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La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame"

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La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 Empty Re: La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame"

Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 15:25



Dominique Poulin a écrit:
Mer 16 Fév 2011 - 19:58


Suite chapitre IV



Quand la France devient l'ennemie



Avec le durcissement de la Révolution Française, l'émigration des fidèles de l'Ancien Régime redouble. C'est le cas des tantes de Madame Clotilde, Mesdames Adélaïde et Victoire de France. Ces princesses sexagénaires avaient alors choisi Rome comme refuge d'exil, mais auparavant de nombreuses étapes les attendaient en terre italienne.
Victor-Amédée III se fit un devoir d'accueillir les tantes de sa belle-fille le 12 mars 1791. L'arrivée des filles survivantes de Louis XV aviva la curiosité intéressée des Turinois car "un peuple immense et plus d'un millier de carrosses bordaient le chemin des princesses" ! Toutefois, les vicissitudes d'un voyage éprouvant altéraient beaucoup leur bonhommie et leur spontanéité, le duc de Genevois ayant remarqué "qu'elles parlèrent peu et parurent fort embarrassées."

En ce printemps 1791, le comte d'Artois quant à lui prenait définitivement congé de sa belle-famille, ce prince ne disposant plus des moyens politiques qu'il jugeait nécessaires dans ses visées contre-révolutionnaires. Il partait s'installer à Coblence en Allemagne Rhénane, chez son oncle maternel, le prince Clément-Wencesclas de Saxe, Électeur de Trèves.
De fait, sur ces deux événement familiaux, nous ne possédons pas de témoignage direct sur les sentiments de Clotilde. Il est permis de penser que pour les retrouvailles avec ses tantes, la princesse de Piémont manifesta dans l'intimité une émotion, caractéristique de son tempérament.

Par ailleurs, l'année 1791 fut décisive dans la position attentiste du Piémont-Sardaigne envers l'évolution constante de la Révolution Française. Les conséquences de la fuite avortée de Louis XVI et de Marie-Antoinette et de leur arrestation à Varennes convainquirent Victor-Amédée III que la monarchie française était plus que jamais en danger et que de surcroit ses propres États couraient un risque réel de propagation révolutionnaire. Dans le secret feutré des appartements royaux, le Journal du prince Charles-Félix nous renvoie quelques bribes du climat anxieux de la Maison de Savoie : "... Le Roi entra et nous annonça que Louis XVI, Marie-Antoinette avec le dauphin, la petite Madame et Madame Élisabeth avaient été arrêtés et qu'on les reconduisait à Paris... La pauvre princesse de Piémont s'est mise à pleurer et nous avons tous été très affligés de cette triste nouvelle."

Avec Varennes, les relations diplomatiques franco-sardes marquent un tournant. Louis XVI et Marie-Antoinette demeurent en termes cordiaux avec la famille royale de Savoie, mais le gouvernement et l'Assemblée émettent des divergences plus nuancées.
En premier lieu, le roi de Sardaigne a rappelé son ambassadeur en France, le marquis de Cordon, ce qui n'a pas produit un bon effet à Paris. Ces inquiétudes sont fondées, le souverain sarde ayant demandé l'aide militaire de l'Autriche en cas d'invasion de ses états, le risque de conflit généralisé entre la France et les puissances européennes se confirmant en 1792. Dans un premier temps, le cabinet de Vienne ne donnant que des réponses évasives et dilatoires, Victor-Amédée III ne peux compter que sur ses propres forces. Il va les exploiter en mobilisant son armée, ce qui n'échappe pas bien-sûr aux ministres et aux députés à Paris. Le général Dumouriez, ministre de la Guerre, le fait lourdement remarquer à Turin en écrivant que "les rassemblements de troupes qui se font dans le Piémont et le Milanais, le transport d'un gros train d'artillerie en Savoie, sont des circonstances selon lesquelles vous pouvez demander des réponses franches et promptes."

De son coté, Victor-Amédée III confiait ses opinions dans sa correspondance avec le prince Belosel'skij, nouvel ambassadeur de Russie à sa Cour, le ton est donné, il abhorre la Révolution Française ! :
"Vous ne pouvez pas douter de la haine profonde que doivent inspirer à tout être pensant les menées criminelles des scélérats français. Mais vous voyez vous-même que je suis dans la gueule du loup. Je suis contraint de dissimuler jusqu'à ce que notre Cour de concert avec celle de Vienne et de Prusse, les obligent à trembler jusque dans leurs foyers. Ah ! si votre impératrice régnait plus près de nous, un désastre pareil serait-il jamais arrivé ? Croiriez-vous que je suis occupé depuis deux ans, qu'à repousser les traits envenimés de la politique de ces malheureux. Tous les jours, on arrête des émissaires qui sèment l'argent et des lettres incendiaires pour soulever ici le peuple et même l'armée."

En ce printemps 1792, la France commençait à savoir à quoi s'en tenir avec son voisin sardo-piémontais, la Cour de Turin ayant refusé d'accréditer son ambassadeur, Mr Sémonville. Toutefois, de Paris, la menace austro-prussienne paraissait d'autant plus urgente, et pour gagner du temps Victor-Amédée III s'entendait à user de toutes les subtilités diplomatiques.
Pour sa part, le prince héritier Charles-Emmanuel n'opinait pas dans la direction de son père sachant que la France était de loin bien supérieure en hommes et en moyens en blâmant l'augmentation ruineuse des dépenses militaires préconisées par son père. En outre, il était réservé envers les négociations d'alliance avec l'Autriche, insistant sur le fait que dans tous les cas, la Cour de Vienne privilégierait ses propres intérêts en n'hésitant pas au besoin à léser gravement les intérêts piémontais.
Pour la première fois, à quarante ans, le mari de Clotilde avouait son désaccord avec la politique royale, mais son tempérament contemplatif et son manque d'ambition limitèrent la portée de son influence. Par ailleurs, conscient des bouleversements politiques à venir en Europe, face au ferment révolutionnaire, il avait dit à cette époque : "Ceux qui ont envie de régner, n'ont qu'à se dépêcher...". Présageait-il déjà la dureté et l'inanité de son avenir ?

C'est dans ce contexte d'inquiétude générale que la vie de famille de la dynastie de Savoie continuait son cours. Au printemps de 1792, la princesse Marie-Joséphine de Savoie, comtesse de Provence faisait son entrée à Turin, suscitant l'intérêt de ses proches qui ne l'avaient vue depuis des années. Son père, ses frères et sœurs savaient qu'elle n'avait guère été heureuse à Versailles, entre un époux avec qui elle partageait peu de choses et une famille d'adoption où Marie-Antoinette plus brillante et charismatique occupait toute la scène de la Cour de France. Déçue dans la faillite de son mariage, sans influence, la princesse avait sombré peu à peu dans une mélancolie chronique que nous appellerions de nos jours une dépression nerveuse. Elle ne sut pas accommoder ses sentiments personnels et le plaisir d'une situation matérielle exceptionnellement somptueuse en tant qu'épouse de Monsieur, frère de Louis XVI, qui aurait pu lui permettre de jouir un peu de la vie. De complexion nerveuse, comme son frère le prince de Piémont et la comtesse d'Artois, elle avait sombré peu à peu dans un alcoolisme peu reluisant occasionnant "quelques scènes dégoutantes" selon le comte de Mercy-Argenteau. Le scandale avait été général à Versailles affaiblissant encore son peu de crédit.
En 1789, Madame avait été impliquée dans une ténébreuse affaire de mœurs révélant ses penchants pour les femmes. Affaire qui avait même provoqué l'envoi d'une lettre de cachet contre son amie et lectrice Madame de Gourbillon.
Bref, c'était pour le moins une princesse originale, intelligente et vive certes, mais fragilisée dans son corps et dans son psychisme que retrouvait sa famille de sang. La première impression fut favorable pour son frère Charles-Félix : "Elle a beaucoup d'esprit et de fermeté et est de ces personnes faites pour jouer un rôle". Mais libérée de son mari et des contraintes de la Cour de France, elle n'allait pas tarder à provoquer du charivari dans la monotonie compassée de sa famille ! Sa belle-sœur Clotilde qui l'appréciait beaucoup vingt ans plus tôt à Versailles, tentera de jouer un rôle de médiatrice dans les drames de la comtesse de Provence, mais peu habile pour ce rôle et probablement déconcertée par son extrême agitation, elle échouera. On le verra plus loin.

En revanche, la princesse de Piémont rencontra davantage de succès avec la comtesse d'Artois. Installée à Turin dès 1789, elle avait assisté dans la douleur aux départs de son mari et de ses enfants à Coblence. Bonne par nature, mais sans esprit et peu liante, elle vivait depuis longtemps une existence étriquée à travers de graves alertes de santé. Elle était fragile sur tous les points. Toutefois, une grande piété la soutenait, mais le goût de vivre la quittant, elle fit part de se retirer de toute vie publique. Elle était parvenue assez loin dans ce projet pour que son frère Charles-Félix confie : "Elle nous a dit qu'elle avait pris la résolution de ne plus retourner en France quand même les choses se seraient accommodées en France et qu'elle se retirerait dans un couvent."
Curieusement, Clotilde qui menait par bien des égards la vie d'une carmélite, convainquit sa belle-sœur de ne pas entrer en religion, lui démontrant que sa famille la désirait près d'elle et que mère de deux fils, ces derniers étaient trop jeunes pour la voir derrière la clôture.
Mais en religion ou pas, la comtesse d'Artois continua à broyer du noir en confiant un jour à sa dame d'honneur, la duchesse de Lorge : "Je deviens d'une sauvagerie terrible, je suis prête à tomber dans le découragement et l'apathie...".
Pour pessimiste qu'il soit, ce témoignage n'en est pas moins froidement lucide sur sa nature tourmentée !
La comtesse d'Artois aurait-elle été moins sotte qu'on l'a dit ?



La suite et fin du chapitre IV la semaine prochaine.




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...    demain est un autre jour .
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 15:33

Afin de laisser le temps à Dominique de souffler un peu, et pour le plaisir des yeux, voici deux forts beaux échantillons de la faïence de Turin, au XVIIIème ...    Very Happy 


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Zoomons !  :n,,;::::!!!: 

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 16:09

Dominique Poulin a écrit:
Lun 7 Mar - 16:50


Je continue de diffuser la suite du chapitre IV, mais je sais déjà que je n'aurai pas fini avec mon chapitre aujourd'hui...  Shocked . Mais j'avance, j'avance...  Very Happy 


Suite du Chapitre IV


Quand la France devient l'ennemie 1789-1796



C'est à cette époque que parvint à Turin le comte de Provence, gendre de Victor-Amédée III. L'accueil de la Maison de Savoie fut correct, mais sans chaleur marquée, le roi de Piémont-Sardaigne ayant préféré éviter l'hospitalité à un prince aussi politiquement gênant que l'était Monsieur.
Sans doute le roi ne désirait-il pas le retour dans sa capitale d'une coterie d'émigrés comme celle du comte d'Artois quelques années plus tôt. Mais en 1793, la situation des princes émigrés était diamétralement opposée à celle de 1789 : le comte de Provence n'avait plus d'argent, comptait ses soutiens politiques sur les doigts d'une main et ne parvenait pas à imposer son titre fictif de "Régent de France" auprès des souverains de l'Europe.
Même son beau-père refusait de le reconnaitre !

On aurait apprécié connaître l'attitude de la princesse Clotilde à l'égard de son frère car elle avait chaleureusement accueilli le comte d'Artois quatre ans plus tôt, mais pour le comte de Provence la documentation française est muette.
Nonobstant cette lacune, on peut légitimement penser que Madame Clotilde reçut son frère avec les égards filiaux que les liens de famille imposaient à un moment aussi troublé. A travers le comte de Provence aux manières cauteleuses et aux sentiments évanescents, sa sœur Clotilde apparaissait diamétralement différente. Dénuée d'affectation et de tempérament émotif, alors que Monsieur était réputé vaniteux et de nature flegmatique, la princesse de Piémont semblait manquer de jugement et peut-être de finesse d'esprit.
Elle n'avait pu totalement méconnaître la cabale feutrée du comte de Provence pendant le règne de Louis XVI et de plus la voie politique adoptée par Monsieur en 1791-1792 n'avait qu'exacerber davantage les tensions autour de la monarchie française.
Pensait-elle son frère capable d'un égoïsme sans mesure ? Ce n'est pas certain car elle l'appelait "Mon bon, cher et adorable frère" lorsque celui-ci devint en 1795, "Roi de France" en exil sous le nom de Louis XVIII. A Turin, son embonpoint colossal le fit paraitre "gros comme un ballon" et accablé par les crises de goutte, il rendait visite à sa belle-famille en chaise à porteurs. Monsieur ne devait rester que quelques mois à Turin, car dès le mois de mai 1794 il s'installait à Vérone.

Par contre, la femme de Monsieur avait rejoint les siens dès 1792 et la famille royale de Savoie constata rapidement les profonds changements dont la princesse était affectée. Il est probable que la Maison de Savoie connaissait depuis longtemps son goût pour l'ivresse mais la proximité désormais immédiate de la comtesse de Provence lui révéla l'ampleur de ses troubles. Ses colères, ses caprices, ses exigences et ses malaises divers devinrent la fable de la Cour de Turin. Un jour elle est "fort ivre", un autre, elle est "d'humeur noire"... A d'autre moments, elle ignore ostensiblement certaines parentes comme la duchesse d'Aoste ou la princesse Félicité. En somme, de cette famille royale sans talent, mais apparemment unie, elle attire la discorde et la division.
Mais davantage que sa santé "absolument détruite" selon sa sœur la comtesse d'Artois, la présence et l'influence de sa lectrice, Madame de Gourbillon, suscite commentaires oiseux et critiques malveillantes. Il est difficile de déterminer la nature de la relation des deux femmes sans pour autant édulcorer le goût de Marie-Joséphine de Savoie pour son sexe. Cependant, rien ne permet d'affirmer qu'elle eut des liens charnels avec sa lectrice et certaines de ses lettres tendraient à appuyer cette thèse. Car au-delà de la question de mœurs, Marguerite de Gourbillon, femme de tête envahissante, apparaissait comme un mauvais génie, une sorte de Léonora Galigaï, une "maudite saurcière" selon l'expression du duc de Genevois !
La famille royale la rendait responsable à tort des dérèglements de la comtesse de Provence et Clotilde faisait partie des détracteurs de l'amie de sa belle-sœur. Pourtant, il est probable que ni Clotilde, ni aucun proche, ne comprenait grand-chose à la "maladie" de Marie-Joséphine, les troubles psychiques comme tels ne faisaient pas partie de la science médicale. On reconnaissait bien les symptômes de son malaise à travers son "humeur noire" puis de ses crises d'abattement, mais on était bien incapable de faire un diagnostic.

De fait, bien que séparée de Monsieur, Madame n'en était pas moins liée par le mariage. C'est pourquoi, Victor-Amédée III et le couple héritier se concertèrent au milieu des années 1790, pour prévenir le comte de Provence des alarmes que leur occasionnaient le comportement étrange de Marie-Joséphine et sa relation équivoque avec Madame de Gourbillon. La comtesse de Provence à la fin de sa vie disposait d'assez d'éléments à charge pour faire savoir à sa chère amie que sa famille avait joué un rôle dans sa défaveur. La princesse associait sa belle-sœur Clotilde comme responsable de ses malheurs : "... Je vais vous dire le sujet de votre disgrâce. C'est mes parents qui ont fait un crime au Roi (Louis XVIII ex-comte de Provence) de trop de complaisance maritale. J'ai les preuves de ce que je vous dis : j'ai vu les lettres de mon père, de ma sœur la princesse de Piémont et de mon frère aîné."
Toutefois, faute d'autres documents directs sur le jugement de Clotilde envers "le couple" de sa belle-sœur, il serait aléatoire d'avancer d'autres arguments.

Pendant ce temps, de l'autre versant des Alpes, la marche de l'histoire poursuivait inexorablement son cours. La Révolution Française resserrait son étau sur les derniers vestiges de la monarchie et la princesse de Piémont assistait impuissante à la déchéance de son frère Louis XVI avec la prise des Tuileries le 10 août 1792, l'incarcération de la famille royale et la proclamation de la République le 22 septembre 1792. A ce moment, la Maison de Savoie comme toutes les autres dynasties européennes était pendue aux nouvelles d'une part sur la progression des armées austro-prussiennes sur la frontière nord-est de la France et d'autre part sur le sort réservé à Louis XVI et à sa famille.
Sur le premier point, le roi de Piémont-Sardaigne comptait ses maigres chances de succès, surtout pour la défense de ses possessions immédiates avec la France car le monarque s'attendait à un moment ou à un autre à une attaque d'envergure. Le souverain déclarait à l'ambassadeur de Russie :
"Vous voyez que pour le présent, je suis isolé...je ne suis pas assez fort... l'étendue de mes frontières de Genève à Nice est énorme, la Savoie et le comté de Nice sont des pays ouverts... Au surplus, chez nous il y a beaucoup de têtes gagnées par les idées insensées des français. Quant à mes troupes, elles sont dans un état satisfaisant. Je les ai disposées aussi bien que j'ai pu, pour l'avantage des armées Allemandes. Le corps autrichien qu'on m'a envoyé est très faible. Si je lui donne à présent l'ordre de marcher, Montesquiou en l'apprenant ne tarderait pas à faire irruption en Savoie avec sa bande de brigands. J'attends toujours des nouvelles de quelque victoire importante du duc de Brunswick, et provisoirement je reste suspendu comme l'araignée au fil de sa toile."

En second lieu, la position de la famille de Clotilde demeurait tout autant préoccupante et malgré l'absence de témoignage direct pour l'année 1792, on peut être persuadé de l'extrême affliction de la princesse de Piémont face à tant d'événements dramatiques. Mais contrairement aux alarmes, ce ne fut ni Louis XVI, ni Marie-Antoinette, ni les enfants royaux, ni Madame Élisabeth qui furent d'abord touchés dans leurs vies, mais une parente éloignée, la princesse de Lamballe.
Marie-Thérèse de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, appartenait par sa naissance à une branche cadette de la Maison de Savoie, les princes de Carignan, et par son mariage en 1767, à la Maison princière de Bourbon-Penthièvre issue de Louis XIV et de Mme de Montespan. Prématurément veuve, elle était devenue l'amie intime de Marie-Antoinette avant d'être éclipsée par Mme de Polignac.
Sous la Révolution, malgré l'éclatement de la Cour de Versailles et la fièvre anti-aristocratique qui sévissait, elle refusa de quitter Marie-Antoinette. C'est ce qui provoqua sa perte lors de la chute de la monarchie ; elle fut massacrée de façon ignominieuse, la tête fichée au bout d'une pique le 3 septembre 1792. Il est vrai que la princesse de Lamballe dans ce moment crucial cumulait de lourds handicaps : elle était par son mariage, princesse rattachée à la maison de Bourbon, ce qui n'était pas de bon augure. Elle avait surtout été l'amie et la surintendante de la maison d'honneur de Marie-Antoinette ce qui constituait une faute innommable pour certains sans-culottes qui n'avaient pas froid aux yeux pour la tuer. Pour eux, elle devait mourir.

La fin du mois de septembre 1792 sonna le glas des possessions ancestrales de la Maison de Savoie. En peu de jours, et avec une facilité déconcertante, la France républicaine arracha le duché de Savoie et le comté de Nice.
Le 24 septembre 1792, le général piémontais Lazary quittait la place de Chambéry et renonçait au contrôle de la Savoie face aux troupes du général de Montesquiou. En quelques jours, toute la province céda devant l'avance des "Soldats de La Liberté". La retraite et la débandade de Lazary sous la pluie et dans la boue ulcéra Victor-Amédée III au point de mettre le général aux arrêts et de le présenter devant un tribunal militaire. Nice céda aussi rapidement. Le général Anselme franchi le Var dans la seconde moitié de septembre tandis que la flottille de Truguet jettait l'ancre devant le port. La ville ouvrit ses portes le 29 septembre et les forts de Mont-Alban et de Villefranche capitulaient devant la cavalerie française.

Pour une bonne part, ces conquêtes-éclairs du grand voisin français étaient déshonorantes pour la royauté sardo-piémontaise, elles accréditaient la vulnérabilité de l'État et affaiblissaient son prestige auprès du peuple et des autres royautés européennes. Mais à travers cette conjecture, le fruit était mûr depuis longtemps : savoyards et niçois directement limitrophes avec la France s'inspiraient des idéaux de ce pays et la révolution n'avait fait qu'exacerber leurs sentiments avec dans leurs contrées avec le maintien des derniers vestiges de la féodalité comme les dimes.
Dès l'été 1789, des troubles avaient éclaté et beaucoup désiraient se mettre "sur le pied de France".
De surcroit, la rivalité qui les opposait depuis des décennies avec la tutelle de l'administration piémontaise sur leur sol, source de conflits et de rancœurs tenaces, les rejetait dans l'orbite de la France. D'ailleurs, pour bien manifester leur désaffection à Victor-Amédée III, les Chambériens s'étaient empresses d'arborer des cocardes blanches sur la queue de leurs chiens ! A Turin, l'amertume était évidente. Victor-Amédée qui s'était tant félicité de la réforme de son armée réalisait dans la douleur "qu'il avait besoin de troupes, non pas sur le papier, mais en effectif".
Sur cette question, un diplomate présentait ce constat : "... on voyait beaucoup d'états-majors, beaucoup d'officiers, beaucoup de régiments, de bataillons, mais très peu de véritables soldats ; plus d'officiers de la noblesse et de la cour, que de guerriers."



Voila ! je reviendrai pour la suite de mon chapitre ! J'espère en voir le bout... du tunnel !  :n,,;::::!!!: 


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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 16:24




Louis XVI n'avait pas du tout apprécié non plus la Gourbillon de sa belle-soeur  La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 3249736284  :

"De par le Roy, il est ordonné à la dame Gourbillon de se retirer aussitôt après la notification du présent ordre de la ville de Versailles et de se retirer incontinent en celle de Lille en Flandre auprès de son mari, faisant Sa Majesté défense à ladite dame Gourbillon de désemparer de ladite ville de Lille jusqu'à nouvel ordre de sa part à peine de désobéissance. Versailles, 19 février 1789."


La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 14e3pu10
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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 16:42

Dominique Poulin a écrit:
Mar 12 Avr - 17:48



Suite du chapitre IV


Quand la France devient l'ennemie 1789-1796



Les années 1793 et 1794 représentèrent pour Clotilde une période d'indicible douleur et l'imprimèrent à jamais dans une souffrance et une résignation morbide. Elle ne put surmonter vraiment tous les chocs répétés dont son corps et son psychisme furent victimes.
Au travers de la perte de sa famille française et de la lente désintégration de la monarchie sardo-piémontaise, seul le secours de la religion lui donna la force de continuer à vivre et de se tenir debout. Elle apprit le 4 février 1793 l'exécution de son frère Louis XVI et "faisait pitié et montrait une grande vertu" selon son beau-frère Charles-Felix, puis celle de Marie-Antoinette, enfin celle de Madame Elisabeth en mai 1794. Sa soeur cadette incarnait la mémoire de son enfance à Versailles, sa confidente et sa compagne de jeux autant que le miroir de son adoration mutuelle envers Dieu. De fait, déjà profondément éprouvée par la mort du roi et de la reine, la disparition de sa soeur cadette ne pouvait que la dévaster davantage.
La famille royale de Savoie savait combien la princesse de Piémont était attachée par un lien indestructible a sa soeur. Qui lui apprendrait cette traumatisante nouvelle ? Le chef de famille, Victor-Amédée III ? Non. Ce fut finalement l'époux de Clotilde qui se chargea de cette ingrate mission. Le prince héritier Charles-Emmanuel entra dans les appartements de sa femme, un crucifix à la main, puis contemplant Clotilde dans le fond des yeux, il eut le courage de lui dire :" Il faut faire à Dieu un grand sacrifice." La princesse comprit, mais rompue par l'émotion, elle s'évanouit.

De tous les menbres de la famille royale de Savoie, c'est sans aucun Clotilde qui porta le poids de la tragédie lors de ces années noires.
La Cour de Piémont-Sardaigne, déjà recroquevillée sur elle-même depuis bien longtemps, croulait sous la vieillesse attristée de son souverain Victor-Améde III et la neurasthénie du couple héritier. Quelques timides rayons de lumière percèrent parfois cette atmosphère plombée. La duchesse d'Aoste donne des enfants au monde.
A la fin de 1792, une fille, Marie-Béatrice, voit le jour. Un peu plus tard, un héritier, un petit Charles-Emmanuel, donnera l'illusion de la relève des générations, mais il ne passera pas la petite enfance.
Ainsi, sur le plan dynastique, c'est la duchesse d'Aoste qui portait les espoirs. La princesse de Piémont n'avait pas ou pu devenir mère, et bien qu'âgée de 33-34 ans, sa santé brisée avait définitivement fermé cette promesse.
C'est vers cette époque que le duc et la duchesse d'Aoste commencèrent timidement à prendre une importance accrue auprès des courtisans. L'avenir et la résistance de la monarchie piémontaise face aux périls intérieurs et extérieurs semblait reposer sur eux un jour face à un roi dépassé par la situation et par le prince et la princesse de Piémont murés dans leur isolement religieux et mystique.
Non pas que le mari de Clotilde n'ait abdiqué ses droits ! Il participait aux conseils et avait finalement à contre-coeur opté pour la carte de l'Autriche pour sauver son pays menacé d'une invasion française après l'occupation de la Savoie et de Nice. En 1793-1794, le danger paraissait si grand que seul l'Autriche paraissait suffisamment puissante pour protéger le trône de la dynastie, mais d'une part, la chancellerie de Vienne n'avait envoyé qu'à peine plus de 10 0000 hommes, effectif insuffisant pour dissuader les français, et de l'autre Victor-Amédée III avait dû accepter que son armée soit commandée par des généraux autrichiens !
Cette ingérence étrangère ne remporta pas les suffrages : "Les Allemands amis font plus de mal que les Français ennemis" disait-on. Pour conclure cette étroite collaboration, le roi avait signé avec l'Autriche le traité de Valenciennes le 29 mai 1794.

Après la perte de Nice et de la Savoie en 1792, s'ensuivit les années suivantes, un épisode peu connu, "La Guerre des Alpes" qui préfigure la Campagne d'Italie de 1796.
La Maison de Savoie ne s'estimait pas vaincue dans la perte de ses provinces périphériques et elle engagea au cours de l'été 1793 une contre-offensive afin de reconquérir les territoires perdus. Mais bien qu'ayant réinvesti les régions de Tarentaise et de Maurienne, les troupes Piémontaises durent refluer dès septembre devant l'avance du général Kellerman.
Il était clair qu'à moyen ou long terme, la France engagerait le moment voulu une vaste campagne contre la Maion de Savoie en Piémont et contre les autres trônes italiens. De plus, la déclaration officielle de guerre du Piémont-Sardaigne à la France au printemps 1793 qui entrait ainsi dans la coalition anti- française aux cotés de l'Autriche et de l'Angleterre justifiait ce calcul. Il ne restait plus à Victor-Amédée III qu'à fortifier ses forteresses militaires pour préserver ce qui lui restait de ses Etats.

Par ailleurs, à l'exception du prince héritier Charles-Emmanuel, peu porté sur les armes et à la santé vacillante, les princes de Savoie ne restaient pas inactifs. Les ducs d'Aoste et de Montferrat commandèrent des unités dans les Alpes, tandis que le duc de Chablais stationnait sur les hauteurs de Nice.
Pour l'époux de Clotilde, ce retrait de la scène militaire dans un contexte de crise, ne pouvait que le desservir, ce que les autres princes, en particulier son frère cadet, le duc d'Aoste ne manquerait pas d'exploiter en cas d'opportunité politique. Nous y reviendrons.

Face au péril extérieur des armées françaises, la monarchie sardo-piémontaise était confrontée au péril intérieur révolutionnaire de l'agitation jacobine. Ce mouvement alors peu étendu jusqu'en 1792, avait pris de l'importance surtout à Turin et dans des villes secondaires comme Alba ou Alexandrie. Mais de fait, l'émergence de ces clubs et sociétés secrètes aux tendances diverses, ne disposaient pas de ligne politique cohérente, en raison de leur clandestinité et de leur éclatement.
Ces faiblesses profitèrent au gouvernement central, en étendant la surveillance et la délation à la moindre susceptibilité d'activité jacobine... L'armée et la police répriment durement les promoteurs de la Révolution Française quand le trône de la dynastie de Savoie est en jeu. Plusieurs conspirations contre la monarchie échouent, des dirigeants révolutionnaires comme Francesco Junot et Giovanni Chantel sont pendus en 1794 et la répression disperse les clubs patriotiques découverts.

Les rumeurs de conjurations contre la Maison de Savoie parviennent rapidement à Naples ou la reine Marie-Caroline confiait au marquis de Gallo, attaché à Vienne : "Les lettres surprises à Turin ont fait découvrir une trahison infâme contre la vie et la sécurité du roi et de la famille royale. On a emprisonné un assez grand nombre de gens ; d'autres ont pu s'enfuir. On a trouvé deux pistolets chargés sur un garde du corps en faction à la porte du roi."

Mais comme dans toute l'Italie, de Turin à Milan, de Parme à Rome, de Florence à Naples, les lieux de réunion renaissent, s'organisent, commentent les évènements de France. La Révolution Française étend la toile de ses idées sur une grande partie de l'Europe et les monarques viscéralement attachés à l'Ancien Régime comme Victor-Amédée III, Charles IV en Espagne ou Ferdinand IV à Naples qui ne comprennent pas cette nouvelle donne le paieront au prix d'humiliants traités et certains d'entre eux y perdront leurs couronnes ou leurs possessions continentales.

En France, avec la chute de Robespierre le 9 Thermidor et la fin de la Terreur, une page de l'histoire politique de la Révolution s'achevait. La Convention Nationale, épurée de ses organes les plus extrémistes décida de traiter avec certains Etats monarchiques dans le but de les séparer de leurs alliances avec l'Autriche et l'Angleterre qui représentaient alors les ennemis les plus puissants de la République Française. "La diplomatie à coups de canon" selon l'expression du ministre Merlin de Douai n'était plus la règle priviligiée.

Après la Toscane en février 1795 puis la Prusse en avril, l'Espagne signa la Paix de Bâle le 22 juillet. L'article XV du traité de Bâle stipulait que la République acceptait la médiation du roi d'Espagne en faveur du roi de Sardaigne et des souverains et Etats italiens pour le rétablissement de la paix entre la France et chacun de ces princes et Etats. Dans cette optique, il est possible que le roi Charles IV d'Espagne ait ouvert des pourparlers avec Victor-Amédée III, les deux monarques étaient d'ailleurs beaux-frères.
Pourtant en 1795, la partie était loin d'être gagnée pour que le royaume sardo-piémontais cesse sa position hostile envers la France ! Le roi de Sardaigne n'avait pas de mots assez durs pour tous ceux qui de près ou de loin avaient pactisé avec le régime révolutionnaire, les égratignant au passage de "scélérats" et de "brigands"...

En outre, au même moment, l'animosité du souverain ne fit que se renforcer avec au nom de la France, la spoliation d'une partie de ses biens. En effet, en raison du coût de la guerre, les finances de la monarchie sardo-piémontaise étaient sérieusement obérées, et la perte de la Savoie, de Nice et la multiplication des désordres intérieurs au Piémont et en Sardaigne avaient diminué d'autant les recettes fiscales de l'Etat.
Afin de parer cette plaie financière, Victor-Amédée III se décida à emprunter en Hollande en juin 1794 auprès de la maison Renouard. Les agents du roi de Sardaigne obtinrent 760 000 florins tandis que le monarque remettait en garantie pour plus d'un million de joyaux qui furent déposés à la banque centrale d'Amsterdam. Ces bijoux étaient répartis dans six boites dans un amoncellement de diamants, de perles, de saphirs, de rubis et d'émeraudes, montés en colliers, aigrettes, boucles d'oreilles, bracelets, chaines, agrafes, croix, boucles de ceinture...
Victor-Amédée III et ses descendants ne reverront jamais ces trésors qui constituaient vraisemblablement une part de leur fortune patrimoiniale.

Moins d'un an plus tard, la France envahissait la Hollande et ne tarda pas à découvrir l'existence de cette manne. La République Française manquait elle aussi cruellement d'argent et ne s'embarrassait pas de scrupules pour s'en procurer ! Le 11 mai 1795, les représentants du peuple proclamèrent que "tous les objets appartenant aux gouvernements ennemis de la France se trouvant dans les Provinces-Unies étaient acquis à la République...".
Acheminés et expertisés à Paris, les trésors de la Maison de Savoie furent alors vendus à Constantinople qui représentait une grande plaque tournante sur le marché des gemmes.

Mais malgré la grande prévention du roi de Piémont-Sardaigne envers le régime républicain, de secrètes et tortueuses négociations furent nouées entre les deux belligérants. Toutefois, les intérêts particuliers de chacun étaient tout différents et la base d'une entente réciproque digne d'un Machiavel !
D'une part la France avait pour objectif d'abaisser la Maison d'Autriche en Italie par la prise du Milanais, puis dans un second temps, par la destruction du Saint-Siège à Rome. Dans l'optique du premier but, elle ne désepérait pas de gagner Turin à sa cause afin de s'allier avec elle dans un front offensif commun. En retour, en cas de victoire, Paris proposait à Victor-Amédée III, l'offre de la Lombardie, territoire enlevé aux Autrichiens, ou bien la Ligurie qui donnerait au Piémont un débouché sur la mer.
Ce point, il est vrai, correspondait à l'ambition angulaire de la Maison de Savoie qui souhaitait depuis longtemps s'emparer de l'Etat milano-lombard afin de s'implanter plus avant en Italie.
De part et d'autre, les négociations se déroulèrent en terrain neutre. L'une d'elle fut traitée entre Barthélemey, ambassadeur de France en Suisse et le marquis de San Fermo, ambassadeur de Sardaigne à Venise. La proposition de la légation française de Bâle à San Fermo reposait à première vue sur des sables mouvants !! :
"Le gouvernement sarde devrait s'allier secrètement à la France et tout en paraissant l'allié de l'Autriche, agir en dessous-main et travailler traitreutesement à livrer à la France les places occupées par les Autrichiens. Les places une fois reprises, le roi se rangerat ouvertement du coté des Français, ferait avec eux la guerre et recevrait une récompense."
Afin de se rendre crédible, la diplomatie française lissait ses arguments dans le but inavoué de flatter le cabinet piémontais : "Il faut chasser pour toujours les Autrichiens de l'Italie. Votre sureté à enir en dépend. La France veut vous délivrer pour toujours du joug autrichien. Notre dessein invariable est de faire votre souverain roi de Lombardie."
Turin n'accepta pas le marché.
Entre les deux parties, la méfiance, la duplicité et le manque de clarté politique achoppèrent devant trop de difficultés. Pour la Maison de Savoie, un retournement complet des alliances s'avérait extrêmement risqué si les choses tournaient mal.
En cas de trahison avérée, Vienne n'aurait pas hésité à causer le plus grand tort à Victor-Amédée III en démembrant ce qui restait de ses Etats. De surcroit, d'un point de vue moral, un rapprochement politique avec la France républicaine présentait des anomalies irréconciliables : comment Victor-Amédee III aurait-il pu s'allier avec Paris alors que trois de ses enfants étaient mariés avec des Bourbons ? de quels fondements le souverain pouvait-il user avec sa belle-fille devant une question ou les qualités de coeur et l'honnêteté n'avaient rien à faire ?
Clotilde, princesse de Piémont et épouse de de l'héritier du trône ne pouvait fondamentalement pas en 1795 souscrire à une telle orientation de sa famille d'adoption, alors que ses proches avaient subis tant d'avanies avant d'être exécutés. Certes, il ne semble pas qu'elle n'ait jamais eue une tête politique solide, mais son amour propre et sa dignité à travers une telle éventualité, auraient été éclaboussés et meurtris au point qu'elle aurait été en droit de quitter la Cour de Turin. Mais le roi et le prince héritier Charles-Emmanuel l'aimaient et la respectaient trop pour lui infliger un tel affront sachant d'ailleurs tant elle souffrait à cette époque.
Si Victor-Amédée III consentit à ouvrir des discussions avec les "brigands", il ne le fit que du bout des lèvres et il apparait à tout point de vue que cette initiative relevait davantage de son cabinet. Les ministres du roi dépendaient de la seule politique, mais le chef de la famille royale avait le devoir sacré de maintenir la cohésion dans la famille, contre quoi d'inextricables problèmes seraient survenus avec deux gendres, chefs naturels de la Contre-Révolution en France. Quelques années plus tard, Joseph de Maistre, ambasadeur de Sardaigne à Saint-Petersbourg, confiait sur cette affaire : "Si nous avions voulu nous allier avec les français, V.M serait dans ce moment roi d'Italie ; mais une alliance avec les hommes qui commandaient alors aurait été trop immorale, trop dangereuse...".

Au début de 1796, la France et le royaume de Piémont-Sardaigne activent leurs préparatifs de guerre ; elle est inévitable, Turin ayant finalement décliné toutes les propositions d'alliance de Paris. Le 2 mars, le Directoire nomme Bonaparte, Commandant en Chef de l'Armée d'Italie. Les principes de droiture et de loyauté de Victor-Amédée III ont eu raison de son cabinet, notamment du comte d'Hauteville, son ministre des Affaires Etrangères qui inclinait pour un rapprochement avec la France du Directoire. Le ministre déclarait au marquis Gherardini, ambassadeur d'Autriche à Turin que "Sa Majesté au comble de l'indignation m'a ordonné de répondre qu'elle s'ensevélirait plutôt sous les ruines de son pays que d'écouter des propositions contraires à son honneur et à sa religion...".
Devant l'annonce d'une invasion prochaine, le roi restait cependant confiant en disant à l'ambassadeur d'Angleterre Trévor que les soldats Français qui se rassemblaient sur la Riviera étaient trop peu nombreux et mal équipés pour en avoir peur. Pourtant Trévor pensait que le Piémont était perdu sans une aide énergique de l'Autriche qui se dérobait dans les ordres du plan de campagne à venir.
L'Autriche avait relativement peu foi envers la politique de Turin. L'alliance du 29 mai 1794 entre L'Empereur et le roi de Piémont-Sardaigne était sur le fond dénuée de confiance réciproque, la chancellerie de Vienne n'ayant pas hésité à envisager avec toute la morgue hautaine dont elle était capable "d'abandonner la Sardaigne à la générosité de la Cour de Vienne pour ses menus plaisirs et pour servir de leçon aux petits souverains qui tranchent du grand seigneur et veulent se méler de ce qui ne les regarde point" !!!.
Bref, alors que le général Bonaparte arrivait à Nice le 26 mars 1796 et s'apprêtait à entrer en campagne, la situation paraissait bien contrastée pour le royaume sardo-piémontais et l'avenir de sa dynastie incertain. Mais néanmoins, rien ne prédestinait le génie tactique et stratégique du futur empereur ; Bonaparte surprit tout le monde comme une tornade, le Directoire, et l'Autriche, et tous les monarques qui régnaient sur la botte italienne. L'une des premières instructions du Directoire au général en Chef de l'armée d'Italie précisait de "séparer les Autrichiens des Piémontais, de déterminer le roi de Sardaigne à faire la paix avec la France et d'attaquer le Milanais avec vigueur.
Le général en chef cherchera par tous les moyens en son pouvoir à animer les mécontents du Piémont et à les faire éclater contre la Cour de Turin d'une manière générale ou partielle." L'optimisme de façade de Victor-Amédée III paraissait bien compromis face à tant de facteurs déstabilisants pour l'avenir de la monarchie.



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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 17:46




Dominique Poulin a écrit:
Mer 13 Avr - 17:32


Suite et Fin du Chapitre IV



Quand la France devient l'ennemie 1789-1796



Au tournant de ce moment crucial pour la Maison de Savoie, que le lecteur me pardonne cette longue digression sachant que la princesse Clotilde de France n'est plus apparue depuis un certain temps.
Après la mort de sa soeur Madame Elisabeth en mai 1794, aucun témoignage aucune source quelconque, aucun détail ne transparaît de sa vie et cela pendant au moins une période de deux ans. Il est absolument certain que les deuils répétés de Louis XVI, de Marie-Antoinette et de sa soeur bien-aimée l'ont dévastée et traumatisée au plus profond d'elle-même.
Déjà à l'annonce de l'exécution de son frère ainé en janvier 1793, le prince Charles-Félix de Savoie, duc de Genevois écrivait : "En allant chez le roi, nous avons su que la triste nouvelle de la mort du roi de France se confirmait de toute part. Après la messe du roi, nous sommes montés tous chez la princesse, laquelle était au lit. Ele pleurait beaucoup, mais elle était d'une force et dune vertu dont on ne se fait pas idée."

Il est probable qu'elle se retira encore davantage de la vie publique pour vivre son deuil. Bien heureux en dehors de sa belle-famille et de ses serviteurs les plus immédiats, pouvait se targuer d'avoir entrevue celle qui se nommait "La Servante de Dieu".
Il existe un buste de Clotilde ciselé en 1794 par Felice Festa et il est terrible !
A trente-cinq ans, la princesse de Piémont présentait un visage fermé, sans expression, comme comprimée dans une douleur sourde et douloureuse. Toutefois sa réputation d'extrême maigreur attestée en 1789 par d'Espinchal et en 1791 par Mme Vigée-Lebrun ne semble pas totalement corroborée avec ce buste de 1794. Certes, le visage et le cou ont fondu de l'amas de graisse qui faisait la particularité de celle qu'on appelait autrefois "Le Gros Madame". Si les contours se distinguent, les traits semblent encore forts et le menton un peu lourd. Ses cheveux qui représentaient vingt ans plus tôt sa plus belle couronne ont été coupés courts, peut-être jusqu'à la nuque, et seul quelques mèches dissimulent les oreilles. Clotilde porte le bonnet sans prétention qu'avait décrit Mme Vigée-Lebrun et son fichu est rabattu très haut sur la poitrine. On ne s'étonnera pas à travers ses douleurs et son extrême pitié de ne voir dans ce buste aucune coquetterie, aucun rappel de sa naissance et de son avenir proche de reine de Piémont-Sardaigne.

Car le poids des années pèse désormais sur les épaules de Victor-Amédée III.
A près de soixante-dix ans en 1796, sa santé vacillante et la cristallisation des soucis politiques des dernières années ont assombri sa vieillesse. Un Français émigré remarquait qu"il avait l'air cassé et beaucoup plus vieux qu'il ne l'est en effet. Quand il est en uniforme et à cheval, il a un faux air du roi de Prusse."
En avril 1794, la reine Marie-Caroline de Naples apprenait qu'il "avait été très mal" évoquant même la possibilité de sa mort prochaine.

L'heure de coiffer la couronne multicentenaire de la Maison de Savoie se rapprochait inéluctablement pour le prince héritier Charles-Emmanuel et son épouse Clotilde. Les conditions de cette accession au trône s'annonçaient hérissées de difficultés avec le spectre d'une République Française belliqueuse pour la survie de la monarchie sardo-piémontaise et l'extension par contre-coup d'un courant révolutionnaire jacobin qui fomentait des complots contre la monarchie.
Le futur roi Charles-Emmanuel IV n'était point sot, loin s'en fallait, et à quarante-cinq ans c'était un homme fait qui pouvait inspirer l'expérience des affaires et le respect. Avisé et prudent dans ses opinions et ses paroles, son intellect et son discernement paraissent assez sûrs.
Le prince de Piémont avait désapprouvé quoique discrètement l'apparat dispendieux dont son père avait voulu s'entourer pour ne faire figure de souverain pauvre, et il n'avait pas cautionné davantage les dépenses disproportionnées que Victor-Amédée III octroyait dans son armée.
Charles-Emmanuel possédait un naturel doux et bon, sans aucune pointe de bellicisme. Il ne semble pas d'ailleurs avoir participé à la tentative de reconquête de la Savoie en 1793 comme l'avait fait son frère cadet, le duc d'Aoste. Il en sera de même lors de la Campagne d'Italie en 1796 ; il n'avait rien d'un militaire.
En revanche, le revers de son caractère et de son tempérament, les aléas de son équilibre psychique problématique, la nature même de sa vie privée monastique ne correspondaient pas à un prince appelé à régner à une période aussi troublée en Europe à l'extrême fin du XVIIIe siècle.

Il existe sur l'époux de Clotilde, un document très intéressant conservé aux Archives Nationales de France. Il s'agit d'un rapport d'un agent de renseignement, le citoyen Desportes en 1795 :
"Le prince de Piémont, doué d'un jugement sain et profond, annonce toute la sagesse, toute la mesure qui manquent à Victor-Amédée. Juste et bienfaisant, il a blâmé souvent en secret les opérations désastreuses de l'administration de son père. L'amour du peuple qu'il va commander l'appelle depuis longtemps au trône : objet de toutes les espérances, de tous les voeux de la nation. Un espoir si flatteur ne serait pas trompé peut-être si Charles-Emmanuel, moins paresseux et moins dévot, pouvait triompher de cette inactivité à laquelle ses préjugés religieux semblent le condamner, mais dont la véritable source est plutôt dans la faiblesse extrême de sa vue, qui lui permet à peine de se livrer aux moindres travaux de cabinet."
Enfin, Desportes termine son rapport en écrivant que "né populaire et bon, s'il n'était pas fils de roi, il aimerait la République" !.

La conclusion de cet émissaire n'est pas convaincante. Si le prince de Piémont ne validait ni les politiques trop louvoyantes de l'Autriche et de l'Angleterre envers son pays menacé par la France, il ne souscrivait pas davantage à celle de la France même après la chute du régime de Robespierre un an plus tôt. Il est vraisemblable que ce prince ne voulut pas entrer directement en conflit avec son père sur un certain nombre de décisions diplomatiques qu'il n'approuvait pas et qui furent prises par le cabinet piémontais entre 1792 et 1796, en particulier les traités signés avec l'Autriche et l'Angleterre.
La placidité apparente de Charles-Emmanuel de Savoie a pu tromper certains diplomates qui pensaient que sa bonté et sa discrétion farouche pouvaient le rendre malléable et conciliant à volonté. Ce dont ils se trompaient ! Pour le reste, dans le privé, le prince héritier souffrait beaucoup avec de sévères accès de mélancolie qui le rendaient peu apte au gouvernement, et une maladie d'origine nerveuse qui lui donnait des convulsions pendant des heures. Certains pensaient à l'époque qu'il était atteint d'épilepsie.

Dans ces conditions, il n'est pas douteux qu'un prince aussi maladif ait cultivé beaucoup le moment où il monterait un jour sur le trône. Le marquis Costa de Beauregard décrivait ainsi le triste état de sa situation personnelle : "Charles-Emmanuel IV n'eut pas jour d'illusion ou d'espérance. Ii était d'ailleurs souffrant dès son enfance d'une maladie nerveuse qui avait imprimé à tout son être une mélancolie inguérissable. Sans cesse hanté par les visions les plus funestes, il se comparait à son beau-frère Louis XVI et se disait condamné à une fin aussi tragique que la sienne. Rien n'était plus douloureux comme l'abattement dans lequel se trainait ce malheureux prince. Sa femme seule avait assez d'empire sur lui pour lui rendre quelque énergie."

Pour sa part, la future reine Clotilde possédait-elle assez de discernement politique pour influer sur les hommes et les événements à l'instar de la reine Marie-Caroline à Naples ? Cela parait peu plausible tant elle était détachée des réalités terrestres et immédiates du monde.
La famille royale sous la plume de son beau-frère, le prince Charles-Felix de Savoie écrivait crûment qu'elle était " sotte comme un pot ", sans connaissance, sans expérience. De même sa belle-soeur, la duchesse d'Aoste confiait que "la pauvre reine avait fort peu de connaissances du monde, avait sans doute de bien bonnes intentions ; mais son ignorance lui faisait faire bien du mal pour elle et pour les autres, et je ne crois pas que le roi fera plus de fautes que de son vivant."

Il restait bien sur les hommes d'Etat piémontais qui gravitaient autour du trône, des administrateurs zélés et compétents, d'habiles diplomates qui donnaient toujours du fil à retordre à leurs homologues étrangers.
Un comte d'Hauteville, un marquis de Priocca, un chevalier de Balbo, faisaient honneur à la monarchie sardo-piémontaise et le comte de Vaudreuil ne manquait pas d'avertir le comte d'Artois que "la Cour de Turin est très politique, les ministres en sont fins et habiles."

A l'épreuve de ce fatidique printemps 1796 qui allait plonger la Maison de Savoie dans l'engrenage du cyclone français, celle qui pensait "avoir eu le bonheur de porter la croix" pour "passer un jour dans ce beau paradis", s'acheminait désormais vers la couronne. Mais cette couronne que la diplomatie de Versailles lui avait destinée un quart de siècle plus tôt s'avérait un fardeau dans un contexte entièrement bouleversé.




A Suivre le Chapitre V : "C'est une Couronne d'épines que le ciel m'envoie" 1796-1798.


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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 17:55

Dominique Poulin a écrit:

Il existe un buste de Clotilde ciselé en 1794 par Felice Festa et il est terrible !
A trente-cinq ans, la princesse de Piémont présentait un visage fermé, sans expression ...

Le voici  boudoi32   :

La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 Palazz10



Eh bien, moi qui voudrais illustrer le sujet pour l'égayer un peu, c'est raté .
Vous avez tout à fait raison, cher Dominique, ce buste est sinistre, comme était abominablement sinistre ce couple royal ... ( sinistre, mais bien assorti )

Ce que la religion peut faire de dégâts !!!  Smileàè-è\': 
C'est monstrueux !

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 18:07



Princesse de Chimay a écrit:

Merci mon cher Dominique de nous faire partager votre travail. Je le lirais plus tard à tête reposée mais dîtes-moi , la parution de votre ouvrage est prévue pour quelle date ?  Very Happy 


Dominique Poulin a écrit:
Excellente question Princesse de Chimay ! La diffusion de cette biographie sur le Boudoir n'est pas destinée à l'édition, du moins pour le moment ! Vous direz peut-être que je suis dur, mais j'ai trouvé relativement peu de renseignements sur Madame Clotilde après son départ de Versailles en 1775 et je trouve que mon personnage manque d'épaisseur ; je me suis surtout intéressé à sa vie de princesse et de femme au détriment de sa vie de "carmélite", c'est un parti pris, car les austérités religieuses m'ennuie. De toute manière, je continuerai à travailler sur le personnage, je n'ai pas exploré toute la documentation beaucoup plus riche en Italie. A partir de ces nouvelles recherches et d'une refonte de mon travail, oui pourquoi pas, le projet me séduit. Encore faut-il qu'un éditeur accepte mon ouvrage, ce qui n'est pas évident du fait que je ne suis pas bardé de titres universitaires. On verra, mais cela demeure possible.
Par contre, je travaille sur un autre personnage du XVIIIe siècle dont le manuscrit est destiné à l'édition, mais je n'en dis pas plus. C'est chasse gardée.
Enchanté Madame, d'avoir échangé ce petit mot.  smiley12 



Fleurdelys a écrit:
En cherchant un livre sur Madame Royale j`ai trouver un rare livre sur Madame Clotilde
http://www.abebooks.fr/servlet/BookDetailsPL?bi=8081763929&searchurl=bsi%3D180%26kn%3Dmadame%2Broyale%26sortby%3D3%26x%3D78%26y%3D6
Fleurdelys


Marie-Antoinette a écrit:
Mer 25 Juil 2012 - 13:40


J'ai acheté il y a quelques temps un ouvrage XIX° sur MADAME CLOTHILDE qui dort actuellement dans la bibliothèque, non lu.
je vais le regarder plus sérieusement, mais je crois que cette biographie n'est pas orientée religieuse !!!!

Je reviens demain avec les références exactes.  :La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 2028181902 
MARIE ANTOINETTE



Marie-Antoinette a écrit:
Ven 27 Juil 2012 - 14:23


Le livre acheté sur MADAME CLOTHILDE est le même que proposé par FLEUR DE LYS !!!!biographie très orientée religion !!!!! dans la même édition joliment reliée de 1823 !!!! le prix est le même que mon achat !!!!

Je vais le lire un jour prochain, mais j'ai d'autres fers au feu dans les prochains jours !!!

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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 18:20




Dominique Poulin a écrit:
Mar 31 Juil 2012 - 11:06



Eh bien voila Dominique Poulin est de retour !!! J'ai terminé ma biographie sur Madame Clotilde, ce qui signifie que j'ai encore deux chapitres à diffuser sur le forum : encore de très longues heures de frappe à venir.

J'ai montré mon travail et mes dossiers à quelques amis qui m'ont dit qu'il était dommage que je n'envoie pas tout cela à des éditeurs. Pour me convaincre, ils m'ont dit que je n'avais pas à rougir de quoi que ce soit face à l'avalanche de "livres-poubelles" qui sortent régulièrement de nos jours et que secondement mes recherches étaient d'une toute autre portée. Soit, soit. Mais ceci dit, si je parviens un jour à publier quelque chose, Madame Clotilde ne représente pas la priorité.

Enfin, j'ai terminé aussi le fameux article sur la comtesse d'Artois et le scandale qui l'a éclaboussée en 1783. D'ailleurs, le terme "article" est il me semble un peu léger, car je n'ai consacré pas moins une trentaine de pages sur cet épisode peu connu. Encore d'autres heures de frappe pour vous en perspective !!!

Je vous retrouve pour de bon cette fois-ci ! Et de fait j'espère participer plus activement au forum et à ses participants si charmants.  Very Happy 


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Message par Mme de Sabran Lun 10 Mar 2014, 18:38

Eh bien, mon cher Dominique,  La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 Rftgyh10
sur cet élan d'enthousiasme de votre part s'achève mon bouturage !
Encore un grand merci, et encore plus grand bravo pour votre travail !!! :n,,;::::!!!: 

.
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Message par Invité Lun 10 Mar 2014, 19:07

La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 Imagep42
Clotilde de France, reine de Piémont-Sardaigne
Buste, Manufacture de Sèvres
Photo : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot


Et sa version en marbre

La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 Mme_cl10
Clotilde de France, reine de Piémont-Sardaigne
Marbre, anonyme (XVIIIe siècle)
Photo : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot

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Message par Invité Lun 10 Mar 2014, 19:09




Au moins son nom apparaît, ce qui est la moindre des choses après un tel travail.

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Message par Dominique Poulin Mer 12 Mar 2014, 18:00

Pour Cosmo en particulier et tous les membres du forum, il faut que je fouine dans mes dossiers pour trouver des éléments ci-possible circonstanciés par rapport à votre question. Je vais chercher dans mes papiers (une montagne....  Shocked ) pour vous donner satisfaction. A bientôt.  Very Happy
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Message par Invité Mer 12 Mar 2014, 18:49

Mme de Sabran a écrit:
Dominique Poulin a écrit:

Il existe un buste de Clotilde ciselé en 1794 par Felice Festa et il est terrible !
A trente-cinq ans, la princesse de Piémont présentait un visage fermé, sans expression ...

Le voici  boudoi32   :

La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 Palazz10



Eh bien, moi qui voudrais illustrer le sujet pour l'égayer un peu, c'est raté .
Vous avez tout à fait raison, cher Dominique, ce buste est sinistre, comme était abominablement sinistre ce couple royal ...  ( sinistre, mais bien assorti  )

Ce que la religion peut faire de dégâts !!!  Smileàè-è\': 
C'est monstrueux !

Elle ressemble à son frère aîné Louis XVI, me semble-t-il. Le voici – mais à vingt-trois ans et avec plus d'embonpoint.
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Message par Invité Mer 12 Mar 2014, 18:51

Je me souviens d'un portrait de la princesse où la ressemblance avec Louis XVI est également frappante.

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Message par La nuit, la neige Mer 12 Mar 2014, 22:11

Merci Elie de recopier ici les recherches de Dominique Poulin, et à nouveau merci à lui !
Rendons à César... Wink 

Et c’est bien utile ! J’avais un peu oublié ce que j’ai relu... :La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 2028181902
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Message par Mme de Sabran Mer 12 Mar 2014, 22:27

La nuit, la neige a écrit:Merci Elie de ...

... bouturer à tout va ? ......  :La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 2028181902 
Je m'en fais une pieuse mission, un sacerdoce ...  j'ai trouvé un sens à ma vie !  Wink   :La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 2028181902    lol! 


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Message par Dominique Poulin Mer 16 Avr 2014, 17:14

Je commence à partir d'aujourd'hui à reproduire sur le forum la suite de la biographie de Clotilde de France, depuis longtemps achevée mais que je n'avais pas diffusée sur le forum.
Nous en sommes donc au chapitre V.

Chapitre V


"C'est une couronne d'épines que le ciel m'envoie"

1796-1798

Printemps 1796. A la Cour de Turin, le ciel s'annonçait lourd de menaces et d'orages à venir pour la dynastie de Savoie. A Paris, le Directoire venait de nommer le général Bonaparte, Commandant en Chef de l'Armée d'Italie et le rassemblement de ses troupes s'opérait dès le 26 mars à Nice.
A ce moment, le nom de Bonaparte était quasiment inconnu en Europe et son contemporain Mallet du Pan écrivait à ce propos : "On a parlé d'un Corse terroriste nommé Bonaparte, le bras droit de Barras et commandant de la force armée dans Paris et les environs, un général qu n'a pas trente ans et n'a nulle expérience de la guerre." Deux ans plus tôt, le futur empereur avait participé à la rédaction d'un mémoire d'opérations militaires en prévision d'une attaque contre le Piémont.[/b]
Après la conquête de la Savoie et du comté de Nice en 1792, la France avait continué à causer bien des vicissitudes à la monarchie sardo-piémontaise. Après la prise d'Oneille, elle occupait la côte Ligure de Vintimille à Savone, et menaçait depuis 1794 la vallée du Tanaro, porte d'entrée du Piémont. Mais de 1794 à 1796, les combats s'enlisèrent dans une guerre de chicanes, jusqu'au 24 novembre 1795, ou la bataille de Loano permit un projet offensif d'invasion.  
En parallèle à cette guerre d'usure, la voie diplomatique n'avait pas mieux réussie au cabinet piemontais. Une partie des conseillers de Victor-Amédée III le pressaient de faire la paix avec la France et d'engager une alliance à l'instar des Bourbons d'Esapgne. Mais rongé de scurpules de conscience et dénué du sens politique de ses ancêtres, il refusa de pactiser en disant : "Je me tiendrais pour deshonnoré de stipuler une alliance avec ces brigands."
De son côté, pour la France du Directoire, la principale puissance ennemie sur le continent restait l'Autriche. Paris décida donc plusieurs plans militaires concertés contre Vienne notamment par la vallée du Pô. Pour cela, il appartenait d'enfoncer les portes du Piémont, le coeur des Etats de la maison de Savoie. Dans l'autre camp, de quelles forces disposait la Cour de Turin et sur quels axes de défense pouvait-elle s'appuyer ? sur le plan militaire, le roi de Piémont-Sardaigne croyait encore dans les qualités de son armée , malgré les défaites humiliantes de 1792. Il avait renforcé à grands frais ses forteresses et sollicité l'aide de l'Autriche, son alliée, qui lui avait envoyée en renaclant une trentaine de milliers d'hommes sous le commandement du général Beaulieu. Sur les effectifs de l'armée piémontaise, les chiffres oscillent de 45 000 hommes pour descendre à 30 000 hommes selon un témoin oculaire.
Cependant l'apppui de la Cour de Vienne s'avérait fluctuant car elle n'avisait de defendre sérieusement le Piémont que pour protéger le duché de Milan qui lui appartenait. Des dérobades et des trahisons de l'armée autrichienne étaient à craindre et l'ambassadeur d'Angleterre à Turin confiait ce sentiment à demi mot : "Il faut que l'empereur aide ce bon vieux souverain qui ne se trouverait pas dans les difficultés ou il est s'il avait été moins loyal et plus politique... il n'y a pour lui aucune chance de salut si l'Autriche ne lui donne un accueil cordial et efficace."

Je dois partir maintenant... la suite, je pense demain.  Very Happy
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Message par La nuit, la neige Mer 16 Avr 2014, 23:36

Dominique Poulin a écrit:Je commence à partir d'aujourd'hui à reproduire sur le forum la suite de la biographie de Clotilde de France, depuis longtemps achevée mais que je n'avais pas diffusée sur le forum.
Nous en sommes donc au chapitre V.
Merci, Dominique, de reprendre ici le fil de vos recherches... :\\\\\\\\: 

Dominique Poulin a écrit:A ce moment, le nom de Bonaparte était quasiment inconnu en Europe et son contemporain Mallet du Pan écrivait à ce propos : "On a parlé d'un Corse terroriste nommé Bonaparte, le bras droit de Barras et commandant de la force armée dans Paris et les environs, un général qu n'a pas trente ans et n'a nulle expérience de la guerre."
Il s’est tout de même déjà fait remarquer au siège de Toulon, ainsi donc qu’à Paris, le 13 Vendémiaire.
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Message par Invité Jeu 17 Avr 2014, 08:07

Dominique Poulin a écrit:
Cependant l'apppui de la Cour de Vienne s'avérait fluctuant car elle n'avisait de defendre sérieusement le Piémont que pour protéger le duché de Milan qui lui appartenait. Des dérobades et des trahisons de l'armée autrichienne étaient à craindre et l'ambassadeur d'Angleterre à Turin confiait ce sentiment à demi mot : "Il faut que l'empereur aide ce bon vieux souverain qui ne se trouverait pas dans les difficultés ou il est s'il avait été moins loyal et plus politique... il n'y a pour lui aucune chance de salut si l'Autriche ne lui donne un accueil cordial et efficace."

Merci, Dominique.  Very Happy Il ne faisait pas bon être allié à l'Autriche! ...

Quand on pense que l'empereur n'a pas levé le petit doigt pour sa tante, qu'il a laissé se faire décapiter... je doute qu'il se soit plié en quatre pour venir à la rescousse du roi de Piémont-Sardaigne... enfin bref, j'attends la suite de votre récit. La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 Ani33

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Message par Invité Jeu 17 Avr 2014, 20:25

Cosmo a écrit:  Very Happy Il ne faisait pas bon être allié à l'Autriche! ...

Quand on pense que l'empereur n'a pas levé le petit doigt pour sa tante, qu'il a laissé se faire décapiter... je doute qu'il se soit plié en quatre pour venir à la rescousse du roi de Piémont-Sardaigne... enfin bref, j'attends la suite de votre récit.

Absolument! C'est le "triche" de l'Autriche que l'on trouve dans l'alliance! Marie-Antoinette s'en était rendu compte avec son frère Léopold II, mais elle n'ouvrit les yeux sur l'ensemble des dangers de la politique autrichienne qu'avec la mort de l'Empereur Joseph, qui assurément lui aurait donné tout l'appui et le secours dont elle avait besoin.

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Message par Invité Jeu 17 Avr 2014, 20:47

evelynfarr a écrit:Absolument! C'est le "triche" de l'Autriche que l'on trouve dans l'alliance!

 Hop! Ce cynisme des Autrichiens leur a coûté leur Empire...

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Message par Dominique Poulin Ven 18 Avr 2014, 18:14

Suite du Chapitre V

"C'est une couronne d'épines que le ciel m'envoie"

A l'approche de cette guerre inévitable qui couvait sur son pays d'adoption, il est intéressant de s'interroger sur l'attitude et les sentiments de la princesse Clotilde. Rien en apparence, comme tant d'autres choses sur cette princesse, ne permet une opinion tranchée sur la question, les documents sont absents en France.
Toutefois, il n'est pas vain de faire des recoupements à partir de ce que nous savons et d'émettre une hypothèse. Sur ces proches parents ayant échappé au couteau de la guillotine, sa nièce Madame Royale, représenta évidemment la personne la plus traumatisée. Mais la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette ne prononça jamais pour autant une parole désobligeante envers la France et les Français qui ne fut rapportée dans sa correspondance ou par ses contemporains.
Pour sa tante Clotilde, qui avait quitté son pays en 1775 à quinze ans et demi pour n'y plus revenir, il est permis de penser que sa nature foncierement altruiste et désinteressée et ses convictions religieuses très ancrées ne lui permettaient pas d'élever si elle en avait des opinions hostiles de haine et de vengeance contre la terre de ses ancêtres. Nous avons vu dans le précédent chapitre, combien elle avait été blessée par les malheurs de sa famille, mais dans ce contexte, elle avait naturellement réagi comme une soeur, une belle-soeur ou une tante solidaire des affres des siens, pas comme une princesse de sang royal ayant des droits légitimes pour justifier une opinion politique. A contrario, certains membres de la famille de Marie-Antoinette, comme sa soeur la reine de Naples, vouèrent une insurmontable aversion et méfiance contre les Français.
Néanmoins, il faut reconnaitre que la position délicate de la princesse de Piémont à la veille de l'invasion de l'armée de Bonaparte, ne pouvait que lui inspirer que de la tristesse et de la désolation, cette immixtion française se montant hostile à son beau-père Victor-Amédée III et à son époux Charles-Emmanuel, appelé à ceindre la couronne.

L'offensive de Bonaparte contre le royaume sardo-piémontais fut brève mais fulgurante. En une dizaine de jours, il mit à genoux la cour de Turin.
Entré en campagne le 10 avril 1796, le général passe par le col de Cadibone et la vallée de la Bormida et réussit à se glisser entre les deux armées rivales, l'une piémontaise, l'autre autrichienne, qui avaient pourtant pour but de lui barrer la route. Le Commandant en Chef de l'Armée d'Italie rencontra les Autrichiens à Montenotte le 12 avril pour les battre, puis les Piémontais le lendemain à Milesimo qui connaissent le même sort. L'armée Autrichienne du général Beaulieu est à nouveau défaite le 15 avril à Dego.
En moins d'une semaine déjà, le vent tourne au désavantage des coalisés austro-piémontais. La stratégie de Bonaparte et de ses auxiliaires repose sur l'isolement des deux corps adverses en se concentrant sur la mobilité extrême de ses troupes, puis en portant des coups décisifs sur les divisions éparpillées de l'adversaire.
Dès le début des hostilités, Napoléon Bonaparte "surgit ou on ne l'attendait pas" et "crève le centre de l'ennemi". Après la défaite de Dégo, l'armée piémontaise du général Colli est coupée de ses alliés autrichiens. Enfin, le 22 avril, l'armée française écrase les piémontais à Mondovi. En apparence, s'en était fait des illusions de la maison de Savoie... Pourtant, le roi de Piémont-Sardaigne disposait encore de forces armées non entamées et les hauts gradés piémontais pouvaient toujours compter sur l'armée autrichienne de Beaulieu postée seulement à deux jours de marche au lendemain de Mondovi. Aujourd'hui, certains historiens nuancent les victoires piémontaises de Bonaparte, en révélant que depuis quelques années, la cour et l'armée de Victor-Amédée III étaient hantées, voire convaincues du spectre de la défaite, avant même d'avoir combattues. D'une part, certains doutaient de la capacité numérique des troupes piémontaises, et de l'autre, les hommes d'Etat et les généraux de la cour ne croyaient pas ou trop peu sur la volonté de l'Autriche afin de la seconder efficacement dans ses opérations militaires. De fait, dès le début, les Piémontais s'estimaient inférieurs aux Français, et l'angoisse de la défaite s'est transformée très rapidement en une implacable réalité.
Après la sanglante défaite de Mondovi, Victor-Amédée III réunit en hâte son conseil en une réunion extraordinaire. Que faire ? Lutter encore ? c'est l'avis du duc d'Aoste qui prône la guerre à outrance. D'autres, conseillent de déposer les armes. L'armée piémontaise n'est pas détruite certes, mais elle est fortement affaiblie et démoralisée et le temps fait défaut pour la réorganiser pour de nouvelles offensives. De plus, le Piémont est ruiné par la guerre et la misère frappe évidemment les plus faibles qui risquent de destabiliser un peu plus une monatchie vacillante. L'héritier du trône, Charles-Emmanuel et l'archevêque de Turin opinent pour cesser les hostilités. Le roi, très affecté, se range de cet avis. On dépose les armes, et on propose une armistice à l'armée française sans connaitre à l'avance les conditions de l'ennemi vainqueur pour l'accepter. Bref, la cour de Turin s'estime bel et bien battue, et Bonaparte saura largement en profiter pour imposer au vaincu des clauses humiliantes.

Le 25 avril 1796, Bonaparte établit son quartier-général à Cherasco, à une trentaine de kilomètres de Turin ; c'est dire combien la maison de Savoie est prise à la gorge, la tranquillité même de sa capitale se révélant incertaine. La place de Cherasco servira de table des négociations en vue de la signature de l'armistice.
Le monarque envoie deux émissaires qui arrivent le 27 avril au soir ; il s'agit du général de La Tour et du marquis Costa de Beauregard. Le choix aurait pû etre plus judicieux car le premier est un militaire rompu aux usage de cour, et le second bien qu'avisé manque d'expérience.
En guise de hors d'oeuvre, Bonaparte fait patienter les envoyés du roi pendant une demi-heure pour les éprouver un peu... Enfin, quelques instants, le Commandant en Chef de l'Armée d'Italie écoute impassible mais courtois les doléances du vaincu. Les piémontais ergotent sur les conditions de Bonaparte pour que ce dernier allège les exigences de son tribut, mais le Corse ne se laisse pas intimider facilement. Il leur coupe la parole en leur déclarant :
- Depuis que je les ai offertes (les conditions), j'ai pris Cherasco, j'ai pris Fossano, j'ai pris Alba. Je ne renchéris point sur mes premières instances, vous devriez me trouver modéré."
Il faut dire que la pilule est dure à avaler pour La Tour et Costa de Beauregard car Bonaparte exige l'occupation de plusieurs places militaires ; non seulement elles couperont les piémontais de leurs dernières forces encore sur pied, mais elle serviront de bases stratégiques pour les français. Pendant cette nuit du 27 au 28 avril, le temps est compté pour la monarchie sardo-piémontaise et Bonaparte pressure les envoyés de Victor-Amédeé III en leur disant que l'"on ne le verra jamais perdre des minutes par confiance et par paresse" et pour les acculer davantage il ajoute que "le droit de la guerre n'autorise peut-etre pas à faire à son ennemi tout le mal possible, mais il est prescrit de ne négliger aucun moyen de l'abattre et de le garotter." Au petit matin du 28 avril, l'armistice de Cherasco est signé au complet avantage des Français avec la reddition et l'occupation des places de Coni, d'Alexandrie et de Tortone.
Dès le 30 avril, la Cour de Turin apeurée envoie à Paris deux nouveaux plénipotentiaires pour ratifier le traité de paix. Il ne s'agit plus là de convention militaire, mais de haute politique. Auprès des Directeurs au pouvoir qui gouvernent à Paris, le comte de Revel et le chevalier Tonso font ce qu'ils peuvent pour sauver ce qui peut l'être; mais le vaincu a toujours tort... Le ministre des affaires Etrangeres, Delacroix, est tranchant et même brutal :
- "Ce n'est pas à vous d'ouvrir des propositions de paix. Vous n'avez à faire autre chose qu'à écouter les notres, vous y soumettre et signer !" et un peu plus tard :
- "Signez ! autrement le courrier chargé de l'ordre de recommencer la guerre part demain : signez, autrement Turin est attaqué, pris et pillé !".

Le 15 mai 1796, Français et Piémontais signent le traité de Paris. Il comprend 21 articles publics et 7 secrets. La dynastie en sort très affaiblie : elle doit reconnaitre la cession de la Savoie, de Nice et d'Oneille conquises les années précédentes, les fortifications de Suze, d'Exilles et de La Brunette seront démolies, les places de Coni, Tortone et Alexandrie occupées. En outre, le Piémont doit laisser le libre passage aux Français sur son territoire tant que la Campagne d'Italie ne sera pas terminée, et il devra coopérer en vivres, munitions et charrois dans la logistique de guerre de l'armée Française.
Puis, à titre de compensation, la France distille quelques miettes de consolation à son obligé en consentant à procurer à Victor-Amédée III "un dédommagement convenable" dans le Milanais avec le titre de "roi de Lombardie". Mais cette promesse n'est que conditionnelle car elle est soumise aux aléas fluctuants de la politique étrangère, donc s'avérer caduque ! Toutefois, sur un point important, les piémontais Revel et Tonso ont tenus bon : ils ont refusé d'accepter une alliance avec la République Française comme le leur avait formellement prescris leur souverain avant leur départ pour Paris. L'offre séduisante mais à fond miné de Lazare Carnot ne les ébranla pas : "Le roi de Sardaigne a ses troupes encore debout, qu'il unisse une division à notre armée pour barrer le passage du Tyrol et le Milanais est à lui."  

A travers ces épisodes douloureux qui démenbrent les Etats Sardes jusqu'au coeur de sa région la plus riche, force est de constater que son alliée, l'Autriche, s'est révélée un partenaire pour le moins incertain et même déloyal ! Alors qu'au bout de quelques jours, les défaites s'enchainaient et que les piémontais perdaient du terrain, le haut commandement autrichien se déroba pour ne songer qu'à ses intérêts immédiats. Le comte de Maistre, homme d'Etat dévoué à la cause de la dynastie de Savoie déclara que "le roi eut à se plaindre jusqu'au dernier moment des autrichiens. Au milieu de son désastre, il fit faire à Beaulieu les plus fortes instances pour qu'il vint donner les mains au général Colli, ou du moins il fit prendre à son armée une position qui couvrit la capitale ; Beaulieu se refusa à ces propositions sous pretexte de reserver le reste de ses troupes  pour la défense de la Lombardie."
Alliés depuis 1792, par le traité de Valenciennes, Autrichiens et Piémontais ne s'étaient jamais bien concertés ; leurs préoccupations politiques de fond divergeaient trop car Vienne et Turin nourrissaient en sous-main depuis fort longtemps le même objectif comun : l'extension de leur influence territoriale en Italie. L'Autriche lorgnait sur le Piémont et le Piémont convoitait le Milanais voisin sus souveraineté Autrichienne. Officiellement alliés, ils n'étaient officieusement que frères ennemis !


Dernière édition par Dominique Poulin le Mer 23 Avr 2014, 16:47, édité 1 fois
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Message par Dominique Poulin Sam 19 Avr 2014, 17:48

Suite du Chapitre V

"C'est une couronne d'épines que le ciel m'envoie"

Au sein même de la famille royale de Savoie à ce moment crucial de son histoire, l'apparente cohésion de la dynastie donna des signes d'achoppement.
Le duc d'Aoste, fils cadet de Victor-Amédée III, aurait été au centre d'un projet politique dont les contours et la finalité demeurent très vagues mais qui révèlent une zone d'ombre sur ce prince et la survie de la dynastie en 1796.
Deux versions cohabitent : selon M. Hayward, historien de la Maison de Savoie, la République Française aurait songé à faire abdiquer Victor-Amédée III pour le remplacer par le duc d'Aoste sur le trône. Dans cette hypothèse, l'époux de la princesse Clotilde, le prince de Piémont, Charles-Emmanuel de Savoie aurait été écarté de la succession. Une deuxième hypothèse succintement exposée par M. Mandoul invoque le fait que le duc d'Aoste aurait eu des entretiens avec Bonaparte lors des négociations de Cherasco, puis qu'on aurait accusé ce prince de soutenir les Français afin de détroner son frère devenu le roi Charles-Emmanuel IV et de coiffer à un second titre la couronne vaquante de Lombardie.
Dans ces intrigues politiques, les deux versions sont discordantes, voire opposées : pour M. Hayward, la France aurait voulu placer ce prince sur le trône, ce qui signifierait tacitement qu'il aurait été soutenu par le Directoire au pouvoir en France depuis 1795. Ce n'est pas démontré et parait à première vue très improbable car le duc d'Aoste était connu comme le membre le plus hostile aux hommes qui avaient pactisé avec la révolution Française au sein de la famille royale de Savoie. De plus, il avait commandé à plusieurs reprises des forces armées de 1793 à 1795 pour la reconquête de la Savoie perdue, puis la défense du Piémont menacé. Enfin, il avait été un des rares partisans au sein du conseil royal pour poursuivre la guerre au lendemain de la défaite de Mondovi. Comment dans ces circonstances, la France du Directoire aurait-elle pu envisager ce prince sous un jour favorable au point de lui donner la couronne en sacrifiant son père et son frère aîné et de lui faire miroiter de plus le trône de Lombardie arraché aux Autrichiens par les Français ?
En second lieu, l'hypothèse de M. Mandoul comporte des inexactitudes. Contrairement à ce qu'il a écrit, le fils cadet du roi de Sardaigne ne participa pas aux négociations de Cherasco, en tout cas directement, et deuxièmement le duc d'Aoste ne ménagea pas ses critiques lorsque l'armistice fut signé. Le général Bonaparte ne s'entretint jamais avec lui en tête à tête à Cherasco, et probablement ne le rencontra-t-il jamais, à ce moment, ni plus tard. La France du Directoire était au contraire fortement prévenue contre lui et lui préférait de loin son frère aîné Charles-Emmanuel, plus modéré. Le haut commandement de l'Armée française en Italie le detestait en raison de ses positions anti-françaises et de ses affiliations avec l'armée piémontaise.

Toutefois, ce prince était faible de tempérament et borné jusqu'aux limites de la sottise et sa culture se révélait très sommaire pour un homme de son rang. Certes courageux, il était malheureusement pour lui ambitieux. C'est pourquoi, chaperonné de son épouse Marie-Thérèse d'Autriche-Este, une femme impérieuse dont il subissait le joug, il put se laisser facilement influencer par sa femme, des proches de son entourage ou encore des espions de la France qui ne cherchaient qu'à sonder ses intentions...
Que voulait-il vraiment ? Il n'est pas sur qu'il le savait concrêtement lui-même ! Cependant, des éléments probants se dégagent de sa situation. Dans la décade 1790, il était le seul prince de la dynastie de Savoie à porter les espoirs de continuation de sa maison. Outre plusieurs filles, son épouse avait enfin eue le fils tant espéré, un petit Charles-Emmanuel, mais l'enfant mourut en bas âge. A la Cour de Turin, le duc et la duchesse d'Aoste se présentaient comme le couple princier fécond de la dynastie. En revanche, le prince et la princesse de Piémont n'avaient eu aucun enfant en vingt ans de mariage. En 1796, Clotilde de France avait trente sept ans, et comme nous l'avons dit dans le chapitre précédent, un espoir de maternité paraissait comme un miracle. Le miracle ne vint pas. Or, conjointement à la stérilité du prince héritier et de sa femme, et à la mort de Victor-Amédée III, le duc d'Aoste deviendrait inéluctablement l'héritier du trône à l'avènement de son frère Charles-Emmanuel IV. Cette position donnait un avantage et des espérances à ce prince de Savoie car il existait à la Cour de Turin une camarilla qui le préférait à son frère aîné jugé trop apathique pour constituer un rempart face aux exigences de la République et de l'Armée Française.
Victor-Emmanuel de Savoie, duc d'Aoste, nourrissait-il pour autant des ambitions politiques du reste semées de pièges à une période aussi troublée ? Si l'accession directe à la Couronne l'a peut-être habité en 1796, ce ne fut probablement pas dans les derniers mois du règne de son père Victor-Amédée III, dont il était le fils loyal. Par contre, lorsque son frère Charles-Emmanuel IV monta sur le trône en octobre 1796, l'hypothèse peut se soutenir. Grand mélancolique aux acents morbides, souffrant d'accès nerveux qui ressemblent à des crises d'épilepsie, Charles-Emmanuel IV était considéré en conséquence comme peu apte pour conduire l'appareil du gouvernement piémontais ou ce qu'il en restait. Clotilde de France, n'aimait pas son beau-frère, le duc d'Aoste, et condamnait son tempérament très influençable qui pouvait le conduire à des erreurs et des inconséquences sur le plan politique.
Dans ces conditions, a t-il prété l'oreille à des propositions flatteuses mais dangereuses qui lui proposaient l'éviction de Charles-Emmanuel IV, ou encore son placement éventuel sur le trône de Lombardie ? Sur ces deux points, Victor-Emmanuel de Savoie n'aurait pu réaliser ses prétentions qu'avec le soutien actif de la République Française et de l'armée Française omniprésentes en Piémont après les désatres de 1796. Or, ni le Directoire, ni Bonaparte, ni ses successeurs à la tête des forces françaises en Italie, n'ont opiné en ce sens. A tout prendre, ils préféraient Charles-Emmanuel IV sur le trône de Piémont-Sardaigne et le placement du duc d'Aoste sur le trône de Lombardie à Milan ressemble à un rêve chimérique, bien plus qu'à un projet politique cohérent. Car si certes, la Maison de Savoie ambitionnait de régner en Lombardie et que la France avait suggéré lors du traité de Paris en mai 1796 "un dédommagement convenable" dans le Milanais après la paix générale en Italie, Paris peu goûté qu'un prince aussi anti-français que le duc d'Aoste montât sur un trône à Milan. La République Française ne l'aurait pas permis.

Le duc d'Aoste revint de ses espérences infondées, mais tous ses détails témoignent pour démontrer qu'il fut le jouet soit d'une faction à la Cour de Turin, soit de sbires du Directoire et de l'armée Française qui ne cherchaient qu'à l'espionner.                        
Un dernier point sur cette affaire : Clotilde de France n'avait pas confiance en ce prince malléable à toutes les combinaisons. Quatre ans plus tard, en 1800, elle écrivait que le duc et la duchesse avaient "une pensée bien différente de celle de Sa Majesté" en conseillant à son interlocuteur de ne pas écouter ce qu'ils disaient... Clotilde qui appréciait si peu son beau-frère lui appliqua même "un blâme brutal" pourtant contraire à son tempérament placide... Fallait-il que le duc d'Aoste ait commis bévue sur bévue pour qu'elle arrive à cette extrémité parce qu'elle compliquait la situation déja bien fragile de son époux Charles-Emmanuel IV ? Elle était bien placée pour savoir que son mari caressait peu la couronne qui lui était promise puis échue. De fait, à plusieurs reprises, Charles-Emmanuel IV emis le désir d'abdiquer, ce que Clotilde lui déconseilla formellement pour le détourner de ce projet. Le duc d'Aoste a sans doute eu connaissance des veilleités d'abdication de son frère pour ambitionner de coiffer à son tour une couronne pourtant bien ternie... La soeur de Louis XVI ne voulait pas de l'avènement de son beau-frère au détriment de son époux qui était né et avait été éduqué pour régner. D'ailleurs, l'idée de son abdication lui faisait horreur. C'est la mort de Clotilde de France qui permis seulement l'abdication du fragile Charles-Emmanuel IV en 1802 et l'avènement de Victor-Emmanuel Ier. Le duc d'Aoste était-il donc si préssé de régner, alors que la Maison de Savoie traversait l'une des périodes les plus néfastes de son histoire ?

D'autres événements ébranlèrent l'équilibre de la famille royale en 1796. La défaite piémontaise de Mondovi galça la Cour de Turin ; l'armée de Bonaparte était à même de de marcher sur la capitale. Le Corse allait-il faire irruption au palais ?
Certes les menbres de la dynastie n'étaient guère enclins à honorer de politesses les hommes qui avaient soutenus le mouvement révolutionnaire en France, politiques ou militaires sans distinction. Néanmoins, par la force des choses et des événements, ces hommes n'étaient plus ceux de 1793, la révolution Française avait changé de face. Depuis peu, la République avait renoué des relations diplomatiques  avec quelques monarchies européennes, comme l'Espagne, la Prusse ou le Grand-Duché de Toscane. En 1796, le Directoire n'avait pas le dessein d'abolir la monarchie piémontaise, ni de brutaliser la maison de Savoie ; Paris voulait contraindre Turin à la paix, disposer de ses places fortes et de son territoire, au besoin imposer sa volonté dans sa politique intérieure. C'était déjà beaucoup ! Mais la dynastie pouvait continuer de régner à Turin, pour quelque temps encore...
La famille royale comportait alors trois princesses ayant des attaches avec la France : la princesse de Piémont et les comtesses de Provence et d'Artois. Si danger il y eut, Clotilde resta dans le sillage de son beau-père et de son mari. Elle pouvait avoir des accents apathiques parfois, manquer d'esprit de suite, détester les intrigues de la politique, elle était extrêmement courageuse et la peur lui était étrangère. Il est possible que le roi lui ait demandé de se refugier plus loin pour assurer sa sécurité, mais si tel est le cas, elle refusa. Par ailleurs, il ne semble pas que les Directeurs à Paris aient transmis des instructions concernant la princesse de Piémont et ses belle-soeurs. Sur le fond, la soeur de Louis XVI n'avait pas grand chose à craindre de la France, mais il n'est pas certain du tout qu'elle en aie été convaincue, car la Cour continuait de voir le gouvernement de Paris comme un "ramassis" de criminels impis. Clotilde avait quitté la France depuis plus de vingt ans et bien peu de Français se souvenaient de cette princesse que l'on avait autrefois surnommée "Gros Madame" ! Cependant, avec la Campagne d'Italie et l'offensive de Bonaparte contre le Piémont, le Directoire s'est probablement rebseigné sur les menbres de la Maison de Savoie. L'existence de cette soeur oubliée de Louis XVI qui s'était faite si farouchement discrète depuis deux décennies a dû en surprendre plus d'un...

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Dominique Poulin
Dominique Poulin

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La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame" - Page 4 Empty Re: La princesse Clotilde de France, dite Madame Clotilde, "Gros Madame"

Message par Invité Sam 19 Avr 2014, 18:41

Merci, cher Dominique, pour ce récit édifiant il est vrai... On ne connaît de Madame Clotilde que l'époque où on l'appelait Gros Madame mais pour le reste de son histoire je la découvre grâce à vous Very Happy

Bien à vous.

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