis XVII », mais négligé par les universitaires. Pour ces derniers, seule la journée du 10 août, qui voit la chute de la monarchie, est digne d’étude et l’épisode du Temple est relégué au rayon des anecdotes et des pieux épisodes charriés, jusqu’à nos jours, par la mémoire royaliste. Le Temple est certes un lieu de mémoire royaliste, mais il n’est pas que cela. L’emprisonnement de la famille royale au Temple est avant tout un événement qui rompt avec l’ordre politique observé jusque-là. Le roi, personnage sacré et incarnation de l’État, est fait prisonnier par ses propres sujets. Ce cas de figure n’est pas sans précédent – la capture et la mort de Charles Ier Stuart sont rappelées à satiété par les contemporains. L’emprisonnement du roi et de sa famille n’en demeure pas moins un épisode crucial de la Révolution. Il entraîne l’anéantissement du pouvoir royal à la fois dans sa dimension politique et dans sa dimension sacrale, en ravalant les membres de la famille royale, ou du moins en s’efforçant de les ravaler, au niveau de tous les autres citoyens. En outre, la détention de toute la famille, en particulier de l’héritier du trône, permet aux républicains d’espérer que la royauté ne pourra se relever de cet épisode.

La suite ici =  www.cairn.info/revue-hypotheses-2008-1-page-193.htm

Merci !

Avec plaisir, tous les deux !
Pour ceux qui craignent de s'engager dans une réflexion "universitaire" donc sèche et intello, je résume l'essentiel des idées = ( et c'est très facile à lire..... )

L'argumentation d'Hélène Becquet est simple et va loin;
Dans l'Europe monarchique ( en dehors de l'exemple de Charles Stuart XVII) aucun Roi n'a jamais été emprisonné ni "destitué" ! Le pouvoir royal vient de Dieu, c'est Dieu qui sacre le Roi et celui-ci est son envoyé sur terre pour le bien de ses sujets;
L'emprisonnement de Louis XVI et de sa famille démolit bien plus qu'une monarchie, elle démolit son caractère sacré ! à partir de là, tout devient "possible" et il n'y a pas de "retour en arrière";
A tel titre, même la Restauration ne parviendra pas à asseoir de nouveau le concept de la monarchie;
Il y a donc bien oui, "révolution" au sens étymologique "revolvere" bouleverser, détruire;
Et c'est le premier acte qui amènera l'évolution politique de l'Europe;

J'apprends que le Père de l'historien Jules Michelet, qui avait été au temple commissaire de la commune, décrira ainsi, sans sympathie, à son fils les prisonniers:

"L'attitude de la reine, il faut le dire (je parle ici d'après le témoignage de mon père, qui monta la garde au Temple), était souverainement irritante et provocante. La jeune dauphine, malgré le charme de son âge, intéressait peu ; plus autrichienne encore que sa mère, elle était toute princesse et Marie-Thérèse, elle armait ses regards de fierté et de mépris.

Le Roi, avec l'air myope, le regard vague, la démarche lourde, le balancement ordinaire aux Bourbons, faisait à mon père l'effet d'un gros fermier de la Beauce.

L'enfant était joli et intéressant ; il avait toutefois (on peut en juger par ses portraits) l'œil d'un bleu cru, assez dur, comme l'ont généralement les princes de la maison d'Autriche. Très-affiné par sa mère, il comprenait tout, sentait parfaitement la situation, et montrait souvent de l'adresse, une innocente petite politique, qui surprenait dans un enfant si jeune et allait au cœur."


Bien à vous.

Merci.
J'ignorais que le père de Michelet faisait partie de ceux qui surveillaient la famille royale au Temple.

Dominique Sabourdin-Perrin a évoqué , hier, les massacres de septembre....
Lorsqu'on a apporté la tête de la princesse de Lamballe fichée au bout d'une pique sous les fenêtres de la Tour du Temple, la foule enragée a été ravie d'entendre un cri.... ils pensaient avoir entendu la voix de la Reine .... mais ce sont les époux Lepître qui logeaient au premier étage ( le Roi et le Dauphin étant au deuxième, la Reine, Madame Royale et Madame Élisabeth au troisième).
Et la conférencière de préciser que Madame Lepître a perdu la tête (au sens figuré, elle!) , car jamais elle ne se remettra du sinistre spectacle de la tête ensanglantée de l'Amie de la Reine.... qui vivait encore quelques semaines auparavant dans la même Tour qu'eux !
J'ignorais que la folie de la femme Lepître était dû à ce tragique épisode révolutionnaire...


Bien à vous.

suite nous évoquons le temple, voici la gravure allemande acquise la semaine dernière sur EBAY - je la crois fort rare !!!!

MARIE ANTOINETTE

Petits détails de la vie au quotidien

Connaissant sa piété, on imagine mal Louis XVI vouloir se trancher les veines...

Nous connaissions ces rasoirs et ce plat à barbe dits "de Louis XVI au Temple", conservés à Carnavalet.


Photo : https://www.tripadvisor.fr/Attraction_Review-g187147-d188758-Reviews-Musee_Carnavalet_Histoire_de_Paris-Paris_Ile_de_France.html

Puis, cet autre, dont la provenance est signalée comme étant une énième "relique" que le dévoué Cléry aurait récupéré du Temple :


Notre sujet ici : https://marie-antoinette.forumactif.org/t1957-succession-du-comte-et-de-la-comtesse-de-paris-aux-encheres-1-et-2#54537

La nuit, la neige a écrit:Connaissant sa piété, on imagine mal Louis XVI vouloir se trancher les veines...

C'était une mortification comme une autre à lui infliger ... une de plus.

Il faut se méfier des récits de la Restauration. Vous pensez bien qu'il ne sont pas forcément objectifs. Je ne dis pas qu'ils sont faux; mais faute d'autres éléments pouvant être recoupés...

En Histoire, il faut se méfier de tout, essayer de réfléchir sur la pertinence des choses.

pilayrou a écrit:Il faut se méfier des récits de la Restauration. Vous pensez bien qu'il ne sont pas forcément objectifs.

Vous avez tout à fait raison, cher Pilayrou, puisque Touchard-Lafosse écrit cela en 1828.  

Il poursuit :  



La Fayette est apparemment l'un de ses très rares contemporains ( peut-être le seul ? ) qui trouvent grâce à ses yeux.  C'est une constante.

Au contraire, en 1839, il exhalera une haine farouche contre tous les rois, dans son dernier ouvrage intitulé  « Les crimes des rois de France ».
Même le pauvre Louis XVI  ( le seul qui ait payé toute l'ardoise pour l'iniquité de l'Ancien Régime ) s'en prend plein la tête.
Pour Touchard-Lafosse, il n'y a pas d'alternative dans l'analyse de son caractère autre que l'imbécilité ou l'hypocrisie .

[url=https://servimg.com/view/19051224/915][/url

« Un tailleur de pierres était occupé à faire des trous à la porte de l’antichambre pour y placer d’énormes verrous; le jeune Prince, pendant que cet ouvrier déjeunait, s’amusait avec ses outils : le Roi prit des mains de son fils le marteau et le ciseau, lui montrant comment il fallait s’y prendre. Il s’en servit pendant quelques moments. Le maçon, attendrit de voir ainsi le Roi travailler, dit à Sa Majesté : « Quand vous sortirez de cette Tour, vous pourrez dire que vous avez travaillé vous même à votre prison. »
« Ah! répondit le Roi, quand et comment en sortirai-je ? »
Monsieur le Dauphin versa des larmes : le Roi laissa tomber le ciseau et le marteau, et rentrant dans sa chambre, il s’y promena à grands pas. »
In : Journal de ce qui s’est passé à la Tour du Temple. Cléry.

Sur Flux, à  propos de l'article du Point, parlant de l'attitude des Monarchies,  des tentatives des Bourbons d'Espagne pour sauver la famille royale  et du livre de Vial  "La famille royale au Temple", je relève ces phrases pénibles :  
"Dès  les premiers mois les monarchies voisines ont plutôt  tendance à blâmer  Louis 16 et MA pour leur incapacité  à  endiguer la révolte. Dans le secret des cabinets on les tient pour des BALLOTS"(ça fait  mal quand on lit ça.. .), "qu'il vaut mieux laisser à  leur triste sort. CERTAINS ÉTATS  SE RÉJOUISSENT  MÊME DE VOIR SE DÉCOMPOSER LE PAYS LE PLUS PROSPÈRE D'EUROPE" (le plus prospère... De fait, j'ai lu jadis que le niveau de vie des Français  était le plus élevé  d'Europe). "Car "Il y aurait toujours des miettes à ramasser par la suite". Finalement il ne reste plus grand monde pour sauver Louis 16, comme le rapporte l'historien Charles-Eloi Vial (éd.  PERRIN)".  L'Espagne a donné 2 millions de Livres dès  1792 aux membres de ma Convention, à  Danton, qui garde l'argent et ne fait rien. Le couple royal  en a-t-il su quelque chose ?  Et qu'est-ce que c'est toute cette circulation cachée  de sommes énormes   entre Révolutionnaires de quelqu' importance ?  Tel le banquier (?) Clavière. Pendant que les  "gueux", les sans-culottes, les mères  de famille avaient faim ? (Voir les queues aux boulangeries dans "Les dieux ont soif", d'Anatole France).

Un sujet qui sera développé, ici :

https://marie-antoinette.forumactif.org/t4120-proces-de-louis-xvi-comment-l-espagne-tenta-de-sauver-le-roi?highlight=Espagne

Je propulse ici des détails qui nous sont donnés dans le sujet de Jean-Joseph Dubois-Foucou, dentiste de Louis XVI. Le roi pendant sa captivité souffrait de fluxions dentaires :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t4166-jean-joseph-dubois-foucou-dentiste-de-louis-xv-louis-xvi-napoleon-louis-xviii-et-charles-x#132424

Alors au Temple, Louis XVI demande le 10 août 1792, une « éponge pour les dents » à son dentiste qui la lui fournit. Enfermé précipitamment, la famille royale est démunie de tout. En décembre 1792, nouvelle fluxion dentaire du roi .

« Louis Capet (comme il est désigné alors) en présence des commissaires de garde auprès de lui, a demandé, en raison d’une fluxion des dents dont il est attaqué depuis quelques jours, que l’on fasse venir un dentiste qu’il consulterait pour son mal, et il a désigné, à cet effet, le citoyen Dubois-Foucou. »

Le Conseil général de la Commune refuse d’accéder à sa demande, le 22 décembre 1792.

Voici un portrait peu connu de la Reine au Temple.
Il aurait été croqué par Madame Royale elle-même, et faisait partie des collections Bancel :

Elle est méconnaissable, les yeux creusés et si amaigrie. S'il s'agit bien de Marie-Antoinette, il doit dater de la toute fin de son séjour au Temple.

Merci Vicq'...

Je ne sais trop quoi dire de cette attribution ; en tous les cas c'est une découverte.  

Nous présentions des dessins au crayon de Madame Royale ici : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3997-dessins-par-marie-therese-charlotte-duchesse-d-angouleme?highlight=dessins

Ce dessin est à comparer à celui fait, à la même époque, par Madame Elisabeth, qui représente aussi Marie-Antoinette :

C'est un scoop pour moi ! Jamais de ma vie d'amateur d'histoire, je n'ai vu ce dessin de Marie-Antoinette à la fin son existence dans tous les livres et documents que j'ai lus et consultés.
Pouvez-vous nous en dire plus Vicq ? Ce dessin a t-il été tracé aux Tuileries ? Au Temple ? Je pencherai plus pour le Temple, la reine paraît très fatiguée et affaiblie. J'ai un peu de mal à la reconnaître.
Madame Royale l'aurait-elle emporter lors de son exil ? Quelle est la traçabilité de ce document exceptionnel ?

Scoop total pour moi aussi !
Je ne la reconnais ni sur l'un, ni sur l'autre .
En revanche, sur les deux, le nez est bien vu .

Le premier est terrible . Il semble représenter une femme de cinquante ans, aux yeux creux, avec une expression de souffrance en même temps que lointaine, détachée, indifférente, absente.

Oui, ce document nous montre une femme désemparée et malade. On le saurait à moins. Quel calvaire !

J'ai regardé le lien sur les autres dessins de Madame Elisabeth. Elle avait en effet un bon coup de crayon qui rend son présumé portrait de Marie-Antoinette encore plus terrible. Pauvre reine.Quelques semaines encore et ce sera l'infâme croquis de David.

Je ne sais que vous répondre, Dominique, sinon que ce portrait (le premier, pas le second), était présenté lors de l’exposition Louis XVII de 1787 à la Mairie du Ve arrondissement à Paris.
Je ne l’ai, en revanche, pas revu lors de la vente Bancel en 2003.
André Castelot le montre aussi dans un de ses livres sur la Reine.