Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
+8
Mme de Sabran
Trianon
Comtesse Diane
Comte d'Hézècques
La nuit, la neige
Mr de Talaru
Roi-cavalerie
Gouverneur Morris
12 participants
LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: La famille Polignac - Axel de Fersen - La princesse de Lamballe :: Les Polignac et leur entourage
Page 10 sur 11
Page 10 sur 11 • 1, 2, 3 ... , 9, 10, 11
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Oui, oui...
La nuit, la neige a écrit:
Marié le 23 fructidor an III (9 septembre 1795) (mercredi), Londres (G.B.), avec Victoire de Rigaud de Vaudreuil (1775-1851)
La nuit, la neige- Messages : 18054
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
... qu'il ne connaît pas du tout : il " fait une fin ", comme l'on disait autrefois .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
le mariage du comte de Vaudreuil
Au moment terrible de la mort de Mme de Polignac, Vaudreuil était également atteint profondément et directement dans ses illusions politiques. Artois demeurait immobile en Westphalie, pendant que la Vendée prenait les armes. Il gémissait de cette inaction ; il ne croyait plus guère à ce prince auquel il avait souhaité avec tant d'autres la destinée d'Henri IV :
« Il s'est bercé, il m'a tant bercé d'illusions que j'ai perdu en grande partie ma confîance. »
Toutefois, en véritable ami, il ne voulait pas désespérer.
Quand Yolande depuis longtemps souffrante, accablée par la mort de Marie-Antoinette, succomba le 4 décembre 1793, Vaudreuil, littéralement abattu, vécut près de la comtesse Diane et Jules pendant deux années encore au château de Kittsee près de Presbourg, et dans un faubourg de Vienne. C'était vivre encore au plus proche de son amour perdu. Mais lorsque les Polignac décidèrent d'aller s'installer définitivement en Russie, en Ukraine, où le duc avait reçu du tsar Paul Ier l'importante starostie d'Opalina près de Lublin, Vaudreuil décida de rejoindre son prince en Angleterre.
Depuis quelque temps, écrit Léonce Pingaud, il songeait sérieusement à se réunir au chef de sa maison, le marquis de Vaudreuil; un mariage inattendu finit par opérer ce rapprochement. A l'âge de plus de cinquante ans, l'inconsolable amant de Mme de Polignac se décida à demander à la vie de famille les seules joies qu'il put goûter désormais. Vers le milieu de 1795, il sollicita par correspondance la main de sa cousine, Joséphine-Victoire, qui n'avait que vingt ans.
Le duc de Guiche lui en a fait l'article ( dirions-nous aujourd'hui ) en la parant de toutes les qualités. Vaudreuil ne la connaît pas, cette petite cousine Joséphine-Victoire, mais il a fait sa demande en mariage en confiance à son cousin le marquis qui l'a agréée .
Il écrit à son futur beau-père ( un peu inquiet tout de même quant à leur différence d'âge ) :
... elle est avec vous, sa mère, ses sœurs, peut-être ses frères; et moi je suis seul avec mes désirs et mes regrets. D'ailleurs je crains qu'elle ne me trouve plus aimable de loin qu'elle ne me trouvera de près; et elle, au contraire, elle est sûre que sa vue ajoutera encore à mon sentiment pour elle. Je verrai une jolie rose, et la fraîcheur du printemps ; et je lui montrerai une vieille figure, décomposée par les chagrins. Mais sa vue, mais ses soins et ses grâces ranimeront ma vie; c'est un bienfait que je lui devrai.
Ah I mon bon cousin, réunissons-nous de manière ou d'autre. Là, ici, qu'importe, pourvu que je vous voie et que je ne vous quitte jamais !
Sa plume court lyrique et ailée quand il écrit à sa future belle-mère :
Vous ne m'aviez pas dit qu'elle est grandie de quatre doigts, qu'elle est plus jolie que jamais, que sa voix s'est formée, qu'elle chante à merveille et est très bonne musicienne. Elle pouvait se passer de tout cela, mais enfin je l'en remercie, et j'en remercie le Ciel et vous tous.
C'est le duc de Guiche qui m'a conté tout cela ( ), et vous croyez bien que je le questionne autant que je peux. Jusqu'à présent je ne l'ai vu qu'encourant ; mais ce soir je le verrai et le questionnerai tout à mon aise. Je regarde à chaque instant par la fenêtre si sa voiture arrive.
Comme cette Joséphine m'a transformé, ranimé ! Avant cette époque, je languissais, je mourais; je n'avais point d'objet; j'étais isolé sur la terre; le vide de mon cœur ressemblait à l'inexistence. A présent, j'ai un objet dont je m'occupe à tous les instants, et quel objet ! C'est ma Joséphine ; c'est la fille de ce que j'ai de plus cher au monde; c'est celle que j'aime; c'est celle qui veut bien se charger du soin de mon bonheur et d'embellir ma vie; Joséphine enfin.
N'allez pas vous moquer de moi et dire que je suis un vieux fou que l'amour fait radoter. Je prétends que cet amour (car je le sens, c'est de l'amour) est applaudi par la raison même. J'ai l'âme très tendre et très jeune; j'ai besoin d'avoir un objet de culte ; j'aime à m'occuper de ce qui m'approche, et cet objet sera ma femme, et cette femme sera Joséphine, et cette Joséphine est votre fille, et elle me donnera en confiance, en amitié tout ce que je lui donnerai en amour. Qu'il lui sera facile de me rendre heureux, puisque mon bonheur consistera à m'occuper du sien ! Quand je verrai sa jolie bouche sourire, quand la joie brillera dans ses yeux, je me dirai elle est contente, je suis heureux. Voilà ma manière d'envisager le mariage et l'amour. Ce n'est pas du radotage; c'est la raison même, embellie par l'amour. Si ce ne sont plus les transports de la bouillante jeunesse, c'est un charme de tous les moments, dont mon cœur lui répond, et le charme est préférable à tout.
De toute évidence c'est un mariage de raison mais auquel Vaudreuil tient à mettre toutes les formes romantiques. Il fait sa cour comme un jouvenceau...
Retenu quelque temps faute d'argent sur le continent, il trouve enfin les moyens de gagner l'Angleterre, et là, tout entier à ses espérances de bonheur domestique, il se tient à l'écart des événements qui. secouent le parti de l'émigration.
D'honorables scrupules de conscience le reprennent :
« Je ne veux pas faire la guerre à mon pays, mais je voudrais la faire à la Révolution, et jusqu'à présent je n'aperçois qu'une guerre faite à la France . »
Pendant que s'accomplissaient les expéditions de Quiberon et de l'île d'Yeu, Vaudreuil se mariait à Londres.
Les années suivantes, il habita tantôt cette ville, tantôt Edimbourg. Deux fils lui naquirent ( comme tu le soulignais ) , et il est curieux de constater avec quelle facilité il se pliait aux devoirs de son nouvel état, avec quelle chaleur il en goûtait les joies paisibles, poursuit Léonce Pingaud.
Et cependant son bonheur fut-il sans nuages ? A côté d'un mari bien plus vieux qu'elle, et valétudinaire, Mme de Vaudreuil était fort jolie, pleine de vivacité et d'expansion : un prince d'humeur galante, le duc de Bourbon, était un familier assidu de la maison. La jalousie incrimina ces innocentes relations. ( innocentes ? ... hum ! ) Vaudreuil , qui estimait avec raison la solidité de caractère et de principes de sa compagne, ne se laissa point troubler par ces méchancetés mondaines, et n'en parla à « sa'Joséphine » que pour l'en consoler et les mépriser avec elle.
A partir de cette époque, Vaudreuil parait ne s'être plus occupé que d'une façon indirecte des affaires de son parti. Le malheur et l'expérience avaient développé en lui, au dire de ses compagnons d'exil, de sérieuses qualités, et une brochure inspirée par la police française le peignait comme le royaliste à la fois « le plus aimable et le moins entiché des vieilles idées. »
Toutefois il se borna à rester, derrière les tristes murailles d'Holyrood, un fidèle commensal du comte d'Artois ; il fait sa partie de whist quotidienne, et Mme de Vaudreuil donne à l'occasion la réplique, dans une comédie de salon, au duc de Berry.
Tout était changé en France : rien n'était changé au delà des frontières, dans les mœurs, les plaisirs et le langage de ses anciens maîtres.
En 1800, Vaudreuil s'établit définitivement aux portes de Londres, à Twickenham, et ne sortit plus de sa retraite; il était devenu Anglais d'habitudes et presque de cœur, au point de déplorer la paix d'Amiens et les sacrifices qu'elle avait imposés à sa patrie d'adoption; en 1803, il essaya inutilement, pour sauver quelques débris de sa fortune coloniale, d'entrer au service du gouvernement britannique à Saint-Domingue, et l'année suivante, il sollicita non moins vainement et à deux reprises de suivre le comte d'Artois dans le voyage qui aboutit à l'entrevue de Calmar. Cette récompense lui semblait pourtant due, car il pouvait répéter à Londres ce qu'il disait à Venise aux premiers temps de la Révolution : « Tout ce qui porte mon nom est loyal et fidèle . »
Vaudreuil comptait alors parmi les rares royalistes qui déclinèrent les faveurs de Napoléon : lui-même avait maudit le Concordat, et refusé de profiler de l'amnistie de l'an X .
Combien d'autres se résignaient au nouvel état de la France, en souhaitaient même la durée ! Quand l'exilé pensait à ses anciennes relations, à son entourage de lettrés et d'artistes, quels tristes retours pouvait-il faire sur la constance des opinions et des affections humaines I Presque seule, Mme Vigée Le Brun était restée fidèle à ses souvenirs; elle vint le voir au temps de la paix d'Amiens, et exécuta les portraits de ses deux jeunes enfants. Et voilà les charmants portraits que tu nous postais hier soir ! Merci !
Elle trouva l'Enchanteur toutefois bien changé, bien maigri de corps et de visage, mais elle se convainquit que l'esprit et le cœur étaient restés les mêmes . Il en était bien peu, parmi leurs amis communs, qui eussent droit à un semblable témoignage. Gens de cour et gens de lettres, presque tous s'étaient tournés vers le soleil levant.
Source :
Correspondance intime du comte de Vaudreuil et du comte d'Artois pendant l'émigration : 1789-1815
par M. Léonce Pingaud .
Eh bien, zut alors !
Je n'arrive pas à trouver de portrait de Victoire-Joséphine ...
« Il s'est bercé, il m'a tant bercé d'illusions que j'ai perdu en grande partie ma confîance. »
Toutefois, en véritable ami, il ne voulait pas désespérer.
Quand Yolande depuis longtemps souffrante, accablée par la mort de Marie-Antoinette, succomba le 4 décembre 1793, Vaudreuil, littéralement abattu, vécut près de la comtesse Diane et Jules pendant deux années encore au château de Kittsee près de Presbourg, et dans un faubourg de Vienne. C'était vivre encore au plus proche de son amour perdu. Mais lorsque les Polignac décidèrent d'aller s'installer définitivement en Russie, en Ukraine, où le duc avait reçu du tsar Paul Ier l'importante starostie d'Opalina près de Lublin, Vaudreuil décida de rejoindre son prince en Angleterre.
Depuis quelque temps, écrit Léonce Pingaud, il songeait sérieusement à se réunir au chef de sa maison, le marquis de Vaudreuil; un mariage inattendu finit par opérer ce rapprochement. A l'âge de plus de cinquante ans, l'inconsolable amant de Mme de Polignac se décida à demander à la vie de famille les seules joies qu'il put goûter désormais. Vers le milieu de 1795, il sollicita par correspondance la main de sa cousine, Joséphine-Victoire, qui n'avait que vingt ans.
Le duc de Guiche lui en a fait l'article ( dirions-nous aujourd'hui ) en la parant de toutes les qualités. Vaudreuil ne la connaît pas, cette petite cousine Joséphine-Victoire, mais il a fait sa demande en mariage en confiance à son cousin le marquis qui l'a agréée .
Il écrit à son futur beau-père ( un peu inquiet tout de même quant à leur différence d'âge ) :
... elle est avec vous, sa mère, ses sœurs, peut-être ses frères; et moi je suis seul avec mes désirs et mes regrets. D'ailleurs je crains qu'elle ne me trouve plus aimable de loin qu'elle ne me trouvera de près; et elle, au contraire, elle est sûre que sa vue ajoutera encore à mon sentiment pour elle. Je verrai une jolie rose, et la fraîcheur du printemps ; et je lui montrerai une vieille figure, décomposée par les chagrins. Mais sa vue, mais ses soins et ses grâces ranimeront ma vie; c'est un bienfait que je lui devrai.
Ah I mon bon cousin, réunissons-nous de manière ou d'autre. Là, ici, qu'importe, pourvu que je vous voie et que je ne vous quitte jamais !
Sa plume court lyrique et ailée quand il écrit à sa future belle-mère :
Vous ne m'aviez pas dit qu'elle est grandie de quatre doigts, qu'elle est plus jolie que jamais, que sa voix s'est formée, qu'elle chante à merveille et est très bonne musicienne. Elle pouvait se passer de tout cela, mais enfin je l'en remercie, et j'en remercie le Ciel et vous tous.
C'est le duc de Guiche qui m'a conté tout cela ( ), et vous croyez bien que je le questionne autant que je peux. Jusqu'à présent je ne l'ai vu qu'encourant ; mais ce soir je le verrai et le questionnerai tout à mon aise. Je regarde à chaque instant par la fenêtre si sa voiture arrive.
Comme cette Joséphine m'a transformé, ranimé ! Avant cette époque, je languissais, je mourais; je n'avais point d'objet; j'étais isolé sur la terre; le vide de mon cœur ressemblait à l'inexistence. A présent, j'ai un objet dont je m'occupe à tous les instants, et quel objet ! C'est ma Joséphine ; c'est la fille de ce que j'ai de plus cher au monde; c'est celle que j'aime; c'est celle qui veut bien se charger du soin de mon bonheur et d'embellir ma vie; Joséphine enfin.
N'allez pas vous moquer de moi et dire que je suis un vieux fou que l'amour fait radoter. Je prétends que cet amour (car je le sens, c'est de l'amour) est applaudi par la raison même. J'ai l'âme très tendre et très jeune; j'ai besoin d'avoir un objet de culte ; j'aime à m'occuper de ce qui m'approche, et cet objet sera ma femme, et cette femme sera Joséphine, et cette Joséphine est votre fille, et elle me donnera en confiance, en amitié tout ce que je lui donnerai en amour. Qu'il lui sera facile de me rendre heureux, puisque mon bonheur consistera à m'occuper du sien ! Quand je verrai sa jolie bouche sourire, quand la joie brillera dans ses yeux, je me dirai elle est contente, je suis heureux. Voilà ma manière d'envisager le mariage et l'amour. Ce n'est pas du radotage; c'est la raison même, embellie par l'amour. Si ce ne sont plus les transports de la bouillante jeunesse, c'est un charme de tous les moments, dont mon cœur lui répond, et le charme est préférable à tout.
De toute évidence c'est un mariage de raison mais auquel Vaudreuil tient à mettre toutes les formes romantiques. Il fait sa cour comme un jouvenceau...
Retenu quelque temps faute d'argent sur le continent, il trouve enfin les moyens de gagner l'Angleterre, et là, tout entier à ses espérances de bonheur domestique, il se tient à l'écart des événements qui. secouent le parti de l'émigration.
D'honorables scrupules de conscience le reprennent :
« Je ne veux pas faire la guerre à mon pays, mais je voudrais la faire à la Révolution, et jusqu'à présent je n'aperçois qu'une guerre faite à la France . »
Pendant que s'accomplissaient les expéditions de Quiberon et de l'île d'Yeu, Vaudreuil se mariait à Londres.
Les années suivantes, il habita tantôt cette ville, tantôt Edimbourg. Deux fils lui naquirent ( comme tu le soulignais ) , et il est curieux de constater avec quelle facilité il se pliait aux devoirs de son nouvel état, avec quelle chaleur il en goûtait les joies paisibles, poursuit Léonce Pingaud.
Et cependant son bonheur fut-il sans nuages ? A côté d'un mari bien plus vieux qu'elle, et valétudinaire, Mme de Vaudreuil était fort jolie, pleine de vivacité et d'expansion : un prince d'humeur galante, le duc de Bourbon, était un familier assidu de la maison. La jalousie incrimina ces innocentes relations. ( innocentes ? ... hum ! ) Vaudreuil , qui estimait avec raison la solidité de caractère et de principes de sa compagne, ne se laissa point troubler par ces méchancetés mondaines, et n'en parla à « sa'Joséphine » que pour l'en consoler et les mépriser avec elle.
A partir de cette époque, Vaudreuil parait ne s'être plus occupé que d'une façon indirecte des affaires de son parti. Le malheur et l'expérience avaient développé en lui, au dire de ses compagnons d'exil, de sérieuses qualités, et une brochure inspirée par la police française le peignait comme le royaliste à la fois « le plus aimable et le moins entiché des vieilles idées. »
Toutefois il se borna à rester, derrière les tristes murailles d'Holyrood, un fidèle commensal du comte d'Artois ; il fait sa partie de whist quotidienne, et Mme de Vaudreuil donne à l'occasion la réplique, dans une comédie de salon, au duc de Berry.
Tout était changé en France : rien n'était changé au delà des frontières, dans les mœurs, les plaisirs et le langage de ses anciens maîtres.
En 1800, Vaudreuil s'établit définitivement aux portes de Londres, à Twickenham, et ne sortit plus de sa retraite; il était devenu Anglais d'habitudes et presque de cœur, au point de déplorer la paix d'Amiens et les sacrifices qu'elle avait imposés à sa patrie d'adoption; en 1803, il essaya inutilement, pour sauver quelques débris de sa fortune coloniale, d'entrer au service du gouvernement britannique à Saint-Domingue, et l'année suivante, il sollicita non moins vainement et à deux reprises de suivre le comte d'Artois dans le voyage qui aboutit à l'entrevue de Calmar. Cette récompense lui semblait pourtant due, car il pouvait répéter à Londres ce qu'il disait à Venise aux premiers temps de la Révolution : « Tout ce qui porte mon nom est loyal et fidèle . »
Vaudreuil comptait alors parmi les rares royalistes qui déclinèrent les faveurs de Napoléon : lui-même avait maudit le Concordat, et refusé de profiler de l'amnistie de l'an X .
Combien d'autres se résignaient au nouvel état de la France, en souhaitaient même la durée ! Quand l'exilé pensait à ses anciennes relations, à son entourage de lettrés et d'artistes, quels tristes retours pouvait-il faire sur la constance des opinions et des affections humaines I Presque seule, Mme Vigée Le Brun était restée fidèle à ses souvenirs; elle vint le voir au temps de la paix d'Amiens, et exécuta les portraits de ses deux jeunes enfants. Et voilà les charmants portraits que tu nous postais hier soir ! Merci !
Elle trouva l'Enchanteur toutefois bien changé, bien maigri de corps et de visage, mais elle se convainquit que l'esprit et le cœur étaient restés les mêmes . Il en était bien peu, parmi leurs amis communs, qui eussent droit à un semblable témoignage. Gens de cour et gens de lettres, presque tous s'étaient tournés vers le soleil levant.
Source :
Correspondance intime du comte de Vaudreuil et du comte d'Artois pendant l'émigration : 1789-1815
par M. Léonce Pingaud .
Eh bien, zut alors !
Je n'arrive pas à trouver de portrait de Victoire-Joséphine ...
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Marie-Jeanne- Messages : 1496
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Régine nous informe de la vente suivante sur son blog Noblesse et Royautés :
Le 7 décembre 2020 à 14 heures, vente aux enchères chez Sotheby’s à Paris de 75 lettres autographes adressées entre 1792 et 1804 par le comte d’Artois (futur roi Charles X) au comte de Vaudreuil. Elles sont estimées entre 15.000 et 20.000 €.
Source : http://www.noblesseetroyautes.com/vente-de-lettres-autographes-du-comte-dartois/
La description faite par Sotheby's :
Description
ARTOIS, comte d', futur Charles X
75 lettres autographes au comte de Vaudreuil.
19 novembre 1792-17 juillet 1804.
Près de 160 pages in-4 et in-12 (235 x 190, 207 x 165 et 153 x 97 mm). Cachets de cire rouge ou noire. Emboîtage de toile bleue du début du XIXe siècle et chemise à rabats.
Petites et rares déchirures aux pliures. Encre parfois un peu passée et petits manques de papier par bri du cachet. Emboîtage très usé, dos brisé.
"Je ferai tête à l'orage, tant que j'aurai du sang dans les veines" (10 janvier 1794).
Émigré au lendemain de la prise de la Bastille, le comte d’Artois, jeune frère de Louis XVI et futur Charles X, confie ses craintes, ses projets et ses espérances au comte de Vaudreuil, exilé à Vienne puis à Londres, son indéfectible soutien qui l’a suivi en émigration.
Précieux témoignage sur la Révolution française et son retentissement auprès des cours européennes.
La nuit du 16 au 17 juillet 1789, le comte d’Artois quitte la France avec femme et enfants, suivi par le prince de Condé, les Polignac et le comte de Vaudreuil. Réfugié d'abord à Bruxelles, puis à Turin, chez son beau-père le duc de Savoie et roi de Sardaigne Victor Amédée III, à la cour du roi de Prusse à Hamm, à Saint-Pétersbourg où l’accueille Catherine II, en Hollande et enfin en Angleterre, Artois s’acharne à trouver le soutien des cours étrangères et cherche désespérément les subsides nécessaires à une contre-révolution. Il se félicite de l’attention que Catherine II de Russie porte à ses affaires et du secours pécuniaire qu’elle compte lui prodiguer. Il prépare avec Charles Alexandre de Calonne, l'ancien contrôleur du Trésor réfugié en Angleterre, un plan pour reconquérir la France.
Ces lettres illustrent toutes les arcanes de cette période troublée où la France se déchire, les coalitions se nouent et se dénouent, les tentatives de paix ou d’entente entre les puissances étrangères sont souvent des espoirs déçus.
Le soulèvement puis le siège de Toulon, les soubresauts incertains de la Vendée, les activités diplomatiques et politiques de l’Armée des princes, la réticence de l’Espagne, le soutien de Catherine II et de l’Angleterre, le siège de Nimègue, le sort du comte de Provence, futur Louis XVIII (qui prend le chemin de l’exil en juin 1791), celui des émigrés, les plans de campagnes et tant d’autres sujets émaillent cette riche et abondante correspondance.
Accablé, Artois songe à la vengeance et entend coûte que coûte sauver la monarchie. Au fil des années, l’horizon s’obscurcit et dans ses dernières lettres son ardeur d’autrefois fait place à la résignation.
Mais en dehors de la politique, il confie, sans détours, ses états d’âme à cet ami fidèle, dénonçant des "crimes inconnus aux démons" : les décapitations de Louis XVI, de Marie-Antoinette et de Madame Élisabeth ainsi que le projet de mariage de Madame Royale avec un sans-culotte. Leurs amours se dessinent en filigrane : celui que Vaudreuil porte à la duchesse de Polignac, et celui d’Artois pour Louise d'Esparbès de Lussan, comtesse de Polastron. Placée sous la protection de Vaudreuil, celle dont le prince tait le nom est cette "amie" dont il prend avidement des nouvelles dans chacune de ses lettres. La comtesse de Polastron meurt en 1804 et Artois perd le "seul objet" qui le rattachait au monde.
Joseph-Hyacinthe-François de Paule de Rigaud, comte de Vaudreuil, (1740-1817), gouverneur de Saint-Domingue de 1753 à 1757, se distingua pendant la guerre de Sept ans en qualité d’aide de camp du maréchal-prince de Soubise. Dernier grand fauconnier de France, il fit partie du cercle de la reine Marie-Antoinette et du comte d’Artois auquel il s’attacha devenant son ami intime. Il fut député suppléant de Saint-Domingue à la Constituante en 1789. Rentré en France avec le comte d’Artois en 1814, il est fait pair de France et meurt en 1817.
Provenance : collection Roger Ross et Eric Bongartz.
Référence : correspondance publiée dans l’ouvrage de Léonce Pingaud, Correspondance intime du comte de Vaudreuil et du comte d’Artois pendant l’émigration : 1789-1815, II, Paris, Plon, Nourrit et Cie, 1889.
EXTRAITS
Liège, ce 19 9bre 1792. "Il faudrait avoir la plume de Jérémie, mon cher Vaudreuil, pour donner une idée, de la position où nous nous trouvons depuis ton départ. J'espérais n'en pas être abattu ; mais je t'avoue que mon cœur en est cruellement déchiré.
Tu dois savoir mieux que moi les motifs qui empêchent la cour de Vienne de répondre au mémoire que j'ai écrit, il y a quatre semaines, à M. de Mercy [ancien ambassadeur d’Autriche à Paris]. Le comte Jules [de Polignac] en a la copie ; je l'ai chargé d'appuyer sur les articles les plus importants, et assurément il a fait tout ce qui a dépendu de lui. Mais le silence de l'Empereur nous jette dans des embarras affreux. MM. de Mercy et de Metternich nous ont fait avancer une somme de 87.000 francs, qui avait principalement pour but de soutenir le prêt des régiments ; mais, comme nous ne recevons plus un seul écu de nulle part, et que le roi de Prusse ne nous a pas encore donné les 100.000 francs qu'il m'avait promis il y a un mois, nous avons été forcés d'employer une partie de cette somme à empêcher de mourir de faim les plus malheureux de nos compagnies et à payer notre boulanger et notre boucher. Je dois dire que cela nous était possible, car le gouvernement de Bruxelles nous a fait remettre les 87.000 fr sans en fixer l'emploi.
Nous avons frappé à tant de portes où nous avions droit d'espérer de toucher quelques fonds ! Mais la défaite des Autrichiens et leur retraite vers la Meuse achèvent de détruire toutes nos ressources […] Nous remuons ciel et terre pour obtenir des fonds […] J'avais écrit à ce pauvre Calonne pour qu'il nous cherche des ressources ; mais, pour toute réponse, j'ai su que le malheureux avait été emprisonné pendant quelques heures pour une dette qu'il avait souscrite pour nous […]"
Düsseldorf ce 1er décembre 1792. L’éminence du procès de Louis XVI sème l’inquiétude.
"[…] nous sommes obligés de partir précipitamment, pour aller nous enterrer dans une petite ville de la Westphalie, mais nous sommes encore dans l'incertitude sur nos voyages, et nous avons reçu des nouvelles de Paris plus effrayantes que jamais. Le trop malheureux Roi doit être jugé à présent, et il est hors de doute qu'il sera condamné. Notre seul espoir est donc que la Convention mettra un sursis à son jugement, afin de le garder pour otage mais il est encore fort douteux que la Convention puisse le soustraire à la rage du peuple, quand même elle le voudrait. Je ne puis te rendre l'horreur que tout cela inspire. On ne dit pas un seul mot de la Reine, ni de ma pauvre sœur. Il est nécessaire que le duc de Polignac se prépare à presser fortement pour la reconnaissance de la régence, si le malheur arrive […]".
Hamm, ce 9 janvier 1793. Lettre écrite quelques jours avant la décapitation de Louis XVI.
"Depuis ma dernière lettre, mon ami, j'ai reçu celle que tu m'as écrite le 5 décembre, et Guébillon est arrivé le 5 janvier.
Nous ne renverrons le courrier qu'après avoir connu définitivement le sort du Roi. Les dernières nouvelles sont un peu plus rassurantes, et il paraît que la fermeté qu'il a témoignée à ses deux interrogatoires a fait une grande impression sur le peuple. Mais son affreuse position est toujours la même, et nos alarmes sont loin d'être dissipées […]".
Pétersbourg, ce 25 mars 1793. Artois séjourne à Saint-Pétersbourg où il est reçu par Catherine II. Il berce l’idée d’un débarquement en Normandie.
"Tu verras, mon ami, par l'extrait ci-joint de mon journal, mes craintes et mes espérances. Dieu veuille que je ne sois pas dans l'erreur ; mais les dernières surpassent de beaucoup les premières, et, si nous ne sommes pas trahis par l'Angleterre, ce que je ne dois pas craindre, je vois déjà vingt vaisseaux russes et une bonne armée faisant voile pour nous aller déposer sur les côtes de la Normandie […]".
Pétersbourg, ce 19 avril 1793. À la veille de son départ pour l’Angleterre le comte d’Artois recommande à Vaudreuil la plus grande discrétion et se félicite du soutien de Catherine II.
"[…] L'impératrice met tant de grâces dans tout ce qu'elle fait, et elle prend un tel intérêt à nos affaires, qu'elle est, en vérité, aussi contente et aussi heureuse que moi-même. Elle m'a dit et répété plusieurs fois qu'elle répondait de tout, et que les petites difficultés qui existent encore d'après les demandes de l'Angleterre seraient promptement et facilement dissipées. Mais elle ne craint que la cour de Vienne ; elle la croit détestable sous tous les rapports, malgré les changements du ministère, et comme elle a su le départ du duc de Laval, elle m'a spécialement recommandé non seulement de ne rien dire, mais même de paraître plutôt inquiet, affligé, et surtout impatienté de ne rien terminer […] Enfin, enfin, je sens que je marche au bonheur, et ce qui me donne une grande confiance, c'est que l'impératrice en est convaincue comme moi ; mais elle prévoit que j'aurai beaucoup à travailler, et elle m'a promis qu'elle me donnerait par écrit, avant mon départ, toutes ses idées sur la conduite que je devrai tenir. Je te jure que, surtout depuis quelques jours, je ne la regarde plus que comme un ange […]".
Pétersbourg, ce 19 [avril 1793] (soir). Il vient d’apprendre que Dumouriez s’est rallié aux Autrichiens, qu’il tente de renverser la Convention et de mettre Louis XVII, alors prisonnier au Temple, sur le trône.
"[…] Dieu sauve le Temple, mais j’ai bien peur".
Hamm, ce 17 juillet 1793. Artois s’apitoie sur le sort de Marie-Antoinette à la Conciergerie.
"[…] Comme je suppose qu'on n'aura pas parlé à ton amie la cruelle situation de la Reine, je veux te dire séparément ce que nous avons appris hier. La malheureuse victime est toujours à la Conciergerie dans un cachot infâme, on lui a donné cependant une femme pour la servir. Les fédérés, qui accourent pour l'exécrable fête du 10 août avaient d'abord demandé qu'on ne donne point de suite au procès de la Reine, et qu'on la ramène au Temple mais il parait que cette bonne volonté momentanée n'a pas eu de suites. Les lettres sont du 9 il n'y avait pas encore eu d'interrogatoire, le courage de la Reine se soutient de la manière la plus éclatante. Tous ces détails sont déchirants cependant les dernières lettres peuvent donner un peu d'espoir. Ma sœur et les enfants sont toujours au Temple, ni mieux ni plus mal […] Mon cœur est déchiré de toutes ces horreurs mais ce qui me fait le plus de mal est de ne pas être à portée de servir ma trop malheureuse famille […]".
Hamm, ce 23 août 1793. "[…] L'horizon comme tu le dis est toujours bien embrouillé, les nouvelles de Paris sont cependant plus rassurantes pour la Reine, et cela nous donne de l'espoir […]".
Hamm, ce 18 septembre 1793. "[…] Les nouvelles de Paris sont toujours bien cruelles, et bien alarmantes sur le compte de la Reine, cependant il y a du retard, et cela me donne un peu d'espoir. Cependant les arrestations se multiplient, et dieu sait où les crimes s’arrêteront […] Je ne te parle pas des nouvelles des armées, tu les sais aussi bien que moi la défaite des Hollandais et l'échec du duc d'York me font de la peine, et m'inquiètent pour plus d’une raison, tu sauras encore cela avec le temps.Si tu as vu les conditions auxquelles la ville de Toulon a ouvert ses portes, tu n'en auras pas été enchanté mais néanmoins cet événement doit être heureux, et Lyon résiste toujours aux scélérats. La Vendée existe toujours de même elle sera bien utile avec le temps […]".
Hamm, ce 24 octobre 1793. Huit jours après la mort de la reine Marie-Antoinette, le comte d’Artois songe à la vengeance. Le comte de Provence, dit "Monsieur", régent depuis la mort de Louis XVI, tourne ses espoirs vers Toulon, ville royaliste aux mains des Anglais.
"[…] Ce courrier-ci n'est que pour notifier le cruel événement du meurtre de la Reine. Tu sais Ies torts que je pouvais avoir à reprocher à cette trop malheureuse femme, mais dans ce moment-ci j'ai tout oublié, et mon cœur a plus souffert que je ne puis te l'exprimer. Je l'ai tant aimée, et elle fut si aimable pour moi. Mais ce qui augmente encore ma douleur, c'est de penser à celle que ton amie [Gabrielle de Polignac ] éprouvera. Pauvre petite je ne lui écrirai que par son fils, je lui ferai mal, mais dis-lui que mon cœur est bien digne du sien […] D'Havré [Joseph Anne Auguste Maximilien, duc de Croÿ d’Havré, avait émigré en 1792 en Espagne où il représentait le comte de Provence jusqu’en 1795] mande à Monsieur qu'il peut aller à Toulon mais il paraît que l'Angleterre s'y oppose. Ce grand objet va être discuté[…]".
Hamm, ce 27 octobre 1793.
"[…]
Monsieur adresse à Las Casas la copie des lettres qu'il a reçues du duc d'Havré mais comme l’Espagne a recommandé le plus absolu secret, il est possible, il est même probable qu'il ne t'en parle pas, ni à Jules non plus. Mais je connais mes amis et leur discrétion ainsi je te confie que l’Espagne approuve que Monsieur aille à Toulon y exercer la régence, qu'il faut qu'il ait l'air de prendre son parti de lui-même, enfin, qu'il faut qu'il n'en prévienne les cours d'Angleterre, de Vienne et de Berlin qu'au moment où il partira pour aller s'embarquer à Gènes. Tout cela est excellent, mais doit dans rester le plus grand secret […]".
Hamm, ce 6 novembre 1793. "[…] Paris est un gouffre plus exécrable que jamais, il est impossible de se faire une idée de tout ce qui s'y fait et de tout ce qui s'y invente. Je vous envie si vous ne recevez pas tous les papier infernaux aussi exactement que nous. Il faut cependant les lire pour être au courant, mais ils sont déchirants. Mes inquiétudes sur ma sœur [Madame Élisabeth] sont loin de diminuer, enfin imagine-toi que ces infâmes pensent à marier la petite Madame [Madame Royale, fille de Louis XVI, future duchesse d’Angoulême et belle-fille de Charles X] avec un sans-culotte. Tout cela est une suite de crimes qui étaient inconnus aux démons. La vengeance céleste éclatera sur ces monstres, mais rien ne réparera les atrocités qui se commettent tous les jours. Les papiers ont parlé d'une grande victoire remportée sur nos braves de la Vendée. Mais la manière même dont les scélérats ont raconté leurs prétendus succès, les inconséquences qu'ils ont mêlées […]".
Hamm, ce 10 janvier 1794. Toulon est tombée aux mains des républicains.
"[…] il s'en faut que les affaires de l'Europe prennent une tournure heureuse. L'évacuation de Toulon et celle de l'Alsace étaient déjà de grands malheurs, mais ce qui m'affecte le plus sensiblement, c’est que les nouvelles de l'armée royale sont bien affligeantes. Ces braves paysans perdent tous leurs chefs ils sont séparés, dispersés, et il en tombe des milliers entre les mains des tigres que nous avons pour ennemis.
Lord Moïra [Francis Rawdon-Hastings, chargé de commander un corps composé en partie d'émigrés français, destiné à secourir les Vendéens] est encore à Jersey, mais il est plus que probable que son expédition est manquée. Enfin je puis dire hardiment que l'Europe est perdue sans ressource, si on suit encore le même système […] Si Perpignan est pris, comme je l'espère, cela peut ramener bien des choses mais nous ne jouons pas heureusement […]".
Hamm, ce 13 février 1794. "[…] Je persiste dans mon opinion, et des lettres de d'Havré du 15 et du 20 janvier me prouvent clairement que je dois me tenir en union avec l'Angleterre […] Je t'envoie le passeport de Mme Le Brun [Mme Vigée Le Brun qui séjournera en Russie de 1795 à 1801], qui sert en même temps de certificat et une lettre pour d'Esterhazy. Je réponds qu'elle sera bien reçue, et je suis charmé qu'elle fasse ce voyage […]".
Hamm, ce 29 mars 1794. "[…] Rien de nouveau aux armées. L'intérieur est toujours en fermentation, cependant Robespierre a complètement le dessus et les autres qu'on vient d'arrêter périront sûrement. Rien d’officiel sur la Vendée, mais toujours des espérances […]".
Hamm, ce 19 mai 1794. La mort de Madame Elisabeth, sa sœur, guillotinée le 10 mai 1794, le plonge dans un profond désarroi.
"[…] Tu ne m'en voudras pas, mon ami, d'avoir été si longtemps sans nous écrire, hélas je prévoyais le malheur affreux dont j’étais menacé, mais le coup ne m'en a pas moins déchiré le fond du cœur. Les monstres, les tigres, Dieu permettra-t-il enfin que je puisse les déchirer, C'est tout mon espoir, et c'est ce qui soutient mes forces […]".
Hamm, ce 26 mai 1794. Évocation de la bataille de Tourcoing et la défaite de l’armée coalisée.
"[…] Tu sais sûrement les malheurs du Piémont, je ne conçois pas où cela peut aller pour L’Italie. Monsieur est à Parme ou à Vérone, en attendant toujours les ordres de l'Espagne. Monsieur a la certitude physique et morale que l'Angleterre ne s'opposera à rien de ce que l'Espagne voudra faire tu peux compter sur cela […] Les revers éprouvés en Flandre se répareront sûrement, mais ils retardent tout, et en même temps le ministère anglais est absorbé par la découverte de la conjuration qui aurait eu des suites si dangereuses […]".
A Germenzeg près de Kranenbourg, ce 24 septembre 1794. L’armée anglaise est derrière la Meuse.
"[…] Nous sommes derrière la Meuse, et nous la défendrons si on ne nous attaque pas trop en forces, ou bien si M. de Clerfayt n'est pas obligé de se retirer sur le Rhin. Car, dans les deux cas, nous passerions sûrement le Wahal, et nous ferions bien car les troupes sont fatiguées et il serait difficile de rien entreprendre d'important cette année, d'ailleurs la Basse Meuse est bien couverte par des places et par des inondations. Il existe beaucoup d'accord entre M. de Clerfayt et le duc d'York, ainsi les opérations seront bien combinées, et les résultats doivent en être favorables […]".
Au quartier général de l'armée anglaise, près de Nimègue, ce 8 octobre 1794.
"[…] Les intentions de l'Angleterre sont telles que nous pouvons le désirer et c’est une grande consolation pour l'avenir. Je suis également content de la réception qu'on me fait à l'armée, mais le sort des émigrés est désespérant, et tu n'as pas d'idée de ce qu'il me fait souffrir. Le comte d'Hector [Hector organisa, en vue de l’expédition de Quiberon, un régiment d’environ 600 hommes] a obtenu un corps de canonniers marins, cela placera beaucoup d’officiers et c'est toujours une ressource […] Je sais aussi que l'Angleterre est contente à présent de l'Espagne, c'est toujours bon […]".
Au quartier général près d’Arnheim, ce 5 décembre 1794. Artois se félicite des bonnes nouvelles de Vendée, espère que le sort de la France se décidera prochainement et pleure la mort du cardinal de Bernis.
"[…] Ma position est encore bien incertaine, je n'ai d'assurance sur rien pas même sur le moyen d’exister, mais j’ai de grandes espérances sur ce dernier point, et en même temps j'ai de puissants motifs pour me flatter que l’Angleterre marche bien, avec courage et avec bonne foi. Tu me diras que tu seras toujours inquiet sur cet objet, et je pourrai bien partager une partie de tes craintes, mais ce qui te fera autant de plaisir qu’à moi et ce que je confie à ta discrétion, c’est que, depuis quelques temps, on reçoit très souvent des notions aussi sûres qu’avantageuses sur les armées royales de Poitou, de Bretagne et même de Normandie. Les sentiments de ces excellents paysans pour leur Roi et pour nous sont toujours les mêmes, leurs forces augmentent journellement, ils prouvent confiance dans les intentions de l’Angleterre, et j'ai la certitude qu'on leur a déjà fait secours en munitions et grains, en avoine, et même en argent […] On rassemble des forces considérables. M. Moïra a repris le commandement, et tout me porte à espérer que le commencement du printemps sera l'époque qui décidera du sort de la France et celui de l’Europe […]".
Deventer, ce 13 janvier 1795. Retraite de l’armée anglaise en Hollande.
"[…] Il parait que les Autrichiens n’ont pas pu se maintenir en avant d'Arnheim et c'est là ce qui a décidé la retraite, mais la vraie, et même la seule cause de tout ceci, c'est la gelée, elle est plus forte que jamais à présent. Je suppose que nous allons avoir un peu plus de repos à présent. Depuis dix jours nous avons changé six fois de quartier, mais la perte de la Hollande est un affreux malheur et Dieu sait l'influence qu'il peut avoir en Angleterre […]".
Edimbourg, ce 3 juin 1796."[…] L'incertitude où on est sur le Rhin comme ici est cause que Roll ne m'a rien apporté de bien important. Il est cependant sûr que si on veut profiter de la présence du Roi à l'armée de Condé on peut en tirer le plus grand parti mais est-il permis d'espérer que la vérité puisse jamais se faire entendre, voilà ce dont je doute […]".
Edimbourg, ce 6 juin 1796. "[…] J'ai fait remettre aux ministres une bonne note militaire et politique que j'ai composée de moitié avec le comte de Caraman. J'y demande de grands moyens j'en démontre la nécessité pour l'Europe comme pour la France […] Du reste nous n'avons rien de France, rien de Paris, rien d'Allemagne, rien d'Italie, rien sur le sort du Roi. Je ne me permets pas encore de réfléchir, je n'en aurai que trop le temps […]".
Edimbourg, ce 14 juin 1796. Après avoir quitté Vérone, Louis XVIII rejoint l’armée de Condé qui était alors à la solde de l’Autriche, mais Vienne exige qu’il s’en éloigne.
"[…] Je n'ai point de nouvelles du Roi depuis qu'il est à Rothenbourg, je suis fâché qu'il ait été obligé de quitter l'armée, mais au moins il en est à portée […]".
Edimbourg, ce 20 juillet 1796. Malgré son attachement à Calonne, le comte d’Artois déplore ses propos dans son récent ouvrage, Tableau de l’Europe en novembre 1793, publié à Londres en 1796.
"[…] je rends une justice complète au cœur et aux intentions de M. de Calonne, je conserverai toujours la reconnaissance que je dois à un homme qui m'a témoigné un grand zèle et un grand dévouement. Je ne parle pas des talents, ils sont connus. Mais tiens, mon ami, sois juste je ne puis en conscience ni avoir, ni témoigner un intérêt public à l'auteur du Tableau de l'Europe. Songe donc qu'aux yeux de tout le monde il attaque directement le Roi et les bases sacrées et fondamentales de la monarchie et de l'hérédité en France. Ce sont de cruelles erreurs […]".
Edimbourg, ce 14 août 1796."[…] Je ne te parlerai pas des affaires tu sais comme moi à quel point nous sommes en stagnation de ce côté-ci, et celui de l'Allemagne va de mal en pis. On nous fait espérer quelque chose du côté de l'Italie je le désire, mais je n'ose pas m'en flatter. D'ailleurs nous ne pouvons compter réellement que sur l'intérieur. On ne le néglige pas, et j'espère qu'il ira mais le nuage est encore bien épais, bien lourd, et le courage et la patience est certes le plus dur à porter sur les épaules […]".
Edimbourg, ce 29 août 1796."[…] Je ne crois plus du tout à la paix, et je ne serais pas étonné que ceci ne finit par une guerre générale de toute l'Europe, et, si cette guerre ne devient pas morale, elle ne sera terminée que par la dissolution totale de l'univers mais je veux encore me flatter […]".
Edimbourg, ce 28 octobre 1796."[…] Je suis inquiet de l’armée de Condé […]".
Londres, ce 23 avril 1804."[…] Il n'y a rien de nouveau depuis ton départ. On répand un changement de ministère comme certain. Quels seront les collègues de M. Pitt ? Je l'ignore. Que fera M. Pitt ? Je l'ignore également. Quant moi, je remplirai mes devoirs avec persévérance, peut-être même avec zèle, parce que Dieu me l'ordonne et que je dois lui obéir. Mais je sens chaque jour de plus en plus que le monde a complètement disparu pour moi il est si vrai, si profondément vrai que je n'y tenais que pour un seul objet [allusion à la mort récente de la comtesse de Polastron]. Pardon si je te répète ce que tu sais aussi bien que moi. Malgré le cruel état de mon cœur et de mon âme, ma santé est fort bonne. Je ne le conçois pas, et je crains que la Providence ne veuille prolonger mon supplice, mais je me soumets sans murmure à tous ses décrets, et j'espère que rien n'altérera ma résignation […]".
Londres, ce 11 juillet 1804. Évocation de l’exécution, le 25 juin 1804, du général chouan, Georges Cadoudal, commandant de l'Armée catholique et royale de Bretagne.
"[…] La mort du brave Georges et de onze autres n'est que trop confirmée, il est mort en héros fidèle et chrétien, et il n'en est que plus regrettable.
Tout ce que M. le duc d'Orléans t'a dit ne peut avoir aucun rapport quelconque à mon voyage. S'il a lieu, je persiste dans mon opinion, et je crois que j'ai raison, mais je t'en écrirai un peu plus […]".
Londres, ce 17 juillet 1804. Lettre écrite 15 ans, jour pour jour, après son départ de France.
"[…] D'ailleurs il est hors de mon caractère de vouloir faire pitié, et, quand je prends assez sur moi pour me trouver avec du monde, je renferme dans mon cœur ce qui le ronge chaque jour davantage. Hélas mon ami, il y a aujourd'hui quinze ans que nous nous éloignions de notre pays pour éviter une mort inutile. La vie m'était bien chère, alors, maintenant je n'existe plus que pour demander à Dieu d'abréger mon supplice et de me pardonner le bonheur dont j'ai joui […]".
Source : https://www.sothebys.com/en/buy/auction/2020/livres-et-manuscrits/75-lettres-autographes-au-comte-de-vaudreuil-entre
Le 7 décembre 2020 à 14 heures, vente aux enchères chez Sotheby’s à Paris de 75 lettres autographes adressées entre 1792 et 1804 par le comte d’Artois (futur roi Charles X) au comte de Vaudreuil. Elles sont estimées entre 15.000 et 20.000 €.
Source : http://www.noblesseetroyautes.com/vente-de-lettres-autographes-du-comte-dartois/
La description faite par Sotheby's :
Description
ARTOIS, comte d', futur Charles X
75 lettres autographes au comte de Vaudreuil.
19 novembre 1792-17 juillet 1804.
Près de 160 pages in-4 et in-12 (235 x 190, 207 x 165 et 153 x 97 mm). Cachets de cire rouge ou noire. Emboîtage de toile bleue du début du XIXe siècle et chemise à rabats.
Petites et rares déchirures aux pliures. Encre parfois un peu passée et petits manques de papier par bri du cachet. Emboîtage très usé, dos brisé.
"Je ferai tête à l'orage, tant que j'aurai du sang dans les veines" (10 janvier 1794).
Émigré au lendemain de la prise de la Bastille, le comte d’Artois, jeune frère de Louis XVI et futur Charles X, confie ses craintes, ses projets et ses espérances au comte de Vaudreuil, exilé à Vienne puis à Londres, son indéfectible soutien qui l’a suivi en émigration.
Précieux témoignage sur la Révolution française et son retentissement auprès des cours européennes.
La nuit du 16 au 17 juillet 1789, le comte d’Artois quitte la France avec femme et enfants, suivi par le prince de Condé, les Polignac et le comte de Vaudreuil. Réfugié d'abord à Bruxelles, puis à Turin, chez son beau-père le duc de Savoie et roi de Sardaigne Victor Amédée III, à la cour du roi de Prusse à Hamm, à Saint-Pétersbourg où l’accueille Catherine II, en Hollande et enfin en Angleterre, Artois s’acharne à trouver le soutien des cours étrangères et cherche désespérément les subsides nécessaires à une contre-révolution. Il se félicite de l’attention que Catherine II de Russie porte à ses affaires et du secours pécuniaire qu’elle compte lui prodiguer. Il prépare avec Charles Alexandre de Calonne, l'ancien contrôleur du Trésor réfugié en Angleterre, un plan pour reconquérir la France.
Ces lettres illustrent toutes les arcanes de cette période troublée où la France se déchire, les coalitions se nouent et se dénouent, les tentatives de paix ou d’entente entre les puissances étrangères sont souvent des espoirs déçus.
Le soulèvement puis le siège de Toulon, les soubresauts incertains de la Vendée, les activités diplomatiques et politiques de l’Armée des princes, la réticence de l’Espagne, le soutien de Catherine II et de l’Angleterre, le siège de Nimègue, le sort du comte de Provence, futur Louis XVIII (qui prend le chemin de l’exil en juin 1791), celui des émigrés, les plans de campagnes et tant d’autres sujets émaillent cette riche et abondante correspondance.
Accablé, Artois songe à la vengeance et entend coûte que coûte sauver la monarchie. Au fil des années, l’horizon s’obscurcit et dans ses dernières lettres son ardeur d’autrefois fait place à la résignation.
Mais en dehors de la politique, il confie, sans détours, ses états d’âme à cet ami fidèle, dénonçant des "crimes inconnus aux démons" : les décapitations de Louis XVI, de Marie-Antoinette et de Madame Élisabeth ainsi que le projet de mariage de Madame Royale avec un sans-culotte. Leurs amours se dessinent en filigrane : celui que Vaudreuil porte à la duchesse de Polignac, et celui d’Artois pour Louise d'Esparbès de Lussan, comtesse de Polastron. Placée sous la protection de Vaudreuil, celle dont le prince tait le nom est cette "amie" dont il prend avidement des nouvelles dans chacune de ses lettres. La comtesse de Polastron meurt en 1804 et Artois perd le "seul objet" qui le rattachait au monde.
Joseph-Hyacinthe-François de Paule de Rigaud, comte de Vaudreuil, (1740-1817), gouverneur de Saint-Domingue de 1753 à 1757, se distingua pendant la guerre de Sept ans en qualité d’aide de camp du maréchal-prince de Soubise. Dernier grand fauconnier de France, il fit partie du cercle de la reine Marie-Antoinette et du comte d’Artois auquel il s’attacha devenant son ami intime. Il fut député suppléant de Saint-Domingue à la Constituante en 1789. Rentré en France avec le comte d’Artois en 1814, il est fait pair de France et meurt en 1817.
Provenance : collection Roger Ross et Eric Bongartz.
Référence : correspondance publiée dans l’ouvrage de Léonce Pingaud, Correspondance intime du comte de Vaudreuil et du comte d’Artois pendant l’émigration : 1789-1815, II, Paris, Plon, Nourrit et Cie, 1889.
EXTRAITS
Liège, ce 19 9bre 1792. "Il faudrait avoir la plume de Jérémie, mon cher Vaudreuil, pour donner une idée, de la position où nous nous trouvons depuis ton départ. J'espérais n'en pas être abattu ; mais je t'avoue que mon cœur en est cruellement déchiré.
Tu dois savoir mieux que moi les motifs qui empêchent la cour de Vienne de répondre au mémoire que j'ai écrit, il y a quatre semaines, à M. de Mercy [ancien ambassadeur d’Autriche à Paris]. Le comte Jules [de Polignac] en a la copie ; je l'ai chargé d'appuyer sur les articles les plus importants, et assurément il a fait tout ce qui a dépendu de lui. Mais le silence de l'Empereur nous jette dans des embarras affreux. MM. de Mercy et de Metternich nous ont fait avancer une somme de 87.000 francs, qui avait principalement pour but de soutenir le prêt des régiments ; mais, comme nous ne recevons plus un seul écu de nulle part, et que le roi de Prusse ne nous a pas encore donné les 100.000 francs qu'il m'avait promis il y a un mois, nous avons été forcés d'employer une partie de cette somme à empêcher de mourir de faim les plus malheureux de nos compagnies et à payer notre boulanger et notre boucher. Je dois dire que cela nous était possible, car le gouvernement de Bruxelles nous a fait remettre les 87.000 fr sans en fixer l'emploi.
Nous avons frappé à tant de portes où nous avions droit d'espérer de toucher quelques fonds ! Mais la défaite des Autrichiens et leur retraite vers la Meuse achèvent de détruire toutes nos ressources […] Nous remuons ciel et terre pour obtenir des fonds […] J'avais écrit à ce pauvre Calonne pour qu'il nous cherche des ressources ; mais, pour toute réponse, j'ai su que le malheureux avait été emprisonné pendant quelques heures pour une dette qu'il avait souscrite pour nous […]"
Düsseldorf ce 1er décembre 1792. L’éminence du procès de Louis XVI sème l’inquiétude.
"[…] nous sommes obligés de partir précipitamment, pour aller nous enterrer dans une petite ville de la Westphalie, mais nous sommes encore dans l'incertitude sur nos voyages, et nous avons reçu des nouvelles de Paris plus effrayantes que jamais. Le trop malheureux Roi doit être jugé à présent, et il est hors de doute qu'il sera condamné. Notre seul espoir est donc que la Convention mettra un sursis à son jugement, afin de le garder pour otage mais il est encore fort douteux que la Convention puisse le soustraire à la rage du peuple, quand même elle le voudrait. Je ne puis te rendre l'horreur que tout cela inspire. On ne dit pas un seul mot de la Reine, ni de ma pauvre sœur. Il est nécessaire que le duc de Polignac se prépare à presser fortement pour la reconnaissance de la régence, si le malheur arrive […]".
Hamm, ce 9 janvier 1793. Lettre écrite quelques jours avant la décapitation de Louis XVI.
"Depuis ma dernière lettre, mon ami, j'ai reçu celle que tu m'as écrite le 5 décembre, et Guébillon est arrivé le 5 janvier.
Nous ne renverrons le courrier qu'après avoir connu définitivement le sort du Roi. Les dernières nouvelles sont un peu plus rassurantes, et il paraît que la fermeté qu'il a témoignée à ses deux interrogatoires a fait une grande impression sur le peuple. Mais son affreuse position est toujours la même, et nos alarmes sont loin d'être dissipées […]".
Pétersbourg, ce 25 mars 1793. Artois séjourne à Saint-Pétersbourg où il est reçu par Catherine II. Il berce l’idée d’un débarquement en Normandie.
"Tu verras, mon ami, par l'extrait ci-joint de mon journal, mes craintes et mes espérances. Dieu veuille que je ne sois pas dans l'erreur ; mais les dernières surpassent de beaucoup les premières, et, si nous ne sommes pas trahis par l'Angleterre, ce que je ne dois pas craindre, je vois déjà vingt vaisseaux russes et une bonne armée faisant voile pour nous aller déposer sur les côtes de la Normandie […]".
Pétersbourg, ce 19 avril 1793. À la veille de son départ pour l’Angleterre le comte d’Artois recommande à Vaudreuil la plus grande discrétion et se félicite du soutien de Catherine II.
"[…] L'impératrice met tant de grâces dans tout ce qu'elle fait, et elle prend un tel intérêt à nos affaires, qu'elle est, en vérité, aussi contente et aussi heureuse que moi-même. Elle m'a dit et répété plusieurs fois qu'elle répondait de tout, et que les petites difficultés qui existent encore d'après les demandes de l'Angleterre seraient promptement et facilement dissipées. Mais elle ne craint que la cour de Vienne ; elle la croit détestable sous tous les rapports, malgré les changements du ministère, et comme elle a su le départ du duc de Laval, elle m'a spécialement recommandé non seulement de ne rien dire, mais même de paraître plutôt inquiet, affligé, et surtout impatienté de ne rien terminer […] Enfin, enfin, je sens que je marche au bonheur, et ce qui me donne une grande confiance, c'est que l'impératrice en est convaincue comme moi ; mais elle prévoit que j'aurai beaucoup à travailler, et elle m'a promis qu'elle me donnerait par écrit, avant mon départ, toutes ses idées sur la conduite que je devrai tenir. Je te jure que, surtout depuis quelques jours, je ne la regarde plus que comme un ange […]".
Pétersbourg, ce 19 [avril 1793] (soir). Il vient d’apprendre que Dumouriez s’est rallié aux Autrichiens, qu’il tente de renverser la Convention et de mettre Louis XVII, alors prisonnier au Temple, sur le trône.
"[…] Dieu sauve le Temple, mais j’ai bien peur".
Hamm, ce 17 juillet 1793. Artois s’apitoie sur le sort de Marie-Antoinette à la Conciergerie.
"[…] Comme je suppose qu'on n'aura pas parlé à ton amie la cruelle situation de la Reine, je veux te dire séparément ce que nous avons appris hier. La malheureuse victime est toujours à la Conciergerie dans un cachot infâme, on lui a donné cependant une femme pour la servir. Les fédérés, qui accourent pour l'exécrable fête du 10 août avaient d'abord demandé qu'on ne donne point de suite au procès de la Reine, et qu'on la ramène au Temple mais il parait que cette bonne volonté momentanée n'a pas eu de suites. Les lettres sont du 9 il n'y avait pas encore eu d'interrogatoire, le courage de la Reine se soutient de la manière la plus éclatante. Tous ces détails sont déchirants cependant les dernières lettres peuvent donner un peu d'espoir. Ma sœur et les enfants sont toujours au Temple, ni mieux ni plus mal […] Mon cœur est déchiré de toutes ces horreurs mais ce qui me fait le plus de mal est de ne pas être à portée de servir ma trop malheureuse famille […]".
Hamm, ce 23 août 1793. "[…] L'horizon comme tu le dis est toujours bien embrouillé, les nouvelles de Paris sont cependant plus rassurantes pour la Reine, et cela nous donne de l'espoir […]".
Hamm, ce 18 septembre 1793. "[…] Les nouvelles de Paris sont toujours bien cruelles, et bien alarmantes sur le compte de la Reine, cependant il y a du retard, et cela me donne un peu d'espoir. Cependant les arrestations se multiplient, et dieu sait où les crimes s’arrêteront […] Je ne te parle pas des nouvelles des armées, tu les sais aussi bien que moi la défaite des Hollandais et l'échec du duc d'York me font de la peine, et m'inquiètent pour plus d’une raison, tu sauras encore cela avec le temps.Si tu as vu les conditions auxquelles la ville de Toulon a ouvert ses portes, tu n'en auras pas été enchanté mais néanmoins cet événement doit être heureux, et Lyon résiste toujours aux scélérats. La Vendée existe toujours de même elle sera bien utile avec le temps […]".
Hamm, ce 24 octobre 1793. Huit jours après la mort de la reine Marie-Antoinette, le comte d’Artois songe à la vengeance. Le comte de Provence, dit "Monsieur", régent depuis la mort de Louis XVI, tourne ses espoirs vers Toulon, ville royaliste aux mains des Anglais.
"[…] Ce courrier-ci n'est que pour notifier le cruel événement du meurtre de la Reine. Tu sais Ies torts que je pouvais avoir à reprocher à cette trop malheureuse femme, mais dans ce moment-ci j'ai tout oublié, et mon cœur a plus souffert que je ne puis te l'exprimer. Je l'ai tant aimée, et elle fut si aimable pour moi. Mais ce qui augmente encore ma douleur, c'est de penser à celle que ton amie [Gabrielle de Polignac ] éprouvera. Pauvre petite je ne lui écrirai que par son fils, je lui ferai mal, mais dis-lui que mon cœur est bien digne du sien […] D'Havré [Joseph Anne Auguste Maximilien, duc de Croÿ d’Havré, avait émigré en 1792 en Espagne où il représentait le comte de Provence jusqu’en 1795] mande à Monsieur qu'il peut aller à Toulon mais il paraît que l'Angleterre s'y oppose. Ce grand objet va être discuté[…]".
Hamm, ce 27 octobre 1793.
"[…]
Monsieur adresse à Las Casas la copie des lettres qu'il a reçues du duc d'Havré mais comme l’Espagne a recommandé le plus absolu secret, il est possible, il est même probable qu'il ne t'en parle pas, ni à Jules non plus. Mais je connais mes amis et leur discrétion ainsi je te confie que l’Espagne approuve que Monsieur aille à Toulon y exercer la régence, qu'il faut qu'il ait l'air de prendre son parti de lui-même, enfin, qu'il faut qu'il n'en prévienne les cours d'Angleterre, de Vienne et de Berlin qu'au moment où il partira pour aller s'embarquer à Gènes. Tout cela est excellent, mais doit dans rester le plus grand secret […]".
Hamm, ce 6 novembre 1793. "[…] Paris est un gouffre plus exécrable que jamais, il est impossible de se faire une idée de tout ce qui s'y fait et de tout ce qui s'y invente. Je vous envie si vous ne recevez pas tous les papier infernaux aussi exactement que nous. Il faut cependant les lire pour être au courant, mais ils sont déchirants. Mes inquiétudes sur ma sœur [Madame Élisabeth] sont loin de diminuer, enfin imagine-toi que ces infâmes pensent à marier la petite Madame [Madame Royale, fille de Louis XVI, future duchesse d’Angoulême et belle-fille de Charles X] avec un sans-culotte. Tout cela est une suite de crimes qui étaient inconnus aux démons. La vengeance céleste éclatera sur ces monstres, mais rien ne réparera les atrocités qui se commettent tous les jours. Les papiers ont parlé d'une grande victoire remportée sur nos braves de la Vendée. Mais la manière même dont les scélérats ont raconté leurs prétendus succès, les inconséquences qu'ils ont mêlées […]".
Hamm, ce 10 janvier 1794. Toulon est tombée aux mains des républicains.
"[…] il s'en faut que les affaires de l'Europe prennent une tournure heureuse. L'évacuation de Toulon et celle de l'Alsace étaient déjà de grands malheurs, mais ce qui m'affecte le plus sensiblement, c’est que les nouvelles de l'armée royale sont bien affligeantes. Ces braves paysans perdent tous leurs chefs ils sont séparés, dispersés, et il en tombe des milliers entre les mains des tigres que nous avons pour ennemis.
Lord Moïra [Francis Rawdon-Hastings, chargé de commander un corps composé en partie d'émigrés français, destiné à secourir les Vendéens] est encore à Jersey, mais il est plus que probable que son expédition est manquée. Enfin je puis dire hardiment que l'Europe est perdue sans ressource, si on suit encore le même système […] Si Perpignan est pris, comme je l'espère, cela peut ramener bien des choses mais nous ne jouons pas heureusement […]".
Hamm, ce 13 février 1794. "[…] Je persiste dans mon opinion, et des lettres de d'Havré du 15 et du 20 janvier me prouvent clairement que je dois me tenir en union avec l'Angleterre […] Je t'envoie le passeport de Mme Le Brun [Mme Vigée Le Brun qui séjournera en Russie de 1795 à 1801], qui sert en même temps de certificat et une lettre pour d'Esterhazy. Je réponds qu'elle sera bien reçue, et je suis charmé qu'elle fasse ce voyage […]".
Hamm, ce 29 mars 1794. "[…] Rien de nouveau aux armées. L'intérieur est toujours en fermentation, cependant Robespierre a complètement le dessus et les autres qu'on vient d'arrêter périront sûrement. Rien d’officiel sur la Vendée, mais toujours des espérances […]".
Hamm, ce 19 mai 1794. La mort de Madame Elisabeth, sa sœur, guillotinée le 10 mai 1794, le plonge dans un profond désarroi.
"[…] Tu ne m'en voudras pas, mon ami, d'avoir été si longtemps sans nous écrire, hélas je prévoyais le malheur affreux dont j’étais menacé, mais le coup ne m'en a pas moins déchiré le fond du cœur. Les monstres, les tigres, Dieu permettra-t-il enfin que je puisse les déchirer, C'est tout mon espoir, et c'est ce qui soutient mes forces […]".
Hamm, ce 26 mai 1794. Évocation de la bataille de Tourcoing et la défaite de l’armée coalisée.
"[…] Tu sais sûrement les malheurs du Piémont, je ne conçois pas où cela peut aller pour L’Italie. Monsieur est à Parme ou à Vérone, en attendant toujours les ordres de l'Espagne. Monsieur a la certitude physique et morale que l'Angleterre ne s'opposera à rien de ce que l'Espagne voudra faire tu peux compter sur cela […] Les revers éprouvés en Flandre se répareront sûrement, mais ils retardent tout, et en même temps le ministère anglais est absorbé par la découverte de la conjuration qui aurait eu des suites si dangereuses […]".
A Germenzeg près de Kranenbourg, ce 24 septembre 1794. L’armée anglaise est derrière la Meuse.
"[…] Nous sommes derrière la Meuse, et nous la défendrons si on ne nous attaque pas trop en forces, ou bien si M. de Clerfayt n'est pas obligé de se retirer sur le Rhin. Car, dans les deux cas, nous passerions sûrement le Wahal, et nous ferions bien car les troupes sont fatiguées et il serait difficile de rien entreprendre d'important cette année, d'ailleurs la Basse Meuse est bien couverte par des places et par des inondations. Il existe beaucoup d'accord entre M. de Clerfayt et le duc d'York, ainsi les opérations seront bien combinées, et les résultats doivent en être favorables […]".
Au quartier général de l'armée anglaise, près de Nimègue, ce 8 octobre 1794.
"[…] Les intentions de l'Angleterre sont telles que nous pouvons le désirer et c’est une grande consolation pour l'avenir. Je suis également content de la réception qu'on me fait à l'armée, mais le sort des émigrés est désespérant, et tu n'as pas d'idée de ce qu'il me fait souffrir. Le comte d'Hector [Hector organisa, en vue de l’expédition de Quiberon, un régiment d’environ 600 hommes] a obtenu un corps de canonniers marins, cela placera beaucoup d’officiers et c'est toujours une ressource […] Je sais aussi que l'Angleterre est contente à présent de l'Espagne, c'est toujours bon […]".
Au quartier général près d’Arnheim, ce 5 décembre 1794. Artois se félicite des bonnes nouvelles de Vendée, espère que le sort de la France se décidera prochainement et pleure la mort du cardinal de Bernis.
"[…] Ma position est encore bien incertaine, je n'ai d'assurance sur rien pas même sur le moyen d’exister, mais j’ai de grandes espérances sur ce dernier point, et en même temps j'ai de puissants motifs pour me flatter que l’Angleterre marche bien, avec courage et avec bonne foi. Tu me diras que tu seras toujours inquiet sur cet objet, et je pourrai bien partager une partie de tes craintes, mais ce qui te fera autant de plaisir qu’à moi et ce que je confie à ta discrétion, c’est que, depuis quelques temps, on reçoit très souvent des notions aussi sûres qu’avantageuses sur les armées royales de Poitou, de Bretagne et même de Normandie. Les sentiments de ces excellents paysans pour leur Roi et pour nous sont toujours les mêmes, leurs forces augmentent journellement, ils prouvent confiance dans les intentions de l’Angleterre, et j'ai la certitude qu'on leur a déjà fait secours en munitions et grains, en avoine, et même en argent […] On rassemble des forces considérables. M. Moïra a repris le commandement, et tout me porte à espérer que le commencement du printemps sera l'époque qui décidera du sort de la France et celui de l’Europe […]".
Deventer, ce 13 janvier 1795. Retraite de l’armée anglaise en Hollande.
"[…] Il parait que les Autrichiens n’ont pas pu se maintenir en avant d'Arnheim et c'est là ce qui a décidé la retraite, mais la vraie, et même la seule cause de tout ceci, c'est la gelée, elle est plus forte que jamais à présent. Je suppose que nous allons avoir un peu plus de repos à présent. Depuis dix jours nous avons changé six fois de quartier, mais la perte de la Hollande est un affreux malheur et Dieu sait l'influence qu'il peut avoir en Angleterre […]".
Edimbourg, ce 3 juin 1796."[…] L'incertitude où on est sur le Rhin comme ici est cause que Roll ne m'a rien apporté de bien important. Il est cependant sûr que si on veut profiter de la présence du Roi à l'armée de Condé on peut en tirer le plus grand parti mais est-il permis d'espérer que la vérité puisse jamais se faire entendre, voilà ce dont je doute […]".
Edimbourg, ce 6 juin 1796. "[…] J'ai fait remettre aux ministres une bonne note militaire et politique que j'ai composée de moitié avec le comte de Caraman. J'y demande de grands moyens j'en démontre la nécessité pour l'Europe comme pour la France […] Du reste nous n'avons rien de France, rien de Paris, rien d'Allemagne, rien d'Italie, rien sur le sort du Roi. Je ne me permets pas encore de réfléchir, je n'en aurai que trop le temps […]".
Edimbourg, ce 14 juin 1796. Après avoir quitté Vérone, Louis XVIII rejoint l’armée de Condé qui était alors à la solde de l’Autriche, mais Vienne exige qu’il s’en éloigne.
"[…] Je n'ai point de nouvelles du Roi depuis qu'il est à Rothenbourg, je suis fâché qu'il ait été obligé de quitter l'armée, mais au moins il en est à portée […]".
Edimbourg, ce 20 juillet 1796. Malgré son attachement à Calonne, le comte d’Artois déplore ses propos dans son récent ouvrage, Tableau de l’Europe en novembre 1793, publié à Londres en 1796.
"[…] je rends une justice complète au cœur et aux intentions de M. de Calonne, je conserverai toujours la reconnaissance que je dois à un homme qui m'a témoigné un grand zèle et un grand dévouement. Je ne parle pas des talents, ils sont connus. Mais tiens, mon ami, sois juste je ne puis en conscience ni avoir, ni témoigner un intérêt public à l'auteur du Tableau de l'Europe. Songe donc qu'aux yeux de tout le monde il attaque directement le Roi et les bases sacrées et fondamentales de la monarchie et de l'hérédité en France. Ce sont de cruelles erreurs […]".
Edimbourg, ce 14 août 1796."[…] Je ne te parlerai pas des affaires tu sais comme moi à quel point nous sommes en stagnation de ce côté-ci, et celui de l'Allemagne va de mal en pis. On nous fait espérer quelque chose du côté de l'Italie je le désire, mais je n'ose pas m'en flatter. D'ailleurs nous ne pouvons compter réellement que sur l'intérieur. On ne le néglige pas, et j'espère qu'il ira mais le nuage est encore bien épais, bien lourd, et le courage et la patience est certes le plus dur à porter sur les épaules […]".
Edimbourg, ce 29 août 1796."[…] Je ne crois plus du tout à la paix, et je ne serais pas étonné que ceci ne finit par une guerre générale de toute l'Europe, et, si cette guerre ne devient pas morale, elle ne sera terminée que par la dissolution totale de l'univers mais je veux encore me flatter […]".
Edimbourg, ce 28 octobre 1796."[…] Je suis inquiet de l’armée de Condé […]".
Londres, ce 23 avril 1804."[…] Il n'y a rien de nouveau depuis ton départ. On répand un changement de ministère comme certain. Quels seront les collègues de M. Pitt ? Je l'ignore. Que fera M. Pitt ? Je l'ignore également. Quant moi, je remplirai mes devoirs avec persévérance, peut-être même avec zèle, parce que Dieu me l'ordonne et que je dois lui obéir. Mais je sens chaque jour de plus en plus que le monde a complètement disparu pour moi il est si vrai, si profondément vrai que je n'y tenais que pour un seul objet [allusion à la mort récente de la comtesse de Polastron]. Pardon si je te répète ce que tu sais aussi bien que moi. Malgré le cruel état de mon cœur et de mon âme, ma santé est fort bonne. Je ne le conçois pas, et je crains que la Providence ne veuille prolonger mon supplice, mais je me soumets sans murmure à tous ses décrets, et j'espère que rien n'altérera ma résignation […]".
Londres, ce 11 juillet 1804. Évocation de l’exécution, le 25 juin 1804, du général chouan, Georges Cadoudal, commandant de l'Armée catholique et royale de Bretagne.
"[…] La mort du brave Georges et de onze autres n'est que trop confirmée, il est mort en héros fidèle et chrétien, et il n'en est que plus regrettable.
Tout ce que M. le duc d'Orléans t'a dit ne peut avoir aucun rapport quelconque à mon voyage. S'il a lieu, je persiste dans mon opinion, et je crois que j'ai raison, mais je t'en écrirai un peu plus […]".
Londres, ce 17 juillet 1804. Lettre écrite 15 ans, jour pour jour, après son départ de France.
"[…] D'ailleurs il est hors de mon caractère de vouloir faire pitié, et, quand je prends assez sur moi pour me trouver avec du monde, je renferme dans mon cœur ce qui le ronge chaque jour davantage. Hélas mon ami, il y a aujourd'hui quinze ans que nous nous éloignions de notre pays pour éviter une mort inutile. La vie m'était bien chère, alors, maintenant je n'existe plus que pour demander à Dieu d'abréger mon supplice et de me pardonner le bonheur dont j'ai joui […]".
Source : https://www.sothebys.com/en/buy/auction/2020/livres-et-manuscrits/75-lettres-autographes-au-comte-de-vaudreuil-entre
Gouverneur Morris- Messages : 11675
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Charles-Philippe a écrit:Ce courrier-ci n'est que pour notifier le cruel événement du meurtre de la Reine. Tu sais Ies torts que je pouvais avoir à reprocher à cette trop malheureuse femme, mais dans ce moment-ci j'ai tout oublié, et mon cœur a plus souffert que je ne puis te l'exprimer.
Quelqu'un sait-il à quoi Artois fait illusion ?
Gouverneur Morris- Messages : 11675
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Torts politiques ?
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 32
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Artois souffre de l'horrible opinion que Marie-Antoinette avait eue de Provence et lui ( que les historiens ont grand tort de mettre dans le même panier, soit dit en passant ). Elle prenait ses beaux frères pour des traitres. Elle enrageait de voir Madame Elisabeth ne jurer que par Artois et pensait que les gesticulations des princes ne pouvaient qu'envenimer la situation et les perdre, le roi, les enfants et elle . Quand elle avait appris les ambitions sournoises de régence de Monsieur, elle s'était écriée : " Caïn ! "Gouverneur Morris a écrit:
Quelqu'un sait-il à quoi Artois fait illusion ?
Toute cette correspondance de Vaudreuil et Artois a été publiée par Léonce Pingaud. J'en recommande expressément la lecture passionnante ( et édifiante quant à la sagesse des conseils dont Vaudreuil abreuve Artois, sans ménagement ) .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Et puis j'ajoute, mon cher Momo, que je relève ici une petite erreur .
Le gouverneur de Saint-Domingue de 1753 à 1757 est, bien-sûr, le père de " notre " Vaudreuil.
Joseph-Hyacinthe-François de Paule de Rigaud, comte de Vaudreuil, (1740-1817), gouverneur de Saint-Domingue de 1753 à 1757, se distingua pendant la guerre de Sept ans en qualité d’aide de camp du maréchal-prince de Soubise. Dernier grand fauconnier de France, il fit partie du cercle de la reine Marie-Antoinette et du comte d’Artois auquel il s’attacha devenant son ami intime. Il fut député suppléant de Saint-Domingue à la Constituante en 1789. Rentré en France avec le comte d’Artois en 1814, il est fait pair de France et meurt en 1817.
Le gouverneur de Saint-Domingue de 1753 à 1757 est, bien-sûr, le père de " notre " Vaudreuil.
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Ah oui bien sûr, merci Eléonore !
Gouverneur Morris- Messages : 11675
Date d'inscription : 21/12/2013
Gouverneur Morris- Messages : 11675
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Je ne me fierai pas trop aux visions fantasmatiques de la rencontre des demoiselles Jourdain et Moberly avec le fantôme de Vaudreuil ... ( ) En revanche, voici le portrait de l'ami de coeur de Yolande de Polignac, certainement très réaliste, que nous brosse Besenval :
M. de Vaudreuil, qui en toute occasion parle comme un homme de haute naissance, ce que je ne prétends pas lui disputer, n'a point d'ancêtres connus, du moins dont j'aie entendu parler. Son père a été Gouverneur de Saint-Domingue, et s'y est enrichi. Son oncle, major des Gardes Françaises, est mort lieutenant général et grand croix de l'ordre de Saint-Louis.
M. de Vaudreuil a eu une figure charmante, que la petite vérole a détruite. Jamais homme n'a porté la violence dans le caractère aussi loin que lui. Au jeu, à la chasse, dans la conversation même, la moindre contrariété le met hors de lui; et, dans son emportement, il est provocant au point qu'il est incroyable qu'il n'ait jamais eu d'affaires (*) tandis que journellement il doit s'en faire. Ses fureurs sont encore moins le produit d'un sang aisé à s'enflammer que celui d'un amour-propre sans mesure, qui non seulement ne supporte aucune supériorité, mais s'irrite de l'égalité.
Comme sa paresse et son indocilité l'éloignent de toute contrainte et de tout emploi où sa position devrait naturellement l'appeler, cet amour-propre ne porte guère que sur des objets futiles de société. Toujours véhément, il n'admire qu'avec enthousiasme, et blâme de même. Aussi prompt à l'un qu'à l'autre, il change d'avis avec autant de facilité qu'il en adopte un. Son esprit a peu de charmes, mais il est assez juste, assez raisonnable, lorsque la prévention ne le domine pas, ce qui est rare, ou qu'il ne parle pas de lui, ce qui est plus rare encore.
Un crachement de sang fréquent et la plus mauvaise santé l'ont enfin rendu hypocondre et vaporeux; à quoi n'a pas peu contribué le désir de s'occuper de lui, et la complaisance avec laquelle Mme de Polignac et sa société, dans laquelle il règne despotiquement, prennent l'impression qu'il lui plaît d'y donner.
Tous ces défauts sont rachetés par d'excellentes qualités; M. de Vaudreuil est un ami chaud et constant, noble, franc, loyal, serviable, et d'une probité si exacte qu'il la pousse quelquefois à une sorte de férocité dont j'ai toujours trouvé traces chez les Américains.
(* ): Par " affaires ", il faut comprendre duels.
M. de Vaudreuil, qui en toute occasion parle comme un homme de haute naissance, ce que je ne prétends pas lui disputer, n'a point d'ancêtres connus, du moins dont j'aie entendu parler. Son père a été Gouverneur de Saint-Domingue, et s'y est enrichi. Son oncle, major des Gardes Françaises, est mort lieutenant général et grand croix de l'ordre de Saint-Louis.
M. de Vaudreuil a eu une figure charmante, que la petite vérole a détruite. Jamais homme n'a porté la violence dans le caractère aussi loin que lui. Au jeu, à la chasse, dans la conversation même, la moindre contrariété le met hors de lui; et, dans son emportement, il est provocant au point qu'il est incroyable qu'il n'ait jamais eu d'affaires (*) tandis que journellement il doit s'en faire. Ses fureurs sont encore moins le produit d'un sang aisé à s'enflammer que celui d'un amour-propre sans mesure, qui non seulement ne supporte aucune supériorité, mais s'irrite de l'égalité.
Comme sa paresse et son indocilité l'éloignent de toute contrainte et de tout emploi où sa position devrait naturellement l'appeler, cet amour-propre ne porte guère que sur des objets futiles de société. Toujours véhément, il n'admire qu'avec enthousiasme, et blâme de même. Aussi prompt à l'un qu'à l'autre, il change d'avis avec autant de facilité qu'il en adopte un. Son esprit a peu de charmes, mais il est assez juste, assez raisonnable, lorsque la prévention ne le domine pas, ce qui est rare, ou qu'il ne parle pas de lui, ce qui est plus rare encore.
Un crachement de sang fréquent et la plus mauvaise santé l'ont enfin rendu hypocondre et vaporeux; à quoi n'a pas peu contribué le désir de s'occuper de lui, et la complaisance avec laquelle Mme de Polignac et sa société, dans laquelle il règne despotiquement, prennent l'impression qu'il lui plaît d'y donner.
Tous ces défauts sont rachetés par d'excellentes qualités; M. de Vaudreuil est un ami chaud et constant, noble, franc, loyal, serviable, et d'une probité si exacte qu'il la pousse quelquefois à une sorte de férocité dont j'ai toujours trouvé traces chez les Américains.
(* ): Par " affaires ", il faut comprendre duels.
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Besenval a écrit:
Jamais homme n'a porté la violence dans le caractère aussi loin que lui. Au jeu, à la chasse, dans la conversation même, la moindre contrariété le met hors de lui; et, dans son emportement, il est provocant au point qu'il est incroyable qu'il n'ait jamais eu d'affaires (*duels) tandis que journellement il doit s'en faire. Ses fureurs sont encore moins le produit d'un sang aisé à s'enflammer que celui d'un amour-propre sans mesure, qui non seulement ne supporte aucune supériorité, mais s'irrite de l'égalité.
Voilà pourquoi il m'a toujours été antipathique. Pauvre Yolande, sans doute pas assez forte pour contrecarrer les allures despotiques du baron furieux !
_________________
« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 44
Localisation : Pays-Bas autrichiens
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Voici que notre cher Momo nous emmène aujourd'hui au château de Gennevilliers, ou du moins ce qu'il reste de la résidence à la campagne du comte de Vaudreuil !
Gouverneur Morris a écrit:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Gennevilliers
Gennevillers, dont le château fut détruit au début du siècle dernier. Il n'en reste aujourd'hui pratiquement plus rien, pas plus que de son parc à fabriques, dont on regrettera notamment la glacière, qui aurait été décorée par Boucher :
Y fut en effet joué pour la première fois Le Mariage de Figaro en novembre 1789, devant la coterie et Mme Vigée-Lebrun
Propriété des Richelieu (dont le Maréchal qui a deux sujets chez nous ), le duc de Fronsac le mit en effet à disposition de Vaudreuil à la fin du règne de Louis XVI.
Seul vestige du domaine, les écuries, dites "écuries Richelieu" :
Elles ont été retenues la semaine dernière pour figurer sur la liste 2021 de la mission Bern pour le Patrimoine :
https://www.ville-gennevilliers.fr/10-1891/les-actualites/fiche/les-ecuries-de-gennevilliers-primees.htm
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Borboro a écrit:
Je lis parfois que Vaudreuil est cousin de Yolande ou d'Aglaé d'Andlau.
Les généalogies ne me permettent pas de voir cette relation.
Quelqu'un aurait-il des certitudes à partager ?
Merci d'avance.
Borboro
En effet, cher Monsieur, mais je vous rassure : ce cousinage est à la mode de Bretagne . Eloigné. Ce n'est pas même un cousinage issu de germains. Yolande de Polastron était la nièce de la comtesse d'Andlau, née Polastron et soeur de son père. Henriette de Polastron, grand-mère paternelle de Yolande, était née Foucauld. Or Vaudreuil était le neveu de Mme d'Andlau par une alliance entre les familles de Vaudreuil et de Foucauld.
C'est à cette alliance qu'il nous faut remonter.
Demandons les lumières de notre généalogiste, Lucius .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Le père d'Henriette de Foucauld (Polastron par mariage, arrière-grand-mère de Yolande) avait un cousin germain, Gabriel de Foucauld, qui épousa une Rigaud de Vaudreuil, grande-tante de votre Joseph.
Il s'agit en effet d'un cousinage qui tient plus d'une reconnaissance sociale que d'une réelle proximité familiale, et qui n'a guère de substance en terme de sang, puisqu'il s'agit d'un lien par alliance (le lointain cousin de l'une a épousé la grande-tante de l'autre). Ils se reconnaissent cousins parce qu'ils ont envie de donner un nom au rapport entre leurs deux familles, mais si il fallait le faire de manière systématique, ils pouvaient se dire cousin de la moitié des seigneurs et notables du Bordelais, du Québec et de la Normandie !
Même pour la mode de Bretagne, c'est aller un peu loin !
Il s'agit en effet d'un cousinage qui tient plus d'une reconnaissance sociale que d'une réelle proximité familiale, et qui n'a guère de substance en terme de sang, puisqu'il s'agit d'un lien par alliance (le lointain cousin de l'une a épousé la grande-tante de l'autre). Ils se reconnaissent cousins parce qu'ils ont envie de donner un nom au rapport entre leurs deux familles, mais si il fallait le faire de manière systématique, ils pouvaient se dire cousin de la moitié des seigneurs et notables du Bordelais, du Québec et de la Normandie !
Même pour la mode de Bretagne, c'est aller un peu loin !
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 32
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Grand merci, mon cher petit Lulu !
Lucius a écrit:
Ils se reconnaissent cousins parce qu'ils ont envie de donner un nom au rapport entre leurs deux familles
... ou bien pour s'autoriser autant d' "affection" réciproque ?
Au fait, toute blague à part bien-sûr, qu'appelle-t-on réellement " cousins à la mode de Bretagne" ?
Ah, c'est trop drôle !!!
J'interroge WIKI ; il me fait une réponse qui me remue :
Un cousin à la mode de Bretagne est le fils d'un oncle ou d'une tante à la mode de Bretagne c'est-à-dire le fils d'un cousin germain ou d'une cousine germaine du père ou de la mère.
Une cousine à la mode de Bretagne est la fille d'un oncle ou d'une tante à la mode de Bretagne c'est-à-dire la fille d'un cousin germain ou d'une cousine germaine du père ou de la mère.
Synonymes : petit-cousin, petite-cousine, cousin issu de germain, cousine issue de germain, cousin remué de germain, cousine remuée de germain
Sens particulier : par extension, parent éloigné dont la parenté est difficile à établir.
... remué(e) quès aco ?!!
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
D'autres lexiques définissent la mode de Bretagne comme incluant un décalage entre les générations.
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 32
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Lucius a écrit:D'autres lexiques définissent la mode de Bretagne comme incluant un décalage entre les générations.
C'est égal, le terme en soi " cousins à la mode de Bretagne " est drôle et sympathique. Il évoque sans doute ces mariages populaires, en Bretagne, rassemblant tout le village et dans lesquels tout le monde se donne abondamment du " mon cousin ".
L'acception de " mon cousin " est aussi vague et élastique que possible . Chacun comprend bien ce qu'il veut. Le roi lui-même en fait un usage excessif dans sa correspondance. Il donne à l'envi du " mon cousin " à ses homologues européens ( ce n'est pas faux, car tous descendent de Guillaume le Conquérant ) ( Cocorico !!! ) et du " cher et bienaimé cousin " à tout seigneur auquel il écrit. C'est une formule simplement protocolaire aussi dénuée de sens que cette autre : " Haut et puissant seigneur " dont est gratifié le moindre gentilhomme dans les paperasses officielles administratives.
... enfin me semble-t-il .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55260
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
J'écrivais, page 4 de ce sujet :
Voici de meilleures images du portrait évoqué ci-dessus, puisqu'il sera prochainement présenté en vente aux enchères...
Elisabeth Louise VIGÉE-LE BRUN Paris, 1755 - 1842
Portrait de Joseph Hyacinthe François de Paule de Rigaud, comte de Vaudreuil (1740 -1817)
Huile sur toile, de forme ovale
Hauteur : 72,50 Largeur : 59 cm
Provenance : Collection du modèle ; Par descendance à sa petite-fille Marguerite, comtesse Gédéon de Clermont-Tonnerre ; Vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Me Lair-Dubreuil, 8 avril 1908, n° 15, l'étiquette de la vente au verso ; Acquis à cette occasion par Georges Sortais, selon P. de Nolhac et Helm ; Acquis dans le commerce d'art à Paris en 1983 ; Collection particulière, Paris
Expositions : 'Exposition rétrospective d'art féminin', Paris, hôtel du Lyceum, 1908, n° 52 ; 'Französische Kunst des XVIII Jahrhunderts', Munich, galerie Heinemann, 1912, n° 65 ; 'Marie-Antoinette', Paris, galeries nationales du Grand Palais, 15 mars - 30 juin 2008, p. 288, n° 213 (notice par X. Salmon) ; 'Créer au féminin. Femmes artistes au siècle de Madame Vigée Le Brun', Tokyo, Mitsubishi Ichigokan Museum, 1er mars - 8 mai 2011, p. 156-157, p. 249, n° 62 (notice par X. Salmon) ; 'Cent portraits pour un siècle. De la cour à la ville sous les règnes de Louis XV et Louis XVI', Versailles, musée Lambinet, 6 novembre 2019 - 1er mars 2020 et Nice, palais Lascaris, 19 mai - 22 novembre 2021, catalogue par X. Salmon, p. 93-95, n° 42
Bibliographie : Pierre de Nolhac, 'Madame Vigée Le Brun, peintre de Marie-Antoinette', Paris, 1908, p. 144
Pierre de Nolhac, " Un salon d'artiste au dix-huitième siècle. Mme Vigée Le Brun et ses amis ", in 'La Revue hebdomadaire', t. XI, novembre 1908, repr. fig. 19624
Pierre de Nolhac et Brentano, 'Souvenirs de Mme Louise-Elisabeth Vigée-Le Brun. Notes et portraits. 1755-1789, Paris, s. d. [1909-1910], repr. p. 105
William H. Helm, 'Vigée Le Brun, 1755-1842: her life, works and friendships, with a catalogue raisonné of the artist's pictures', Boston, 1915, repr. p. 223
Nathalie Volle, in cat. exp. 'De David à Delacroix. La peinture française de 1774 à 1830', Paris, Galerie nationales du Grand Palais, 1974, p. 658
Hugo Douwes Dekker, " Elisabeth Vigée Le Brun at the Biennal Salon du Louvre, 1783-1789 ", in 'Tableau, Fine Arts Magazine', vol. 8, n° 6, été 1986, p. 48, repr.
Image : Artcurial
Commentaire de la maison de vente :
Ami du jeune frère du roi, le comte d'Artois, amant de la comtesse de Polignac et, selon les journaux de l'époque, d'Elisabeth Vigée Le Brun, créateur du comte Almaviva dans le Mariage de Figaro de Beaumarchais, grand amateur d'art et collectionneur, le comte de Vaudreuil aux multiples talents s'illustra dans la société mondaine parisienne du règne de Louis XVI.
Image : Artcurial
Qu'elle ait été ou non sa maîtresse, Elisabeth Vigée Le Brun ne tarit pas d'éloges sur l'illustre personnage dans ses Souvenirs :
" Né dans un rang élevé, le comte de Vaudreuil devait encore plus à la nature qu'à la fortune, quoique celle-ci l'eut comblé de tous ses dons. Aux avantages que donne une haute position dans le monde il ajoutait toutes les qualités, toutes les grâces qui rendent un homme aimable ; il était grand, bien fait, son maintien avait une noblesse et une élégance remarquables ; son regard était doux et fin, sa physionomie extrêmement mobile comme ses idées, et son sourire obligeant prévenait pour lui au premier abord. Le comte de Vaudreuil avait beaucoup d'esprit, mais on était tenté de croire qu'il n'ouvrait la bouche que pour faire valoir le vôtre, tant il vous écoutait d'une manière aimable et gracieuse… (1)".
Image : Artcurial
Admiration réciproque puisqu'en 1784 le comte de Vaudreuil commande à Vigée Le Brun son portrait, sur lequel il est représenté assis dans un fauteuil, élégamment vêtu, tenant une épée et arborant le cordon bleu et la croix du Saint-Esprit et la rosette de la croix de l'ordre de Saint-Louis (2) (voir ci dessus).
La commande comprenait également cinq répliques, dont au moins deux ovales sur lesquelles le modèle est représenté dans un vêtement différent et les mains ne sont pas apparentes. Celle que nous présentons, qui était restée dans la descendance du modèle, en fait certainement partie, ainsi qu'une autre conservée au musée Jacquemart-André. L'harmonie des tons, l'élégance du modèle, la douceur de son expression et la sobriété de la composition font de ce portrait une œuvre d'un raffinement exquis.
1. Cité par X. Salmon in cat. exp. Versailles, 2019, p. 95.
2. Richmond, Virginia Museum of Fine Arts, voir cat. exp. 'Elisabeth Louise Vigée Le Brun', Paris, 2015, p. 160-161, cat. 50.
* Source et infos complémentaires : Artcurial Paris - Vente Cent portraits pour un siècle (15 février 2022)
La nuit, la neige a écrit:
1) Madame Cravéri nous dit que Vaudreuil commanda à Elisabeth Vigée Le Brun au moins cinq portraits.
Evidemment, nous connaissons bien celui-ci, peint en 1784 :
D'après les Souvenirs de Mme Lebrun, qui liste de mémoire les tableaux qu'elle a peints, nous savons que furent réalisées trois autres copies avant 1789.
Vaudreuil a probablement acquis le premier portrait, ou encore d'autres copies de l'artiste parmi les plus récentes.
A noter que sur cette image du portrait conservé au Virginia Museum of Fine Arts, nous remarquons une mention écrite sur la toile, après la mort de Vaudreuil.
Mais il semblerait qu'il s'agisse du même tableau. Peut-être que l'image précédente trouvée sur internet est de mauvaise qualité ?
Image : 1996–2016 Virginia Museum of Fine Arts, Richmond
Read more at https://vmfa.museum/collections/copyright/#VSz2zKXXldX1hm7S.99
Nous lisons :
Comte de Vaudreuil
Grand Fauconnier de France
Chevalier des Ordres du roi
Lieutenant général et Pair de France
Né 1740, mort 1817
Toujours d'après ce portrait, l'artiste a également réalisé au moins deux autres versions, plus petites, et en buste.
L'une est conservée au Musée Jacquemart-André, à Paris :
Portrait de Joseph Hyacinte de Paule de Rigaud, comte de Vaudreuil
Paris, musée Jacquemart-André
Photo : RMN-Grand Palais / Agence Bulloz
Et l'autre en collection privée :
Portrait du comte de Vaudreuil
Ancienne collection Clermont Tonnerre, collection privée
Photo : Tirée du livre "Marie-Antoinette - Exposition Grand Palais. RMN Musée du Louvre
Vaudreuil avait-il acheté également un portrait en buste, puisqu'il est supposé avoir passé commande de 5 portraits à l'artiste ?
Je ne sais pas...
Le dernier portrait ci-dessus est, me semble-t-il, celui qui sera présenté à l'exposition :
Cent portraits pour un siècle. Musée Lambinet, Versailles
(...)
Voici de meilleures images du portrait évoqué ci-dessus, puisqu'il sera prochainement présenté en vente aux enchères...
Elisabeth Louise VIGÉE-LE BRUN Paris, 1755 - 1842
Portrait de Joseph Hyacinthe François de Paule de Rigaud, comte de Vaudreuil (1740 -1817)
Huile sur toile, de forme ovale
Hauteur : 72,50 Largeur : 59 cm
Provenance : Collection du modèle ; Par descendance à sa petite-fille Marguerite, comtesse Gédéon de Clermont-Tonnerre ; Vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Me Lair-Dubreuil, 8 avril 1908, n° 15, l'étiquette de la vente au verso ; Acquis à cette occasion par Georges Sortais, selon P. de Nolhac et Helm ; Acquis dans le commerce d'art à Paris en 1983 ; Collection particulière, Paris
Expositions : 'Exposition rétrospective d'art féminin', Paris, hôtel du Lyceum, 1908, n° 52 ; 'Französische Kunst des XVIII Jahrhunderts', Munich, galerie Heinemann, 1912, n° 65 ; 'Marie-Antoinette', Paris, galeries nationales du Grand Palais, 15 mars - 30 juin 2008, p. 288, n° 213 (notice par X. Salmon) ; 'Créer au féminin. Femmes artistes au siècle de Madame Vigée Le Brun', Tokyo, Mitsubishi Ichigokan Museum, 1er mars - 8 mai 2011, p. 156-157, p. 249, n° 62 (notice par X. Salmon) ; 'Cent portraits pour un siècle. De la cour à la ville sous les règnes de Louis XV et Louis XVI', Versailles, musée Lambinet, 6 novembre 2019 - 1er mars 2020 et Nice, palais Lascaris, 19 mai - 22 novembre 2021, catalogue par X. Salmon, p. 93-95, n° 42
Bibliographie : Pierre de Nolhac, 'Madame Vigée Le Brun, peintre de Marie-Antoinette', Paris, 1908, p. 144
Pierre de Nolhac, " Un salon d'artiste au dix-huitième siècle. Mme Vigée Le Brun et ses amis ", in 'La Revue hebdomadaire', t. XI, novembre 1908, repr. fig. 19624
Pierre de Nolhac et Brentano, 'Souvenirs de Mme Louise-Elisabeth Vigée-Le Brun. Notes et portraits. 1755-1789, Paris, s. d. [1909-1910], repr. p. 105
William H. Helm, 'Vigée Le Brun, 1755-1842: her life, works and friendships, with a catalogue raisonné of the artist's pictures', Boston, 1915, repr. p. 223
Nathalie Volle, in cat. exp. 'De David à Delacroix. La peinture française de 1774 à 1830', Paris, Galerie nationales du Grand Palais, 1974, p. 658
Hugo Douwes Dekker, " Elisabeth Vigée Le Brun at the Biennal Salon du Louvre, 1783-1789 ", in 'Tableau, Fine Arts Magazine', vol. 8, n° 6, été 1986, p. 48, repr.
Image : Artcurial
Commentaire de la maison de vente :
Ami du jeune frère du roi, le comte d'Artois, amant de la comtesse de Polignac et, selon les journaux de l'époque, d'Elisabeth Vigée Le Brun, créateur du comte Almaviva dans le Mariage de Figaro de Beaumarchais, grand amateur d'art et collectionneur, le comte de Vaudreuil aux multiples talents s'illustra dans la société mondaine parisienne du règne de Louis XVI.
Image : Artcurial
Qu'elle ait été ou non sa maîtresse, Elisabeth Vigée Le Brun ne tarit pas d'éloges sur l'illustre personnage dans ses Souvenirs :
" Né dans un rang élevé, le comte de Vaudreuil devait encore plus à la nature qu'à la fortune, quoique celle-ci l'eut comblé de tous ses dons. Aux avantages que donne une haute position dans le monde il ajoutait toutes les qualités, toutes les grâces qui rendent un homme aimable ; il était grand, bien fait, son maintien avait une noblesse et une élégance remarquables ; son regard était doux et fin, sa physionomie extrêmement mobile comme ses idées, et son sourire obligeant prévenait pour lui au premier abord. Le comte de Vaudreuil avait beaucoup d'esprit, mais on était tenté de croire qu'il n'ouvrait la bouche que pour faire valoir le vôtre, tant il vous écoutait d'une manière aimable et gracieuse… (1)".
Image : Artcurial
Admiration réciproque puisqu'en 1784 le comte de Vaudreuil commande à Vigée Le Brun son portrait, sur lequel il est représenté assis dans un fauteuil, élégamment vêtu, tenant une épée et arborant le cordon bleu et la croix du Saint-Esprit et la rosette de la croix de l'ordre de Saint-Louis (2) (voir ci dessus).
La commande comprenait également cinq répliques, dont au moins deux ovales sur lesquelles le modèle est représenté dans un vêtement différent et les mains ne sont pas apparentes. Celle que nous présentons, qui était restée dans la descendance du modèle, en fait certainement partie, ainsi qu'une autre conservée au musée Jacquemart-André. L'harmonie des tons, l'élégance du modèle, la douceur de son expression et la sobriété de la composition font de ce portrait une œuvre d'un raffinement exquis.
1. Cité par X. Salmon in cat. exp. Versailles, 2019, p. 95.
2. Richmond, Virginia Museum of Fine Arts, voir cat. exp. 'Elisabeth Louise Vigée Le Brun', Paris, 2015, p. 160-161, cat. 50.
* Source et infos complémentaires : Artcurial Paris - Vente Cent portraits pour un siècle (15 février 2022)
La nuit, la neige- Messages : 18054
Date d'inscription : 21/12/2013
Gouverneur Morris- Messages : 11675
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Merci Gouv', pour cette photo in situ, à la National Gallery.
Pauvre Vaudreuil : ses bras sont aussi longs que ses jambes...
Pauvre Vaudreuil : ses bras sont aussi longs que ses jambes...
La nuit, la neige- Messages : 18054
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Oui maintenant que tu le dis !!!
Gouverneur Morris- Messages : 11675
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Joseph de Rigaud de Vaudreuil, comte de Vaudreuil (1740-1817)
Et sa tête n'est pas bien grosse on la dirait sortie de la tribu
des indiens Jivaro
des indiens Jivaro
Lady Jhane- Messages : 1318
Date d'inscription : 04/11/2021
Localisation : Gévaudan
Page 10 sur 11 • 1, 2, 3 ... , 9, 10, 11
Sujets similaires
» Joseph-Hyacinthe de Rigaud de Vaudreuil, 1706-1764
» Le comte Jules de Polignac (1746-1817)
» Le réseau du comte d'Antraigues et la Révolution
» Le domaine de Gennevilliers du comte de Vaudreuil
» Lettres du comte de Vaudreuil à Calonne
» Le comte Jules de Polignac (1746-1817)
» Le réseau du comte d'Antraigues et la Révolution
» Le domaine de Gennevilliers du comte de Vaudreuil
» Lettres du comte de Vaudreuil à Calonne
LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: La famille Polignac - Axel de Fersen - La princesse de Lamballe :: Les Polignac et leur entourage
Page 10 sur 11
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|