Marie-Joséphine de Savoie, comtesse de Provence

Exactement ! Il avait visé je crois les cadets de Wurtemberg lors d’une visite aux Tuileries.

Louis XVIII quant à lui avait imposé à Louis-Philippe l’ouverture d’un battant, quand son épouse, altesse royale car fille du roi de Naples, avait la préséance et s’en voyait ouvrir deux devant lui...

Et oui ! Et le duc d'Orleans dut supporter ce traitement des années ! Pourtant, le futur Louis-Philippe n'a pas été étranger à l'installation de Louis XVIII en Angleterre, grâce à ses relations auprès du cabinet britannique. Mais devenu pleinement roi, Louis XVIII oublia rapidement les services de son cousin.

Voici la lettre de la duchesse d'Aiguillon à son mari, qui nous présente la comtesse de Provence lors de son arrivée en France en 1771 :

" 22 mai 1771,

J'ai été à Choisy attendre le roi qui nous a amené la comtesse de Provence qu'il est de mode de trouver épouvantable. Moi, qui comme bien vous savez, ne suis pas à la mode, je ne la trouve pas mal ; elle est petite, assez bien faite, surtout une belle gorge ; elle a les yeux noirs comme jais, fort grands et fort beaux, les cheveux noirs bien plantés, peut-être un peu bas, mais qui ne choquent, le teint de brune, mais uni et mat, le nez gros, la bouche un peu avancée et la forme du visage longue.
Ce qui choque au premier coup d'œil, ce sont ses sourcils qui sont très arqués et qui s'éloignent de ses yeux et lui donnent, quand ses yeux sont baissés, par la distance qu'il y a, l'air chinois. Quand elle a les yeux ouverts, cela choque moins parce que ses paupières qui sont grandes et fort noires, remplissent l'intervalle. En tout, elle a de la physionomie, et l'air de bonté et d'esprit, ce qui fait que sa figure est, à mon gré, loin de déplaire. "

Citation extraite de " Une grande dame de la cour de Louis XV, la duchesse d'Aiguillon, 1726-1796 " d'après des documents inédits de Paul d'Estress et Albert Callet, de 1912.

Merci Dominique.

Tiens donc ? L'air "chinois"...
Où la duchesse d'Aiguillon est-elle allée chercher cet argument ?

Quelle acuité, quel sens de l'observation !
C'est formidable, cher Dominique, pour vous qui vous intéressez tant aux deux princesses piémontaises d'avoir un portrait de la comtesse de Provence aussi précis .

Sera présenté en vente aux enchères, le 2 mars 2019, chez Hôtel des Ventes Giraudeau, à Tours :

Portrait présumé de Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence (1753-1810).
Ecole française XVIIIe.
Huile sur toile ovale signée PERRIN à gauche et datée 1779.
63 x 52 cm. (rentoilée).
Cadre d'époque en bois sculpté et doré à décor de frise de feuillages et entrelacs.
Expert : René MILLET




Je ne suis pas expert mais, à mon avis, si l'identité du modèle est plus que présumée (nous la reconnaissons bien, me semble-t-il), c'est la date inscrite sur la toile qui me surprend davantage.  

1779 me paraît bien tôt pour un portrait où la la comtesse de Provence porterait cette "chemise / déshabillé".  
Je ne connais pas le bon terme ; si nos expertes et experts du costume passent par là...

Bref, il me semble que les portraits "en gaulle" et ceux "en chemise", sont plus tardifs dans les années 1780.


Dans un même esprit, nous connaissons cette gravure de Marie-Antoinette qui porte ce genre de "déshabillé", elle date de 1790 :




Nous présentions également ces deux portraits, et nous demandions si la chemise portée par la reine était un artifice destiné à cacher l'identité du modèle (pendant la période révolutionnaire, pour ne pas que les portraits soient saisis ou détruits), ou bien si le peintre (présumé) avait volontairement peint Marie-Antoinette ainsi ?

C'était ici : Marie-Antoinette en chemise blanche par Wertmüller

Cela pourrait être la comtesse de Provence. L'implantation basse des cheveux, l'arc épais des sourcils, le regard noir, la forme un peu chevaline du visage sont de bons indices de reconnaissance, mais sans certitude.
Ses cheveux ne sont pas poudrés, ce qui rend la carnation de la princesse encore plus sombre. Décidément, cette femme n'était pas gâtée.
La date de 1779 est peut-être aléatoire en effet. Le début de la decade 1780 serait plus juste.

Je penche aussi pour le Yéti .
Nous ne croisons pas tous les jours des sourcils aussi noirs et broussailleux.

On la reconnait bien.

Il lui manque tout de même les poils sur la poitrine...

A mon avis la datation du portrait de la comtesse de Provence correspond tout à fait à l'année 1779.

Elle ne porte pas un déshabillé au sens d'une robe pour la journée, mais une tenue spécifique de la toilette du matin qui s'effectuait en présence de différents personnages de son service et de la cour et durant laquelle elle se faisait coiffer.

En ville, beaucoup de femmes recevaient ainsi des visiteurs à leur toilette pendant une bonne partie de la matinée !

Ah ! Très bien, Marie-Jeanne, merci beaucoup...

Marie-Jeanne a écrit:Elle ne porte pas un déshabillé au sens d'une robe pour la journée, mais une tenue spécifique de la toilette du matin qui s'effectuait en présence de différents personnages de son service et de la cour

Encore heureux qu'elle portait quelque chose, c'eût été un comble pour ces gens que de voir le yéti à poil

La nuit, la neige a écrit:
(...)
Dans le Palais Royal de Turin, est également conservé ce portrait du duc de Savoie, Victor Amédée III, avec sa famille. Toujours de Giuseppe Duprà.
La future comtesse de Provence semble être à l'extrême gauche, si l'on se réfère à sa physionomie sur les portraits que nous présentions ...

Une meilleure image de ce grand tableau, présentés à l'occasion de nos discussions concernant les portraits de jeunesse de celle qui deviendra comtesse de Provence :

La famiglia di Vittorio Amedeo di Savoia, poi Vittorio Amedeo III, con la consorte Maria Antonia Ferdinanda e i primi cinque dei dodici figli.
Giuseppe Duprà
Olio su tela, c. 1759, 1760
Photo : Musei Reali di Torino

Sauf erreur de ma part, nous retrouvons donc sur ce portrait familial...

Le père de la princesse : Victor-Amédée, roi de Sardaigne, duc de Savoie, marquis de Saluces, de Montferrat, prince de Piémont, du comté d’Aoste, de Nice, et de Maurienne, prince de Savoie.
Sa mère Marie-Antoinette d'Espagne, née de Bourbon Farnèse, reine consort de Sardaigne etc.

Et de gauche à droite : Marie-Joséphine-Louise, notre comtesse de Provence ; sa soeur, Marie-Thérèse, future épouse du comte d'Artois ; son frère aîné, Charles Emmanuel, duc de Savoie, qui succèdera à son père en 1796, marié en 1775 à Clotilde de France, soeur de Louis XVI ; la princesse Marie-Anne mariée en 1775 à son oncle, le duc de Chablais ; le jeune Victor Emmanuel, duc et roi en 1802.

Merci !     Voici un portrait de famille qui devrait faire grand plaisir à notre ami Dominique :   ses princesses piémontaises à l'âge si tendre de la petite enfance !

courant septembre, je ne connais pas encore les dates exactes, il aura à la CHAPELLE EXPIATOIRE une exposition consacrée à la COMTESSE DE PROVENCE avec comparaison avec la Reine.
AYMERIC DE PENIGUET le conservateur doit venir au sein de ma collection faire quelques courses pour agrémenter cette exposition.

MARIE ANTOINETTE

Je connaissais ce portrait du duc de Savoie, futur roi de Sardaigne et de sa famille. En effet, les enfants sont encore dans l'âge tendre. Avec le temps, ils se révéleront assez disparates et souffreteux, et la plupart peu gâtés par la nature, il faut le reconnaître.

Tenez nous au courant de cette exposition, je suis rivé à votre clavier, chère Marie-Antoinette.

C'est en postant l'annonce de l'exposition L'anti Marie-Antoinette - Marie-Joséphine Louise de Savoie (Chapelle expiatoire), et le portrait qui illustre l'article...




Marie Joséphine de Savoie, Comtesse de Provence, femme du roi Louis XVIII (1753-1810)
D'après Vigée-Lebrun
ca. 1775–1825
Image : Coutau Bégarie & Associés

...que je me rends compte que nous n'avons posté ici qu'une autre copie de ce portrait, c'est à dire celle conservée au château de Versailles :


Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence
Anonyme, d'après Elisabeth-Louise Vigée Lebrun
Huile sur toile, après 1783
Image : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot

Le portrait original, peint en 1782, est présenté au Salon de 1783, en même temps que le portrait "en gaulle" de Marie-Antoinette.
Le public trouva fort inconvenantes les tenues portées par les deux femmes ; et nous savons que le portrait de la reine fut rapidement retiré et remplacé.

Voici donc le portrait original de la comtesse de Provence, peint par Elisabeth Vigée Le Brun.
En collection privée, il fut présenté à l'occasion de l'exposition Vigée Le Brun, au Grand Palais, Paris :


Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence
Elisabeth-Louise Vigée Le Brun
Huile sur toile, 1782
Collection privée
Image : Apolline R - Exposition Vigée Le Brun




Citons également ces autres copies du XIXe siècle :


Portrait de Marie Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence (1753-1810)
Louis-Edouard Rioult (1790-1855)
Avec inscription, signature et date '1842' (au dos, sur la toile de rentoilage)
Huile sur toile
D'après un tableau d'Elisabeth-Louise Vigée-Lebrun passé en vente à Christie's New York le 12 janvier 1996 lot 88.
Image : Christie's



Portrait de Joséphine de Savoie, comtesse de Provence
Charles Escot (1834-1902)
Pastel sur papier
Image : Musée des Beaux-Arts de Gaillac - Musées Occitanie

Cher LNLN, tu oublies cette autre version présentée au Grand Palais, pince à épiler à l’appui :

Gouverneur Morris a écrit:Cher LNLN, tu oublies cette autre version présentée au Grand Palais, pince à épiler à l’appui :

Désolé !
J'ai pourtant fouillé dans le sujet consacré à cette expo...

Je n'aurais pas dû jeter un oeil aux portraits de la comtesse de Provence dans ce sujet.
Je poursuis donc...
Pas facile de s'y retrouver avec les images trouvées sur le net !  

Attention, il faudra bien suivre...


Page 5, nous présentions une réplique du portrait exposé par Drouais au Salon de 1771, et actuellement conservée à Versailles :


Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence
D'après François-Hubert Drouais
Huile sur toile, après 1771
Réplique d'après l'original exposé au Salon de 1771
Image : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot

Mais quel est le portrait original ?


Le château de Versailles conserve une seconde variante :


Marie-Joséphine-Louise de Savoie, comtesse de Provence
D'après François-Hubert Drouais
Huile sur toile, XVIIIe siècle
Image : RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Jean Popovitch

Je suppose qu'il s'agit de ce portrait, élément d'un décor mural anciennement au Sénat, et déposé à Versailles...

Comtesse de Provence
D'après François-Hubert Drouais
Huile sur toile, XVIIIe siècle
Médaillon encastré dans la boiserie du salon de l'appartement n°2, au 1er étage du pavillon ouest de l'aile nord, questeur du Sénat
Dépôt questure du Sénat au château de Versailles
Image : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot

Reproduit des dizaines de fois sur le net avec cette image dégueulasse    , nous retrouvons ce troisième portrait, dit être aussi conservé à Versailles :

François-Hubert Drouet
Marie-Joséphine-Louise de Savoie (1753-1810), comtesse de Provence
1771.
Château de Versailles, Paris
Image : Liveinternet.ru

Pourquoi Versailles possèderait trois versions de ce portrait ? Deux suffisent déjà bien assez !!  
Ce portrait ci-dessus est donc bien celui-ci, conservé à la Fondation Accorsi de Turin :


Maria Giuseppina di Savoia, contessa di Provenza e principessa di Francia per matrimonio
François-Hubert Drouais
Olio su tela, 1772
Image : Museo di Arti Decorative e Fondazione Accorsi - Ometto, Torino


Image : http://www.bdtorino.eu/sito/articolo.php?id=27885

Mais, apparemment, ce n'est toujours pas l'original...


Même cadre, mais pas le même destinataire (cette fois-ci, au duc de La Vrillière), cette autre version est conservée au Musée des Beaux-Arts d'Agen.
Je n'ai pas retrouvé d'autres images. Ce musée ne présente pas ses collections en ligne.




François-Hubert Drouais (1727 - 1775)
Marie-Josephine Louise de Savoie (1753-1810) Comtesse de Provence
oil on canvas
Exposition Agen, Musée des Beaux-Arts
Image : debridgeman Berlin / Repro-tableaux

Alors, faut-il aller chercher le portrait original en Italie ?

Conservé au Palais royal de Turin, nous retrouvons cet autre :

Ritratto di Maria Giuseppina di Savoia
François Hubert Drouais
Tela/ pittura a olio - Terzo quarto sec. XVIII - 1771
Image : Palazzo Reale, Museo di Palazzo Reale

Il y est conservé avec son pendant, à savoir le portrait du comte de Provence :

Rittrato di Luigi Saverio conte di Provenza
François Hubert Drouais
Tela/ pittura a olio - Terzo quarto sec. XVIII - 1771
Image : Palazzo Reale, Museo di Palazzo Reale

Nous présentions une variante de ce portrait, ici : Louis-Stanislas, comte de Provence puis Louis XVIII




J'ai dans l'idée qu'un second portrait a existé : en buste, mais sans la rose ni cette main levée.
Réalisé par Drouais ou des suiveurs du temps ? S'il a jamais existé, je n'ai pas retrouvé la version originale.

Nous le retrouvons sur des gravures du temps, notamment :


Image : Bibliothèque Nationale de France

Ou encore, ici avec une petite fantaisie dans la coiffure...


Image : Bibliothèque Nationale de France

Enfin encore avec des estampes du XIXe siècle :



Avait été vendu aux enchères, je ne sais où et quand, ce :


Portrait of Marie-Josephine Louise de Savoie (1753-1810), Comtesse de Provence
Attribué à François Hubert Drouais
Oil on canvas, 65 x 54 cm. (25.6 x 21.3 in.)
Image : Artnet

Je présente aussi ce pastel...


Portrait of a woman, presumably Marie Joséphine of Savoy (1753-1810), Countess of Provence
French school (probably), after François Hubert Drouais
18th century
Pastel on canvas, 40 × 32 cm
Image : Artnet





Tant que j'y suis, à noter que le musée du Palais royal de Turin possède dans ses collections deux autres beaux portraits de la princesse.


Ritratto di Maria Giuseppina di Savoia
François Hubert Drouais
Tela/ pittura a olio - Terzo quarto sec. XVIII - 1771
Image : Palazzo Reale, Museo di Palazzo Reale

Ouh, jolie !!  
Drouais avait le chic pour embellir ses sujets...

Lui et son atelier (ou les suiveurs du temps) avaient aussi le chic pour décliner les "mêmes" portraits attribués à des femmes différentes.  
Apparemment, existerait ce portrait de Mme du Barry par Drouais :




Et c'est encore plus amusant avec cet autre portrait de la comtesse de Provence, toujours conservé au Palais royal de Turin.

Les fleurs de la dite "comtesse du Barry" de la gravure présentée précédemment sont remplacées par un perroquet et sa cage :  


Ritratto di Maria Giuseppina contessa di Provenza
François Hubert Drouais
Tela/ pittura a olio - Terzo quarto sec. XVIII - 1768-70
Image : Palazzo Reale, Museo di Palazzo Reale


Ou bien...

Portrait of a Lady, said to be Mademoiselle de Forges
François Hubert Drouais and Studio
Oil on canvas, oval
Image : Sotheby's

Note au catalogue :

Another version of this portrait in rectangular format, signed and dated 1768, is in the collection of the office of the Soprintendenza per I beni architettonici e il paessaggio per il Piemonte, Turin (inv. no. 7035).
That version, which has provenance from the House of Savoy, was recently tentatively identified as the Savoyard princess Maria Giuseppina who, in 1771, married Louis Stanislaus, Comte de Provence, the future Louis XVIII of France.