Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
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Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Il s'agit donc à présent de considérer le rôle politique qu'a joué Madame de Polignac alors :
Bien à vous.
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
.
...
Notre ami Roi-cavalerie est le spécialiste absolu de la question !
...
Notre ami Roi-cavalerie est le spécialiste absolu de la question !
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Plus les messages se succèdent plus le thème du sujet apparaît comme une fausse question
Bien à vous.
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Oui, voilà qui est clair !
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Vous avez raison... Je suggère qu'on reformule la question de la façon suivante:
"Marie-Antoinette A JOUE un rôle politique, mais à partir de quand, et surtout comment ?
Manière de relancer le débat...
"Marie-Antoinette A JOUE un rôle politique, mais à partir de quand, et surtout comment ?
Manière de relancer le débat...
Vicq d Azir- Messages : 3676
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Age : 76
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Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Mais Marie-Antoinette n'était-Elle pas destinée à un mariage politique dès le berceau?
Son rôle politique commence donc en novembre 1755, non?
Bien à vous.
Son rôle politique commence donc en novembre 1755, non?
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Vicq d Azir a écrit:Vous avez raison... Je suggère qu'on reformule la question de la façon suivante:
"Marie-Antoinette A JOUE un rôle politique, mais à partir de quand, et surtout comment ?
Manière de relancer le débat...
Je propose, essentiellement à partir de la mort de Vergennes qui marque le début de la " démission " de Louis XVI dépassé par la difficulté de la tâche et accablé par le manque de confiance en soi ...
Mme de Sabran- Messages : 55511
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Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Chers amis,
Bien à vous. Roi-cavalerie
Ah non! Regardons les choses en face! S'il est vrai que le l'influence politique de la reine s'est fait plus apparente et prépondérante à partir de la mort de Vergennes, il me semble, pour ma part, en accord avec Pierre Serna, qu'elle elle a été présente dès 1775 au travers du droit de regard sur les nominations que le roi lui avait accordé, peut être sur les conseils de Maurepas, puis, plus nettement encore, par son appui aux manoeuvres des Choiseulistes, initialement pour favoriser le retour aux affaires du duc puis ultérieurement pour peser sur les affaires par le biais de la reine et des ministres qui lui étaient acquis ( Castries, Ségur, Breteuil).
Maurepas avait bien senti le danger d'une trop grande influence de la reine sur les choix politiques du roi pour, vraisembablement selon de nombreux historiens, favoriser sa rencontre avec sa parente la duchesse de Polignac, manoeuvre visant, en lui fournissant une amie sage pour la distraire, à l'éloigner de toute vélléité d'influence sur les relations franco-autrichiennes. On retrouve également une inquiétude analogue dans la tentative de rapprochement avec la reine qu'il a provoquée par l'intermédiaire de la duchesse de Polignac afin de neutraliser la trop grande influence sur la reine du baron de Besenval.
Son intrusion dans l'affaire du comte de Guines en 1775 -1776 est bien, même si elle n'en a pas été parfaitement consciente, un geste politique car l'affaire en était une pour ses amis choiseulistes. Ses interventions dans les nominations des marquis de Castries et de Ségur, dans la mise à l'écart de Montbarrey, dans celle du contrôleur général Joli de Fleuri, puis dans le réglement du contentieux avec le marquis de Castries suite à la création du comité des Finances en 1783, sont bien des prises de position à caractère politique même si l'a encore, elle s'est laissée un tant soit peu influencée par son entourage.
Enfin, the last but not the least, ses accrochages permanents avec le comte de Vergennes, sur les affaires d'Autriche et de Prusse en 1778 puis en 1784, sa neutralité orientée dans les difficultés rencontrées par le roi et par Calonne pour faire adopter leur plan de réforme par l'Assemblée des notables et son appui à la nomination de Loménie de Brienne au ministère, prélat dont elle protégeait la carrière depuis 1780 à l'instigation du comte de Mercy-Argenteau et de l'abbé de Vermont, donc avec l'aval de l'Autriche même si cette partie de l'intrigue lui a peut être échapée, manifestent bien que la reine ne s'est pas contentée de rester dans le rôle de génitrice et de pot de fleur traditionnellement confié à leur épouse par les rois de France. Relisons Besenval, relisons Castries, relisons Bombelles, relisons Mercy- Argenteau, pour ne citer que ces témoins du temps, et nous verrons bien que la reine s'est trouvée à un degré ou un autre plus ou moins mêlée aux décisions du roi, ce qui ne signifie pas toutefois que celui-ci ait toujours adopté son point de vue. Nous avons ne nombreux exemples de sa résistance en particulier en ce qui concerne la conduite des affaires étrangères.
La question de chercher à déterminer quel rôle politique à joué Marie-Antoinette entre 1775 et 1789 n'est donc pas, à mes yeux, superflue même si elle aurait pu être formulée plus justement de la manière suivante: quelle influence a eu la reine Marie- Antoinette sur les affaires à caractère politique du règne de Louis XVI?
Nonobstant ce plaidoyer vibrant en faveur d'une reine assez interventionniste sous des apparences plutôt frivoles et légères, du moins jusqu'en 1787, je conçois parfaitement que la chose n'est pas complètement évidente à apprécier et que cet aspect de son comportement peut être un peu surévaluée par cette analyse. Maurepas avait bien senti le danger d'une trop grande influence de la reine sur les choix politiques du roi pour, vraisembablement selon de nombreux historiens, favoriser sa rencontre avec sa parente la duchesse de Polignac, manoeuvre visant, en lui fournissant une amie sage pour la distraire, à l'éloigner de toute vélléité d'influence sur les relations franco-autrichiennes. On retrouve également une inquiétude analogue dans la tentative de rapprochement avec la reine qu'il a provoquée par l'intermédiaire de la duchesse de Polignac afin de neutraliser la trop grande influence sur la reine du baron de Besenval.
Son intrusion dans l'affaire du comte de Guines en 1775 -1776 est bien, même si elle n'en a pas été parfaitement consciente, un geste politique car l'affaire en était une pour ses amis choiseulistes. Ses interventions dans les nominations des marquis de Castries et de Ségur, dans la mise à l'écart de Montbarrey, dans celle du contrôleur général Joli de Fleuri, puis dans le réglement du contentieux avec le marquis de Castries suite à la création du comité des Finances en 1783, sont bien des prises de position à caractère politique même si l'a encore, elle s'est laissée un tant soit peu influencée par son entourage.
Enfin, the last but not the least, ses accrochages permanents avec le comte de Vergennes, sur les affaires d'Autriche et de Prusse en 1778 puis en 1784, sa neutralité orientée dans les difficultés rencontrées par le roi et par Calonne pour faire adopter leur plan de réforme par l'Assemblée des notables et son appui à la nomination de Loménie de Brienne au ministère, prélat dont elle protégeait la carrière depuis 1780 à l'instigation du comte de Mercy-Argenteau et de l'abbé de Vermont, donc avec l'aval de l'Autriche même si cette partie de l'intrigue lui a peut être échapée, manifestent bien que la reine ne s'est pas contentée de rester dans le rôle de génitrice et de pot de fleur traditionnellement confié à leur épouse par les rois de France. Relisons Besenval, relisons Castries, relisons Bombelles, relisons Mercy- Argenteau, pour ne citer que ces témoins du temps, et nous verrons bien que la reine s'est trouvée à un degré ou un autre plus ou moins mêlée aux décisions du roi, ce qui ne signifie pas toutefois que celui-ci ait toujours adopté son point de vue. Nous avons ne nombreux exemples de sa résistance en particulier en ce qui concerne la conduite des affaires étrangères.
La question de chercher à déterminer quel rôle politique à joué Marie-Antoinette entre 1775 et 1789 n'est donc pas, à mes yeux, superflue même si elle aurait pu être formulée plus justement de la manière suivante: quelle influence a eu la reine Marie- Antoinette sur les affaires à caractère politique du règne de Louis XVI?
Bien à vous. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
;
Je suis tout à fait d'accord avec vous, cher Roi-cavalerie, mais ce que je voulais dire c'est que, précisément, la disparition de Vergennes donne le champ libre à Marie-Antoinette .
( pour ne pas dire lui ouvre une voie royale, ce qui serait un peu limite-limite ... : )
Je suis tout à fait d'accord avec vous, cher Roi-cavalerie, mais ce que je voulais dire c'est que, précisément, la disparition de Vergennes donne le champ libre à Marie-Antoinette .
( pour ne pas dire lui ouvre une voie royale, ce qui serait un peu limite-limite ... : )
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Ce serait un pléonasme... :Mme de Sabran a écrit: ( pour ne pas dire lui ouvre une voie royale, ce qui serait un peu limite-limite ... : )
"Nous n'avons pas besoin de remonter sur le trône, te dirait là Marie-Antoinette, nous y sommes déjà"...
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
;
C'est ma deuxième citation préférée de Marie-Antoinette .
C'est ma deuxième citation préférée de Marie-Antoinette .
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
La Reine est "programmée" dès sa naissance pour être une chose politique. Son mariage scelle la nouvelle alliance et la paix pour l'Europe. Pour cette raison, elle est haïe par une fraction des français, y compris à la Cour même, mais pas pour ce qu'elle est en tant que personne, mais pour ce qu'elle représente. A noter que le Dauphin lui-même n'est pas chaud pour cette alliance et n'aime pas Choiseul... C'est Louis XV qui est le garant de son existence à Versailles: il est celui qui l'a fait venir, sa protection paternelle lui est acquise;
Après la mort de Louis XV, il me semble que la question politique (car elle l'est..) qui prend le devant, est celle de son infertilité...
Ensuite, les enfants nés, il est vrai qu'elle essaiera de se mêler davantage des affaires, mais toujours maladroitement. Marie-Antoinette donne l'impression de vouloir toujours bien faire (plus par devoir que par plaisir ou ambition); elle a du mal à se dégager des pressions et des influences. Elle veut sans doute complaire à tout le monde, et, n'y parvenant pas, elle tranche, opte pour telle ou telle solution au petit bonheur. La politique l'ennuie, et elle cherche plutôt à s'en débarrasser..D'où des prises de positions dont on ne saisit pas la logique, des rancunes tenaces qu'elle voudrait faire passer pour du caractère, une ligne idéologique brouillonne et capable de se contredire d'un jour à l'autre...
Après la mort de Louis XV, il me semble que la question politique (car elle l'est..) qui prend le devant, est celle de son infertilité...
Ensuite, les enfants nés, il est vrai qu'elle essaiera de se mêler davantage des affaires, mais toujours maladroitement. Marie-Antoinette donne l'impression de vouloir toujours bien faire (plus par devoir que par plaisir ou ambition); elle a du mal à se dégager des pressions et des influences. Elle veut sans doute complaire à tout le monde, et, n'y parvenant pas, elle tranche, opte pour telle ou telle solution au petit bonheur. La politique l'ennuie, et elle cherche plutôt à s'en débarrasser..D'où des prises de positions dont on ne saisit pas la logique, des rancunes tenaces qu'elle voudrait faire passer pour du caractère, une ligne idéologique brouillonne et capable de se contredire d'un jour à l'autre...
Vicq d Azir- Messages : 3676
Date d'inscription : 07/11/2014
Age : 76
Localisation : Paris x
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Cher Vicq d'Azir
Sur le caractère décousu de ces interventions à caractère politique, sauf en ce qui concerne les affaires étrangères où il y a une logique, je suis assez d'accord avec vous.
Bien amicalement. Roi-cavalerie
Sur le caractère décousu de ces interventions à caractère politique, sauf en ce qui concerne les affaires étrangères où il y a une logique, je suis assez d'accord avec vous.
Bien amicalement. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Oui, cher Roi-cavalerie, il semblerait qu'elle ait bien intégré la géopolitique européenne et la situation de l'Autriche: elle n'est pas bête et comprend ce que lui martèlent les Mercy, Madame mère, Joseph; Ceux-ci la jugent distraite et frivole, car elle ne cède pas à leurs désirs, mais c'est son système de défense (un peu infantile, certes..): quand elle ne veut pas faire, elle oublie, elle fait une pirouette,elle baille... Ceci néanmoins plaide en sa faveur: le pied sur le sol francais, elle a immédiatement intégré sa nouvelle identité de future Reine de France; elle le réaffirmera lors de son procès... Même si, même si... au pire de la tourmente elle a pu écrire à son amie la princesse de Hesse-Darmstadt:
"je m'enorgueillis d'être née allemande"...
"je m'enorgueillis d'être née allemande"...
Vicq d Azir- Messages : 3676
Date d'inscription : 07/11/2014
Age : 76
Localisation : Paris x
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Là, je ne suis plus tout à fait d'accord avec vous, cher ami. Si vous relisez bien Mercy, je n'ai plus exactement les dates des dépêches en tête et je parle de mémoire, elle a quand même bien souvent cédé aux pressions de son frère et à celles de son ambassadeur sur des questions d'affaires étrangères, mais elle n'a pas été entendue du roi qui avait été mis en garde contre les menées de l'Autriche par l'opinion de son père à cet égard mais aussi par ses ministres Maurepas et bien évidemment Vergennes. Il est toutefois vrai que, dans la seconde partie des années 80, elle se montrera plus soucieuse de ne pas donner prise aux critiques de l'opinion publique qui dénoncaient de manière outrageante son parti pris pour l'Autriche, mais aussi, sans doute avec un peu plus de maturité, d'endosser complètement les intérêts de son pays d'adoption.
Bien à vous. Roi-cavalerie
Bien à vous. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
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C'est ce que je disais plus haut . Tant que Louis XVI a cru pouvoir se cacher derrière le dos de Vergennes, il a eu des velléités de résister aux instances de sa femme, mais Vergennes disparu ... à dieu, Berthe !
C'est ce que je disais plus haut . Tant que Louis XVI a cru pouvoir se cacher derrière le dos de Vergennes, il a eu des velléités de résister aux instances de sa femme, mais Vergennes disparu ... à dieu, Berthe !
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Vicq d Azir a écrit:La Reine est "programmée" dès sa naissance pour être une chose politique. Son mariage scelle la nouvelle alliance et la paix pour l'Europe. Pour cette raison, elle est haïe par une fraction des français, y compris à la Cour même, mais pas pour ce qu'elle est en tant que personne, mais pour ce qu'elle représente. A noter que le Dauphin lui-même n'est pas chaud pour cette alliance et n'aime pas Choiseul... C'est Louis XV qui est le garant de son existence à Versailles: il est celui qui l'a fait venir, sa protection paternelle lui est acquise;
Après la mort de Louis XV, il me semble que la question politique (car elle l'est..) qui prend le devant, est celle de son infertilité...
Ensuite, les enfants nés, il est vrai qu'elle essaiera de se mêler davantage des affaires, mais toujours maladroitement. Marie-Antoinette donne l'impression de vouloir toujours bien faire (plus par devoir que par plaisir ou ambition); elle a du mal à se dégager des pressions et des influences. Elle veut sans doute complaire à tout le monde, et, n'y parvenant pas, elle tranche, opte pour telle ou telle solution au petit bonheur. La politique l'ennuie, et elle cherche plutôt à s'en débarrasser..D'où des prises de positions dont on ne saisit pas la logique, des rancunes tenaces qu'elle voudrait faire passer pour du caractère, une ligne idéologique brouillonne et capable de se contredire d'un jour à l'autre...
Certes la question de la fertilité de la reine a été l'une des grandes questions à caractère politique du début du règne. Mais, vous savez bien que la politique n'est pas faite que de grandes questions. Elle est aussi affaire de compromis, de combinaisons voire de tripatouillages de coulisses qui viennent se situer en arrière plan et dans laquelle la reine s'est bien imprudemment lancée. L'action des Choiseulistes qu'elle a soutenue au travers de plusieurs démarches, sans peut être en percevoir toute la malignité, ne visait-elle pas à écarter Maurepas pour le remplacer par le duc de Choiseul et là, effectivement, nous retombons sur une autre grande question politique, puisque ce changement s'il avait eu lieu, aurait profondément modifié la suite du règne ? L'éloignement de Joli de Fleuri, un magistrat tout à fait honnête, les manoeuvres obliques pour convaincre le roi d'éloigner Calonne afin de sauver son ministre Breteuil que le contrôleur général s'apprêtait à faire renvoyer par le roi, n'ont elles pas eu des conséquences graves pour les deux années suivantes en affaiblissant la position du roi vis à vis de l'opinion publique ? Et pourtant, elle croyait sans doute bien faire!
Bien à vous. Roi-cavalerie.
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Roi-cavalerie a écrit:
L'éloignement de Joli de Fleuri, un magistrat tout à fait honnête, les manoeuvres obliques pour convaincre le roi d'éloigner Calonne afin de sauver son ministre Breteuil que le contrôleur général s'apprêtait à faire renvoyer par le roi, n'ont elles pas eu des conséquences graves pour les deux années suivantes en affaiblissant la position du roi vis à vis de l'opinion publique ? Et pourtant, elle croyait sans doute bien faire!
Et pour aller juqu'au bout de mon argumentation, au risque d'en choquer certains, je dirais que la reine, par le parti pris, l'amateurisme et l'inconséquence dont elle a fait preuve dans ses interventions à caractère politique au moins jusqu'en 1789 n' a pas un peu contribué, sans évidemment s'en rendre compte, à l'affaiblissement du roi et donc quelque part à la chute de la monarchie, même si, d'autres causes structurelles qui ne tenaient pas à elle, en ont été les vecteurs déterminants.
Bien à vous. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Oui; ces questions sont bien complexes, et merci pour votre rigueur d'aller à la source des témoignages. Ce que je disais de la résistance dont elle fait preuve à l'égard de Mercy (mais je crois que Joseph en parle aussi), Mercy l'évoque dans ses lettres quand il évoque l'incorrigible indolence de la Reine,dont on n'arrive pas à capter l'attention quand il s'agit de politique (il faudrait que je retrouve les références...)
Quant à son action par la suite, je suis bien d'accord avec vous: elle a plus gêné Louis XVI qu'elle ne l'a aidé en se mêlant de politique intérieure, mais, à sa décharge, le Roi avait le culte du secret et ne devait pas la tenir au courant de grand chose; s'il lui avait fait davantage confiance, sans lui concéder de vrai pouvoir, elle aurait peut-être été de bon conseil pour lui. Là encore, le couple n'a pas vraiment fonctionné en harmonie, c'est le moins qu'on puisse dire...
Idem pendant la révolution: le Roi n'est pas en permanence au fond de la dépression, il pense, parle (cf le mémoire à l'assemblée avant son départ en juin 1791). Que lui dit la Reine à propos de ses correspondances? Agissent-ils en partie de concert? Se répartissent-ils les rôles? Autant de choses à éclaircir...
Quant à son action par la suite, je suis bien d'accord avec vous: elle a plus gêné Louis XVI qu'elle ne l'a aidé en se mêlant de politique intérieure, mais, à sa décharge, le Roi avait le culte du secret et ne devait pas la tenir au courant de grand chose; s'il lui avait fait davantage confiance, sans lui concéder de vrai pouvoir, elle aurait peut-être été de bon conseil pour lui. Là encore, le couple n'a pas vraiment fonctionné en harmonie, c'est le moins qu'on puisse dire...
Idem pendant la révolution: le Roi n'est pas en permanence au fond de la dépression, il pense, parle (cf le mémoire à l'assemblée avant son départ en juin 1791). Que lui dit la Reine à propos de ses correspondances? Agissent-ils en partie de concert? Se répartissent-ils les rôles? Autant de choses à éclaircir...
Vicq d Azir- Messages : 3676
Date d'inscription : 07/11/2014
Age : 76
Localisation : Paris x
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Vicq d Azir a écrit: le Roi n'est pas en permanence au fond de la dépression, il pense, parle (cf le memoire à l'assemblee avant son départ en juin 91). Que lui dit la Reine à propos de ses correspondances? Agissent-ils en partie de concert? Se répartissent-ils les roles? Autant de choses à éclaircir...
Voilà ce qui est effectivement assez surprenant, et Louis XVI dans tout cela ? Où est-il ? Que fait-il ?
Il est tout de même inconcevable que Marie-Antoinette mène toutes ces négociations, toutes ces correspondances, toute seule .
Et pourtant le roi est bien le grand absent de toutes ces tractations .
Je suis bien d'accord avec vous, cher Roi-cavalerie, sur le fait que Marie-Antoinette a très souvent été de mauvais conseil , mais franchement reconnaissons qu'avec un tel mari elle n'était pas aidée ....
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Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Chère Eléonore,
Bien sûr, je rejoins votre point de vue et celui de Vicq d'Azir, le couple n'était pas complémentaire du moins pour la partie du règne que j'ai plus particulièrement étudié c'est à dire celle qui se termine le 14 juillet 1789. Pourtant, rappelons nous ce que nous en a dit Castries, après la mort de Maurepas, le roi se retrouvant bien seul face à ses responsabilités, s'est souvent tourné vers elle pour prendre son avis sur les affaires courantes. Il a même été assez loin dans ce sens, puisque même sur une question de politique étrangère pour laquelle il tenait ferme d'habitude et plus précisément à propos des menées de son frère en 1784 dans l'affaire des Bouches de l'Escaut, il a accepté de tenir compte de ses remarques dans la réponse qu'il a faite à l'empereur. Je cite Joël Félix, l'auteur de Louis XVi et Marie-Antoinette, un couple en politique, Payot 2006:
"Souhaitant sans doute échapper à d'éventuels reproches de l'Autriche, il [Vergennes] laissa Louis XVI assumer la pleine responsabilité de ses actes, et pour éviter sans doute de nouveaux malentendus, lui conseilla d'écrire une lettre personnelle à Joseph II dont il soumit toutefois un projet rédigé de concert avec Calonne[je fais un apparté: on voit bien apparaitre à ce moment précis l'axe Vergennes Calonne appuyé par les Polignac en opposition avec la reine dont on a déjà parlé], un ministre sur lequel, à l'évidence, il comptait s'appuyer. Le roi, qui ne partageait pas les inquiétudes de ses conseillers sur les vues belliqueuses de l'Autriche fut surpris par certaines expressions de cette lettre. Il décida de la faire lire à Marie-Antoinette qui n'eut pas de mal à convaincre son mari que ce style n'était pas convenable et qu'il fallait en écrire une autre. De sorte que Louis XVI substitua à la lettre de son ministre une note beaucoup plus amicale par laquelle il annonça à Joseph II ne point vouloir porter de jugement sur les origines de son conflit avec la Hollande et, en l'assurant qu'il n'avait rien fait pour encourager la conduite des Hollandais qu'il désaprouvait, lui proposait les bons offices de la France.
Cette lettre, qui partit pour Vienne le 28 octobre, plaça le roi dans une position éxtrêmement délicate lorsque trois jours plus tard, Vergennes annonça que Joseph II allait envoyer quatre vingt mille hommes dans les Pays-Bas autrichiens. Les ministres acceuillirent cette annonce avec une vive émotion. Au Conseil, Calonne demanda au roi de prendre des mesures immédiates pour arrêter l'empereur tandis que Ségur, en sa qualité de secrétaire d'Etat à la Guerre, prit la parole pour expliquer au roi qu'il avait une armée et une artillerie prêtes à en imposer aux troupes autrichiennes. Dans le public, la rumeur accrédita rapidement l'idée que Marie-Antoinette était complices de manoeuvres de l'Autriche"
Alors, certes, elle n'était pas aidée avec " son bonhomme" comme elle écrivait au comte de Rosenberg, mais jouait-t-elle réellement franc-jeu avec lui. A sa décharge si elle avait bien été programmée, pour jouer au plus haut niveau le rôle d'un agent d'influence de l'Autriche, il est vraisemblable qu'elle n'avait pas été préparée à assumer celui d'un mentor dont avait manifestement encore besoin le roi.
Bien amicalement. Roi-cavalerie
Nota: Voici une extrait de la lettre que la reine a envoyé à Joseph II le 5 novembre 1784:
Bien sûr, je rejoins votre point de vue et celui de Vicq d'Azir, le couple n'était pas complémentaire du moins pour la partie du règne que j'ai plus particulièrement étudié c'est à dire celle qui se termine le 14 juillet 1789. Pourtant, rappelons nous ce que nous en a dit Castries, après la mort de Maurepas, le roi se retrouvant bien seul face à ses responsabilités, s'est souvent tourné vers elle pour prendre son avis sur les affaires courantes. Il a même été assez loin dans ce sens, puisque même sur une question de politique étrangère pour laquelle il tenait ferme d'habitude et plus précisément à propos des menées de son frère en 1784 dans l'affaire des Bouches de l'Escaut, il a accepté de tenir compte de ses remarques dans la réponse qu'il a faite à l'empereur. Je cite Joël Félix, l'auteur de Louis XVi et Marie-Antoinette, un couple en politique, Payot 2006:
"Souhaitant sans doute échapper à d'éventuels reproches de l'Autriche, il [Vergennes] laissa Louis XVI assumer la pleine responsabilité de ses actes, et pour éviter sans doute de nouveaux malentendus, lui conseilla d'écrire une lettre personnelle à Joseph II dont il soumit toutefois un projet rédigé de concert avec Calonne[je fais un apparté: on voit bien apparaitre à ce moment précis l'axe Vergennes Calonne appuyé par les Polignac en opposition avec la reine dont on a déjà parlé], un ministre sur lequel, à l'évidence, il comptait s'appuyer. Le roi, qui ne partageait pas les inquiétudes de ses conseillers sur les vues belliqueuses de l'Autriche fut surpris par certaines expressions de cette lettre. Il décida de la faire lire à Marie-Antoinette qui n'eut pas de mal à convaincre son mari que ce style n'était pas convenable et qu'il fallait en écrire une autre. De sorte que Louis XVI substitua à la lettre de son ministre une note beaucoup plus amicale par laquelle il annonça à Joseph II ne point vouloir porter de jugement sur les origines de son conflit avec la Hollande et, en l'assurant qu'il n'avait rien fait pour encourager la conduite des Hollandais qu'il désaprouvait, lui proposait les bons offices de la France.
Cette lettre, qui partit pour Vienne le 28 octobre, plaça le roi dans une position éxtrêmement délicate lorsque trois jours plus tard, Vergennes annonça que Joseph II allait envoyer quatre vingt mille hommes dans les Pays-Bas autrichiens. Les ministres acceuillirent cette annonce avec une vive émotion. Au Conseil, Calonne demanda au roi de prendre des mesures immédiates pour arrêter l'empereur tandis que Ségur, en sa qualité de secrétaire d'Etat à la Guerre, prit la parole pour expliquer au roi qu'il avait une armée et une artillerie prêtes à en imposer aux troupes autrichiennes. Dans le public, la rumeur accrédita rapidement l'idée que Marie-Antoinette était complices de manoeuvres de l'Autriche"
Alors, certes, elle n'était pas aidée avec " son bonhomme" comme elle écrivait au comte de Rosenberg, mais jouait-t-elle réellement franc-jeu avec lui. A sa décharge si elle avait bien été programmée, pour jouer au plus haut niveau le rôle d'un agent d'influence de l'Autriche, il est vraisemblable qu'elle n'avait pas été préparée à assumer celui d'un mentor dont avait manifestement encore besoin le roi.
Bien amicalement. Roi-cavalerie
Nota: Voici une extrait de la lettre que la reine a envoyé à Joseph II le 5 novembre 1784:
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
La pauvre reine, elle fut constamment déchirée entre son ancienne patrie et sa nouvelle, qu'elle avait pleinement adoptée en 1770, certes, mais n'oublions pas qu'elle fut envoyée en France pour fortifier l'alliance franco-autrichienne et que Marie-Thérèse avait besoin d'elle pour exercer son influence à la cour française.
Le 28 juin 1783 le marquis de Bombelles écrit dans son journal ceci (et qui illustre bien que la reine n'avait que peu de prise sur la politique menée par Louis XVI et ses ministres) :
« On était en doute si la Reine paraîtrait à la revue, et l'on a vu avec plaisir qu'elle y était venue. Ce qui n'est pas douteux, c'est que les événements du moment lui donnent beaucoup d'humeur. Plusieurs personnes de son service ont entendu le Roi lui dire fort haut, et de manière à ce que les portes de la chambre à coucher de la Reine n'ont pas suffi pour étouffer la voix, que, lorsqu'on avait donné la naissance à un Dauphin, il ne convenait plus de désirer à son détriment les avantages de la maison d'Autriche.
Un peu avant la revue, et deux jours après cette altercation, le Roi est venu chez Monseigneur le Dauphin et a dit à Mme la duchesse de Polignac : - Eh bien, a-t-on encore de l'humeur ?
La duchesse, sans répondre à cette question, a conduit doucement Sa Majesté à l'embrasure de la fenêtre et, par ses gestes et quelques mots entendus, il était aisé de voir qu'elle disait au Roi qu'il fallait un peu de patience et que la Reine se rendrait de bonne grâce à la raison. »
C'est d'ailleurs en septembre de la même année que Joseph II revient à la charge avec son empressement auprès de sa sœur pour lui faire part de ses doutes quant à la sincérité de la France pour respecter les traités de l'alliance. Il est d'avis que la France se laisse trop mener par les intrigues de Prusse, en écrivant que « certainement des petites raisons d'intérêt personnel et des inquiétudes causées par des jactances des cafés, dont le Roi de Prusse par différentes voies est le souffleur, font parler et écrire M. de Vergennes au contresens de sa propre raison et conviction. » Bref, Joseph II insiste dans sa lettre du 9 septembre 1783 à ce que sa sœur tente d'influencer l'opinion du roi en faveur de l'Autriche.
En 1784 il y avait donc l'affaire de l'Escaut, déjà évoquée ci-dessus. Joseph II avait sommé les Hollandais à rouvrir les bouches de l'Escaut afin de donner essor au port d'Anvers. N'obtenant aucune réponse favorable de la Hollande, l'empereur envoie un bateau sur l'Escaut pour y forcer un passage, sur lequel les Hollandais n'hésitent pas à ouvrir le feu.
Le comte de La Marck écrit ceci par rapport à cette affaire et le rôle de la reine :
« En 1784, lorsque l'empereur Joseph voulut violer les traités existants avec la Hollande, exiger l'ouverture de l'Escaut et réclamer la possession de Maastricht, il eut encore recours à la Reine, pour qu'elle engageât le Roi à ne pas s'y opposer. La Reine refusa également de se mêler de cette affaire, et se borna à demander qu'on aidât son frère à se tirer le plus honorablement possible de l'embarras dans lequel il s'était si étourdiment engagé.»
Plus loin, le comte de La Marck relate qu'il était appelé à une audience chez Joseph II :
« Il ne me cacha pas l'humeur que lui causaient les réponses qu'il avait déjà reçues de sa sœur aux très vives instances qu'il lui avait adressées. J'essayai de lui faire comprendre combien la position de la Reine était délicate dans cette circonstance ; mais je ne parvins pas à calmer son mécontentement. L'événement a prouvé que la reine avait résisté à tous les efforts de son frère. Peu de mois après, le traité de Fontainebleau fit avorter cette guerre contre la Hollande. Toute l'intervention de la France se borna à faire obtenir à l'empereur quelques millions de florins, qui lui furent payés par les Hollandais (...).
Tout ce qu'on répandit dans le public sur les millions que la Reine avait fait donner par la France à l'empereur, pour qu'il se désistât de ses prétentions, est de la plus insigne fausseté. Cette fausseté a d'ailleurs été suffisamment prouvée quelques années plus tard, par les comptes de finances du royaume, remis à l'Assemblée constituante, qui les soumit à l'examen le plus rigoureux et le plus malveillant (...). »
Voilà ce que la reine elle-même dit à son frère sur le peu de crédit qu'elle a auprès du roi en ce qui concerne les affaires politiques (le 22 septembre 1784) :
« ... J'en ai parlé plus d'une fois au Roi, mais il faudrait le bien connaître pour juger du peu de ressources et de moyens que me fournissent son caractère et ses préjugés. Il est de son naturel très peu parlant, et il lui arrive souvent de ne me parler des grandes affaires, lors même qu'il n'a pas d'envie de me les cacher. Il me répond quand je lui en parle, mais il ne m'en prévient guère, et quand j'apprends le quart d'une affaire, j'ai besoin d'adresse pour me faire dire le reste par les ministres, en leur laissant croire que le Roi m'a tout dit.
Quand je reproche au Roi de ne m'avoir pas parlé de certaines affaires, il ne se fâche pas, il a l'air un peu embarrassé et quelquefois il me répond naturellement qu'il n'y a pas pensé. Je vous avouerai bien que les affaires politiques sont celles sur lesquelles j'ai le moins de prise. La méfiance naturelle du Roi a été fortifiée d'abord par son gouverneur, dès avant mon mariage. M. de La Vauguyon l'avait effrayé sur l'empire que sa femme voudrait prendre sur lui, et son âme noire s'était plu à effrayer son élève par tous les fantômes inventés contre la maison d'Autriche.
M. de Maurepas, quoique avec moins de caractère et de méchanceté, a cru utile pour son crédit, d'entretenir le Roi dans les mêmes idées. M. de Vergennes suit le même plan, et peut-être se sert-il de sa correspondance des affaires étrangères pour employer la fausseté et le mensonge. J'en ai parlé clairement au Roi et plus d'une fois. Il m'a quelquefois répondu avec humeur, et comme il est incapable de discussion, je n'ai pu lui persuader que son ministre était trompé ou le trompait. Je ne m'aveugle pas sur mon crédit. Je sais que, surtout pour la politique (extérieure), je n'ai pas grand ascendant sur l'esprit du Roi. Serait-il prudent à moi d'avoir avec son ministre des scènes sur des objets, sur lesquels il est presque sûr que le Roi ne me soutiendrait pas ? Sans ostentation ni mensonge, je laisse croire au public que j'ai plus de crédit que je n'en ai véritablement, parce que, si on ne m'en croyait pas, j'en aurais encore moins.
Les aveux que je vous fais, mon cher frère, ne sont pas flatteurs pour mon amour-propre, mais je ne veux vous rien cacher, afin que vous puissiez me juger autant qu'il est possible de la distance affreuse, où mon sort m'a éloignée de vous. »
Le 28 juin 1783 le marquis de Bombelles écrit dans son journal ceci (et qui illustre bien que la reine n'avait que peu de prise sur la politique menée par Louis XVI et ses ministres) :
« On était en doute si la Reine paraîtrait à la revue, et l'on a vu avec plaisir qu'elle y était venue. Ce qui n'est pas douteux, c'est que les événements du moment lui donnent beaucoup d'humeur. Plusieurs personnes de son service ont entendu le Roi lui dire fort haut, et de manière à ce que les portes de la chambre à coucher de la Reine n'ont pas suffi pour étouffer la voix, que, lorsqu'on avait donné la naissance à un Dauphin, il ne convenait plus de désirer à son détriment les avantages de la maison d'Autriche.
Un peu avant la revue, et deux jours après cette altercation, le Roi est venu chez Monseigneur le Dauphin et a dit à Mme la duchesse de Polignac : - Eh bien, a-t-on encore de l'humeur ?
La duchesse, sans répondre à cette question, a conduit doucement Sa Majesté à l'embrasure de la fenêtre et, par ses gestes et quelques mots entendus, il était aisé de voir qu'elle disait au Roi qu'il fallait un peu de patience et que la Reine se rendrait de bonne grâce à la raison. »
C'est d'ailleurs en septembre de la même année que Joseph II revient à la charge avec son empressement auprès de sa sœur pour lui faire part de ses doutes quant à la sincérité de la France pour respecter les traités de l'alliance. Il est d'avis que la France se laisse trop mener par les intrigues de Prusse, en écrivant que « certainement des petites raisons d'intérêt personnel et des inquiétudes causées par des jactances des cafés, dont le Roi de Prusse par différentes voies est le souffleur, font parler et écrire M. de Vergennes au contresens de sa propre raison et conviction. » Bref, Joseph II insiste dans sa lettre du 9 septembre 1783 à ce que sa sœur tente d'influencer l'opinion du roi en faveur de l'Autriche.
En 1784 il y avait donc l'affaire de l'Escaut, déjà évoquée ci-dessus. Joseph II avait sommé les Hollandais à rouvrir les bouches de l'Escaut afin de donner essor au port d'Anvers. N'obtenant aucune réponse favorable de la Hollande, l'empereur envoie un bateau sur l'Escaut pour y forcer un passage, sur lequel les Hollandais n'hésitent pas à ouvrir le feu.
Le comte de La Marck écrit ceci par rapport à cette affaire et le rôle de la reine :
« En 1784, lorsque l'empereur Joseph voulut violer les traités existants avec la Hollande, exiger l'ouverture de l'Escaut et réclamer la possession de Maastricht, il eut encore recours à la Reine, pour qu'elle engageât le Roi à ne pas s'y opposer. La Reine refusa également de se mêler de cette affaire, et se borna à demander qu'on aidât son frère à se tirer le plus honorablement possible de l'embarras dans lequel il s'était si étourdiment engagé.»
Plus loin, le comte de La Marck relate qu'il était appelé à une audience chez Joseph II :
« Il ne me cacha pas l'humeur que lui causaient les réponses qu'il avait déjà reçues de sa sœur aux très vives instances qu'il lui avait adressées. J'essayai de lui faire comprendre combien la position de la Reine était délicate dans cette circonstance ; mais je ne parvins pas à calmer son mécontentement. L'événement a prouvé que la reine avait résisté à tous les efforts de son frère. Peu de mois après, le traité de Fontainebleau fit avorter cette guerre contre la Hollande. Toute l'intervention de la France se borna à faire obtenir à l'empereur quelques millions de florins, qui lui furent payés par les Hollandais (...).
Tout ce qu'on répandit dans le public sur les millions que la Reine avait fait donner par la France à l'empereur, pour qu'il se désistât de ses prétentions, est de la plus insigne fausseté. Cette fausseté a d'ailleurs été suffisamment prouvée quelques années plus tard, par les comptes de finances du royaume, remis à l'Assemblée constituante, qui les soumit à l'examen le plus rigoureux et le plus malveillant (...). »
Voilà ce que la reine elle-même dit à son frère sur le peu de crédit qu'elle a auprès du roi en ce qui concerne les affaires politiques (le 22 septembre 1784) :
« ... J'en ai parlé plus d'une fois au Roi, mais il faudrait le bien connaître pour juger du peu de ressources et de moyens que me fournissent son caractère et ses préjugés. Il est de son naturel très peu parlant, et il lui arrive souvent de ne me parler des grandes affaires, lors même qu'il n'a pas d'envie de me les cacher. Il me répond quand je lui en parle, mais il ne m'en prévient guère, et quand j'apprends le quart d'une affaire, j'ai besoin d'adresse pour me faire dire le reste par les ministres, en leur laissant croire que le Roi m'a tout dit.
Quand je reproche au Roi de ne m'avoir pas parlé de certaines affaires, il ne se fâche pas, il a l'air un peu embarrassé et quelquefois il me répond naturellement qu'il n'y a pas pensé. Je vous avouerai bien que les affaires politiques sont celles sur lesquelles j'ai le moins de prise. La méfiance naturelle du Roi a été fortifiée d'abord par son gouverneur, dès avant mon mariage. M. de La Vauguyon l'avait effrayé sur l'empire que sa femme voudrait prendre sur lui, et son âme noire s'était plu à effrayer son élève par tous les fantômes inventés contre la maison d'Autriche.
M. de Maurepas, quoique avec moins de caractère et de méchanceté, a cru utile pour son crédit, d'entretenir le Roi dans les mêmes idées. M. de Vergennes suit le même plan, et peut-être se sert-il de sa correspondance des affaires étrangères pour employer la fausseté et le mensonge. J'en ai parlé clairement au Roi et plus d'une fois. Il m'a quelquefois répondu avec humeur, et comme il est incapable de discussion, je n'ai pu lui persuader que son ministre était trompé ou le trompait. Je ne m'aveugle pas sur mon crédit. Je sais que, surtout pour la politique (extérieure), je n'ai pas grand ascendant sur l'esprit du Roi. Serait-il prudent à moi d'avoir avec son ministre des scènes sur des objets, sur lesquels il est presque sûr que le Roi ne me soutiendrait pas ? Sans ostentation ni mensonge, je laisse croire au public que j'ai plus de crédit que je n'en ai véritablement, parce que, si on ne m'en croyait pas, j'en aurais encore moins.
Les aveux que je vous fais, mon cher frère, ne sont pas flatteurs pour mon amour-propre, mais je ne veux vous rien cacher, afin que vous puissiez me juger autant qu'il est possible de la distance affreuse, où mon sort m'a éloignée de vous. »
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« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 44
Localisation : Pays-Bas autrichiens
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Comte d'Hézècques a écrit:La pauvre reine, elle fut constamment déchirée entre son ancienne patrie et sa nouvelle, qu'elle avait pleinement adoptée en 1770, certes, mais n'oublions pas qu'elle fut envoyée en France pour fortifier l'alliance franco-autrichienne et que Marie-Thérèse avait besoin d'elle pour exercer son influence à la cour française.
Le 28 juin 1783 le marquis de Bombelles écrit dans son journal ceci (et qui illustre bien que la reine n'avait que peu de prise sur la politique menée par Louis XVI et ses ministres) :
J'entends bien votre argumentation, cher ami, et je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait que le roi a généralement écarté ses interventions en faveur de l'Autriche, je l'ai d'ailleurs écrit. La tâche qui lui était assignée par sa famille n'était donc pas du tout évidente. Mais, il me semble clair que la lettre que vous citez est un plaidoyer pro domo afin de justifier auprès de son frère le manque de résultats de son action, ce qui ne l'exempte pas d'avoir eu l'intention d'agir comme il lui avait été demandé c'est dire si nous le disons en termes diplomatiques à chercher à rapprocher les intérêts de la France de ceux de l'Autriche et en terme plus directs à chercher à influencer son auguste époux en faveur de l'Autriche.
Par ailleurs, si l'on revient sur la lettre qu'elle a envoyée à son frère, le 5 novembre 1784, croyez-vous qu'il soit bien honnête vis à vis de son royal époux de révèler à son frère que Vergennes n'a pas lu la lettre que le roi lui a écrite ce qui indique bien qu'il existe sur le point en question une divergence de vue entre le roi et son ministre. Voilà une information capitale pour l'empereur et son conseil qu'elle n'aurait pas du transmettre. Il me semble donc pour schématiser ce qui en soi peut vous paraître procéder d'une vision par trop simpliste des choses qu'elle était encore à cette époque plus autrichienne que française et ce malgré la naissance du Dauphin. Effectivement, un peu plus tard, son comportement se modifiera, et elle se refusera à donner suite à certaines pression de ses parents.
Je vous l'accorde, à sa décharge, répetons que sa propre famille l'avait effectivement placée dans une situation très difficile et ajoutons qu'elle n'était vraisemblablement pas pénétrée d'un réel sentiment d'amour pour son mari ce qui également peut se comprendre.
Bien à vous. Roi-cavalerie
Par ailleurs, si l'on revient sur la lettre qu'elle a envoyée à son frère, le 5 novembre 1784, croyez-vous qu'il soit bien honnête vis à vis de son royal époux de révèler à son frère que Vergennes n'a pas lu la lettre que le roi lui a écrite ce qui indique bien qu'il existe sur le point en question une divergence de vue entre le roi et son ministre. Voilà une information capitale pour l'empereur et son conseil qu'elle n'aurait pas du transmettre. Il me semble donc pour schématiser ce qui en soi peut vous paraître procéder d'une vision par trop simpliste des choses qu'elle était encore à cette époque plus autrichienne que française et ce malgré la naissance du Dauphin. Effectivement, un peu plus tard, son comportement se modifiera, et elle se refusera à donner suite à certaines pression de ses parents.
Je vous l'accorde, à sa décharge, répetons que sa propre famille l'avait effectivement placée dans une situation très difficile et ajoutons qu'elle n'était vraisemblablement pas pénétrée d'un réel sentiment d'amour pour son mari ce qui également peut se comprendre.
Bien à vous. Roi-cavalerie
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Comte d'Hézècques a écrit:
Voilà ce que la reine elle-même dit à son frère sur le peu de crédit qu'elle a auprès du roi en ce qui concerne les affaires politiques (le 22 septembre 1784) :
Sans ostentation ni mensonge, je laisse croire au public que j'ai plus de crédit que je n'en ai véritablement, parce que, si on ne m'en croyait pas, j'en aurais encore moins.
Pour faire un tel aveu, vraiment pathétique, Marie-Antoinette doit ravaler son orgueil . Elle apparaît un peu perdue, avec une fragilité que l'on ne lui soupçonnait pas .
C'est Mercy qui lui a expliqué que :
le crédit est affaire d'apparence et qu'il se nourrit de lui-même .
Mais, somme toute, que gagne la reine à paraître plus puissante qu'elle n'est en réalité ?
Quand surgiront bientôt tous les troubles que nous savons et qui mèneront le royaume au bord du gouffre, elle sera désignée comme seule responsable de tous les actes néfastes du gouvernement et coupable de la catastrophe finale .
.
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Marie-Antoinette se mêlait-elle de politique ?
Les mots avec lesquels Marie-Antoinette fait cet aveu me touchent énormément car c'est un peu crier au secours d'être enfermée dans une cage dorée depuis laquelle nul de L'écoute ...
Bien àvous.
Bien àvous.
Invité- Invité
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