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La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame"

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Message par La nuit, la neige Dim 09 Mar 2014, 23:34

Merci à Dominique, et à notre jardinière en chef... Wink 
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Message par Invité Dim 09 Mar 2014, 23:47

Dominique Poulin a fait un travail considérable, et très intéressant.  Very Happy 
... Où l'on voit que la maison de Savoie a eu raison de miser sur l'alliance avec la France, puisque c'est Napoléon III qui permettra finalement au chef de cette maison de régner sur l'ensemble de la péninsule italienne, les Habsbourg étant expulsés de leurs possessions.

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Message par Dominique Poulin Lun 10 Mar 2014, 02:14

Je remercie de tout mon cœur Madame de Sabran d'avoir consacré sa belle énergie à rapatrier ma biographie de Clotilde de France sur notre nouveau forum.
Je reste à votre disposition pour toutes vos questions et de même je lis avec intérêt toutes vos discussions qui rassemble les passionnés du XVIIIe siècle que nous sommes. J'espère vous rejoindre plus activement un jour pour donner mes éclairages car jusqu'à présent des questions de technique et de disponibilite ont réduit à mon grand regret mà collaboration auprès des menbres du forum. Permettez moi Madame de Sabran de vous embrasser ?
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Message par Invité Lun 10 Mar 2014, 08:46

Je me rappelle avoir lu cette biographie avec grand plaisir car la vie de madame Clotilde m'était jusque-là un grand mystère. Merci donc cher Dominique Poulin et merci Éléonore de rapatrier ce sujet. Very Happy

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 09:00

La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 3 Image559
Marie-Clotilde-Xavière de France, dite Madame Clotilde
Joseph Ducreux, autrefois attribué à Drouais
Huile sur toile, 1768-69
Collection Louis XV
Image : RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Daniel Arnaudet / Gérard Blot
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 09:07

Dominique Poulin a écrit:Je remercie de tout mon cœur Madame de Sabran d'avoir consacré sa belle énergie à rapatrier ma biographie de Clotilde de France sur notre nouveau forum.

Je n'ai pas fini, mon cher Dominique, mais c'est un plaisir !   Car enfin, vous avez accompli un travail énorme tombé, où vous savez, dans l'anonymat le plus inique .

Dominique Poulin a écrit:
Permettez moi Madame de Sabran de vous embrasser ?  

...   mais comment donc !!!    :n,,;::::!!!: 

.
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Message par Invité Lun 10 Mar 2014, 09:17

La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 3 Madame80

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 09:45

Dominique Poulin a écrit:
Dim 4 Oct 2009 - 16:45



Suite du chapitre III

La Princesse de Piémont 1775-1789


Avec l'ouverture du nouveau règne, la dynastie de Savoie offrait enfin une nouvelle souveraine à ses sujets depuis la mort en 1741 d'Élisabeth-Thérèse de Lorraine, la dernière épouse de Charles-Emmanuel III.
En 1775, Maria-Antonia de Bourbon d'Espagne avait alors une longue habitude de la Cour de Turin depuis son mariage en 1750. Fille de Philippe V et d'Élisabeth Farnèse, et demi-sœur de Ferdinand VI, la situation paternelle de sa famille la rapprochait beaucoup des Bourbons de France. En effet,si certes son frère avait accédé à la couronne d'Espagne sous le nom de Charles III, ses sœurs avaient connus des destins tourmentés à la Cour de France...
La première, Marie-Anne avait été fiancée très jeune à Louis XV et selon un contrat particulier la fillette avait été élevée à Paris ou elle faisait les délices de la princesse palatine qui déclarait "qu'elle était la plus jolie enfant que j'aie vue de mes jours." Mais les choses se gâtèrent vite, le roi parvenant à la puberté et la petite infante encore en enfance. La nécessité rapide d'un dauphin accéléra les choses, on renvoya assez vilainement Marie-Anne à Madrid, sous les protestations indignées de ses parents ! On peut les comprendre... Marie-Anne fut finalement mariée au roi de Portugal, mais ayant touché du doigt la plus belle couronne du monde, elle n'oublia jamais l'affront qui lui avait été fait en France.

L'autre sœur de Maria-Antonia, l'infante Marie-Thérèse-Raphaëlle, avait épousé le dauphin Louis-Ferdinand de France en 1745, mais elle mourut un an plus tard des suites de ses couches. Décidément, les sœurs aînées de Maria-Antonia avaient eues des destinées funestes avec leurs cousins français...

Pour sa part, Maria-Antonia échappa aux offres de la Cour de Versailles pour régner, sur celle plus modeste de Turin. Toutefois, avant de revendiquer le titre royal, elle dût attendre vingt-trois ans aux cotés de son mari en portant le titre de duc et de duchesse de Savoie. En apparence, le couple héritier s'accommoda de sa situation en affichant un tableau parfait des vertus de la vie familiale. Douze enfants leur naquirent entre 1750 et 1766. De fait, malgré quelques anecdotes défavorables mais peu crédibles, Maria-Antonia ne semble pas avoir été dans sa jeunesse, une princesse désagréable à regarder. Ses portraits dévoilent au contraire une jeune femme au visage avenant, rehaussé par un certain charme, mais les poses rigides imposées par les peintres de la cour de Turin, en altèrent tout le naturel. Probablement, aurions-nous été mieux renseignés sur l'allure de cette princesse avec un Nattier ou un Quentin de La Tour...
Au moral, et en fonction de son tempérament ou de son éducation reçue en Espagne, la place déjà conséquente du haut clergé s'accentua un peu plus sous son influence. Maria-Antonia accorda un crédit considérable au grand aumônier de la Cour, le cardinal Del Lanze au point que tous les courtisans devaient affecter une piété ostentatoire pour conserver leurs faveurs auprès des souverains piémontais.

En revanche, dès son avènement en 1773, Victor-Amédée III avait redonné beaucoup d'éclat à la monarchie piémontaise. Un gentilhomme français, M. Trezin de Cangy écrivait que lors des réceptions de la reine Maria-Antonia, il n'avait "jamais vu d'aussi beaux diamants qu'aux femmes de cette cour, et en aussi grande quantité. La reine et les princesses en ont de superbes." Il rapportait aussi des usages différents de la Cour de Louis XVI : "Les dames de cette Cour ne portent point la mantille ou mantelet, ce qui fait qu'elles sont plus décolletées, mais on ne met point de rouge à cette Cour, aussi les femmes paraissent être aux Français très pâles."
La bigoterie de la reine de Sardaigne n'empêchait pas d'ailleurs une constante sollicitude pour ses enfants, en particulier pour ses filles. Quand l'une d'elles partit épouser l comte d'Artois, on remarqua qu'elle était "si peinée de voir l'heure qui la séparerait de sa fille chérie, qu'elle fut prise de fièvre et qu'on craignit pour sa santé" et qu'elle "ne se laissa jamais distraire de ses soucis" en cette occasion.

Hormis le prince Charles-Emmanuel de Piémont que nous rejoindrons plus tard puisque ce dernier partagera sa vie avec la princesse Clotilde, la Maison de Savoie comportait encore de nombreux princes et princesses.
En 1775, deux filles du roi ne vivaient plus à Turin, ayant épousé les comtes de Provence et d'Artois, alors que Marie-Anne avait épousé son oncle le duc de Chablais. La duchesse de Chablais semble avoir attiré les regard car un contemporain la décrit comme la femme "la plus éclatante" de la Cour, mais cette description se rapporte semble-t-il plus à sa parure qu'à son réel aspect physique.
Le duc de Chablais, demi-frère de Victor-Amédée III occupait une place importante. Doté d'un apanage substantiel, ses revenus lui permettaient de vivre "beaucoup plus décemment que le reste de la famille royale" selon le comte d'Espinchal. Réputé de tempérament introverti, il manifesta du goût pour le mécénat artistique en promotionnant des fouilles archéologiques, mais il s'attira une réputation de prince cupide et calculateur.

La princesse Marie-Caroline de Savoie restait l'unique fille à marier du couple royal et sa prestance fit bientôt démentir les bruits parfois fâcheux qui couraient sur ses sœurs. Un mémoire du temps la décrit comme "la belle Caroline" ou encore parée des "charmes de la plus aimable figure". Pour l'heure, elle vivait encore dans le sillage de la reine Maria-Antonia.

Outre le prince héritier, Victor-Amédée III disposait encore d'une pléiade de garçons, mais à l'époque ou Clotilde faisait leur connaissance ils étaient encore bien jeunes et comme leurs sœurs leur liberté d'action se limitait à fort peu de choses ! Dans l'ordre suivaient, Victor-Emmanuel, duc d'Aoste, Maurice-Joseph, duc de Montferrat, Charles-Felix, duc de Genevois, et enfin Joseph-Placide, comte de Maurienne.

De la génération intermédiaire, deux sœurs du roi vivaient à la Cour, les princesses Éléonore et Félicité de Savoie. Trente ans plus tôt, Louis XV s'était penché sur leurs noms en pensant à faire de l'une d'elles, la dauphine de France, mais la politique trop louvoyante de leur père fit échouer les négociations. Dès lors, laissées pour compte, sur le marché des alliances matrimoniales, ces princesses mûrissantes se consacraient aux dévotions et à la charité.

Après la famille royale au sens strict, se détachait un rameau collatéral, la famille des princes de Savoie-Carignan. C'est de cette branche qu'était issue la princesse de Lamballe. La nouvelle princesse de Piémont, bien que de dix ans sa cadette, n'ignorait donc rien de sa parenté affective de cette cousine qu'elle avait connue à Versailles.
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 09:50

Dominique Poulin a écrit:

La première, Marie-Anne avait été fiancée très jeune à Louis XV et selon un contrat particulier la fillette avait été élevée à Paris ou elle faisait les délices de la princesse palatine qui déclarait "qu'elle était la plus jolie enfant que j'aie vue de mes jours."

Louis XV et sa trop jeune fiancée :

La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 3 Louis_13



Dominique Poulin a écrit:

L'autre sœur de Maria-Antonia, l'infante Marie-Thérèse-Raphaëlle, avait épousé le dauphin Louis-Ferdinand de France en 1745, mais elle mourut un an plus tard des suites de ses couches.


La dauphine :

La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 3 79-00110
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 10:02


Dominique Poulin a écrit:
Mar 12 Jan - 17:39



Suite du chapitre III

La Princesse de Piémont 1775-1789


De tous les membres de la famille royale de Savoie, il en est un qui prédomina désormais dans la nouvelle vie de Clotilde. C'est son époux, Charles-Emmanuel de Savoie, prince royal de Piémont, l'héritier du trône. Le fils aîné des souverains piémontais avait alors vingt-quatre ans, soit huit ans de plus que sa fraîche épousée. Cette différence sensible a du jouer un rôle important dans la vie des jeunes mariés, du moins au début. Le rang éminent de Charles-Emmanuel à la Cour de Turin et la sollicitude protectrice de son rôle d'ainé ont probablement rassuré Clotilde, déracinée de sa famille française.

Appelé à succéder un jour à la couronne de Piémont-Sardaigne depuis 1773, il vivait dans l'ombre de son père et n'avait guère suscité jusqu'alors un grand intérêt sur la scène internationale. Son apparence physique nous échappe malheureusement malgré quelques portraits parvenus jusqu'à nous, mais aucun témoignage contemporain de sa jeunesse n'a été retrouvé.
Il semble que le prince de Piémont bénéficiait d'une taille avantageuse et plus élevée que la moyenne de l'époque, c'est ce que laisse supposer un portrait de Leclerc en 1781. Son visage très allongé s'accentua avec le temps au point de paraître émacié et l'expression du regard ne manquait pas de charme en dépit d'une myopie très basse. En revanche, les proportions mal équilibrées du corps révélaient les déficiences de sa santé fragile, il était de nature maigre et l'âge venant, il se décharnera davantage au point de susciter l'apitoiement chez les visiteurs étrangers.
A tout le moins, Charles-Emmanuel ne ressemblait pas à un apollon !

Présenter un portrait moral circonstancié du prince serait un entreprise risquée, les sources françaises à se sujet se réduisant à fort peu de choses. Le Dictionnaire de Biographie Universelle Michaud de 1836, soit dix-sept ans après la mort de Charles-Emmanuel le décrit ainsi :
"Doué de quelques heureuses dispositions et d'un caractère sage et réfléchi, tout annonçait en lui un bon prince ; mais ses premiers maitres, le bailli de Saint-Germain et le savant cardinal Gerdil, prévoyant peu les circonstances difficiles ou il devait régner, s'occupèrent beaucoup plus de lui inspirer des sentiments de religion et d'humilité que d'en faire un guerrier et un politique habile, comme la plupart de ses ancêtres.
"

Que le fils aîné de Victor-Amédée III ait mené précocement une vie intérieure ascétique, voire mystique, ne fait aucun doute et à l'instar de sa femme Clotilde, on note une tendance schizophrénique entre son état de futur roi et celui de son repli dans les austérités religieuses les plus marquées. Charles-Emmanuel de Savoie ne manquait pourtant pas d'esprit d'à-propos, ni d'un humour ironique cinglant qui pouvait déconcerter.
C'est ainsi qu'un jour, ayant été rabroué par son père sur une observation qu'il s'était permis de formuler, il résolut de garder le silence. Victor-Amédée III ne lui en tint pas longtemps rigueur lui demandant par la suite son avis sur une affaire à trancher. La cause était perdue, son fils tira sa montre en donnant à son père cette réponse sibylline :
- "Sire, je ne me mêle que de régler ma montre, et elle va bien !
".

PS : La suite demain, si je trouve le temps nécessaire...

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 10:04





Bravo ! ça, c'est envoyé !!!  Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing 
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 10:10


Dominique Poulin a écrit:
Mer 13 Jan 2010 - 18:07



Suite du Chapitre III

La Princesse de Piémont 1775-1789


Quelques historiens ont pointé des lacunes dans son éducation de prince héritier, mais dans l'ensemble ses parents se sont souciés d'en faire un futur monarque à la hauteur de sa mission.
Son gouverneur, Malines, comte de Bruino, ne désirait pas privilégier pour lui une éducation ou l'érudition aurait toute sa place. Il donnait par exemple en histoire la priorité à l'interprétation des faits et la compréhension des événements. Les observations qu'il a laissé sur son élève traduisent l'intelligence du prince de Piémont et un sens de l'observation aigu pour un jeune homme de son âge "qui franchit dans un instant une longue chaîne d'idées et saisit le juste rapport de deux idées très éloignées l'une de l'autre" et il ajoutait qu'il saisissait "le véritable caractère de tout ce qu'il voit" "et son affection n'est point séduite par les apparences".

Mais les orientations du gouverneur semblent avoir connues des limites. Il ne put soustraire le jeune garçon à l'ambiance féminine de sa famille, ses sœurs surtout, auquel le prince se confortait et au surplus de précautions que l'on prenait pour lui en raison de sa santé délicate. Toutes ces attentions ne pouvaient selon Malines aguerrir l'héritier du trône dont il avait peut-être diagnostiqué lucidement la sensibilité à fleur de peau et l'hyper-émotivité.
De plus, les tiraillements au sein de la maison d'éducation du prince ne manquèrent pas de déstabiliser les valeurs fondamentales du futur Charles-Emmanuel IV dans sa manière de régner et de gouverner.
En effet, le gouverneur du prince héritier s'opposait au précepteur, Giacinto Sigismondo Gerdil. Le futur cardinal Gerdil contrastait avec Malines : le second était un observateur de la société de l'esprit des Lumières tandis que le premier se présentait comme un adversaire résolu du progrès social. Gerdil concevait l'État et la royauté sous une forme traditionnelle mais déjà obsolète au XVIIIe siècle. Il avait d'ailleurs écrit à propos de l'Émile de Jean-Jacques Rousseau que le dessein de cette oeuvre avait pour "but de préparer les esprits à un renversement de l'ordre civil" ! Sévère et inflexible, il s'appuyait sur "de rigoureux principes d'orthodoxie et de morale."

Le comte-gouverneur Malines ne remettait pas en cause les principes d'érudition du précepteur Gerdil, mais il déplorait les plans de lecture "sans femmes, ni amours" imposés au jeune homme.
Charles-Emmanuel semble avoir été de bonne heure conditionné dans un culte exagéré de la vertu, dont il ne sortira plus. Pour l'enseignement de l'histoire, les principes de morale l'emportaient toujours sur tout autre considération historique et politique de fond.
Ainsi, dans une étude des nombreux souverains de la Maison de Savoie, tous les ancêtres du prince héritier sont jugés selon des critères moraux en rapport avec la piété religieuse. L'histoire politique et diplomatique de la Maison de Savoie n'était manifestement pas la priorité essentielle du précepteur.

Alarmé sur l'avenir de son élève, le gouverneur écrira à Gerdil en guise d'avertissement : "Autre chose est parcourir les sciences et multiplier les connaissances, autre chose est la formation du prince qui doit régner." Malgré les appels du pied de Malines, les méthodes d'enseignement préceptorales de Gerdil furent maintenues, car elles étaient sans doute approuvées par le souverain de l'époque, le grand-père du jeune prince, Charles-Emmanuel III. Il est bien possible aussi que le précepteur ait bénéficié d'appuis influents à la Cour de Turin en dépit de sa subordination hiérarchique envers le gouverneur Malines.

De fait, et pour son infortune, le fond mélancolique de l'époux de Clotilde, chapitré dans un étroit moralisme religieux, ne fera que s'accentuer avec le temps. Le prince de Piémont, déchiré entre ses obligations de futur souverain et ses aspirations de piété mystique, s'enfermera progressivement dans un état de névrose dépressive dont les symptômes récurrents se manifestèrent de bonne heure.
La sensibilité naturelle de son enfance bridée et son émotivité mal canalisée, déboucheront sur des troubles nerveux et maniaques graves.

Les documents consultés pour les années 1775-1795 ne permettent pas d'étayer le détail et l'ampleur de ses troubles, car les sources qui nous les révèlent sont postérieures à cette période. Toutefois, un témoignage certes tardif d'un agent de renseignements autrichien, sans doute contemporain de la décade 1790, nous révèle l'esprit et l'état de vie spartiate que s'imposait Charles-Emmanuel, en inadéquation avec son statut royal :
"Il se lève avant le jour et reste quatre heures en prières. Il porte un cilice, il se donne la discipline, jeûne et se nourrit de légumes, même au temps non prescrits. Il vit dans la pénitence et la contemplation. Il est trop absorbé par le salut de son âme pour trouver le temps de songer à l'État.
"
L'aggravation de son état psychique s'amplifiera lors de son règne désastreux en 1796-1798 puis au cours de son exil les années suivantes, mais les conditions de cette déchéance semblent avoir été en germe bien avant son accession au trône.
Charles-Emmanuel de Savoie a-t-il été un jour jeune et charmant, insouciant et l'esprit en paix ?

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 10:11




Jesus, Marie, Joseph ! Clothilde n'a pas dû s'amuser tous les jours ...  Smileàè-è\': 
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 11:24

Dominique Poulin a écrit:
Jeu 14 Jan 2010 - 13:35




Suite du Chapitre III

La Princesse de Piémont 1775-1789


On possède très peu d'éléments sur la vie de Clotilde lors de ses premières années à la Cour de Turin. Cette quasi-absence de documents rend la tâche bien difficile pour son biographe et ne permet pas de se faire une appréciation précise et détaillée sur de nombreux points. En outre, on relève une pénurie très préjudiciable de la correspondance de la princesse de Piémont à sa famille française. Les Archives Nationales de France ne la mentionne pas à l'exception d'infimes fragments isolés.

Objectivement, il parait impossible que la princesse n'aie pas entretenu de correspondance avec ses trois frères, sa sœur Madame Élisabeth, et ses tantes qu'elle adorait. De même, Clotilde a très certainement reçu des lettres de ses parents. La situation inverse semblerait absolument ahurissante et ne ses comprendrait pas. La Révolution a probablement mis à mal quantité de papiers provenant des archives de la famille royale avec la mise à sac des Tuileries le 10 août 1792, et l'occupation, le pillage ou la mise sous séquestre des propriétés de la Couronne et des biens privés des nombreux membres de la famille royale.
Devant ce fait établi, cette apparente absence de lettres s'explique par le fait qu'elle fut soit détruite pendant la Révolution ou lors des bouleversements politiques du XIXe siècle, soit qu'elle fut intégrée à un fond aux Archives Nationales de France qui n'ont pas retenu l'attention des historiens et des chercheurs, ou dans d'autres centres d'archives.
La seule correspondance de Madame Clotilde qui fut mise à jour par le vicomte de Reiset avant la guerre de 1914-1918, concerne la période 1799-1802 et relevait à l'époque des archives du roi d'Italie Victor-Emmanuel III et du duc de Gênes.

Il est pourtant des aspects importants sur lequel on doit émettre des hypothèses. Clotilde avait tout juste seize ans lorsqu'elle épousa le prince de Piémont avant d'intégrer une nouvelle famille et une nouvelle patrie. Comment vécut-elle ce déracinement de l'intérieur ? Quelle furent ses véritables relations avec Charles-Emmanuel, de huit ans son aîné ? Comment fut-elle perçue par ses beaux-parents et leurs nombreux enfants au fil du temps ?
Certes, les premiers témoignages sont élogieux en 1775, mais par la suite, qu'en fut-il vraiment ? Et en tant que deuxième dame du royaume de Piémont-Sardaigne jusqu'à la mort de la reine Maria-Antonia en 1785, quelles furent ses relations avec la Cour de Turin ?
Sur ce dernier point, l'épouse de prince héritier a vraisemblablement bien joué son rôle venant d'une Cour aussi policée que celle de Versailles, mais tout de même, on aimerait en savoir plus sur ses dames d'honneur, ses amitiés, ses réserves envers certains proches ou dignitaires, sa vie officielle et intime dans ses appartements du palais royal de Turin, les châteaux de Moncalieri, de Stupinigi et de La Vénerie...

Pour l'heure, tous ces articles demeurent presque totalement obscurs, faute de documents existants en France. Ils sont sans doute plus nombreux et plus faciles d'accès en Italie, mais il semblerait pourtant que peu d'historiens italiens aient étudié ces questions.
De la documentation disponible, les renseignements émergent très lentement au cours des années 1780. La décennie 1790 est beaucoup plus riche en matériaux. Contentons-nous donc pour l'instant de ce que nous savons de la vie de la princesse de Piémont entre 1775 et 1789 !



 Jeu 14 Jan 2010 - 14:55
Suite du chapitre III

La Princesse de Piémont 1775-1789


Dans l'âge tendre de ses seize printemps, Clotilde donna à la Cour de Turin, l'image de la princesse parfaite et accomplie. Le tempérament contrasté de Charles-Emmanuel ne semble pas l'avoir beaucoup déconcerté, du moins officiellement... Toute la famille royale de Savoie se déclarait enchantée de sa présence sous la plume de la princesse Félicité : "Elle fait notre joie à tous. Et les quatre jeunes frères du prince de Piémont n'y contredisent pas." Le chevalier Roze qui eut l'occasion de l'observer à Turin confiait dans son Journal qu'elle avait alors "une figure très gracieuse, son air est vif et sa taille bien prise, mais son embonpoint excessif la dépare et rend sa démarche pesante et son attitude gênée."

L'intérêt dynastique de ce mariage reste cependant muet sur sa consommation, aucun indice positif ou négatif n'ayant été divulgué. Nous savons que le ménage princier s'estimait tendrement et leurs vingt-sept années d'union corroborent ce sentiment par de nombreux indices mais le domaine conjugal est resté hermétiquement clos, faute de témoignage contemporain.
Sans aucune preuve tangible, on impute parfois l'obésité de Clotilde comme une source de stérilité, mais aussi la santé fragile du prince ayant entrainé une impuissance sexuelle.
Ces deux facteurs reposent sur des arguments aléatoires et spécieux d'autant plus qu'ils ne se fondent sur aucune source historique importante. Clotilde et Charles-Emmanuel n'ayant pas eu d'enfant, des bruits circulèrent à leur endroit, mais les arguments manquent sur la non-consommation, la stérilité ou l'impuissance de son mari.

Désormais princesse d'une nouvelle patrie, la pratique de l'italien ne lui posa guère de difficultés. La cour de France l'enseignait à ses princes et un de ses maîtres rapporta qu'elle "avait une facilité étonnante et avait une mémoire très heureuse... Mon auguste écolière malgré toutes ces interruptions mettait son temps à profit ; elle prononçait fort bien l'italien et le lisait encore mieux."
Des lettres exhumées par Mr de Reiset, écrites de sa main à la fin de sa vie, prouvent que la langue de Dante n'avait pas de secret pour elle. Toutefois, obsédée par le désir de plaire au roi et à la reine de Sardaigne, elle développera encore son instruction en Italie, en maitrisant le dialecte piémontais, grâce à son médecin Pipino qui lui composera un dictionnaire, une grammaire et un recueil de poésies piémontaises.

Son goût pour la musique ne se démentit pas à Turin. Clotilde collectionnait avec amour les œuvres des plus grands maitres de son temps et le prince de Piémont s'ingéniait à lui offrir les plus rares en exclusivité. La harpe et le chant avaient sa prédilection, des domaines ou une fois de plus la princesse puisait des ressources spirituelles quoique moins austères qu'à son habitude.

Cependant, les goûts privés de Clotilde et la représentation de la vie de Cour ne semblent pas avoir occupé beaucoup de temps dans sa vie, alors qu'elle n'avait pas encore vingt ans. Sa nature foncièrement dévouée et altruiste l'orienta naturellement vers les œuvres de charité. Nous ignorons hélas à quel rythme, dans quelles conditions et avec quels moyens elle entrepris ce sacerdoce intimement lié avec son intense foi religieuse. Elle patronna vraisemblablement des maisons de bienfaisance pour les pauvres, des hôpitaux, des orphelinats et des hospices et elle donna délibérément sa protection au Couvent de la Compagnie des dames de la Visitation de Turin. Nous aimerions en savoir davantage sur ce sujet, notamment sur l'efficacité de l'action "sociale" de Clotilde. Ce point nous parait important à soulever, mais une fois de plus les sources nous échappent.

Trois ou quatre années passèrent ainsi, sans qu'aucun espoir de maternité ne s'annonce dans la vie de Clotilde. Il semble que le désir d'enfant fut largement partagé par le couple héritier et la famille royale. La princesse s'en faisait un devoir et une nécessité : sa mère et sa grand-mère n'avaient-elle pas mis au monde beaucoup d'enfants de même que sa belle-mère, la reine Maria-Antonia ?
Clotilde, dans cette épreuve de stérilité, confia à son entourage que "si Dieu voulait, pour la consolation de la famille royale, lui accorder la grâce de donner le jour à un fils, elle se soumettrait volontiers à souffrir dans son corps, les plus grandes souffrances."

Avec les ans, son embonpoint excessif ne s'était pas réduit, et sur les conseils des médecins de la Cour, elle commença courageusement à respecter leurs prescriptions pour le moins désastreuses ! La princesse prit ainsi des bains d'eau minérale, censés évacuer de l'intérieur ses mauvaises humeurs.
Devant l'inefficacité de ce traitement, on lui infligea des remèdes qui feraient tressaillir d'indignation nombre de médecins et de diététiciens modernes ! La pauvre femme dut se soumettre à des lavements incalculables, mais aussi à l'absorption de boissons purgatives peu ragoutantes qui effrayaient jusqu'à ses domestiques... Pour le moins, on peut supposer qu'avec le nombre de jeûnes et de mortifications que s'imposait Clotilde en accord avec sa foi mystique, toutes ces effarantes prescriptions ne facilitèrent en rien l'arrivée de l'enfant tant désiré. Elles n'eurent pour conséquence que de détraquer la santé et le système digestif de la princesse de Piémont. Au prix de tels désagréments, elle commença à maigrir, mais non sans mal.

Soudain, la Correspondance Secrète de Lescure mentionna cette nouvelle le 28 juillet 1778 :
"On avait dit que Madame la princesse de Piémont était morte d'une fièvre putride. Cette princesse en est guérie; et elle est enceinte de quatre ou cinq mois."
De fait, si Clotilde est peut-être tombée gravement malade en 1778, la nouvelle de l'heureux évènement n'est corroborée par aucune autre source de l'époque. Il est bien surprenant qu'aucun signe positif n'ait transpiré jusqu'à Versailles et l'ambassadeur de France à Turin, le baron de Choiseul, n'aurait pas manqué de communiquer la nouvelle à Louis XVI et Marie-Antoinette. Par ailleurs, la reine de France n'en dit mot dans sa correspondance.
Nous en resterons donc là sur la douloureuse question de la maternité.

Néanmoins; la succession au trône n'était nullement compromise. Après la prince Charles-Emmanuel, Victor-Amédée III ne disposait-il pas de quatre autres fils ? Au bout d'une dizaine d'années de mariage, il parut évident que le couple princier ne donnerait pas d'héritier à la Couronne de Savoie. Le roi de Sardaigne se tourna alors vers son fils cadet, le duc d'Aoste, afin de lui obtenir une épouse capable de perpétuer la dynastie.



  Ven 15 Jan 2010 - 18:18


La semaine prochaine je diffuse la fin du chapitre III. Et si vous avez des questions, des commentaires, n'hésitez pas !
:n,,;::::!!!: smiley12

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 11:40

Dominique Poulin a écrit:
Lun 18 Jan 2010 - 18:00



Suite et fin du chapitre III

La Princesse de Piémont 1775-1789


De la décennie 1780, deux portraits de Clotilde nous sont connus. Le premier, signé du peintre allemand Heinsius, est remarquable par sa transparente vérité. La jeune femme avait alors vingt-et un ans et malgré le régime de vie très austère qu'elle s'était imposé, la princesse apparaît empreinte de fraîcheur et dans l'épanouissement de sa vie d'épouse. Certes, il serait vain d'y chercher les attributs de son rang illustre, les bijoux, les riches étoffes ou les colonne à l'antique. La princesse, peinte de profil, apparaît dans un dépouillement délibéré, ou seule la lumière bienveillante de son regard attire l'attention.
A vingt ans, Clotilde a perdu les charmes innocents de l'adolescence si joliment reproduits par Drouais. L'ovale du visage a commencé à s'affiner, et le teint clair et lumineux n'est pas encore altéré par les prières. Une touche discrète de rouge rehausse la blancheur de la carnation, mais ses cheveux longs et abondants portés au naturel ont beaucoup foncé. Heinsius a superbement rendu l'aménité de ses yeux expressifs qui rappelaient ceux de sa grand-mère paternelle Marie Leszczynska.

Le deuxième portrait signé du peintre flamand Leclerc date de 1781. Cette fois, la princesse de Piémont pose davantage en conformité avec son rang. Sans doute, Clotilde ne porte pas la robe de cour à paniers, mais la robe parée, les rubans, les précieux bracelets, la richesse du canapé ou elle est assise et le coussin ou elle pose ses pieds rappelle son sang royal. Quelques détails toutefois trahissent cette volonté de figurer selon son statut. La jeune femme, nourrissant fort peu les innovations de la mode, dissimule sa gorge sous une garniture de dentelle, et ses cheveux sont surmontés d'un bonnet peu seyant pour son âge. De plus, le livre qu'elle tient de la main gauche, ressemble à une bible ou à un missel, éternel retour à ses aspirations religieuses.

Par choix et par volonté, la légèreté de la jeunesse s'applique difficilement pour Clotilde. D'année en année, son sacerdoce et son adoration envers Dieu deviennent de plus en plus absolus, elle sacrifie tous les privilèges de son âge et de sa position éminente devant sa foi.

Peu à peu, inexorablement son apparence va se modifier. D'obèse, ses rondeurs fondirent au point de se métamorphoser en une jeune femme à la maigreur inquiétante et desséchée. Son teint, encore lumineux vers 1780, se ternit. Ses dents ne résistent pas à ses habitudes spartiates ou à des maladies mal soignées. Pour paraître devant la Cour, elle acceptait à regret les vêtements d'apparat et les joyaux, mais sitôt rentrée dans ses appartements, elle se défaisait de tous ces harnachements qu'elle considérait frivoles. Cette revendication devant une extrême simplicité frappa ses contemporains, et jusqu'à la famille royale de Savoie. On sait que son beau-père, Victor-Amédée III aimait le décorum, et le roi de Sardaigne imposa sans doute certaines bornes à cette modestie excessive.

A la fin du XVIIIe siècle, la maison de Savoie représentait une puissance et une famille régnante recherchée au sein de ses pairs. On la sollicite volontiers sur la scène de l'Europe des rois.
En 1781, pour marier sa dernière fille, Caroline, Victor-Amédée III opte pour une alliance avec la dynastie électorale de Saxe. En cette occasion, quelques fêtes raniment Turin endormi, mais le deuil s'abat sur la Cour l'année suivante, lorsque Caroline meurt l'année suivante à Dresde. Lors de la grande tournée européenne du fils de Catherine II, le grand-duc Paul Pétrovich, son épouse Maria Fedérovna "s'était infiniment liée, pendant son voyage d'Italie, avec Madame la Princesse de Piémont".
La baronne d'Oberkirch, amie intime de la grande-duchesse décrit Clotilde "comme un ange de piété et de vertu, et certainement les catholiques ont dans leur calendrier, bien des saintes qui ne la valent pas."
Trois ans plus tard, en 1785, Turin recevait les souverains de Naples, Ferdinand IV et Marie-Caroline, sœur de la reine de France.

Le 19 septembre 1785, la reine Maria-Antonia expirait à cinquante-six ans. De la seconde place, la princesse de Piémont accédait au premier rang à la Cour de Turin.
De France, la crise de la société française et ses bouleversements politiques, n'allaient pas tarder à déstabiliser par contre-coup le royaume de Piémont-Sardaigne. La parenté française de Clotilde constitua inévitablement la première victime de la Révolution, et dans cette douloureuse épreuve, guidée dans sa foi exaltée et mystique, la princesse héréditaire, ne voulut, plus être selon ses propres paroles, que "la servante de Dieu."



Pauvre et triste Clothilde ! Je la préférais encore roudoudoune que maigrelette ...  Hop! 



Dominique Poulin a écrit:
Lun 18 Jan 2010 - 18:11

Voila pour le chapitre III... C'est fait, il est terminé celui-là !
J'en suis au plan du chapitre IV ou je dispose de davantage de sources documentaires et il s'intitulera :
"Quand la France devient l'Ennemie 1789-1796", c'est-à-dire de l'arrivée des premiers émigrés à Turin (le plus célèbre étant le comte d'Artois bien sûr) jusqu'à la mort de Victor-Amédée III en 1796.

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 11:48

Leos a écrit:
Ven 21 Mai 2010 - 8:13



LA POSSIBILITÉ DE LIRE ON-LINE :

http://www.archive.org/stream/sisteroflouisxvi00arterich#page/n7/mode/2up

LEOS

La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 3 Sister10La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 3 Oooooo13




Génial ! Merci, cher Leos !!!  :n,,;::::!!!: :n,,;::::!!!: :n,,;::::!!!: 



Dominique Poulin a écrit:
Mar 3 Aoû 2010 - 10:45


Bon... En remettant le nez dans mes dossiers j'ai de bonnes pages sur Madame Clotilde pour le chapitre IV, je taperais ça dans les jours suivants pour vous mes petits loups ! La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 3 70964811


...................
 :!,,,!!!: 

.
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 13:50




Dominique Poulin a écrit:
Ven 6 Aoû 2010 - 16:03



Chapitre IV

Quand la France devient l'ennemie



Au début de l'année 1789 la Maison de Savoie était occupée par le mariage de Victor-Emmanuel, duc d'Aoste. Pour marier son fils cadet, Victor-Amédée III avait fixé son choix sur une archiduchesse d'Autriche et après les trois alliances françaises de la décennie 1770, le souverain opérait un rapprochement avec la Maison de Habsbourg, démentant ainsi les rumeurs qui avaient courues sur un projet d'union entre le prince Victor-Emmanuel et Madame Élisabeth.
En effet, si cette idée avait peut-être germé dans l'esprit de la princesse Clotilde et des ambassadeurs de Sardaigne à Versailles, Madame Élisabeth marqua semble-t-il peu d'enthousiasme à cette éventualité et d'autre part la sœur de Clotilde n'aurait eut droit qu'à la seconde place à la Cour de Turin.
Le projet tomba à l'eau.

L'alliance sardo-autrichienne reposait sur un enjeu dynastique que le prince et la princesse de Piémont n'avaient pu réaliser : donner un héritier à la lignée pour assurer l'avenir de la dynastie de Savoie.
Au terme de quinze ans d'union, la stérilité de leur ménage avait fini par lever les dernières hésitations de Victor-Amédée III. Nul ne savait si cette situation de fait incombait sur le prince héritier Charles-Emmanuel ou sur son épouse Clotilde, mais la dégradation progressive de leur état de santé et leur vie commune de pénitence et de privations avait rendu caduque tout espoir de descendance. Et à leur détriment, cette fragile position pour le couple héritier affaiblissait leur crédit et leur influence dans l'État Piémonto-Sarde.

Pour sa part, Victor-Amédée III avait bien constaté que les mariages de ses enfants en France avaient déplu à la cour de Vienne qui n'entendait pas que la Maison de Savoie prit trop d'importance en Europe. De plus, l'Autriche, maitresse en Lombardie et en Toscane et bien présente à Parme et à Naples, savait parfaitement que la Maison de Savoie lorgnait avidement vers ses possessions italiennes, en particulier le Milanais.
Pourtant, en dépit de toutes ces conjectures politiques et malgré l'hypocrisie, voire la haine que se vouaient les Savoie et les Habsbourg, le duc d'Aoste épousait Marie-Thérèse d'Autriche-Este, fille de l'archiduc Ferdinand et de Marie-Béatrice d'Este.
L'équilibre même précaire de la sauvegarde entre États rivaux nécessitait aussi ce mariage et à ce titre le baron de Choiseul, ambassadeur de France à Turin, avait reçu cette instruction diplomatique sibylline :
"Personne n'ignore les progrès de la puissance à laquelle la Maison de Savoie est parvenue successivement par le système politique qu'elle a constamment suivi de s'attacher à la France ou à la Cour de Vienne, suivant le plus ou moins d'avantages que l'une et l'autre proposaient à la Cour de Turin pour l'associer à leurs querelles. Elle a été alternativement depuis plus d'un siècle l'alliée des Maisons de France et d'Autriche."


Suite de ce chapitre la semaine prochaine.

.



Marie-Thérèse Jeanne d'Autriche-Este, archiduchesse d'Autriche-Este, princesse de Modène, reine de la Sardaigne-Piémont
d'après une peinture de Giovanni Panealbo .


La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 3 Maria_10


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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 13:56




Dominique Poulin a écrit:
Mar 10 Aoû 2010 - 16:43



Suite du chapitre IV

Quand la France devient l'ennemie



L'ingénue duchesse d'Aoste apparut comme un ange tombé du ciel à la rigoriste Cour de Turin... Un émigré qui la vit peu de temps après son mariage la décrit "d'une figure charmante, grande, bien faite, d'une tournure naîve et enfantine, et parait dans cette Cour d'autant plus agréable que tout ce qui l'entoure est d'une laideur amère." L'angélique princesse contrastait singulièrement avec son époux Victor-Emmanuel jugé "extrêmement laid" par le même observateur !

La position de ce prince resta longtemps effacée, voire insignifiante du fait qu'il n'était pas destiné à régner. Mais la stérilité de son frère aîné le prince de Piémont acheva de rendre sa situation plus attractive pour la dynastie. Victor-Amédée III le maria alors dans l'espoir de stopper le risque d'extinction de la Maison de Savoie. Le dessein matrimonial du roi était cyniquement clair et représentait une sorte de camouflet pour le couple héréditaire Charles-Emmanuel et Clotilde.
Bien que sans culture de gouvernement , les appétits dynastiques et politiques du duc d'Aoste deviendront de plus en plus perceptibles au cours des années suivantes dans un contexte tourmenté et fièvreux causé par les alarmes de la France révolutionnaire toute proche. Son intelligence et son discernement sont fortement mis en doute par les historiens et les contemporains et si certes on lui reconnait d'honnêtes qualités , la scène politique où il sera malgré lui immergé dépassait largement ses compétences.
IL était d'esprit étroit et borné, "pauvre d'intelligence et de savoir" et pire encore"la proie de ce qui l'entoure".
Au juste, son frère, Charles-Emmanuel n'était pas exempt de faiblesse non plus, mais le prince héritier savait peser ses décisions tandis que le duc d'Aoste inspirait peu confiance.
A partir de son mariage en 1789, les voeux de paternité exprimés par la Cour ne manqueront pas de le convaincre de son "utilité" pour la monarchie , mais aussi de son rôle dans l'Etat.
Pour sa part, Clotilde finira peu à peu par le prendre en grippe car elle pensait que le tempérament faible et influençable de son beau-frère pouvait servir de noyau de rassemblement à la Cour pour discréditer son mari.

Toutefois, sans la duchesse d'Aoste, ce prince n'aurait pas suscité les tensions et les jalousies qui naitront dans la famille royale. Les relations de Clotilde avec sa belle-soeur semblent avoir évolué dans le temps. Elle n'eut pas de rancoeur lorsque la jeune femme donna des enfants à la dynastie et la duchesse écrivit un jour 'qu'elle n'oublierai jamais tout ce qu'elle a fait pour moi et pour nous tous, peut-être en secret, car elle a sans doute empêché bien du mal et fait du bien dans sa vie."

En revanche, lorsque la duchesse d'Aoste devint reine de Sardaigne en 1802 dans des circonstances tragiques, elle révélera une nature "fantasque, imprévue, livrée à ses impressions, obstinée dans ses idées" ou encore habitée par "une volonté implacable, une haine eternelle, toute ambition inextinguible. De sa mère, Béatrice d'Este, elle tenait la souplesse et l'intrigue, de son père, l'archiduc Ferdinand d'Autriche, le froid et inflexible orgueil des Habsbourgs." Mais pour l'heure, la première marche de ses ambitions, reposait dans la fécondité de son ventre.

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 14:01




Dominique Poulin a écrit:
Mar 10 Aoû 2010 - 17:27




Suite du chapitre IV



Pourtant les noces du duc d'Aoste ne représentèrent pas l'événement majeur de la dynastie piémontaise en 1789.
De France, les troubles révolutionnaires ne manquèrent pas d'inquiéter la Cour de Turin qui d'une part craignait pour ses frontières très exposées du côté de la Savoie et d'autre part pour ses intérêts dynastiques et familiaux à Versailles.
De plus, l'histoire de la royauté sardo-piémontaise au XVIIIe siècle, est marquée par une centralisation étatique excessive. Les institutions et corporations locales, modestes relais du pouvoir, sont supprimées ou fortement dépouillées de leurs prérogatives par un État de plus en plus arbitraire. En sus, le renforcement de l'appareil militaire encouragé par les rois de Sardaigne, tend à instaurer un ordre "prétorien" nuisible à l'ordre civil et judiciaire , les abus de l'administration militaire sont perceptibles dans la population.
En outre, la Savoie, reléguée à l'état de province, supporte mal l'absolutisme piémontais, ses fonctionnaires et ses majors et les savoyards se détachent imperceptiblement d'une dynastie lointaine installée sur le sol italien. Philosophes et intellectuels sont délibérément ignorés par le pouvoir et beaucoup d'entre eux choisissent l'exil pour éviter les les mesquineries du gouvernement. Ils ne représentent pour l'État que "le surplus d'une nation" qui invoque son territoire "trop peu étendu pour nourrir des gens inutiles." !

Ainsi, dès l'été 1789, les nouvelles de la prise de la Bastille, de l'abolition des droits féodaux et de la Grande Peur qui gagne les campagnes traversent facilement les frontières de part en part.
D'emblée, le duché de Savoie est contaminé et on relève rapidement des incidents, populaires dans les villages qui dégénèrent parfois en émeutes frumentaires. Le climat se durcit, les paysans crient "A la lanterne, vive le Tiers État !", les impôts rentrent mal.
La fermentation des esprits ne tardera pas à se propager en Piémont et de là dans toute l'Italie.

Pour la première fois, depuis son accession au trône en 1773, le roi de Piémont-Sardaigne est confronté à une crise politique majeure. La Cour de Turin constate que les difficultés s'amoncellent désormais de jour en jour et elle n'est pas complètement rassurée par la présence de deux de ses princesses en France, les comtesses de Provence et d'Artois, malgré le ton confiant de leur frère Charles-Félix, duc de Genevois : "Lecture d'une lettre de Madame. Dans cette horrible révolte qui a éclaté en France, nos deux sœurs, grâce à Dieu, n'ont rien à craindre, moyennant la bonne conduite qu'elles y ont toujours tenue."

Pourtant, c'est justement la Révolution Française qui va provoquer très vite le repli à Turin d'une grande partie de la famille de la princesse de Piémont.

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 14:15




Dominique Poulin a écrit:
Lun 30 Août 2010 - 16:38




Suite du chapitre IV

Quant la France devient l'ennemie


Le 17 juillet 1789, sur l'ordre de Louis XVI, le comte d'Artois et ses fils, les ducs d'Angoulême et de Berry quittent la France. Tous les cousins Condé suivent le même sort, de même que le prince et la princesse de Conti. La comtesse d'Artois, pour une raison mal déterminée, restait à Versailles.
Avec l'accord de Louis XVI, Victor-Amédée III qui aimait par nature se montrer bon et munificent, acceptait d'accueillir près de lui son gendre et sa famille, ainsi que les Condé.
Malgré les revers des siens, qui mieux que Clotilde de France pouvait se réjouir de l'arrivée d'un frère adulé, peut-être son préféré ? Elle n'avait rien oublié de ses origines françaises.
Quant aux évènements qui ébranlaient le trône de Louis XVI, son frère aîné, ainsi que l'impopularité de Marie-Antoinette, elle les percevait dans une émotion pessimiste et fataliste, qui correspondait bien à son tempérament nostalgique.

Le comte d'Artois fut reçu officiellement le 14 septembre 1789 au château de Moncalieri, résidence estivale de la Maison de Savoie. En dehors du contexte politique pesant qui précédait cette arrivée, qui pouvait prévoir la réaction et les sentiments de sa soeur Clotilde ?
Le prince Charles-Felix a observé la scène de leurs retrouvailles : "Le Roi le conduisit chez la princesse de Piémont et nous l'y avons suivi. Elle attendait dans son cabinet avec la duchesse d'Aoste et Madame Félicité, parce qu'elle ne se sentait pas la force de soutenir cette entrevue en présence de tout le monde. D'abord qu'elle l'aperçut, elle se jeta à son col et s'écria "Ha ! mon frère !". Ils restèrent tous les deux fort longtemps embrassés et se donnèrent les marques de la plus grande tendresse." tandis que le prince Joseph-Benoit, comte de Maurienne, ajoutait : "Ils s'embrassèrent si serrés qu'ils en devinrent cramoisis." !

Dans la suite des princes de France, nombre de gentilshommes découvrirent cette soeur méconnue de leur souverain. L'un deux, le comte d'Espinchal déclarait que celle que l'on appelait autrefois "Le Gros Madame aurait à peine été reconnue d'aucun de nous, tant elle est changée, vieillie, maigrie. Elle a perdu ses dents et toute apparence de fraîcheur. Elle a cependant aujourd'hui seulement trente ans. Elle n'a point d'enfant. Cela manque à son bonheur car elle est parfaitement heureuse avec son mari qui a pour elle les plus grands égards, sentiment qu'elle a inspiré à toute la Cour. Elle est d'une extrême dévotion et très scrupuleusement attachée à l'étiquette de cette Cour qui n'en est que plus triste."


Après le comte d'Artois, Clotilde retrouvait avec une particulière émotion "son amie intime dès la plus tendre enfance" Louise de Bourbon-Condé, abbesse de Remiremont. Près de vingt ans plus tôt, les deux princesses s'appréciaient déjà beaucoup et la longue parenthèse qui les avait séparées n'altéra en rien leur complicité. Celle qu'on appelait jadis "Hébé" pour la délicatesse de ses charmes accusait alors un singulier changement et se présentait alors comme "une grosse fille, fort grande qu'on dit avoir été fort jolie, mais à cette heure elle ne l'est plus. Elle est fort timide et parle peu." Les deux cousines semblaient nées pour s'entendre et partager une amitié réciproque à toute épreuve et il était public dans tout Turin que la princesse de Condé avait une "conduite, des goûts, une façon de penser et des sentiments entièrement conformes" avec la princesse de Piémont.

Toutefois le ballet des émigrés de marque était bien loin d'être terminé... Le 20 septembre 1789, la famille royale accueillait la comtesse d'Artois visiblement submergée d'émotion de retrouver ses parents après seize ans de séparation : "Elle se précipita comme elle put, n'ayant plus ni jambes, ni voix, dans l'excès de sa joie. Elle embrassait tout le monde, sans les connaitre distinctement."
Princesse à la santé physique et psychologique fragile, elle sollicita les conseils de Clotilde et puisa chez sa belle-soeur la force qui lui manquait dans une confiance sans malice.

Des princes de Bourbon aux suites qui les accompagnaient, une véritable communauté française s'installa dans les Etats de Victor-Amédée III. Beaucoup résidaient à Chambéry comme la princesse de Conti, d'autres demeuraient à Turin.
Néanmoins, la cohabitation avec les émigrés les plus importants se révéla rapidement problématique et sujette à toute sorte d'incidents. Dès le 26 septembre 1789, le prince héritier se plaignait "de la trop grande familiarité du comte d'Artois" tandis que le duc de Genevois reconnaissait "s'être horriblement emporté sur l'impertinence des Français"!.

Bien que codifiée sur les rites et le cérémonial de Versailles, la Cour de Turin représentait un milieu diamétralement opposée par ses moeurs, son langage, ses goûts, ses plaisirs.
La Maison de Savoie supportait mal le ton et les manières du frère de Louis XVI qu'elle considérait comme désinvolte, hautain, "étourdi et insolent." D'ailleurs, la présence de sa maîtresse, la comtesse de Polastron, posa d'insolubles problèmes et le comte d'Espinchal prévenait que "le prince doit user de beaucoup de ménagements. Il se trouve au milieu d'une Cour très sévère sur le chapitre des moeurs. Le séjour de Madame de Polastron ferait un mauvais effet s'il se prolongeait trop longtemps. Tout cela est très embarrassant."

L'entourage du comte d'Artois ne pensait pas s'éterniser à Turin, mais malgré tout Victor-Amédée III s'était montré très généreux envers son gendre en lui assurant une pension, la disposition du palais Cavaglia, des serviteurs, des voitures et des chevaux.
Le prince continuait de mener un train honorable selon son rang malgré le spectre de l'exil. En outre, peu éloigné de la Suisse et du Dauphiné lui permettant de recevoir et de transmettre des renseignements, il prit immédiatement les commandes de la contre-révolution en devenant le chef naturel des émigrés.

En privé, Victor-Amédée III apprécia peu le rôle de son beau-fils, il craignait surtout pour les conséquences que pouvaient susciter ses intrigues politiques entre l'Etat Piémontais et l'Etat Français, la Révolution lui inspirait de la peur.

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 14:18




Dominique Poulin a écrit:

Le comte d'Artois fut reçu officiellement le 14 septembre 1789 au château de Moncalieri, résidence estivale de la Maison de Savoie.

... que voici :

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Message par Invité Lun 10 Mar 2014, 14:29

D'extérieur, ça fait un peu prison.

Invité
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 14:39




Dominique Poulin a écrit:
D'ailleurs, la présence de sa maîtresse, la comtesse de Polastron, posa d'insolubles problèmes et le comte d'Espinchal prévenait que "le prince doit user de beaucoup de ménagements. Il se trouve au milieu d'une Cour très sévère sur le chapitre des moeurs. Le séjour de Madame de Polastron ferait un mauvais effet s'il se prolongeait trop longtemps. Tout cela est très embarrassant."





Oh, que oui ! Et d'autant plus que Louise n'est pas arrivée seule, comme un chien dans un jeu de quilles : que non point ! elle est au milieu de toute la petite smala Polignac en exil , plus Vaudreuil, plus l'abbé de Balivière ... ça craint un max !  Smileàè-è\': 
On fait entendre à Mme de Polignac que son séjour en Piémont déplairait si elle voulait le prolonger, et décision est prise pour les fugitifs de pousser jusqu'à Rome .

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 14:41

Cosmo a écrit:D'extérieur, ça fait un peu prison.

Il faut voir, tu sais !  Very Happy  les jardins ... le soleil d'Italie ... La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 3 Minisoleil
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 14:59

Dominique Poulin a écrit:
Mar 15 Fév 2011 - 17:18



Après une longue absence de ma part, je vous présente la suite du chapitre IV consacré à Madame Clotilde, soeur de Louis XVI, mais il me faudra encore plusieurs jours pour taper tout ça !!! Shocked Shocked Shocked J'espère me faire pardonner avec ces premiers posts.



Suite du Chapitre IV

Quand la France devient l'ennemie 1789-1796




En 1790 les relations de la famille royale de Savoie continuent de se dégrader. Certes, Victor-Amédée III s'efforce de maintenir un semblant de concorde et il affiche publiquement sa tendresse pour ses petits-fils, les ducs d'Angoulême et de Berry qui l'appellent familièrement "Grand Papa". Mais s'il ne déteste pas son gendre, ses manœuvres politiques ne cessent de l'inquiéter. Le prince héritier Charles-Emmanuel joue un rôle équivoque au point que sa famille lui laisse "apercevoir que sa liaison avec cet étranger nous offensait beaucoup;"
Quant à la princesse Clotilde, après des retrouvailles très chaleureuses avec son frère, les chroniques, mémoires et journaux du temps se taisent sur ses sentiments envers ses parents exilés...
Peut-être faut-il voir dans ce silence, la volonté de ne pas se compromettre dans les projets contre-révolutionnaires de son frère qui de plus étaient susceptibles de provoquer des dissensions politiques entre l'État Piémontais et l'État Français.
A l'examen des sources, le seul parent que que la princesse de Piémont côtoie assidument est son amie, Louise de Condé qui "va fréquemment à la Cour autant pour y accompagner ses parents que pour voir Mme la princesse de Piémont". Aussi longtemps qu'elle le pourra, Clotilde soutiendra sa compagne d'enfance dans toutes sortes de services et de recommandations.

Cependant, aux yeux de la plupart des émigrés de marque en contact avec la Cour de Turin, la princesse de Piemont déstabilise les personnes non averties par l'extrême discrétion de sa vie quotidienne.
En dehors du rituel royal et des cérémonies officielles, Clotilde demeure invisible, plongée dans ses appartements dans l'humilité d'une piété rigoureuse. La Cour elle-même semble pétrifiée par le sérieux intransigeant de sa future reine et n'ose pas se démarquer de cette attitude hiératique : "Pour plaire à la princesse de Piémont et à son époux, on fréquente les églises et on remplit avec ostentation les devoirs de la religion. Je crois que si on consultait les goûts de ce pieux ménage, il n'y aurait pas de carnaval en Piémont. "
L'extrême dévotion du couple héritier et la rigueur monastique de sa vie finit par déconcerter la haute société Turinoise entrainant faux-semblants et mensonges dans le domaine des mœurs sévèrement surveillés par la Cour et "le prince et la princesse de Piémont paraissent y veiller."

Ainsi, tous les Français de passage à Turin paraissent déçus et accablés par l'impression de tristesse du couple héritier. Mme Vigée-Lebrun, peintre officiel de Marie-Antoinette alors en émigration, obtint une audience de la princesse dans l'espoir de la peindre "mais qu'ayant entièrement renoncé au monde, elle ne se ferait pas peindre. Ce que je voyais d'elle en effet, me semblait parfaitement d'accord avec ses paroles et ses résolutions ; cette princesse s'était fait couper les cheveux ; elle avait sur la tête un petit bonnet qui de même que toute sa toilette était le plus simple du monde. Sa maigreur me frappa d'autant plus que je l'avais vue très jeune avant son mariage, et qu'alors son embonpoint était si prodigieux, qu'on l'appelait en France appeler Le Gros Madame. Soit qu'une dévotion trop austère, soit que la douleur que lui faisaient éprouver les malheurs de sa famille, eussent causé ce changement, le fait est qu'elle n'était plus reconnaissable."
De l'apparence de son mari, Charles-Emmanuel, l'observation n'est pas plus rassurante : "Ce prince était si pâle, si maigre, que tous deux faisaient peine à voir."

Pourtant, si le couple héritier parait atypique par son style de de vie et la grande parcimonie de ses actes et de ses paroles -la princesse "ne parle qu'à très peu de monde"-, il ne manque assurément pas de discernement, de culture et de bonté.
L'ambassadeur de Russie à la Cour de Sardaigne, le prince Belosel'skyj décrit le prince Charles-Emmanuel comme "un homme plein d'esprit, qui pourrait émettre des opinions utiles et élevées, mais il les expose rarement."
Mais malgré ses réelles qualités, Charles-Emmanuel est à quarante ans un dépressif chronique que la médecine de l'époque est bien sur incapable de soigner et de soulager. Hypersensible, ses nerfs le plongent parfois dans des crises violentes qui le laissent prisonnier de ses accès d'angoisse et de mélancolie. De fait, cette santé psychologique fragile explique peut-être une volonté d'effacement et de discrétion dans sa vie : "on le connaissait peu, son caractère sombre et défiant l'avait tenu dans l'ombre."

La vie de la Cour de Sardaigne s'inspire largement de l'existence dévote et maniaque de sa famille royale ; le charme, la gaieté, la grâce et la spontanéité en sont bannis ! La réunion du cercle de la Cour ne prête pas à rire sous la plume du comte d'Espinchal ! :
"... Mme la princesse de Piémont et les princesses reçoivent le soir les dames. Voici ce qui se passe à ce sujet. Les princesses en grand habit sont assises, ayant derrière elles leurs dames de compagnie et leurs écuyers. Le roi et les princes se tiennent dans la pièce voisine, dont les portes sont ouvertes. On fait entrer toutes les dames. Au bout de quelques minutes, les princesses se lèvent et vont parler à toutes les dames, derrière laquelle se tiennent tous les hommes. Le cercle dure environ une heure. Je ne connais rien de si dignement ennuyeux. Quand on y a été une fois, on en a assez, à moins qu'un attachement pour une belle dame que l'on est bien aise de rencontrer, ne vous y ramène."

Néanmoins, si la Cour de Turin constituait un milieu mortellement maussade, elle n'en représentait pas moins la manne des faveurs et des prébendes, surtout dans le domaine militaire.
Le roi Victor-Amédée III se targuait de posséder une grande armée, ce dont il fut complètement abusé dès les premiers revers en 1792, mais pour l'heure il ne refusait rien aux solliciteurs. L'armée sardo-piémontaise comptait officiellement près de 100 000 hommes, mais dans la réalité elle ne disposait en situation d'affrontement que de 40 000 hommes ! Les soldats de Victor-Amédée III étaient capables de maintenir l'ordre dans les états de leurs souverain, mais pas de soutenir de longues campagnes. Il en fut ainsi en Savoie ou se multipliaient les rassemblements hostiles au contact de la fermentation française ; on renforça la troupe. Mais ce retour à un calme apparent ne trompa personne car après 1790 Turin commença sourdement à s'agiter par la réunion de sociétés secrètes d'inspiration jacobine.

C'est dans ce contexte de crise, qu'apparut les failles de Victor-Amédée III. Certes, son tempérament influençable et son penchant à l'indécision avaient déjà été relevés par les plus avertis, mais son manque de clairvoyance politique se révéla dans cette période critique. Certains notaient que sa propension à la bonté dépassait les limites de ses moyens ; elle était selon l'ambassadeur de Russie accrédité à Turin "dangereuse, voire même néfaste pour un roi" et de plus il ne savait pas réellement distinguer les hommes compétents ou méritants dans son entourage et son administration.
Cette déficience de discernement le desservira jusque dans le domaine de l'armée, sa passion, car "jusqu'à présent, il a été trompé sur l'héroïsme de ses officiers, la science et la valeur de ses généraux."



J'arrête pour aujourd'hui. J'ai encore beaucoup de pages à diffuser, mais j'ai mon manuscrit... A très bientôt !

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