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L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle

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Teresa-Cabarrus
Mme de Sabran
La nuit, la neige
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L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Empty Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle

Message par zadigsab Ven 24 Fév 2017, 09:59

Quel plaisir de retomber sur le forum en faisant une recherche de tableau Mère/enfant ! Les tableaux de ce post sont très beaux (ah la nourrice c'est dur!).
Je vous souhaite à tous une belle journée

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zadigsab

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L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Empty Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle

Message par Mme de Sabran Mer 26 Avr 2017, 18:51

Les abandons d'enfants  ( https://marie-antoinette.forumactif.org/t2403-les-tours-d-abandon-des-nouveaux-nes#96132  )  me conduisent à cet autre sujet, celui des nourrices, puisque voici un article qui vient compléter les informations sur l'hôpital des enfants trouvés  ( H. E. T. )

LES MENEURS

Si par bonheur l'enfant passe le cap de l'abandon et du séjour à l'hôpital, il est mis en nourrice généralement à la campagne. Pour recruter les nourrices, les hôpitaux ont recours à l'intermédiaire des "meneurs". Ce système restera en vigueur jusqu'en 1821. On ne peut s'improviser meneur, des règlements assez stricts veillent à la moralité et à l'honorabilité des personnes qui postulent. Les meneurs doivent verser une caution généralement du quart de la somme qu'ils ont à convoyer jusqu'aux nourrices. Ils doivent déclarer leurs biens et hypothèques éventuels devant notaire. Le curé de leur paroisse doit leur fournir un certificat de bonne conduite qui est légalisé par un juge royal.

C'est le meneur qui achemine la rétribution des nourrices. Celles-ci doivent être payées "en argent et non en blé, orge ou autres denrées" comme quelques meneurs peu scrupuleux ont dû le faire.
Le métier est fort lucratif : le règlement de 1723 de l'HET de Paris prévoit que le meneur perçoit le vingtième de l'argent porté aux nourrices. Quand il conduit les enfants à la campagne le meneur touche le quart du premier mois de nourrice. Les sommes qu'il remet doivent figurer sur le bordereau, signé de la nourrice, qu'il remet à la Maison de la Couche. L'argent qu'il n'a pas rétribué doit être retourné à l'HET.
En cas de mort de l'enfant, le meneur doit rapporter le certificat de décès signé par le curé, et à partir de 1765 les linges.
Tous les six mois il doit visiter les pensionnaires qu'il a déposé dans son secteur.

Souvent les nourrices recrutés par les meneurs ne se présentent pas en nombre suffisant à l'HET, ce qui provoque une surmortalité comme en 1772, à Paris, où 2650 enfants sur 7676 périrent de ce fait. Il faut alors convoyer les bébés chez les mères nourricières qui n'ont pas pu se déplacer, pour cause de travaux agricoles ou de difficulté des transports en hiver. C'est le travail des femmes que l'on appelle commissionnaires.
Généralement elles se chargent de deux enfants de sexe différent pour éviter les substitutions volontaires ou non. Cette pratique est très rémunératrice pour... le meneur car c'est lui qui commandite ces femmes et les salarie. De 1783 à 1788, pour l'HET de Paris, près de 10000 enfants ont ainsi gagné la province contre 9100 par des nourrices patentées.

Certains meneurs abusent de la situation. Ainsi en 1757, dans les environs d'Evreux (Normandie), le meneur habitant Orgeville, paie à retardement les nourrices de son secteur et utilise les sommes retenues pour ses propres affaires. Il fait de même avec les vêtements des enfants. Il sera révoqué et remplacé par un meneur habitant Vernon.

UNE NOURRICE... DOIT ETRE SAINE

Il est fréquent que les familles aisées confient les enfants à des nourrices pour décharger la mère de l'allaitement.
Cela est une obligation pour les enfants abandonnés.

Il est rare que les nourrices agrées soient des citadines. Les administrateurs des hôpitaux craignent d'être trompés par des mères qui abandonnent leur enfant puis se le font confier en nourrice et reçoivent alors un salaire.
C'est cette pratique que dénonce un "voisin bien intentionné" à Rouen :
" ces deux lignes sont pour vous aviser que Nicolas Guillou qui demeure sur la paroisse de Saint-Maclou n'est pas marié. Il y a quatorze ans qu'il vit avec une fille qu'il fait passer pour sa femme. Il vous ont présenté un enfant à qui vous avez donné le plomb (le collier - voir ci-dessus) et la paie de 50 livres par an attendu qu'elle le nourrit chez-elle... Ils ne sont pas de Rouen ils sont de Caen".
Ainsi à Reims seuls 4% des enfants sont mis en nourrice dans la ville même. Par contre, on autorise des nourrices de province à s'installer dans la capitale et à y faire profession. C'est le cas, en 1675, de Françoise Dupuy, "nourrice de Jeanne Dulong, depuis 1 an environ et qui est venue habiter Paris rue Aumaire car son mari a dû quitter le bourg de Clermont (dans l'Oise) à cause de la pauvreté..."

D'une manière générale les nourrices sont recrutées dans les campagnes environnantes. On évite de les chercher trop loin pour réduire le voyage des enfants : 100 kilomètres semblent être la distance maximum, ce qui fait tout de même 3 jours de trajet.
L'hôpital de Marseille prospecte la Haute Provence, celui de Rouen vers le Pays de Bray, celui de Reims ne peut trouver de places dans le vignoble, évite la Champagne Pouilleuse, et préfère la direction de Paris (où de toute façon on pourra laisser l'enfant à l'HET de la capitale). L'hôpital de Lyon trouve des nourrices jusqu'en Vivarais et Savoie, mais avec de grosses concentrations dans le Bugey, celui de Paris essaime dans tout le bassin parisien jusqu'en Bourgogne !

N'est pas nourrice qui veut.   Hop!
Les hôpitaux s'entourent de garanties. L'HET de Paris exige de ses nourrices qu'elles se présentent à la Maison de la Couche munies d'un certificat du curé ou à défaut des syndics de la communauté villageoise et de deux principaux habitants du village, et reconnu valable par le meneur du secteur.
Ce certificat atteste " qu'elle et son mari sont de la religion catholique et de bonnes moeurs, qu'elle est en l'état d'allaiter l'enfant qu'on voudra bien lui confier, et que l'âge de son lait est de X mois, qu'elle n'a point de nourrissons ou que l'âge du dernier nourrisson de l'hôpital qu'elle a chez elle est de X mois et qu'il est en l'état d'être sevré".
Dès son arrivée à l'hôpital, la nourrice est examinée par le chirurgien et les soeurs pour s'assurer de la qualité de son lait.   Very Happy  Comme le spécifie le répertoire de jurisprudence de Guyot "la bonne constitution de son corps est une chose des plus essentielle. Il faut nécessairement qu'elle soit saine, d'une santé ferme et d'un bon tempérament, ni trop grasse, ni trop maigre; ses mamelles doivent être entières, sans cicatrices, médiocrement fermes et charnues, assez amples pour contenir une quantité suffisante de lait, sans être néanmoins grosses avec excès. Les bouts de mamelles ne doivent point être trop gros, durs, calleux, enfoncés, il faut au contraire qu'ils soient un peu élevés, de grosseur et de fermeté médiocres, bien percés de plusieurs trous, afin que l'enfant n'ai point trop de peine en les suçant et les pressant avec la bouche. Son lait ne doit être ni trop aqueux ni trop épais... Il doit être très blanc, de saveur douce et sucrée, sans aucun goût étranger à celui du lait.
Enfin, outre les moeurs requises dans la nourrice, il faut qu'elle soit vigilante, sage, prudente, douce, joyeuse, gaie, sobre et modérée dans son penchant à l'amour". Que de qualités qu'il devait être bien difficile de trouver réunies dans une même personne !   L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 3826491292

Le lieutenant général de police de Lyon (2) déplore en 1781 : "on remet des enfants souvent à des nourrices enceintes ou qui ont un lait de 3 ou 4 ans, à des vieilles femmes ou à des vagabondes sans maris, qui faisant de l'allaitement un trafic infâme, prennent plusieurs nourrissons à la fois, les font végéter avec du lait de vache, ou de chèvre, souvent même avec une nourriture plus malsaine pour les enfants, et font périr misérablement la plupart de ces infortunés, ou les rendent infirmes ou estropiés".

C'est qu'être nourrice rapporte. Peu il est vrai, mais c'est bien souvent un appréciable complément de ressources.  D'autres causes poussent certains foyers à être nourriciers. Mais que penser de ce jardinier de Fismes (Champagne) qui pour repeupler sa maison vide depuis la disparition 15 mois plus tôt de son enfant mort-né, prend 2 bébés ? Sa femme ne peut allaiter le nourrisson, qui meurt immédiatement, et a du mal à s'occuper de celui de 16 mois, qui a la chance de survivre !

http://www.jeanlouis-garret.fr/Abandons_enfants_sous_ancien_regime.html

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Message par Mme de Sabran Sam 25 Aoû 2018, 21:58


Que tient-il dans sa petite main potelée, ce nourrisson ? Very Happy

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 233

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Message par Gouverneur Morris Sam 25 Aoû 2018, 22:15

Un hochet avec une extrémité permettant la succion. Catherine II en avait offert un incrusté de diamants et à l’extrémité en corail à la naissance du Dauphin.

Il avait alors rejoint les collections précieuses du Garde-Meuble.
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Message par Gouverneur Morris Sam 25 Aoû 2018, 22:20

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 2858b510
L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Eba56410
S’il a disparu lors du vol des Joyaux de la Couronne, il nous reste encore ceux du roi de Rome, avec leurs sifflets intégrés :

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Message par Mme de Sabran Sam 25 Aoû 2018, 22:22

...  L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 4


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Message par CLIOXVIII Mer 29 Aoû 2018, 14:56

Un hochet ?
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Message par Mr de Talaru Mer 29 Aoû 2018, 17:08

Plutôt une tototte hochet.

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Message par La nuit, la neige Jeu 03 Juin 2021, 11:38

CLIOXVIII a écrit:
Invité a écrit:Sait-on qui est cette dame ? Very Happy

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Aa216b10

Oui, c'est madame Mitoire nourrissant son enfant par  A. Labille -Guiard (salon de 1783)


Bon ! Procédons par ordre... Eventaille

Idea Ce charmant petit tableau n'est pas le portrait de Mme Mitoire nourrissant son enfant, ni d'ailleurs une oeuvre d'Adélaïde Labille-Guiard, mais :

A lady, said to be madame Danloux, nursing her child in a drawing room
François-Guillaume Ménageot

Oil on panel, 18th century
Signed lower left : F Menageot
10 1/4  by 7 1/2  in.; 26 by 19 cm.

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 B2db7b10
Image : Sotheby's

Lot Essay :

Spoiler:


Idea Et voici donc le très beau portrait au pastel de Mme Mitoire avec ses enfants, dessiné par Adélaïde Labille-Guiard, et donc présenté au salon de 1783. Wink

Il est présenté à l'occasion de la vente aux enchères " Women in Art ", organisée ce 16 juin prochain, par Christie's Paris, dont je cite des extraits de l'intéressante présentation au catalogue :

Madame Charles Mitoire, née Christine-Geneviève Bron (1760-1842), avec ses enfants, allaitant l’un d’eux.
Adélaïde Labille-Guiard (Paris 1749 - 1803)

signé et daté ‘Labille f. Guyard. 1783’ (en bas à gauche)
pastel sur papier marouflé sur toile
92 x 72.5 cm.
L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Labill12


Présentation

Cet imposant pastel d’une grande fraîcheur, conservée dans une collection particulière depuis la première moitié du XXe siècle, a été réalisé par l’une des femmes peintres les plus importantes de la seconde moitié du XVIIIe siècle, ayant eu une carrière officielle aux côtés d’Elisabeth-Louise Vigée Le Brun (1755-1842).
Adélaïde Labille épouse Nicolas Guiard en 1769 en première noce puis quelques années plus tard le peintre François-André Vincent, à une époque où elle est déjà une peintre et pastelliste reconnue.
Elle fait son apprentissage chez François-Elie Vincent (le père de son mari) où elle reçoit des cours de portrait en miniature et chez Maurice Quentin de La Tour, avant d’intégrer l’Académie de Saint-Luc.
L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Captu736

Le Salon de 1783

En 1783, année de réalisation du présent pastel, elle intègre finalement l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, en même temps qu’Élisabeth Vigée Le Brun, coopté par ses amis peintres académiciens avec pour morceau de réception le Portrait de Pajou sculptant un buste de Lemoyne aujourd’hui conservé au musée du Louvre (inv. 27035 ; Auricchio, op. cit., 2009, p. 27, fig. 21).

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Ago21210
Augustin Pajou (1730-1809) modelant le buste de Jean-Baptiste II Lemoyne
Adélaïde Labille-Guiard
Pastel sur papier bleu marouflé sur toile
Image : RMN-Grand Palais (Musée du Louvre) - Michel Urtado


Ce pastel est exposé au Salon en 1783, aux côtés du potrait de Madame Mitoire, et de six autres portraits d’amis peintres : Antoine Beaufort (1721-1771), conservé au musée du Louvre (inv. 27027 et inv. 27036 ; ibid., p. 26, fig. 18 et p. 27, fig. 20), Joseph-Benoît Suvée à l’Ecole des Beaux-Arts (inv. MU 1505 ; ibid, p. 30, fig. 22), Etienne-Pierre-Adrien Gois (Salon, 1783, no. 127; localisation actuelle inconnue) puis les portraits des peintres Joseph-Marie Vien, Jean-Jacques Bachelier , et Guillaume Voiriot (localisations actuelles inconnues ; Salon, 1783, nos. 124, 126, 130).

Deux autres femmes artistes académiciennes exposeront aux côtés de la jeune Guiard au Salon de 1783, Madame Vallayer Coster avec sept tableaux (nos. 75-81) et Madame Vigée Le Brun avec douze peintures (nos. 110-121).

Le Portrait de madame Mitoire a longtemps été présenté dans un cadre néoclassique en bois doré, probablement son cadre d’origine, et remplacé postérieurement par son actuel large cadre en bois doré et polychrome à décor rocaille dont les tons s’associent parfaitement avec la palette chromatique du pastel.

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Capt2737
Image : Neil Jeffates

L’iconographie : l’allaitement maternel

Sur ce pastel, une mère richement vêtue, madame Mitoire, allaite son plus jeune enfant tandis que l’aîné, à ses côtés, échange un regard complice avec sa mère, "dans l’heureux épanouissement de sa maternité" (Passez, op. cit., p.122).
Si ce sujet peut paraître habituel aujourd’hui, à l’époque, il a pu être reçu comme avant-gardiste, les mères de la haute société ayant systématiquement recours à des nourrices pour allaiter leurs propres enfants.

Ce thème fait échos à la parution d’Émile ou De l’Éducation, traité sur ‘l’art de former les hommes’ écrit par Jean-Jacques Rousseau en 1762, qui prône les bienfaits de l’allaitement maternel en annonçant : " Mais que les mères daignent nourrir leurs enfants, les mœurs vont se réformer d’elles-mêmes, les sentiments de la nature se réveiller dans tous les cœurs " et de renchérir quelques lignes plus loin " Point de mère, point d’enfants. Entre eux les devoirs sont réciproques" (Émile ou De l’Éducation, Paris, 3e ed., 1882, p. 17).
L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Capt2738

Le sujet deviendra plus commun à partir de la révolution française et les maternités se verront beaucoup plus nombreuses dans l’iconographie républicaine des œuvres de Salon avec, à titre d’exemple, le tableau de Jacques-Louis David en 1781, Femme allaitant son enfant (Salon, no. 316) et celui d’Antoine Vestier en 1795, Portrait d’une dame hollandaise avec ses enfants, tenant dans ses bras le plus jeune qu’elle nourrit (Salon, no. 519 ; Paris, coll. part. ; op. cit., 1998-1999, p. 34, note 9).

L’identification des modèles

Bien que Christine-Geneviève Mitoire ne soit pas une artiste pour s’inscrire dans cette succession de portraits d’amis peintres et sculpteurs que Labille Guiard expose au Salon au début des années 1780, elle est néanmoins la petite fille du peintre Carle Van Loo (1705-1765) du côté maternel et la nièce de Charles-Amédée-Philippe Van Loo (1719-1795), autre peintre que Labille Guiard portraitura et qu’elle présentera pour son second morceau de réception en 1785 et aujourd’hui conservé au château de Versailles (inv. 5874 ; Passez, op. cit., 1973, no. 58).

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Image449
Charles-Amédée-Philippe Van Loo
Adélaïde Labille-Guiard
Huile sur toile, 1785
Morceau de réception à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, 1785 (confirmant la séance du 31 mai 1783)
Image : Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin


À propos de ses deux enfants représentés sur le pastel, le cadet Charles-Benoît Mitoire (1782- 1832) deviendra peintre et élève de Vincent, il est identifié comme membre de l’académie de Saint Pétersbourg en 1813. Quant à l’aîné, Neil Jeffares l’identifie sous le nom d’Alexandre-Laurent, dit du Moncel baptisé à Clichy le 13 septembre 1780, devenu marchand modiste et décédé à Saint-Pierre en Martinique en 1816 (N. Jeffares, 'Labille-Guiard, Mme Mitoire et ses enfants', in Pastels & Pastellists, p. 5).
L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Captu737

Labille Guiard et l’art du portrait

Les portraits de famille représentant une maternité sont assez rares dans l’œuvre de Labille Guiard, exception faite de deux huiles sur toile : La comtesse de Flahaut tenant son fils dans les bras en train de jouer avec le médaillon de sa mère, réalisée en 1785 (selon Passez, op. cit., 1973, no. 55, collection Hood, Jersey) et le Portrait présumé de madame Claude Charlot et son fils s’apprêtant à téter le sein de sa mère peint en 1799 et conservé dans une collection particulière parisienne (fig. 2 ; Salmon, op. cit., 2016, no. 78, ill.).

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Capt2739
Adélaïde-Marie-Émilie Filleul, comtesse de Flahault de la Billarderie, puis Adélaïde de Souza
Adélaïde Labille-Guiard
1785
Source : Wikipedia


L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Captu738
Portrait présumé de Madame Claude Charlot et son fils Nicolas-François ou de Madame Nicolas-François Charlot et son fils Vincent
Adélaïde Labille-Guiard
Huile sur toile, 1799
118×90 cm, collection particulière
Source image : La Plume de l'Oiseau Lyre - Exposition Un génie en jupon, les fastes d'Elisabeth Vigée Lebrun


Célébré dès le XVIIIe siècle, ce portrait de madame Mitoire avec ses deux enfants sera repris par Labille Guiard dans une miniature sur ivoire conservée au musée du Louvre (inv. RF4301) et le pastel décrit avec emphase au tout début du XXe siècle par Roger de Portalis dans sa monographie sur l’artiste :

" Tout respire la santé dans cet appétissant pastel. D’une belle chair flamande blanche et rose, aux seins gonflés de lait, la femme reste élégante dans l’accomplissement de devoirs de la maternité. Aux cheveux poudrés s’accroche une rose, et la jupe retenue par des brassières ténues, est faite de satin bleu." (Portalis, op. cit., p. 18).
L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Capt2740
Madame Mitoire et ses enfants
Adélaïde Labille-Guiard
Miniature sur ivoire
Image : Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais - Photo M. Beck-Coppola


Important à plus d’un titre, ce pastel est considéré comme l’un des tous premiers portraits d’une femme allaitante à être présenté au Salon au XVIIIe siècle, il est, de surcroît, réalisé par une femme artiste.
Connu uniquement par une photo en noir et blanc prise au moment de sa dernière mise en vente en 1923, il fait sa réapparition sur le marché de l’art après cent ans d’oubli, dans un très bel état de conservation : les couleurs sont vives et le pastel d’une grande fraîcheur.

Nous remercions Joseph Baillio et Neil Jeffares pour leur aide apportée à la rédaction de cette notice.

* Source et infos complémentaires : Christie's Paris - Vente Women in Art, 16 juin 2021
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Message par CLIOXVIII Jeu 03 Juin 2021, 15:29

Un grand merci, La Nuit la neige ! L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 309649167 L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 1123740815
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Message par La nuit, la neige Sam 18 Sep 2021, 18:12

Toujours en illustration de ce sujet, et présenté prochainement en vente aux enchères...


LE DÉPART DE LA NOURRICE OU LES TROIS ÂGES
ÉTIENNE JEAURAT (Paris, 1699 - Versailles, 1789)

Vers 1730-1735
Huile sur toile rentoilé, cadre d'époque Louis XV en tilleul et chêne doré, sculpté de coquilles
A vue : 52 x 60 cm
Provenance : Ancienne collection Jacques Doucet, Paris, 1930 ; Collection privée, Paris
L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Etienn11

Présentation au catalogue :

La scène se passe sur un chemin de terre, devant une masure délabrée. Une dame de qualité, vêtue d'une robe jaune, remet son nouveau-né à une nourrice montée sur un âne, sous le regard attentif d'une vieille dame en noir. En retrait, les hommes échangent des pièces d'or. A l'écart du groupe principal, un couple de paysans [un berger et une bergère?] attire l'attention sur le côté gauche du tableau qui ouvre sur un paysage portuaire lumineux avec son portique néoclassique.
La présence de la femme noire, perçue comme une allégorie de la Vieillesse, introduit une dimension symbolique dans l'oeuvre qui représenterait alors les Trois âges de la vie.
Ce tableau d'Étienne Jeaurat a connu une grande fortune critique.
L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Capt3037

Du vivant de l'artiste déjà, Étienne Aubry (Versailles, 1745-1781) a repris le modèle dans une composition vidée des personnages secondaires et intitulée Les Adieux à la nourrice.
Son tableau nous éclaire sur le sens donné à notre scène de genre au XVIIIe siècle : elle pourrait être inspirée des fables de La Fontaine, «Le Fruit de l'Amour secret» ou «La Fortune et le Jeune enfant».

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 1955_611
Les adieux à la nourrice, d'Etienne Aubry
Huile sur toile, 1776-77
Image : The Clark Art Institute

Voir notre sujet : La peinture d'Etienne Aubry

Etienne Jeurat (1699 - 1789)

Nommé peintre du roi en 1767, Jeaurat s'était formé dans l'atelier de Nicolas Vleughels (Paris, 1668 - Rome, 1737). Il fut reçu à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture en 1733. A côté des sujets d'histoire et des peintures religieuses qui appartiennent aux grands genres académiques, il continua de peindre des scènes de genre qu'il signait rarement.
Notre peintre brille ici par l'originalité du thème iconographique. Son style est encore marqué par la manière de son maître, élève de Mignard (Troyes, 1612 - Paris, 1695) et ami de Watteau (Valenciennes, 1684 - Nogent-sur-Marne, 1721). Notre toile s'inscrit donc dans la mouvance de l'art du Grand Siècle cependant qu'elle annonce les effronteries libertines du Siècle des Lumières.

Bibliographie :
Louis Hautecoeur, Les peintres de la vie familiale, Paris, éd. Galerie
Charpentier, 1945, reproduit p. 43 et cité p. 55
The Art quartely, printemps 1969, reproduit p. 158 et cité p. 155
Edmond et Jules de Goncourt, French Eighteenth century paintings, Londres, 1984, p. 132
Catalogue raisonné du peintre en cours de préparation par Sylvie de Langlade, qui l'y inclura sous le numéro 29

* Source et infos complémentaires : Marc Arthur Khon, Paris - Vente du 24 septembre 2021
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L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Empty Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle

Message par Mme de Sabran Sam 18 Sep 2021, 19:48


Très jolis tableaux, merci ! Very Happy
Je suis toujours touchée par le thème de la petite enfance ...

La nuit, la neige a écrit: A l'écart du groupe principal, un couple de paysans [un berger et une bergère?] attire l'attention sur le côté gauche du tableau qui ouvre sur un paysage portuaire lumineux avec son portique néoclassique.
La présence de la femme noire, perçue comme une allégorie de la Vieillesse, introduit une dimension symbolique dans l'oeuvre qui représenterait alors les Trois âges de la vie.
Dans le couple amoureux du berger et de la bergère, pourquoi ne pas imaginer, précédant les Trois âges de la vie, une promesse de conception de la vie ? L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 1020289783

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Message par Mme de Sabran Mer 29 Sep 2021, 09:06

C'est en effet Rousseau, enfant sans mère, père abandonneur, qui s'est fait le chantre le plus éloquent de l'allaitement maternel. Cette fonction n'est plus seulement un plaisir comme au temps d'Ambroise Paré (cité plus haut), c'est le signe d'une sollicitude que rien ne peut remplacer. ( ... ) Le contact intime entre mère et nourrisson tisse des liens affectifs qui transfigurent toutes les relations familiales et peuvent même régénérer l'Etat. Les douces vertus d'une mère vouée à ses petits imposeront un nouveau modèle de famille et de civilisation.

( Yvonne Knibielher )

Rousseau est entendu et l'allaitement maternel, jusque là relativement peu répandu dans les classes supérieures,  devient un phénomène de société, peut-être même un phénomène de mode,   et c'est tant mieux .   Very Happy
Tenez ! je lis ceci, sous la plume de Jacob-Nicolas Moreau au sujet de la naissance de sa petite Pauline, en 1771 :

Quand je rentrai à Paris, ma femme y était déjà, et elle accoucha, le 29 novembre, de ma seconde fille, qu'elle nourrit comme la première .


Bravo, Madame Moreau ! L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 309649167

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Message par Mme de Sabran Mar 14 Déc 2021, 17:39


" Dans le sillage de L'Emile ou de l'éducation de Rousseau, la reine s'attacha à être une mère modèle.  ( ... )  A sa sortie en 1762,  l'ouvrage fut vivement contesté.  A l'inverse, la reine souscrit pleinement à ces nouveaux principes éducatifs, envisageant même d'allaiter sa fille, ce qui lui fut naturellement refusé, les Enfants de France étant traditionnellement confiés à une nourrice, la bien nommée Geneviève Poitrine. "

( Hélène Delalex, Marie-Antoinette, la légèreté et la constance ) Very Happy
L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Thumb570

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Message par Mme de Sabran Jeu 22 Fév 2024, 19:25

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Thum1492

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Thum1493

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le cartel. Dans une allégorie de la charité romaine,  une femme allaite un misérable, souvent un vieillard.  Ici nous avons la scène charmante d'une mère ( ou une nourrice ) qui donne le sein à un enfant.

Quelques exemples, merci WIKI. Very Happy

L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle - Page 3 Capt1678

J'ai retenu du dernier et tout récent " Secrets d'Histoire " de Stéphane Bern que la malheureuse reine Caroline-Mathilde du Danemark nourrissait sa petite Louise Augusta ( fille de Struensee ), chose bien extraordinaire pour une reine !  La petite fut donc arrachée à sa mère quasiment au sein.   C'était bien là encore une idée novatrice du médecin de Christian VII.

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