Les 5 et 6 octobre 1789
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Re: Les 5 et 6 octobre 1789
J'ai écrit :
La Fayette comprend très vite qu'il a tout intérêt à hurler avec les loups, parce que les soldats du régiment des gardes ( qui veut faire la loi dans Paris en ébullition ) ont demandé qu'on leur payât le montant des finances de leurs officiers; on leur a représenté que ces finances allaient à sept millions, et que cela était difficile à payer; ils ont bien voulu permettre qu'on ne les payât pas comptant, pourvu qu'on leur en payât l'intérêt, et, cela leur ayant été refusé, ils menacent de mettre tout à feu et à sang et de se réunir à tous les déserteurs qui sont dans la capitale .
Les restaurateurs de la liberté publique font trembler les héros Bailly et la Fayette, dont la gloire pourra se terminer avec la vie à un réverbère .
Berne, 24 septembre 1789, lettre de Vaudreuil à Artois .
Reinette :
A quand un livre sur les histoires de fric sous la Révolution ? J'ai de plus en plus l'impression qu'elle s'explique beaucoup par ce biais, bien entendu pudiquement occulté dans les manuels scolaires.
La Révolution est si pure, si vertueuse!
Baron le Batz :
Je vois de plus en plus de références au fait que ce fut Choderlos de Laclos qui était le cerveau derrière ces funestes journées.
Moi :
Je crois me souvenir, cher Baron, que lorsque nous nous sommes rencontrés à Trianon, vous me disiez être en train de lire le Philippe Egalité d'Evelyne Lever . Elle s'étend énormément sur l'étonnant cas Laclos plus orléaniste qu'Orléans lui-même et poussant le duc au train pour qu'il fomente sa prise de pouvoir ... pendant que Genlis, évincée par Laclos, avait renoncé au père et rejetait ses ambitions sur le fils .
Castelot dénonce aussi Laclos comme éminence grise d'Orléans .
Pou :
Sur cette question là je serais assez mitigé : oui il y a clairement eu une part de complot dans ces événements, mais il ne faut pas non plus occulter les motivations de la population, motivations et exaspération bien réelles, bien qu'en entretenues en parallèle.
Ces complots là auraient été sans effet. Je pense que ce sont bien ces deux paramètres ensemble qu'il faut prendre en compte .
Résumer la révolution à un vaste complot serait bien trop facile aussi, tout comme c'est trop facile de la résumer avec des mouvements spontanés de foules .
Reinette :
Je ne nie pas l'exaspération du peuple non plus. Je serais la première à m'indigner devant la misère du peuple face au luxe de ses dirigeants. Mais l'exaspération ne suffit pas. Il faut des chefs, des meneurs, de l'argent.
Pou :
Ce qui est aussi un bien finalement, sinon ça tourne à l'anarchie la plus totale et ça n'est pas beau non plus .
Reinette :
Ça dépend des chefs, trouvez m'en un sympathique dans cette joyeuse bande : Marat, Danton (à l'extrême limite), Robespierre, Saint-Just ou plus contemporains Lénine, Staline, Pol-Pot, Castro, même le Che n'était pas si cool.
Sans parlers des sous-fifres comme Hébert.
Pou :
Je suis bien d'accord avec vous, mais imaginez aussi aucun chef ni aucune organisation fédératrice : le peuple seul face à sa colère. Honnêtement les deux ne m'attirent pas.
Reinette :
Mais y a-t-il eu des colères du peuple sans chef ? Je ne vois pas.
La nuit, la neige :
Baah ! Ce qui sûr, c'est qu'un chef, à s'agiter tout seul et contre le vent, est pour le coup bien inoffensif...
Moi :
Avec de gros moyens, il peut payer des meneurs pour entraîner la masse !!!
Comme l'explique Mirabeau .
.
La Fayette comprend très vite qu'il a tout intérêt à hurler avec les loups, parce que les soldats du régiment des gardes ( qui veut faire la loi dans Paris en ébullition ) ont demandé qu'on leur payât le montant des finances de leurs officiers; on leur a représenté que ces finances allaient à sept millions, et que cela était difficile à payer; ils ont bien voulu permettre qu'on ne les payât pas comptant, pourvu qu'on leur en payât l'intérêt, et, cela leur ayant été refusé, ils menacent de mettre tout à feu et à sang et de se réunir à tous les déserteurs qui sont dans la capitale .
Les restaurateurs de la liberté publique font trembler les héros Bailly et la Fayette, dont la gloire pourra se terminer avec la vie à un réverbère .
Berne, 24 septembre 1789, lettre de Vaudreuil à Artois .
Reinette :
A quand un livre sur les histoires de fric sous la Révolution ? J'ai de plus en plus l'impression qu'elle s'explique beaucoup par ce biais, bien entendu pudiquement occulté dans les manuels scolaires.
La Révolution est si pure, si vertueuse!
Baron le Batz :
Je vois de plus en plus de références au fait que ce fut Choderlos de Laclos qui était le cerveau derrière ces funestes journées.
Moi :
Je crois me souvenir, cher Baron, que lorsque nous nous sommes rencontrés à Trianon, vous me disiez être en train de lire le Philippe Egalité d'Evelyne Lever . Elle s'étend énormément sur l'étonnant cas Laclos plus orléaniste qu'Orléans lui-même et poussant le duc au train pour qu'il fomente sa prise de pouvoir ... pendant que Genlis, évincée par Laclos, avait renoncé au père et rejetait ses ambitions sur le fils .
Castelot dénonce aussi Laclos comme éminence grise d'Orléans .
Pou :
Sur cette question là je serais assez mitigé : oui il y a clairement eu une part de complot dans ces événements, mais il ne faut pas non plus occulter les motivations de la population, motivations et exaspération bien réelles, bien qu'en entretenues en parallèle.
Ces complots là auraient été sans effet. Je pense que ce sont bien ces deux paramètres ensemble qu'il faut prendre en compte .
Résumer la révolution à un vaste complot serait bien trop facile aussi, tout comme c'est trop facile de la résumer avec des mouvements spontanés de foules .
Reinette :
Je ne nie pas l'exaspération du peuple non plus. Je serais la première à m'indigner devant la misère du peuple face au luxe de ses dirigeants. Mais l'exaspération ne suffit pas. Il faut des chefs, des meneurs, de l'argent.
Pou :
Ce qui est aussi un bien finalement, sinon ça tourne à l'anarchie la plus totale et ça n'est pas beau non plus .
Reinette :
Ça dépend des chefs, trouvez m'en un sympathique dans cette joyeuse bande : Marat, Danton (à l'extrême limite), Robespierre, Saint-Just ou plus contemporains Lénine, Staline, Pol-Pot, Castro, même le Che n'était pas si cool.
Sans parlers des sous-fifres comme Hébert.
Pou :
Je suis bien d'accord avec vous, mais imaginez aussi aucun chef ni aucune organisation fédératrice : le peuple seul face à sa colère. Honnêtement les deux ne m'attirent pas.
Reinette :
Mais y a-t-il eu des colères du peuple sans chef ? Je ne vois pas.
La nuit, la neige :
Baah ! Ce qui sûr, c'est qu'un chef, à s'agiter tout seul et contre le vent, est pour le coup bien inoffensif...
Moi :
Avec de gros moyens, il peut payer des meneurs pour entraîner la masse !!!
Comme l'explique Mirabeau .
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Mme de Sabran- Messages : 55509
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Fleurdelys a écrit:
Voici ce que raconte l`auteur du livre Fersen et son secret
" Cependant, les membres de la famille royale et les ministres arrivent, les uns après les autres, chez le roi, escortés par des gardes parisiens. Monsieur parait d`abord, « paré, poudré, revêtu de toutes de ses décorations, l`air fort calme». Madame Élisabeth arrive, protégée par un détachement de grenadiers. « Le bruit ma réveillée, dit-t-elle à la reine, j`ai dormi jusqu'à à 7 heures et demi, que l`on m à dit le Roi me demandait. » Necker porte un bel habit brodé. Le duc d`Orléans se montre le dernier. Personne ne lui adresse la parole. L`air rêveur, il se tient adossé au jambage d`une porte. « Croyez-vous que le roi se décide à aller à Paris ?» demande-t-il au comte de Brion, lieutenant des gardes. L officier ne lui répond point."
Le Duc d`Orléans était présent à Versailles du 5 au 6 octobre ?
La nuit, la neige :
Il est à Versailles le 5, à l'Assemblée, puis repart sur Paris.
Ou feint de repartir, c'est comme vous voulez : si vous êtes de ceux qui pensent qu'il a dirigé l'investissement du château dans la nuit.
Une procédure sera d'ailleurs ouverte à ce sujet.
En tous cas le 6, il est censé être aux côtés de Mme de Genlis et ses enfants, sur le balcon de la demeure louée à Passy...et regarde passer le cortège.
Reinette :
C'est ce qui me semblait aussi.
En tout cas, il n'avait pas peur de faire des allers-retours!
Franchement, je ne crois pas qu'il est lui-même ouvert le chemin aux émeutiers le matin du six octobre. S'il a participé, c'est de haut. Il avait assez d'hommes de main pour galvaniser les troupes qui lui permettaient de rester tranquille au Palais-Royal.
Ce serait même ridicule de voir un prince agir de la sorte. Aurait-il été déguisé en femme également ?
La nuit, la neige :
Des témoins le décriront plutôt en bottes, avec un fouet !
Provence s'est trouvé aussi confronté à cette rumeur, mais dans de moindres proportions qu'Orléans.
Sérieusement inquiété par la procédure juridique ordonnée suite à cette émeute...il décampe opportunément à Londres !
Fleurdelys :
Dans le même livre il est écrit :
Le colonel du Royal-Suédois ajoute que la première bande d`insurgés, conduite par le frère d`un huissier, un certain Maillard, est en majorité, composée de femmes, poissardes, filles de la rue du Pélican et de Percherons, ménagères affamées, bourgeoise recrutées de forces...
En note :
Maillard (Stanislas-Marie) (1763-1794) capitaine de la Garde national. Meneur dans les journées des 14 juillet et 5 octobre 1789, et pendant celles de septembre 1792 à la prison de l`Abbaye).
Je suppose qu`il mourut sur l`échafaud !
Fleurdelys
Moi :
Mais non ! En fait , Maillard meurt dans son lit, tout bêtement, de la phtisie, le 15 avril 1794, à Paris.
Il n'y a pas de justice !
Pou :
Ah? L'heureux veinard en quelque sorte !
Moi :
... veinard ou planqué ! L'air de Paris était tout de même drôlement malsain ...
Tulard, Fayard et Fierro disent Maillard, non pas le monstre satanique qu'on s'est plu à dépeindre, mais un raté, un ivrogne aux moyens d'existence aléatoires ...
Enfin bref, rien de reluisant, mais ça, on s'en doutait un peu !
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Mme de Sabran- Messages : 55509
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Madame de Chimay :
Dim 6 Juin 2010 - 16:23
Hubert La Marle dans son livre Philippe Égalité ( chapitre IX ) parle véritablement de complot :
"La venue du roi à Paris forme , depuis juillet , l'idée centrale des partisans de Philippe , lequel sait sans doute qu'en 1715 , son bisaïeul le Régent avait transféré la cour à Paris. Dans la capitale , Louis XVI cautionnerait la Révolution sans pouvoir opposer de résistance. Et très vite, le pouvoir changerait de mains. La raison officielle en est toute trouvée : il s'agit pour le roi de se " jeter dans les bras de la nation", c'est à dire de se rendre aux révolutionnaires parisiens, détenteurs de la représentation nationale et du patriotisme par la volonté du Palais Royal.
Depuis le mois d'août, tous les prétextes sont bons aux agitateurs pour réclamer la marche des parisiens sur Versailles et la venue du roi dans la capitale. On explique qu'ainsi on obtiendra du pain pour Paris, que la reine ne pourra plus affamer le peuple, que le roi viendra passer la garde nationale en revue, ou que la troupe massée aux environs ne pourra plus attaquer la ville...
Jeudi 1er Octobre
La décision de Philippe de tenter un coup de force contre Versailles pour obliger le roi à venir à Paris étant prise, il reste à fixer une date exacte pour le départ des parisiens. Mirabeau vient d'annoncer , fin septembre , des événements graves sous 8 à 10 jours. Les partisans du prince s'emploient à préciser la chose lors de leurs conciliabules de Passy , dans la maison de M. de Boulainvilliers, " occupée par les enfants de M. le duc d'Orléans " et par Mme de Genlis. C'est un voisin de cette maison dont la terrasse donne sur la Seine, M. De Coulommiers, capitaine dans la cavalerie parisienne , qui, entre autres, atteste la tenue de ces réunions préparatoires.
La date retenue pour marcher sur Versailles sera le prochain lundi car , comme l'expérience le prouve, le dimanche convient à merveille pour échauffer les esprits. Mais comme les journées de juillet l'ont montré aussi , les partisans du prince pensent qu'il faudra deux ou trois jours pour parvenir au but.
Le lancement de l'insurrection exige des fonds importants. La chancellerie d'Orléans ayant de longue date préparé la chose-l'émigration de Geoffroy de Limon à Ostende le confirme, une somme de six ou sept millions arrive de Hollande pour les conspirateurs le jeudi Ier octobre.
Cette somme est destinée " à payer le peuple pour l'exciter au soulèvement, et à payer le régiment de Flandre (...) alors à Versailles. Le comité de police de la ville de Paris parfaitement informé , laisse faire : la municipalité de Bailly ne saurait gêner l'action du Palais Royal. "
Moi :
Merci, chère Princesse, pour tous ces détails accablants pour Orléans et sur lesquels les historiens n'ont guère de doute ( voir, dans le sujet Philippe Egalité, les assertions pourtant très prudentes d'Evelyne Lever ) .
Mirabeau est le cerveau, Orléans le fer de lance et le sponsor dirait-on aujourd'hui .
Mirabeau s'en targue lui-même. Nous sommes bien obligés de le croire !
Madame de Chimay :
Absolument ! Toujours selon le même livre que j'ai cité :
" Mirabeau ne manque pas d'aplomb et incite le roi , en ce début d'octobre , à gagner la Normandie, " province fidèle et affectionnée , éloignée des frontières". La belle affaire ! C'est en Haute Normandie que sévit l'armée des brigands du duc d'Orléans ! C'est à Cherbourg que le silencieux Dumouriez épie , pour le compte du premier prince du sang , les faits et gestes de la province. Tout ce que veut le conseiller de Philippe , c'est pousser Louis XVI à quitter Versailles pour pouvoir apporter la couronne à son maître.
Vendredi 2 octobre
Le Comte d'Estaing n'est pas le seul proche du duc d'Orléans à se raidir contre la Révolution. La Maréchale de Beauvau , dont le mari appartient au cabinet Necker , reçoit régulièrement des nouvelles des projets des meneurs , y ayant été jusqu'alors favorable. Elle reçoit " familièrement , entre autres régénérateurs , l'avocat Target " l'un des chefs du club breton", dont le patriotisme à froid et l'éloquence muette " captivent son admiration. Or Target prend un beau jour deux ou trois fois du tabac dans la boîte de la maréchale sans s'en faire offrir : l'incident offusque Mme de Beauvau. La rupture était certes prévisible à cause de dissentiments politiques. Coroller avouera dans l'une de ses dispositions que la crainte des révélations de Madame de Beauvau fait hâter l'expédition contre la famille royale."
Toujours selon les mêmes sources :
" Le vendredi 2 octobre , une anglaise , Mme Swinfburne , prévient en effet la maréchale de Beauvau " que l'on irait immanquablement le lundi suivant chercher le roi à Versailles". La maréchale court sur le champ alerter la reine, mais Marie-Antoinette , tranquille , lui répond qu'elle sait tout et ne craint rien. Croit-elle , la malheureuse reine , à ce fumeux projet d'évasion à Metz ? A T-elle confiance en La Fayette et en d'Estaing ?
En ce 2 octobre , ce ne sont pas les rumeurs qui manquent dans Versailles , ni les avis secrets à la cour. N'annonce t-on pas publiquement dans la ville du roi-soleil " une insurrection contre la famille royale"? Plus troublant encore estce qu'un ancien garde française confie au député Feydel : " Nous viendrons avant peu en troupe armée chercher le roi et l'Assemblée nationale pour les mener à Paris."
La troupe armée , précisément, sera constituée de la milice nationale parisienne et l'on pourra éviter le déplacement des pouvoirs publics si l'on rend à la garde nationale " les postes des anciens gardes françaises."
L'argent du duc d'Orléans , arrivé la veille à Paris, se répand le 2 octobre à profusion pour débaucher les soldats du régiment de Flandre à Versailles. L'esprit des soldats change brusquement ; on les voit " se promener bras-dessus, bras-dessous avec les gens du peuple, fréquenter les cabarets , commencer à manifester des opinions révolutionnaires " ; la discipline se relâche sensiblement. rien d'étonnant à cela : 60 filles sont envoyées de Paris pour séduire les hommes du régiment. Les agents de cette subversion orchestrée par le Palais Royal sont aussi les grenadiers aux gardes françaises , qui forment le corps central de la garde nationale parisienne ; on voit ces hommes à Versailles conduire les soldats du régiment de Flandre " dans des cafés et autres lieux publics " et payer "pour eux des dépenses assez considérables."
Un capitaine du régiment de Flandre , Pierre Duquennelet , " a sçu ( sic )qu'on avait donné de l'argent aux soldats , mais ne sait qui faisoit cette distribution ; que depuis l'arrivée du régiment de Flandre à Versailles, jusqu'au 5 octobre, les soldats qui avoient toujours été soumis aux ordres de leurs officiers, s'enivroient, manquoient aux appels , désobéissoient et avoient des femmes du monde parmi eux. Principal commis de la guerre , Nicolas Bernier , observe de même à Versailles " beaucoup de femmes de mauvaise vie , venues de Paris" et entend dire que ces femmes reçoivent des soldats du régiment de Flandre et d'autres militaires, qu'elles leur donnent de l'argent et emploient encore d'autres moyens pour les séduire."
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Mme de Sabran- Messages : 55509
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Madame de Chimay,
Lun 7 Juin 2010 - 12:19
Hubert La Marle passe ainsi en revue dans le détail toutes les journées révolutionnaires d'octobre.
Voici ce qu'il note pour le 3 octobre :
"Lecointre agit dans la matinée du samedi 3 octobre comme le véritable chef des factieux de Versailles. Il voue à la famille royale une haine que d'aucuns qualifieront de monomanie. Dans la matinée du 3 donc , des inconnus viennent " faire préparer des logements dans plusieurs maisons qu quartier appelé le Vieux Versailles". Ils se concertent avec Lecointre , qui leur réponde de la garde nationale, dont il est l'un des officiers et du régiment de Flandre qu'il a réussi à débaucher.
La conspiration s'occupe aussi de faire cesser l'activité des ouvriers et des marchands au cours de la journée du samedi 3. Marie-Catherine Sacieux, maîtresse teinturière à Paris, rue de la Calandre , doit fermer boutique à cause de la clameur publique. A Versailles , les ouvriers occupés à placer les ferrements de la nouvelle salle du palais, abandonnent ce travail par ordre du chef de l'atelier , qui lui-même en a reçu l'injonction du duc d'Orléans. Ils se sont mis ensuite à fabriquer des piques et des lances.
Et les rumeurs de devenir extrêmement insistantes et précises. Dans une logeà l'Opéra , la femme d'un fermier général des messageries surprend une conversation édifiante . Une femme ayant annoncé que les dames de la halle projettent de ramener le roi à Paris pour qu'il y fasse ses pâques, " un jeune homme blond et pâle" , lui répond sans ambages qu'il ne croit pas que Louis XVI les fasse avant longtemps" attendu que sous peu, on lui donneroit ses lettres de bourgeoisie".
L'affaire de la découverte de poignards à deux barrières du nord de Paris met un comble à la tension populaire dans la ville. Des tonneaux en provenance d'Italie via Gênes sont arrêtés à l'entrée de la capitale et visités par des commis. Une fois la découverte faite, on les expose avec leur contenu de poignards , aux regards du public . Les orateurs orléanistes en profitent pour dénoncer une ruse de la cour destinée à faire croire à une menace contre la tranquilité publique, et ainsi réunir plus de troupes près de Paris.
Le 3 octobre , enfin , le duc d'Orléans arrive de Paris à Versailles en cabriolet et se fait acclamer à l'entrée de cette dernière ville par une foule importante qui court à perdre haleine derrière sa voiture en criant : " voilà le père du peuple ! Vive le roi d'Orléans ! Cette foule le suit jusqu'à la porte de l'Assemblée nationale en répétant les mêmes mots. "
Moi :
Lecointre, encore un sinistre individu qui est mort tranquillement dans son lit ( nous parlions hier de Maillard ) , en exil dans sa propriété ( tu parles d'un exil !!! ) de Guignes en Seine et Marne , le 4 août 1805 .
Il demandera le 15 décembre 1792 que le Dauphin et Mousseline soient séparés de leurs parents et votera la mort du Roi sans état d'âme ... ça ne l'empêchera pas, par la suite, de dénoncer Robespierre comme tyran et donc de se trouver du côté du manche le 9 thermidor ...
Madame de Chimay :
Merci pour ces renseignements, chère Madame de Sabran.
Voilà encore un opportuniste !
Moi :
.... au point de dénoncer avec acharnement les vaincus de thermidor, dans les mois qui suivent !
Et puis il se compromet dans l'émeute de germinal, tâte de la prison, est amnistié par la Convention, fricotte avec Baboeuf ( ce qu'il nie ensuite ) ...
Il a la mauvaise inspiration de voter contre le Consulat et c'est l'exil .
Madame de Chimay :
Journées des 5 et 6 octobre 1789
Marie-Thérèse trace le paisible tableau d’une journée comme les autres « où tout le monde était encore tranquille à Versailles ». Le Roi à la chasse à Meudon, la Reine à Trianon , le Comte et la Comtesse de Provence au palais, Madame Elisabeth dans sa résidence de Montreuil. Brusquement , la nouvelle éclate : les femmes et « les brigands de Paris arrivaient armés à Versailles ».
Partie le matin même sous la direction de l’huissier Maillard , un des « vainqueurs » de la Bastille, la troupe atteint Versailles vers la fin de l’après-midi.
« M. de La Fayette, raconte Mme Royale , se trouvait à la tête de cette armée parisienne : elle s’était portée à la salle de l’Assemblée où l’on déclama beaucoup contre le Roi et le gouvernement…Le duc D’Orléans était là avec La Fayette ; on prétendait qu’il s’agissait de le faire Roi…Le projet principal était d’emmener ma mère , dont le duc d’Orléans voulait se venger à cause des offenses qu’il prétendait avoir reçues d’elle et de menacer les Gardes du Corps, les seuls restés fidèles à leur Roi.
En quelques lignes , Marie-Thérèse décrit la situation et les principaux protagonistes du drame.
D’emblée , elle place le duc d’Orléans , du côté de La Fayette et des « brigands ». Elle lui prête de noirs desseins de vengeance. Peut-être se souvenait-elle de l’attitude équivoque de ce premier prince du sang, l’une des plus belles fortunes de France qui, lors des Etats Généraux s’était prononcé pour la réunion des trois ordres ? Etait-il présent à Versailles ce jour-là comme le bruit en a couru alors à la Cour ou s’était-il enfui avec l’aide de son secrétaire Choderlos de Lenclos ? Toujours est-il que des agitateurs s’étaient servis de son nom pour rameuter des manifestants.
Louis XVIII toujours attentif à rectifier les inexactitudes du manuscrit de sa nièce , n’en parle pas alors qu’il précise que La Fayette « n’était pas avec les brigands » et n’arriva avec ses troupes qu’à 11h du soir.
Le lendemain, vers 5 heures du matin, les grilles du château furent forcées et « les brigands , conduits à ce que l’on prétend par le duc d’Orléans lui-même , se précipitèrent droit vers l’appartement de ma mère. «
Alors commencent les scènes de massacre , la fuite de la Reine chez le Roi , auprès de qui tous se rassemblèrent. Des fenêtres, Marie-Thérèse pouvait voir l’extérieur : « La cour du château de Versailles, écrit-elle présentait un spectacle horrible : une foule de femmes presque nues , des hommes armés de piques, menaçant les fenêtres avec des cris affreux.
« M. De La Fayette et le duc d’Orléans ( toujours eux ) étaient en haut feignant d’être au désespoir des horreurs qui s’étaient commises dans cette matinée.
Je ne sais qui donna à ma mère le conseil de se montrer sur le balcon ; elle y alla seule avec mon frère , mais le peuple exigea qu’elle renvoyât son fils ; l’ayant ramené dans la chambre , elle retourna seule au balcon . Ce grand courage imposa à tout ce peuple qui se borna à l’accabler d’injures sans oser attenter à sa personne. «
Puis, ce fut le lamentable retour à Paris. Le Roi et sa famille s’entassèrent dans une voiture. Madame Royale se trouvait au fond près de son père et de sa mère. Madame de Tourzel tenant le petit dauphin sur ses genoux , était sur le devant avec la comtesse de Provence. Le comte de Provence et Mme Elisabeth avaient pris place près des portières. La foule était si nombreuse que l’on n’avançait qu’avec difficulté. « En avant de ce cortège , écrit Marie-Thérèse à qui rien n’échappe , on portait les têtes des deux Gardes du Corps qui avaient été tués. «
« Nous arrivâmes aux Tuileries à dix heures, conclut Marie-Thérèse. Ainsi se passa cette journée , qui fut l’époque de l’emprisonnement de la Famille Royale et le commencement des avanies et des cruautés qu’elle eût à souffrir par la suite. «
(…)
« Le reste de l’année et la suivante de 90 se passèrent dans une lutte continuelle entre la Puissance Royale et celle que s’arrogeait l’Assemblée, cette dernière gagnant toujours davantage le dessus sans qu’il se passât , durant tout ce temps , des événements très remarquables relativement à la situation personnelle de ma famille. »
Lord Robert Fitzgerald , diplomate britannique décrit l’atmosphère qui régnait aux Tuileries alors : « Le Roi était fort déprimé et parlait peu. La voix de Sa Majesté la Reine tremblait et ses yeux étaient pleins de larmes qui coulaient sur son visage. Tous dans leur entourage paraissaient plongés dans l’inquiétude et la tristesse. «
Progressivement dépossédé de son pouvoir , Louis XVI se tourne davantage vers sa famille.
Sources : le même livre que celui de Mme Royale indiqué sur le fil Malmédy, à savoir le livre de M. Cartron.
Je ne savais pas qu'il y avait une telle inimitié entre Marie-Antoinette et Philippe Egalité !
Moi :
Qu'est-ce que c'est que ce manuscrit de Mme Royale rectifié par Louis XVIII ? Quelle référence M. Cartron en donne t-il ?
Je croyais que Mme Royale n'avait laissé que ses souvenirs des événements survenus pendant sa détention au Temple .
Madame de Chimay :
« Nous verrons que Marie-Thérèse fut enfermée au Temple avec sa famille le 13 août 1793. Elle y resta 3 ans et demi. Prisonnière dans ce lieu, elle a vu partir ses parents vers la mort. Restée seule, elle n’eut d’autre occupation que de se rappeler les événements tragiques qu’elle venait de vivre . Elle en fit un récit. Lorsqu’elle fut libérée , le 18 décembre 1796, elle remit les feuillets entre les mains de Madame de Chanterenne , jeune personne envoyée par le Comité de Sûreté Générale « pour servir de compagne à la fille de Louis Capet ». Il s’agissait du Mémoire écrit par Marie-Thérèse –Charlotte de France sur la captivité des princes et princesses ses parents, depuis le 10 août 1792 jusqu’à la mort de son frère , arrivée le 9 juin 1795 "
( cette date a été supprimée dans certaines versions ).
Peu après son mariage avec le duc d’Angoulême , le 10 juin 1799 , la princesse complètera ce premier récit par un second racontant les événements vécus par elle-même et sa famille à partir du 5 octobre 1789. Ce texte fut revu par Louis XVIII qui l’annota et y apporta quelques modifications, puis confié au baron Hüe qui partageait la captivité et l’exil de la famille royale.
En 1893 , ce document , précédé d’une introduction du baron Imbert de Saint Amand fut publié à Paris, chez Firmin Didot , sous le titre de Journal de Marie-Thérèse de France , duchesse d’Angoulême ( 5 octobre 1789 -2 septembre 1792 ), corrigé et annoté par Louis XVIII.
A ce récit , Imbert de Saint Amand ajoutera en seconde partie le premier mémoire , celui que Mme Royale avait remis à Mme de Chanterenne et qu’elle lui réclama en 1805, pour en faire une nouvelle copie , avant de lui retourner en 1814.
Le manuscrit avait été publié une première fois par Audot en 1823 et reproduit par Baudoin dans la collection Mémoire de l’histoire de la Révolution Française réédité par Barrière en 1847 dans les Mémoires relatifs à l’histoire de la France pendant le XVIIIe siècle et, en 1942 , par Hervé de Peslouan , dans la Collection Le Roman de l’Histoire dirigée par Maximilien Vox .
Le petit-fils de Madame de Chanterenne hérita du manuscrit et, aux environs de 1880 , en fit hommage au Comte de Chambord , qui le déposa aux archives de Frohsdorf.
En 1923 , le vicomte Jacques de Canson obtint du prince Jacques de Bourbon-Anjou ( Don Jaime ), alors chef de la maison de Bourbon et propriétaire du document , d’en réaliser un fac-similé aux Editions Historiques. Le tirage fut limité à 500 exemplaires .
La Bibliothèque Nationale en conserve un exemplaire sous la cote : Fac –Sim.4°467
Dans notre récit, nous suivons l’édition de 1893 . Signalons également que la dernière partie de ce document , ainsi que le Mémoire écrit au Temple , ont été ajoutés à la publication du Journal de Cléry dans l’édition Mercure de France , collection le temps retrouvé, Paris, 1987.
Les Editions Communication et Tradition ont édité en 1997 , dans la collection « Archives des Bourbons », le texte complet des Mémoires dans sa version authentique, débarrassée des scories des éditions précédentes.
A ce texte est joint le Journal écrit par la Princesse à partir de 1799.
Le tout , accompagné de notes et d’explications , en fait un véritable « outil de travail » sous le titre Souvenirs de Marie-Thérèse de France, duchesse d’Angoulême, un volume de 128 pages.
M. Cartron se base aussi sur le journal de Mme de Tourzel et sur les livres suivants :
-La fille de Louis XVI , Marie- Thérèse –Charlotte de France , le Temple, l’Echange , l’Exil, de Lenotre ( G), Perrin, 1907
-Louis XVI et sa famille à Epernay au retour de Varennes de
l’abbé Gillet , Epernay, les cahiers sparnaciens , N°4 , 1968
Mais aussi sur d’autres livres bien sûr.
Les indiquer tous serait long .
A noter cet incident de Ste Menehould que la princesse raconte et dont elle semble avoir gardé un profond souvenir. Elle écrit que les paysans venaient de tuer un « aristocrate « à coups de fusil et de sabre après l’avoir désarçonné : « Le spectacle qui se passait près de notre voiture et sous nos yeux fut des plus horribles pour nous , mais le plus affreux encore fut que la rage de ces scélérats ne se borna pas à l’avoir tué , ils voulurent encore apporter le cadavre jusqu’auprès de la voiture pour le faire voir à mon père. Il s’y opposa de tout son pouvoir…Malgré cela , ces cannibales vinrent encore triompher autour de la voiture avec le chapeau , l’habit et les dépouilles du mort , et sans égard aux sollicitations de mon père , ils gardèrent ces horribles trophées tout le long du chemin en le menaçant . Ce fut de cette manière que nous passâmes le reste de la journée au milieu des injures et des périls ».
Je peux comprendre la position de Louis XVIII. Il allait devenir Roi de France et il n'allait pas laisser sa nièce publier " sa vérité ". Il se devait de contrôler ce qu'elle écrivait, quitte à réécrire certains passages.
Madame Royale était un atout pour la famille royale de France à cette époque et dès lors , Louis XVIII a essayé de l'utiliser au mieux pour ses intérêts.
Il n'empêche , c'est tout de même intéressant à lire !
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Mme de Sabran- Messages : 55509
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Le peintre David, au lendemain des journées d'octobre, au sujet de Marie-Antoinette :
C'est un grand malheur que cette charogne n'ait pas été étranglée ou taillée en morceaux par les émeutières, car tant qu'elle sera vivante il n'y aura pas de paix dans ce royaume .
( Gilles Néret, David, la Terreur et la Vertu )
Peut-être aurais-je dû placer cette citation dans le sujet de David ?
La nuit, la neige :
Non, non, elle est « très bien » ici aussi...
Quelques mois auparavant, il aurait sans doute léché le parquet jusqu’à ses pieds pour avoir une commande d’elle...
Reinette :
Elle lui a peut-être fait quelque chose qui lui est resté en travers de la gorge ? Parce que ses paroles dégoulinent vraiment de haine. Et il va continuer avec l'interrogatoire odieux de ses enfants et son portrait ultime.
Il est bien possible qu'il ait très mal vécu le fait qu'elle ait ignoré son talent. Il ne faut pas oublier qu'une fois maître de l'Art de la République, son premier acte a été de supprimer l'Académie qui a eu l'audace de ne pas l'intégrer en son sein quatre années de suite... Nous connaissons tous quelqu'un pour qui l'impossibilité d'accéder à une académie de Beaux-Arts fut la cause d'un déclenchement de haine sans précédent...
Or Marie-Antoinette pouvait être une excellente protectrice d'artistes. Mais combien de rejetés ?
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Mme de Sabran- Messages : 55509
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Notre Marie-Antoinette a écrit :
Ven 30 Sep 2011 - 11:40
Ne sachant où placer cette modeste liste, je reviens sur l'affaire du 5/6 Octobre 1789 des personne présentes ou non au CHÂTEAU ces jours-là !!!!
dans le livre de 1790 les interrogatoires du Châtelet - 388 convocations, j'ai trouvé quelques personnages connus , par contre impossible de savoir par quel moyen ils ont été choisis .... car dans certaines mémoires d'autres personnages sont nommés !!!!!par exemple Monsieur DE ROUGEVILLE !!!!!
j'ai retrouvé, entre autres :
Madame AUGUIE et Madame NOLLE veuve THIBAULT - Monsieur DE LAFAYETTE - BARON DE BATZ - RAIGECOURT -VALORY (varennes) BLAIZOT (libraire de la cour) MIOMENDRE (qui avait bloqué la porte de l'appartement de la Reine) VILLE D'AVRAY - BERTHIER le père - DE LA CHATRE -
DUPONT serviteur de Monsieur DE TALARU - en service dans le PAVILLON TALARU - Cour des Ministres -
LOUISON (la jeune fille qui est venue demander du pain au Roi)
Interrogés et non présents - Messieurs DE LABORDE - DE CHAMILLY (valet du Roi)
MIRABEAU présent à l'ASSEMBLEE NATIONALE qui confirme que le DUC D'ORLEANS était dans l'enceinte avec BIRON et ses fils dont CHÂRTRES !!!!!! on l'a vu dans la foule près du château - et des chevaux avec serviteurs à ses armes se tenaient à l'entrée des grilles du château -
De nombreux, grand noms de la Cour, membres de l'ASSEMBLEE NATIONALE étaient dans la salle de l'ASSEMBLEE et n'ont pas bougés des lieux !!!!!
Il y aurait un gros travail à reprendre ces interrogatoires pour écrire une nouvelle histoire exacte de ces évènements !!!!!! Il est à remarquer qu'il n'y a pas beaucoup de femmes ou de dames !!!!!!
J'ai replacé le livre dans la bibliothèque pour un bon repos !!!!
Amicalement MARIE ANTOINETTE
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Mme de Sabran- Messages : 55509
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
A l'automne 1789 parait une liste des principaux personnages contre qui la gronde se porte. En tête se trouve les noms des frères du roi. Savez vous comment s'appelle ce pamphlet ? Sauriez vous où trouver cette liste ?
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 33
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Ca ressemble à la liste dont il est question dans Les Adieux à la Reine dont l'intrigue se situe autour du 14 juillet 1789...
Bien à vous.
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Lucius a écrit:A l'automne 1789 parait une liste des principaux personnages contre qui la gronde se porte. En tête se trouve les noms des frères du roi. Savez vous comment s'appelle ce pamphlet ? Sauriez vous où trouver cette liste ?
Il existe plusieurs éditions différentes de ce pamphlet. L'édition que je possède s'intitule "Liste des proscrits de la Nation, et de la Notice des peines qui leur sont infligées par contumace...précédée de la Chasse aux Bêtes puantes & féroces…".
Invité- Invité
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Merci.
Etrange document. Pourquoi ceux-ci plus que ceux là ?
Certaines charges sont ahurissantes ! (l'accusation contre Mgr de Juigné est révoltante) D'autres étranges ; le duc de Brissac est renvoyé à plus ample informé !
Etrange document. Pourquoi ceux-ci plus que ceux là ?
Certaines charges sont ahurissantes ! (l'accusation contre Mgr de Juigné est révoltante) D'autres étranges ; le duc de Brissac est renvoyé à plus ample informé !
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 33
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Je n'ai pas vu l'accusation contre Mgr de Juigné : que lui reprochent-ils ?
Invité- Invité
le 5 et 6 octobre 1789
Il y a 225 ans avaient lieux les journées d'octobre.
5 OCTOBRE 1789
Il pleut a verse.
Et sur le chemin détrempé qui part de Paris, une énorme cohorte de 6000 à 7000 femmes avance. Elles sont crottées, trempées. Elles crient, apostrophent les badauds, hurlent des invectives à destination de la Reine, de madame de Polignac où de la Princesse de Lamballe, dans des termes crus et orduriers qu'aucun auteur n'ose rapporter en entier.
Les premières se sont munies de tambours, une dizaine, avec lesquels elles accompagnent les chants révolutionnaires qui retentissent. Ce sont des mégères, des poissardes , ouvrières ou femmes de la ville. Elles sont armées de piques, de fourches, de manches à balais, d'épées même, de couteaux de cuisines qu'elles aiguisent sur les bornes de la route sans faire mystère de l'utilisation qu'elles ont l'intention d'en faire.
Des fusils sont également visibles au milieu de la cohue, et elles trainent également quatre canons qu'elles ont dénichés on ne sait où.
En ce jour où commence la révolution, le peuple de Paris marche sur Versailles...
Des hommes déguisés se sont glissés au milieu de la foule, et, loin derrière, les 30000 hommes de la toute nouvelle garde nationale de Paris se sont eux aussi mis en route, avec, à leur tête, le général marquis de La Fayette, le héros de l'indépendance de l'Amérique, que l'on a obligé à se mettre à la tête de ses hommes.
En tête de ce cortège bachique se trouve l'huissier Maillard, le soi disant vainqueur de la Bastille, et la féministe Théroigne de Méricourt, l'égérie des Sans-Culottes.
A une dizaine de kilomètre de là, alors que celles que Camille Desmoulins appelle "Les 8000 Judith" approchent, au château de Versailles, où l'on sait depuis midi que les parisiennes se sont mises en marche, la confusion règne. On a envoyé en toute hâte des messagers à la recherche du roi, le seul qui puisse prendre une décision, qui est parti chassé du côté de la porte de Charenton, tandis que l'un des ministres, le comte de Saint-Priest, a dépêché des pages dans les jardins du Petit Trianon pour demander à la reine Marie Antoinette de revenir au palais sans aucun retard.
Dans le salon d'Hercule des courtisans qui n'ont pas fui après le 14 juillet regardent par les fenêtres les premières femmes qui arrivent devant le château, tandis que ce qu'il subsiste de la cour s'est rassemblé chez le roi et chez la reine. Des gentilshommes se déclarent prêts à mourir aux pieds du roi, plusieurs veulent passer la nuit devant les portes des appartements de Marie Antoinette.
Le régiment de Flandres et la garde suisse se sont rangés dans les cours, derrière les grilles fermées. On bat le rappel au tambour. Le tocsin sonne à la chapelle du château. Des portes qui n'avaient pas tourné sur leurs gonds depuis l'époque du roi soleil ont été barricadées précipitamment.
A l'intérieur, le capitaine de la garde est sur le qui-vive. Les gardes du corps, toujours à leurs postes, multiplient les patrouilles et surveillent les appartements royaux. Les gardes suisses sont partout à la fois. Le palais du Roi Soleil se prépare à faire face à la journée la plus sombre de son histoire.
Tandis que le roi, prévenu revient en hâte, la Reine, elle, se trouvait dans la grotte de Trianon lorsqu’un page vint l'avertir de la part de monsieur de Saint Priest, qu'elle devait rentrer immédiatement. Elle ignore alors ce qui se passe. Elle ignore également qu'elle vient de voir son domaine adoré pour la dernière fois. C'est en arrivant au château qu'elle apprend la marche des femmes. On attend anxieusement
5 OCTOBRE 1789
Il pleut a verse.
Et sur le chemin détrempé qui part de Paris, une énorme cohorte de 6000 à 7000 femmes avance. Elles sont crottées, trempées. Elles crient, apostrophent les badauds, hurlent des invectives à destination de la Reine, de madame de Polignac où de la Princesse de Lamballe, dans des termes crus et orduriers qu'aucun auteur n'ose rapporter en entier.
Les premières se sont munies de tambours, une dizaine, avec lesquels elles accompagnent les chants révolutionnaires qui retentissent. Ce sont des mégères, des poissardes , ouvrières ou femmes de la ville. Elles sont armées de piques, de fourches, de manches à balais, d'épées même, de couteaux de cuisines qu'elles aiguisent sur les bornes de la route sans faire mystère de l'utilisation qu'elles ont l'intention d'en faire.
Des fusils sont également visibles au milieu de la cohue, et elles trainent également quatre canons qu'elles ont dénichés on ne sait où.
En ce jour où commence la révolution, le peuple de Paris marche sur Versailles...
Des hommes déguisés se sont glissés au milieu de la foule, et, loin derrière, les 30000 hommes de la toute nouvelle garde nationale de Paris se sont eux aussi mis en route, avec, à leur tête, le général marquis de La Fayette, le héros de l'indépendance de l'Amérique, que l'on a obligé à se mettre à la tête de ses hommes.
En tête de ce cortège bachique se trouve l'huissier Maillard, le soi disant vainqueur de la Bastille, et la féministe Théroigne de Méricourt, l'égérie des Sans-Culottes.
A une dizaine de kilomètre de là, alors que celles que Camille Desmoulins appelle "Les 8000 Judith" approchent, au château de Versailles, où l'on sait depuis midi que les parisiennes se sont mises en marche, la confusion règne. On a envoyé en toute hâte des messagers à la recherche du roi, le seul qui puisse prendre une décision, qui est parti chassé du côté de la porte de Charenton, tandis que l'un des ministres, le comte de Saint-Priest, a dépêché des pages dans les jardins du Petit Trianon pour demander à la reine Marie Antoinette de revenir au palais sans aucun retard.
Dans le salon d'Hercule des courtisans qui n'ont pas fui après le 14 juillet regardent par les fenêtres les premières femmes qui arrivent devant le château, tandis que ce qu'il subsiste de la cour s'est rassemblé chez le roi et chez la reine. Des gentilshommes se déclarent prêts à mourir aux pieds du roi, plusieurs veulent passer la nuit devant les portes des appartements de Marie Antoinette.
Le régiment de Flandres et la garde suisse se sont rangés dans les cours, derrière les grilles fermées. On bat le rappel au tambour. Le tocsin sonne à la chapelle du château. Des portes qui n'avaient pas tourné sur leurs gonds depuis l'époque du roi soleil ont été barricadées précipitamment.
A l'intérieur, le capitaine de la garde est sur le qui-vive. Les gardes du corps, toujours à leurs postes, multiplient les patrouilles et surveillent les appartements royaux. Les gardes suisses sont partout à la fois. Le palais du Roi Soleil se prépare à faire face à la journée la plus sombre de son histoire.
Tandis que le roi, prévenu revient en hâte, la Reine, elle, se trouvait dans la grotte de Trianon lorsqu’un page vint l'avertir de la part de monsieur de Saint Priest, qu'elle devait rentrer immédiatement. Elle ignore alors ce qui se passe. Elle ignore également qu'elle vient de voir son domaine adoré pour la dernière fois. C'est en arrivant au château qu'elle apprend la marche des femmes. On attend anxieusement
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"Je sais que l'on vient de Paris pour demander ma tête ! Mais j'ai appris de ma mère à ne pas craindre la mort, et je l'attendrai avec fermeté !"
Marie Antoinette
attachboy- Messages : 1492
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Notre Princesse , il y a deux ans, nous relatait scrupuleusement les Mémoires de Louis-Philippe :
Louis-Philippe parle des causes possibles des journées révolutionnaires des 5 et 6 octobre. Tout d’abord , il explique la présence du régiment de Berwick.
Voici ce qu’il écrit : « Le régiment de Berwick était un régiment irlandais formé par Jacques second, et qui portait encore un uniforme rouge avec des revers noirs. Le Roi avait fait venir à Versailles ce régiment pour remplacer les Gardes Françaises qu’il avait licenciés, et faire le service auprès de sa personne. Ce motif paraissait très naturel , c’était au moins un excellent prétexte pour garder un régiment d’infanterie de ligne à Versailles où il n’y en avait pas ordinairement. Mais le régiment de Berwick donna de l’inquiétude à l’Assemblée et même à Paris. On se plaignit que le Roi eût auprès de lui un régiment étranger et qu’il s’entourât d’habits rouges.
Il y avait une autre cause à ces plaintes ; le régiment de Berwick était attaché au parti de la Cour , et aurait fait tout ce que le Roi aurait voulu. Il a émigré depuis en totalité. Cependant, le Roi n’osa pas le garder à Versailles et il y fit venir à sa place le régiment de Flandres dont le colonel M. de Lusignan , était un des 47 députés de la noblesse qui s’étaient réunis les premiers à l’Assemblée du Tiers, et votait presque toujours avec la majorité de l’Assemblée nationale. Ce choix était très prudent , quant au colonel dont les opinions ne pouvaient causer aucune inquiétude à l’Assemblée ou à Paris. Mais M. de Lusignan étant député, ne pouvait pas prendre le commandement de son régiment, dont les officiers professaient les opinions qui plaisaient à la Cour, mais qui inquiétaient Paris et l’Assemblée.
Le premier octobre , les Gardes du Corps donnèrent un repas de corps aux officiers du régiment de Flandres. Je ne sais si tout ce qui s’y passa était prémédité, mais on y fit bien des imprudences. Notamment , la cocarde nationale fut foulée aux pieds ( ce fait a été nié , et je n’en réponds pas , quoique je le croie au moins probable ) et les mouchoirs furent déchirés pour en faire des cocardes blanches. Ce festin donna beaucoup d’ombrage au parti populaire , on le regarda à Paris comme un signal de contre-Révolution. Malheureusement , ce n’était pas le seul qu’on crut apercevoir , et ces craintes augmentaient infiniment la fermentation.
Bien des causes se réunissaient alors pour l’entretenir ; d’abord, la disette du blé , source certaine de fermentation populaire, continuait à se faire sentir d’une manière très alarmante.
2°-La liberté ou licence de la presse, depuis le 14 juillet avait inondé Paris et le Royaume d’une foule de journaux , pamphlets et de libelles qu’on continuait à lire avec autant d’avidité que s’ils avaient été encore défendus. Ces différents ouvrages échauffaient les têtes , les portaient à l’exagération ; les personnalités n’étaient pas épargnées , et plus les ennemis de la Révolution s’efforçaient de persuader à la nation que le Roi allait reprendre son autorité absolue , plus il devenait facile à leurs adversaires d’exciter le peuple contre eux , de lui faire voir des conspirations partout, même dans les combinaisons les plus naturelles et les moins suspectes, et de le pousser ainsi à commettre les excès les plus répréhensibles. Ce fut à cette époque , au mois de septembre 1789 , que Marat , l’Ami du Peuple ( nom du journal de Marat), commença à imprimer ce qu’il a répété tant de fois , que La Révolution ne serait complète et indestructible , que quand on se serait débarrassé de 200 000 têtes qui travailleraient continuellement à opérer la contre-Révolution.
3°-La crainte que Le Roi ne s’éloignât de l’Assemblée , ne se retirât à Metz ou ailleurs, au milieu de ses troupes , et que de là, il ne parvint à faire la contre-Révolution , était une autre cause d’alarme , et par conséquent de fermentation. Il est certain que ces bruits circulaient beaucoup , tant à Paris que dans l’Assemblée . Il est certain, et cela est avoué, que des projets semblables ont été discutés dans le Conseil du Roi. Il l’est également que le départ a été résolu , qu’il devait avoir lieu le lendemain , mais qu’on changea de projet dans la soirée.
4°-Enfin la mésintelligence entre l’Assemblée nationale et Necker , qui avait presque détruit la popularité de ce ministre et de ses collègues , d’autant plus qu’ils étaient connus pour avoir soutenu le système des deux Chambres, et que ce système était devenu , par suite des extravagances du temps, presque aussi impopulaire que la contre-Révolution.
Telles furent certainement les causes principales du malheureux événement dont je vais parler. Mais par qui cet événement fut-il dirigé ? Est-ce par le duc d’Orléans ? Est-ce par M. de la Fayette ? Je réponds , hardiment , affirmativement , ni par l’un ni par l’autre. Ce fut un parti connu principalement sous le nom du parti Cordelier . Il est aussi curieux de connaître la composition de ce parti, qu’il est essentiel d’en étudier la marche , quand on veut se mettre bien au fait des causes de la Révolution et de la manière dont elle s’est opérée. C’est ce même parti , qui fit le mouvement du 10 août 1792, et qui parvint à établir l’anarchie et la tyrannie de la République sur les ruines de ces théories plus absurdes les unes que les autres, qu’on avait eu la folie de considérer comme de sublimes conceptions politiques. »
Invité :
C'est marrant, Louis-Philippe passe très vite sur une des causes majeures des incidents du 5 et 6 Octobre : la faim dans Paris et le manque de subsistance. ça le gène? Car son père n'était guère clean sur ce coup.
Majesté :
C'est un comportement humain qu'on peut comprendre...Voyez aujourd'hui comme cette parenté au régicide colle encore à l'image des Orléans...alors pour le fils même de l'individu en question...
Bien à vous.
Madame de Chimay :
Oui, vous avez raison , Majesté .
C'est très lourd à porter !
.
Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Madame de Chimay :
Ensuite , Junior explique ce qu’est le parti des Cordeliers. Il s’agit d’un peuple de basse extraction.
Voici ce qu’il écrit : « Le foyer de ce parti était à Paris dans le district des Cordeliers qui fut constamment le plus violent de tous. Il était alors composé de gens inconnus , de la classe la plus inférieure de celles qui reçoivent encore quelque éducation , c'est-à-dire d’un grand nombre d’écrivailleurs, de clercs , de procureurs , d’étudiants en médecine et en chirurgie, de subalternes de collèges, d’imprimeurs…Danton, avocat aux Conseils et président du district , en était un des coryphées. Ceux qui connaissent la topographie de Paris et qui savent que la rue de la Harpe et la rue Serpente se trouvaient dans l’étendue de ce district , doivent comprendre aisément quelles étaient les classes qui en composaient l’Assemblée. C’était de là que sortaient toutes les brochures et toute l’éloquence populaire de Paris ( Tiens, Junior a l’air de bien connaître ! ).
Les habitants de ce district s’associaient avec le bas peuple par leurs manières et ils prenaient beaucoup d’ascendant sur lui par la supériorité de leur éducation. Ils étaient orateurs dans les groupes et meneurs dans les émeutes. La permanence des districts depuis le 14 juillet , avait rendu leurs tribunes accessibles à tous ceux qui jugeaient à propos d’y pérorer , et les habitants du voisinage des Cordeliers en avaient profité habilement pour se bien connaître , se lier et en un mot pour former un parti , et préparer secrètement l'exécution de leurs projets. C’est ce parti qui projeta et qui conduisit le mouvement populaire du 5 octobre , afin de déterminer le Roi et l’Assemblée nationale à s’établir à Paris. Comme ce parti dirigeait la populace de cette grande ville , il était certain d’exercer une influence puissante sur le Gouvernement, dès qu’il serait parvenu à l’y transférer . L’histoire de ce parti est un des points les plus curieux et les plus importants de la Révolution et je ne l’ai encore trouvée nulle part.
Personne ne connaissait alors l’influence de ce parti. On ne s’apercevait même pas qu’il existait, parce que ses membres étaient confondus dans la multitude. On se persuadait que la multitude devait être menée par les plus grands personnages populaires ou par les membres de l’Assemblée, et on se trompait ; car les uns et les autres n’en étaient et n’en ont jamais été que les instruments. Depuis le moment où Paris s’est soustrait à l’autorité royale, l’opinion du peuple y a été dirigée par les orateurs des groupes, et ces orateurs étaient les membres ou les affiliés du club des Cordeliers, qui était lui-même un parti séparé, indépendant des autres , et n’ayant , je crois , de relation avec aucun des personnages du moment. »
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Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Madame de Chimay :
Louis-Philippe écrit : « Par un hasard singulier et malheureux , j’avais été à Versailles à la séance de l’Assemblée nationale précisément le 5 octobre. Un homme à cheval expédié à Passy par Mme de Genlis m’apporta d’assez bonne heure un billet par lequel elle m’enjoignait de revenir au plus vite à Passy. Elle me mandait de prendre la route de Saint Cloud afin d’éviter la rencontre des bandes de poissardes qui allaient à Versailles par la route de Sèvres et qui publiaient partout qu’elles allaient chercher le Roi et l’Assemblée pour les amener à Paris , et empêcher les Aristocrates de les leur enlever .
Je sortis à l’instant même de la tribune des suppléants où j’étais avec mon frère ( On a prétendu et cette disposition figure dans la procédure instruite par le Châtelet , que j’avais dit ce jour là dans cette tribune qu’il fallait mettre tous les aristocrates à la lanterne . Ni mon frère ni moi , nous n’avons jamais tenu ce propos , ni là , ni ailleurs , et quoique je me flatte que la dénégation en soit superflue, cependant je déclare que c’est une fausseté ) et nous revîmes à Passy par la route indiquée. Nous ne trouvâmes personne jusqu’au bois de Boulogne , mais entre le Rond de Mortemart et le château de la Muette , nous rencontrâmes une de ces bandes de poissardes. En reconnaissant la livrée d’Orléans , elles voulurent arrêter notre voiture vraisemblablement pour nous emmener avec elles à Versailles. Mais la route étant fort large , nous les évitâmes aisément , et comme la crainte de ces rencontres m’avait fait donner au cocher un ordre précis d’y prendre garde , et de ne s’arrêter sous aucun prétexte, j’entendis seulement en passant qu’elles nous criaient : « Eh mon cher Dieu , notre grand duc, comme vous êtes pressé , ce sont les femmes de Paris ». La Garde nationale de Passy était sous les armes dans la grande rue. Elle nous rendit les honneurs quand nous passâmes. Ces bonnes gens ne paraissaient savoir que faire ; les uns voulaient aller à Versailles, les autres ne le voulaient pas, mais tous se croyaient pourtant obligés de rester sous les armes , afin de sauver la Patrie et la Liberté, car en général , les hommes se consolent de ne rien faire, en se persuadant qu’ils font beaucoup.
En arrivant à Passy, je trouvai Mme de Genlis fort effrayée, M. Ducrest son frère était seul avec elle. Mon père était venu à Passy dans la matinée, il avait couché au Palais Royal et comptait aller à l’Assemblée, mais ayant appris que les poissardes se portaient à Versailles, il avait cru à propos de s’éloigner, pour ne pas donner prise à la calomnie, et pour être entièrement étranger à tout ce qui pourrait arriver. C’est dans cette intention qu’il se retira à Mousseaux où il passa la journée ; précaution bien sage sans doute, mais qui ne lui servit à rien dans le temps. Puisse t-elle au moins quelque jour produire pour lui l’effet qu’il en attendait !
La route de Sèvres présentait sous les fenêtres de Passy un spectacle bien extraordinaire. On voyait passer continuellement des bandes de femmes et d’hommes du peuple qui s’en allaient à Versailles très tranquillement. Le nombre en augmentait à chaque instant , et la plupart disait : « Allons, il faut voir ce qui se passe à Versailles , il doit y avoir bien du monde. »Les limonadiers criant à la fraîche, les marchands de pain d’épices et de plaisirs, les vielleuses etc, tout cela s’en allait gaiement à Versailles , que s’il n’eût été question que d’y voir jouer les eaux. Cependant au milieu de cette insouciance, ils tenaient des propos atroces sur tous les ennemis de la Révolution, et principalement sur la Reine.
La plus grande agitation régnait dans Paris. Les Assemblées de quelques districts ayant fait sonner le tocsin, l’alarme s’était répandue dans tous les quartiers. On battit la générale tout aussi spontanément , et la Garde nationale courut aux armes. Il était assez tard quand elle se réunit sur les quais en nombre de plus de 30 000 hommes. On ignorait ce qui se passait à Versailles où on savait bien qu’une grande masse de peuple s’était portée dans la journée, et cette ignorance laissait accréditer les bruits les plus absurdes. Toute la jeunesse parisienne avait envie de faire une expédition, une marche de guerre , peut-être même craignait-elle de s’être réunie inutilement ; ce qui est certain , c’est que lorsque toute la Garde nationale fut sous les armes , elle manifesta unanimement la volonté de marcher sur Versailles, afin d’y défendre l’Assemblée nationale et d’empêcher le Roi de s’éloigner. Il est sûr que l’idée du départ du Roi paraissait inséparable de celle de la contre-Révolution.
M. Bailly et M . de La Fayette étaient à l’hôtel de ville fort embarrassés de leur contenance ; elle était très embarrassante. Ils sentaient qu’ils n’avaient qu’un simulacre d’autorité, et que malgré leurs emplois, ce n’était pas à eux de donner des ordres , mais d’en recevoir. Il paraît que M . de La Fayette aurait voulu empêcher cette expédition , mais que voyant la Garde nationale décidée à partir sans lui s’il ne se mettait à la tête, il s’y décida, et marcha sur Versailles avec l’armée parisienne , son artillerie et une foule considérable qui l’accompagna. Nous la vîmes passer devant Passy vers 9h du soir , en très bon ordre , et le silence était si bien observé que nous ne fûmes avertis de son approche que par le bruit de l’artillerie en marche. La colonne fut longtemps à défiler, et cette marche présentait un aspect que la nuit rendait encore plus imposant.
Le Roi était à la chasse , quand on reçut à Versailles les premières nouvelles du mouvement de Paris. On le fit avertir sur le champ , et il revint au château. Il est difficile de savoir d’une manière précise qu’elles étaient les intentions du Roi , car elles variaient souvent. Il est certain qu’il adopta successivement des résolutions contraires les unes aux autres. Je crois qu’il y avait peu d’harmonie dans l’intérieur du château. La Reine n’aimait ni M. Necker ni les ministres d’alors, et elle avait beaucoup d’ influence sur le Roi. M. Necker dit dans un de ses ouvrages , que dans le cours de cette malheureuse journée , la Reine eut, en peu d’heures deux opinions contraires sur les avantages et les inconvénients du départ, et cela n’explique que trop la tâtonnement et l’incertitude du Roi. Tantôt, il voulait partir, et tantôt il ne le voulait plus. Dans un des moments où le départ était décidé , il ordonna des voitures et on mit les chevaux ; mais le peuple de Versailles réuni à quelques poissardes de Paris, s’attroupa autour des voitures, et finit par couper les traits.
Le projet de départ étant abandonné , on forma celui de défendre le château, et la première démarche du Roi, après l’avoir adopté, fut d’inviter l’Assemblée nationale à s’y rendre auprès de lui. Elle quitta aussitôt la salle où elle tenait ses séances , et se transporta au château où elle siégea dans le salon d’Hercule. Je crois qu’elle était assez embarrassée de ce qu’elle y ferait, et cet embarras ne pouvait qu’augmenter ceux du Roi et de ses Conseils. Cependant , il fallait avoir l’air d’agir, et l’Assemblée décréta qu’elle était inséparable de la Personne du Roi. Le sens de ce décret était que la Personne du Roi resterait toujours auprès de l’Assemblée, et qu’il ne lui serait pas permis de s’éloigner du lieu de ses séances. Il ne se passa rien de remarquable à Versailles dans l’après-midi, si ce n’est que la populace de Paris ayant voulu pénétrer à travers une ligne que formaient les Gardes du Corps, il y eut quelques coups de fusil tirés et M. De Savonnières, un de leurs officiers , fut blessé au bras. Cependant cet incident n’eut d’autres suites que d’ajouter à l’animosité du peuple contre les Gardes du Corps.
Dans la soirée , on battit la générale. M. d’Estaing , commandant de la Garde nationale de Versailles , la mit en bataille sur la place d’Armes devant le château, et le régiment de Flandres fut placé en seconde ligne occupant la cour des Ministres dont on ferma la grille à 11h du soir ; lorsqu’on sut que l’armée parisienne approchait , on battit un ban , et M. d’Estaing informa les troupes que les ordres du Roi étaient de repousser la force par la force. Mais malgré ces préparatifs et une déclaration aussi formelle , il n’y eut pas même une tentative de résistance, et lorque M. de La Fayette arriva à la tête de la colonne parisienne, le Roi lui donna tout de suite le commandement du château, dont les Gardes nationales parisiennes occupèrent immédiatement tous les postes.
Il était fort tard , lorsque ces dispositions furent terminées. Versailles était rempli de 100 000 parisiens ou parisiennes dans une fermentation effrayante ; il était fort à craindre que cette multitude ne se portât à des excès encore plus déplorables que ceux auxquels elle s’est livrée. Cependant M. de La Fayette étant excédé de fatigue , s’endormit. Ce sommeil lui a été reproché avec bien de l’amertume , et malgré mon désir de rendre à son caractère toute la justice qui lui est due, je ne peux pas disconvenir que puisqu’il avait pris le commandement du château , il répondait de sa sûreté, et qu’il aurait dû y veiller lui-même, ou au moins prendre des mesures pour être averti au premier mouvement de la populace . Mais je suis bien loin d’imputer à M. de La Fayette , comme ses ennemis se sont efforcés de le faire, d’avoir voulu laisser commettre les crimes qui ont souillé cette horrible nuit. Aucune partie de sa conduite ne peut l’en faire soupçonner ; et il ne faut pas oublier que s’il a été partisan de la Révolution , il a été victime des efforts qu’il a faits pour en arrêter ou en prévenir les excès.
Quoi qu’il en soit , au milieu de la nuit, une bande de brigands s’introduisit dans le château et pénétra jusqu’à l’appartement de la Reine, qui eut à peine le temps de se sauver dans celui du Roi. Les mêmes brigands saisirent quelques Gardes du Corps, les massacrèrent ( je crois au nombre de huit ) dans la cour de Marbre sous les fenêtres du Roi , et leurs têtes portées en triomphe sur des piques, furent envoyées à Paris pour annoncer à la capitale l’arrivée de son infortuné Monarque ! …
M. De La Fayette étant enfin averti des horreurs qui se commettaient , accourut pour y mettre un terme et parvint à sauver le reste des malheureux que la fureur populaire avait déjà désignés pour victimes.
De ma fenêtre à Passy , je vis passer quelque chose que je ne pouvais pas bien distinguer , et ayant pris ma lunette pour l’examiner , elle me tomba des mains, quand je vis deux têtes sanglantes portées sur des piques ! …Et, chose difficile à croire , je fus témoin d’une horreur encore plus grande encore ! Ces monstres s’apercevant que la boucle des cheveux d’une des têtes était défaite , obligèrent un perruquier à la refaire et à la poudrer et continuèrent tranquillement leur route !!! …Je l’ai vu , de mes propres yeux !!! »
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Louis-Philippe écrit : « Par un hasard singulier et malheureux , j’avais été à Versailles à la séance de l’Assemblée nationale précisément le 5 octobre. Un homme à cheval expédié à Passy par Mme de Genlis m’apporta d’assez bonne heure un billet par lequel elle m’enjoignait de revenir au plus vite à Passy. Elle me mandait de prendre la route de Saint Cloud afin d’éviter la rencontre des bandes de poissardes qui allaient à Versailles par la route de Sèvres et qui publiaient partout qu’elles allaient chercher le Roi et l’Assemblée pour les amener à Paris , et empêcher les Aristocrates de les leur enlever .
Je sortis à l’instant même de la tribune des suppléants où j’étais avec mon frère ( On a prétendu et cette disposition figure dans la procédure instruite par le Châtelet , que j’avais dit ce jour là dans cette tribune qu’il fallait mettre tous les aristocrates à la lanterne . Ni mon frère ni moi , nous n’avons jamais tenu ce propos , ni là , ni ailleurs , et quoique je me flatte que la dénégation en soit superflue, cependant je déclare que c’est une fausseté ) et nous revîmes à Passy par la route indiquée. Nous ne trouvâmes personne jusqu’au bois de Boulogne , mais entre le Rond de Mortemart et le château de la Muette , nous rencontrâmes une de ces bandes de poissardes. En reconnaissant la livrée d’Orléans , elles voulurent arrêter notre voiture vraisemblablement pour nous emmener avec elles à Versailles. Mais la route étant fort large , nous les évitâmes aisément , et comme la crainte de ces rencontres m’avait fait donner au cocher un ordre précis d’y prendre garde , et de ne s’arrêter sous aucun prétexte, j’entendis seulement en passant qu’elles nous criaient : « Eh mon cher Dieu , notre grand duc, comme vous êtes pressé , ce sont les femmes de Paris ». La Garde nationale de Passy était sous les armes dans la grande rue. Elle nous rendit les honneurs quand nous passâmes. Ces bonnes gens ne paraissaient savoir que faire ; les uns voulaient aller à Versailles, les autres ne le voulaient pas, mais tous se croyaient pourtant obligés de rester sous les armes , afin de sauver la Patrie et la Liberté, car en général , les hommes se consolent de ne rien faire, en se persuadant qu’ils font beaucoup.
En arrivant à Passy, je trouvai Mme de Genlis fort effrayée, M. Ducrest son frère était seul avec elle. Mon père était venu à Passy dans la matinée, il avait couché au Palais Royal et comptait aller à l’Assemblée, mais ayant appris que les poissardes se portaient à Versailles, il avait cru à propos de s’éloigner, pour ne pas donner prise à la calomnie, et pour être entièrement étranger à tout ce qui pourrait arriver. C’est dans cette intention qu’il se retira à Mousseaux où il passa la journée ; précaution bien sage sans doute, mais qui ne lui servit à rien dans le temps. Puisse t-elle au moins quelque jour produire pour lui l’effet qu’il en attendait !
La route de Sèvres présentait sous les fenêtres de Passy un spectacle bien extraordinaire. On voyait passer continuellement des bandes de femmes et d’hommes du peuple qui s’en allaient à Versailles très tranquillement. Le nombre en augmentait à chaque instant , et la plupart disait : « Allons, il faut voir ce qui se passe à Versailles , il doit y avoir bien du monde. »Les limonadiers criant à la fraîche, les marchands de pain d’épices et de plaisirs, les vielleuses etc, tout cela s’en allait gaiement à Versailles , que s’il n’eût été question que d’y voir jouer les eaux. Cependant au milieu de cette insouciance, ils tenaient des propos atroces sur tous les ennemis de la Révolution, et principalement sur la Reine.
La plus grande agitation régnait dans Paris. Les Assemblées de quelques districts ayant fait sonner le tocsin, l’alarme s’était répandue dans tous les quartiers. On battit la générale tout aussi spontanément , et la Garde nationale courut aux armes. Il était assez tard quand elle se réunit sur les quais en nombre de plus de 30 000 hommes. On ignorait ce qui se passait à Versailles où on savait bien qu’une grande masse de peuple s’était portée dans la journée, et cette ignorance laissait accréditer les bruits les plus absurdes. Toute la jeunesse parisienne avait envie de faire une expédition, une marche de guerre , peut-être même craignait-elle de s’être réunie inutilement ; ce qui est certain , c’est que lorsque toute la Garde nationale fut sous les armes , elle manifesta unanimement la volonté de marcher sur Versailles, afin d’y défendre l’Assemblée nationale et d’empêcher le Roi de s’éloigner. Il est sûr que l’idée du départ du Roi paraissait inséparable de celle de la contre-Révolution.
M. Bailly et M . de La Fayette étaient à l’hôtel de ville fort embarrassés de leur contenance ; elle était très embarrassante. Ils sentaient qu’ils n’avaient qu’un simulacre d’autorité, et que malgré leurs emplois, ce n’était pas à eux de donner des ordres , mais d’en recevoir. Il paraît que M . de La Fayette aurait voulu empêcher cette expédition , mais que voyant la Garde nationale décidée à partir sans lui s’il ne se mettait à la tête, il s’y décida, et marcha sur Versailles avec l’armée parisienne , son artillerie et une foule considérable qui l’accompagna. Nous la vîmes passer devant Passy vers 9h du soir , en très bon ordre , et le silence était si bien observé que nous ne fûmes avertis de son approche que par le bruit de l’artillerie en marche. La colonne fut longtemps à défiler, et cette marche présentait un aspect que la nuit rendait encore plus imposant.
Le Roi était à la chasse , quand on reçut à Versailles les premières nouvelles du mouvement de Paris. On le fit avertir sur le champ , et il revint au château. Il est difficile de savoir d’une manière précise qu’elles étaient les intentions du Roi , car elles variaient souvent. Il est certain qu’il adopta successivement des résolutions contraires les unes aux autres. Je crois qu’il y avait peu d’harmonie dans l’intérieur du château. La Reine n’aimait ni M. Necker ni les ministres d’alors, et elle avait beaucoup d’ influence sur le Roi. M. Necker dit dans un de ses ouvrages , que dans le cours de cette malheureuse journée , la Reine eut, en peu d’heures deux opinions contraires sur les avantages et les inconvénients du départ, et cela n’explique que trop la tâtonnement et l’incertitude du Roi. Tantôt, il voulait partir, et tantôt il ne le voulait plus. Dans un des moments où le départ était décidé , il ordonna des voitures et on mit les chevaux ; mais le peuple de Versailles réuni à quelques poissardes de Paris, s’attroupa autour des voitures, et finit par couper les traits.
Le projet de départ étant abandonné , on forma celui de défendre le château, et la première démarche du Roi, après l’avoir adopté, fut d’inviter l’Assemblée nationale à s’y rendre auprès de lui. Elle quitta aussitôt la salle où elle tenait ses séances , et se transporta au château où elle siégea dans le salon d’Hercule. Je crois qu’elle était assez embarrassée de ce qu’elle y ferait, et cet embarras ne pouvait qu’augmenter ceux du Roi et de ses Conseils. Cependant , il fallait avoir l’air d’agir, et l’Assemblée décréta qu’elle était inséparable de la Personne du Roi. Le sens de ce décret était que la Personne du Roi resterait toujours auprès de l’Assemblée, et qu’il ne lui serait pas permis de s’éloigner du lieu de ses séances. Il ne se passa rien de remarquable à Versailles dans l’après-midi, si ce n’est que la populace de Paris ayant voulu pénétrer à travers une ligne que formaient les Gardes du Corps, il y eut quelques coups de fusil tirés et M. De Savonnières, un de leurs officiers , fut blessé au bras. Cependant cet incident n’eut d’autres suites que d’ajouter à l’animosité du peuple contre les Gardes du Corps.
Dans la soirée , on battit la générale. M. d’Estaing , commandant de la Garde nationale de Versailles , la mit en bataille sur la place d’Armes devant le château, et le régiment de Flandres fut placé en seconde ligne occupant la cour des Ministres dont on ferma la grille à 11h du soir ; lorsqu’on sut que l’armée parisienne approchait , on battit un ban , et M. d’Estaing informa les troupes que les ordres du Roi étaient de repousser la force par la force. Mais malgré ces préparatifs et une déclaration aussi formelle , il n’y eut pas même une tentative de résistance, et lorque M. de La Fayette arriva à la tête de la colonne parisienne, le Roi lui donna tout de suite le commandement du château, dont les Gardes nationales parisiennes occupèrent immédiatement tous les postes.
Il était fort tard , lorsque ces dispositions furent terminées. Versailles était rempli de 100 000 parisiens ou parisiennes dans une fermentation effrayante ; il était fort à craindre que cette multitude ne se portât à des excès encore plus déplorables que ceux auxquels elle s’est livrée. Cependant M. de La Fayette étant excédé de fatigue , s’endormit. Ce sommeil lui a été reproché avec bien de l’amertume , et malgré mon désir de rendre à son caractère toute la justice qui lui est due, je ne peux pas disconvenir que puisqu’il avait pris le commandement du château , il répondait de sa sûreté, et qu’il aurait dû y veiller lui-même, ou au moins prendre des mesures pour être averti au premier mouvement de la populace . Mais je suis bien loin d’imputer à M. de La Fayette , comme ses ennemis se sont efforcés de le faire, d’avoir voulu laisser commettre les crimes qui ont souillé cette horrible nuit. Aucune partie de sa conduite ne peut l’en faire soupçonner ; et il ne faut pas oublier que s’il a été partisan de la Révolution , il a été victime des efforts qu’il a faits pour en arrêter ou en prévenir les excès.
Quoi qu’il en soit , au milieu de la nuit, une bande de brigands s’introduisit dans le château et pénétra jusqu’à l’appartement de la Reine, qui eut à peine le temps de se sauver dans celui du Roi. Les mêmes brigands saisirent quelques Gardes du Corps, les massacrèrent ( je crois au nombre de huit ) dans la cour de Marbre sous les fenêtres du Roi , et leurs têtes portées en triomphe sur des piques, furent envoyées à Paris pour annoncer à la capitale l’arrivée de son infortuné Monarque ! …
M. De La Fayette étant enfin averti des horreurs qui se commettaient , accourut pour y mettre un terme et parvint à sauver le reste des malheureux que la fureur populaire avait déjà désignés pour victimes.
De ma fenêtre à Passy , je vis passer quelque chose que je ne pouvais pas bien distinguer , et ayant pris ma lunette pour l’examiner , elle me tomba des mains, quand je vis deux têtes sanglantes portées sur des piques ! …Et, chose difficile à croire , je fus témoin d’une horreur encore plus grande encore ! Ces monstres s’apercevant que la boucle des cheveux d’une des têtes était défaite , obligèrent un perruquier à la refaire et à la poudrer et continuèrent tranquillement leur route !!! …Je l’ai vu , de mes propres yeux !!! »
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Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Evelyne Lever a écrit:
On vivait alors dans une telle hantise du complot orléaniste que Bertrand de Molleville ose affirmer que le Roi et la Reine se résolurent à partir pour Paris parce qu'ils étaient persuadés " que les agents de la faction d'Orléans, qui dirigeaient à leur gré tous les mouvements des brigands et des rebelles, employaient dans ce moment les manoeuvres les plus actives pour faire proclamer sur-le-champ le duc d'Orléans, si Louis XVI se refusait au prétendu voeu de la capitale que la populace lui exprimait par ses acclamations.
Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Evelyne Lever a écrit:Molleville, comme beaucoup d'autres, ne semble pas se rendre compte que la Révolution n'était pas une révolution de palais. Si le parti orléaniste avait été aussi puissant qu'il le prétendait, il lui eût été facile de s'emparer du pouvoir. Les détracteurs du prince ont toujours semblé ignorer que la réussite d'un complot ne se conçoit guère sans le soutien de véritables forces politiques, la complicité de plusieurs titulaires de postes clefs dans l'Etat, l'appui des forces armées. Cela suppose une organisation sans faille, menée par de véritables chefs appliquant un programme . Il faut également que la nature du nouveau pouvoir issu de la conjuration, coïncide plus ou moins précisément avec les aspirations du plus grand nombre, ce qui ne va pas sans un savant dosage de participation et de passivité populaire . Il est superflu de rappeler qu'il faut de l'argent pour fomenter des émeutes et acheter des complicités . L'argent, toutefois, ne suffit pas . Le duc d'Orléans disposait certes d'une belle fortune et jouissait d'une certaine popularité, mais sur qui pouvait-il compter ? Ecrivain de génie, capitaine d'artillerie par la force des choses, Laclos n'était ni un politique ni un meneur d'hommes . Biron et Sillery, joyeux compagnos de débauche, experts en libertinage, étaient tout juste bons à inspirer Laclos pour un nouveau roman. Quant à Latouche-Tréville, il faisait plutôt figure de comparse. Une révolution se réclame-t-elle de semblables maîtres ?
Laclos, Sillery, Biron .... peut-être, mais une pointure comme Mirabeau, c'est tout autre chose.
L'argent ne suffit pas, non, mais il est le nerf de la guerre.
Le savant dosage de participation et de passivité populaire, les factieux l'ont : participation achetée par l'argent, et passivité de tous ceux qui ne disant mot consentent.
Que la nature du nouveau pouvoir issu de la conjuration coïncide avec les aspirations du plus grand nombre, c'est le cas, puisque la noblesse, la bourgeoisie, le peuple, aspirent au changement .
Une organisation sans faille, appliquant une programme cohérent, euh .... c'est sans doute là le talon d'Achille . L'organisation est plutôt un peu éclatée et bordélique : notamment à cause de l'opposition qui dresse Mirabeau et la Fayette l'un contre l'autre .
L'appui des forces armées, nous savons bien comment le Palais-Royal se l'assure par une débandade générale, argent, vin à gogo, femmes de petite vertu ....
La complicité de plusieurs titulaires de postes clefs dans l'Etat, existe : même s'ils ne sont pas complices d'une quelconque conjuration, Necker et Montmorin exhortaient bien le Roi ( avant Juillet ) à marcher avec les idées nouvelles ... car, mais si mais si, à ses balbutiements la Révolution était bel et bien une révolution de palais .
Et puis, petite révolution est devenue grande.
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Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Merci pour les précisions, Madame de Sabran !
Suite du sujet :
La première visite de cette troupe de harpies est pour l'Assemblée Nationale. Pour s'en débarrasser, on les renvoie vers le roi...
Au château, où le roi est enfin revenu, le conseil réuni ne parvient pas à prendre de décision. Lorsque l'on se décide enfin à partir, il est trop tard. la foule bloque la sortie des écuries. Louis XVI consent à recevoir une délégation de quelques femmes, dont l'une s’évanouit en le voyant. Lorsqu'elles retournent vers les leurs pour rapporter les bonnes dispositions du souverain, une bagarre éclate et les gardes doivent intervenir.
Pendant ce temps, la Reine à regagné ses appartement. Elle entre dans l'histoire.
"je sais que l'on vient de paris pour demander ma tête, dit elle. mais j'ai appris de ma mère à ne pas craindre la mort, et je l'attendrais avec fermeté."
Marie Antoinette sait que sa vie est directement menacée. Lui a-t-on rapporté les paroles atroces et les injures qui fusent à son égard, à l’extérieur ? On ne sait. Ça ne l'empêche pas de recevoir, ainsi que le rapportera madame Campan, un monde considérable dans son grand cabinet, à apporter aux uns et aux autres des paroles rassurantes.
Le roi, lui, reçoit le président de l'assemblée nationale. C'est en pleurant qu'il signe les décisions prises par l'assemblée. Il doit céder à la force. le pouvoir est en train de changer de main. La Fayette vient d'arriver avec sa garde. Il entre au château pour apporter au roi, "toute sa fidélité et sa protection"...
Le marquis de la Fayette n'est pas en odeur de sainteté, à Versailles. Et la Cour le lui fait bien sentir. Quand il entre dans l'antichambre du roi, on lui lance au visage " Tiens, voilà Cromwell"... Il ira passer la nuit hors du château, dans un hôtel particulier. La Fayette ne réussira jamais à se débarrassé du sobriquet de "Général Morphée" qui lui collera à la peau dés le lendemain.
La pluie continuant, les émeutiers se dispersent pour passer la nuit où ils le peuvent, squattant les écuries et les casernes, faisant cuire des morceaux de chevaux sur la place d'armes, et fraternisant avec les gardes chargés de protéger le château... La cour s’endort... La reine renvoie gentiment les gentilshommes qui veulent passer la huit devant sa porte et demande à ses dames de se retirer, persuadée qu'il n'y a rien à craindre.
Heureusement pour elle, les dames ne l'écoutent pas et deux d'entre elles restent à veiller dans son appartement, lui sauvant probablement la vie. Marie Antoinette est réveillée une première fois. On lui répond que sont là des femmes qui n'ont pas trouvé à se coucher et qui errent sur les terrasses.
Une épouvantable clameur retentit peu après. Les émeutiers ont pénétré dans le château.
Un peu plus tôt, certains se sont aperçu que la grille de la Chapelle n'avait pas été fermée. Erreur ? Oubli ? acte délibéré ? impossible de savoir..? En tout cas, ils en profitent, et la foule entre en masse. les deux gardes suisses postés au bas de l'escalier de Marbre sont rapidement désarmés et massacrés. Tous les contemporains le disent : c'est une poussée directe vers les appartements de Marie Antoinette.
Les assassins entrent en premier dans la grande salle des gardes, puis dans la salle des gardes de la Reine. Une bataille éclate entre les révolutionnaires et les gardes de Marie Antoinette. Mme Augiée, sœur de madame Campan est de service ce jour là, entendant le bruit, ouvre la porte de la salle des gardes et voit l'un d'entre eux faire barrage de son corps et lui crier d'aller sauver la reine. les dames ferment au verrou les portes de l'antichambre et du salon des nobles, et vite, vont réveiller la reine et l’aider à s'habiller.
Marie Antoinette n'a que le temps de se jeter dans le passage qui traverse ses petits appartements.
Mais la porte du salon de l’œil de bœuf est fermée ! Plusieurs minutes, interminables, se produisent avant qu'un valet de chambre du roi ne l'entende tambouriner et lui ouvre.
Les émeutiers ont ils pénétré dans sa chambre et transpercé à coups de piques son lit encore tiède ? on ne sait, les versions divergent. Une chose est sure. Dés qu'ils ont compris que la Reine s'était échappée, ils se sont retournés vers l’appartement du roi, sans aucun doute dans l'espoir de l'attraper à sa sortie. Ce détail prouve que l'architecture intérieure du château leur était connue...
Le roi, réveillé en sursaut, se précipite au secours de son épouse et se jette dans le passage entresol qui relie son appartement à celui de la reine. Arrivé dans sa chambre, il n'y trouve que des gardes qui s'y sont réfugiés. Il fonce alors au rez-de-chaussé pour aller chercher le petit dauphin. La reine, elle, s'est rendue tout droit dans la chambre de Madame Royale. La famille se retrouve dans la salle du conseil. Les bruits se rapprochent, et les portes du salon de l’Oeil de Bœuf sont ébranlées sous les coups. l'antichambre précédant cette pièce est remplie d'émeutiers qui veulent y entrer pour massacrer la famille royale, nous rapporte madame Campan.
Et la Fayette ? eh bien monsieur dormait. Réveillé en sursaut, il arrive trop tard. heureusement que les anciens gardes françaises sont plus réactifs que lui. Ils prennent position et dégagent le château.
La foule entassée dans la cour de marbre réclame la Reine. Et c'est la fameuse scène du balcon. la Fayette, ridicule avec un discours qui n'a aucun sens, et Marie Antoinette, seule face à ses ennemis, désarmant leur haine en faisant l'une de ses révérences dont elle avait le secret.
Et c'est le départ pour Paris. On quitte le château par un escalier dérobé, pour éviter les antichambres et le grand escalier inondé de sang. C'est le long cortège funèbre de la monarchie, un départ humiliant qui va durer des heures, Marie Antoinette voyant tournoyer autour de sa voiture, les piques sur lesquelles sont plantés les têtes des gardes du corps qui se sont sacrifiés pour la sauver. Les criminels (comment les appeler autrement ? ) poussent le raffinement immonde en faisant coiffer, en chemin, ces têtes coupés par un perruquier...
C'est tard le soir, que la famille arrive dans sa nouvelle demeure : le palais des Tuileries, un bâtiment inhabité depuis des lustres, squatter par des artistes et infesté de punaises...
_________________
"Je sais que l'on vient de Paris pour demander ma tête ! Mais j'ai appris de ma mère à ne pas craindre la mort, et je l'attendrai avec fermeté !"
Marie Antoinette
attachboy- Messages : 1492
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Merci pour ce bouturage, Eléonore, qui nous permet de lire la Princesse
Bien à vous.
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
merci d'avoir rajouter ces photos !
_________________
"Je sais que l'on vient de Paris pour demander ma tête ! Mais j'ai appris de ma mère à ne pas craindre la mort, et je l'attendrai avec fermeté !"
Marie Antoinette
attachboy- Messages : 1492
Date d'inscription : 21/12/2013
Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Merci à Eléonore et Attachboy pour cette piqûre de rappel !!!
Je n'ai même pas fait attention à la date d'aujourd'hui !!! :3895:
Je n'ai même pas fait attention à la date d'aujourd'hui !!! :3895:
Invité- Invité
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
L'épisode relaté dans les Années Lumières :
_________________
"Je sais que l'on vient de Paris pour demander ma tête ! Mais j'ai appris de ma mère à ne pas craindre la mort, et je l'attendrai avec fermeté !"
Marie Antoinette
attachboy- Messages : 1492
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Ah zut, deux sujets sur octobre au portail !
Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Les 5 et 6 octobre 1789
Mme de Sabran a écrit:
Ah zut, deux sujets sur octobre au portail !
Voilà, il n'y a plus qu'un seul sujet !!!
Invité- Invité
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