Ailleurs dans le monde en 1789
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Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Merci cher Monsieur de la Pérouse !
Nous reprendrons bientôt notre petit tour du monde en 1789...
Nous reprendrons bientôt notre petit tour du monde en 1789...
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Calonne- Messages : 1098
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Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Merci ! C'est que le monde est vaste...
La nuit, la neige- Messages : 18060
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Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Le royaume du Siam
Nous voici au royaume du Siam, ancien nom de l'actuelle Thaïlande. Un pays qui ne nous est pas inconnu, tout le monde a en tête l'ambassade du Siam à Versailles à la fin des années 1680.
Une ambassade qui avait permis à la cour du roi-soleil de découvrir le "jeu du Siam", une variante de notre jeu de quilles. Dans ce jeu, les quilles sont disposées en cercles concentriques, comme la coquille d'un escargot et la boule est en fait une sorte de disque, à tranche large. La difficulté est donc de donner au disque l’inclinaison convenable et une force suffisante en lui imprimant un mouvement de rotation pour qu’il fasse d’abord un premier tour sans renverser une seule quille (sinon la partie est perdue), avant qu’il ne pénètre dans le jeu et abatte les quilles sur son passage, chaque quille ayant une valeur différente suivant sa position. Celui qui parvient à abattre la quille centrale, le Siam, sans toucher les autres, remporte automatiquement la partie. Essayez pour voir…
Un jeu qui, en tous cas, connaîtra un fort succès en France et pendant longtemps.
Source des deux images : alainbernardenthailande.com
Mais à l'époque, les habitants du Siam ont autre chose à faire que de jouer aux quilles… La faute à un voisin belliqueux, la Birmanie.
Le Deuxième Empire Birman, né en 1535, n'a cessé depuis de s'attaquer au Siam, nommé "Royaume d'Ayutthaya" à l'époque. Tout en s'efforçant de chasser à grands coups de pied les portugais, qui s'incrustent un peu trop sur les rives enchanteresses de l'Irrawady… En 1632, c'est chose faite. Mais voilà que survient la révolte des Môns, dans le sud du royaume, révolte sournoisement encouragée par les français installés en Inde et qui conduit à l'effondrement de l'empire birman en 1752. Ce qui n'empêche pas le Troisième Empire Birman de naître dans la foulée et de reprendre ses attaques contre ses voisins. A tel point que la capitale du Siam, Ayutthya, déjà pillée et incendiée, trop menacée par les hordes birmanes, est transférée plus au sud, à Bangkok.
C'est alors le règne de Rama Ier dit "le Grand" :
Né en 1737, cet ancien général élevé dans un monastère bouddhiste devient roi en 1782, fondant la dynastie qui règne toujours sur la Thaïlande aujourd'hui. Au passage, il se rend célèbre en enlevant le Bouddha d'émeraude :
Source : Gremel Madolora
Il s'agit d'une statue de jade (et pas d'émeraude, le terme thaï pour "émeraude" pouvant signifier "de couleur verte") vêtue d'or, de 76,2 cm de haut à peine, mais vénérée comme la statue de Zeus à Olympie ou celle d'Athéna au Parthénon. Rama Ier fait même édifier Le Grand Palais autour de la chapelle abritant la statue sacrée. Cette dernière possède même trois habits d'or et de pierres précieuses (costume d'été, d'hiver et de la saison des pluies), changés par le roi uniquement, au cours d'une cérémonie spécifique. Attention si vous êtes de passage sur place : photographier le Bouddha d'émeraude est formellement interdit. Dans le même temps, Rama Ier récupère les textes bouddhiques sacrés perdus lors du pillage de l'ancienne capitale. Au niveau du sacré, voilà qui vous pose son souverain.
Sur le plan législatif, ce contemporain de Louis XVI promulgue Le livre des Trois Sceaux, véritable nouveau code de lois qui centralise et actualise toutes les lois du royaume. Féru de littérature, il porte la culture écrite thaï à un haut niveau et aime à s'entourer d'artistes.
Mais notre souverain n'a guère le temps de s'occuper d'art et de littérature : le voisin birman, mené par Bodawpaya, attaque à nouveau. En 1785, c'est enfin la victoire du Siam. Mais le roi échoue à récupérer la zone contestée du Tenasserim, arrachée 30 ans plus tôt par les birmans. Par un traité signé en 1793, ces derniers conservent la région.
Calonne- Messages : 1098
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Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
C'est splendide, ça donne envie de repartir. J'en ai vu des beaux bouddhas tout en or dans la jungle verte, mais aussi beaux que celui-là, je ne sais pas .
Monsieur de la Pérouse- Messages : 485
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Localisation : Enfin à bon port !
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Pour ses trois tenues, Tata Wikipédia nous en fournit les détails :
Saison chaude ou Été : Une coiffe haute et pointue en or, un pectoral d'or, une ceinture d'or, un ensemble de bracelets, brassards et autres éléments de la tenue royale. Tous les articles sont en or émaillé et incrustés de pierres précieuses et semi-précieuses.
Saison des Pluies : Une coiffe haute et pointue en or incrustée de saphirs; une robe en relief d'or drapée sur une épaule.
Saison Froide ou Hiver : Une coiffe haute et pointue en or incrustée de diamants, un châle de maille d'or orné de pierres précieuses drapé au-dessus du costume de la saison des pluies.
Quand ils ne sont pas utilisés, les différents habits sont exposés dans le pavillon voisin des Régalia, décorations royales et pièces de monnaie thaïlandaises situés sur au sein du Grand Palais, où ils restent visibles au public.
Saison chaude ou Été : Une coiffe haute et pointue en or, un pectoral d'or, une ceinture d'or, un ensemble de bracelets, brassards et autres éléments de la tenue royale. Tous les articles sont en or émaillé et incrustés de pierres précieuses et semi-précieuses.
Saison des Pluies : Une coiffe haute et pointue en or incrustée de saphirs; une robe en relief d'or drapée sur une épaule.
Saison Froide ou Hiver : Une coiffe haute et pointue en or incrustée de diamants, un châle de maille d'or orné de pierres précieuses drapé au-dessus du costume de la saison des pluies.
Quand ils ne sont pas utilisés, les différents habits sont exposés dans le pavillon voisin des Régalia, décorations royales et pièces de monnaie thaïlandaises situés sur au sein du Grand Palais, où ils restent visibles au public.
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Calonne- Messages : 1098
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Ce Bouddha extraordinaire de beauté et de sérénité a toute une garde-robe, ben tenez ! comme le Manneken-Pis !
Mais entre deux changements de costume, à la différence du petit qui soulage une envie pressante, on ne le voit jamais tout nu, si ?
Mais entre deux changements de costume, à la différence du petit qui soulage une envie pressante, on ne le voit jamais tout nu, si ?
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55309
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
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Calonne- Messages : 1098
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Eh ! ça valait franchement la peine de réclamer un petit streap-tease .
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Mme de Sabran- Messages : 55309
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Merci, Calonne, quel intéressant voyage...
Je le dis d'autant plus que la seule référence que j'ai de l'histoire du royaume du Siam est le film...Anna et le roi.
J'ai honte !!
Avec la charmante et talentueuse Jodie Foster. L'un de mes films de prédilection de la "période de Noël", ou spécial "grippe de l'hiver".
Nous sommes quelques décennies plus tard, au XIXe siècle, sous le règne de Rama IV.
Il s'agit d'une adaptation cinématographique d'un roman américain de Margaret Landon, publié en 1944, et basé sur les Mémoires d'Anna Leonowens, gouvernante et professeur d'anglais à la Cour de Siam de 1862 à 1867.
Existe aussi un film plus ancien, Le roi et moi, avec Yul Brynner.
Mais je ne l'ai pas vu, je ne suis pas très "films musicaux".
Ce doit être quelque chose...
Je le dis d'autant plus que la seule référence que j'ai de l'histoire du royaume du Siam est le film...Anna et le roi.
J'ai honte !!
Avec la charmante et talentueuse Jodie Foster. L'un de mes films de prédilection de la "période de Noël", ou spécial "grippe de l'hiver".
Nous sommes quelques décennies plus tard, au XIXe siècle, sous le règne de Rama IV.
Il s'agit d'une adaptation cinématographique d'un roman américain de Margaret Landon, publié en 1944, et basé sur les Mémoires d'Anna Leonowens, gouvernante et professeur d'anglais à la Cour de Siam de 1862 à 1867.
Existe aussi un film plus ancien, Le roi et moi, avec Yul Brynner.
Mais je ne l'ai pas vu, je ne suis pas très "films musicaux".
Ce doit être quelque chose...
La nuit, la neige- Messages : 18060
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Souvenirs souvenirs LNLN !
Mais c'était aussi une série télé avec Yul Brynner, non ?
Mais c'était aussi une série télé avec Yul Brynner, non ?
Gouverneur Morris- Messages : 11706
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Gouverneur Morris a écrit:Souvenirs souvenirs LNLN !
Mais c'était aussi une série télé avec Yul Brynner, non ?
Non, un film, et Yul Brynner toujours épatant, éblouissant, époustouflant ...
Qui était son pendant féminin déjà ?
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Mme de Sabran- Messages : 55309
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Gouverneur Morris a écrit:
Mais c'était aussi une série télé avec Yul Brynner, non ?
Tu as raison ! En 13 épisodes. Je ne la connais pas non plus.
Elle date de 1972...
Impossible à regarder, à mon avis.
La nuit, la neige- Messages : 18060
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Mme de Sabran a écrit:Gouverneur Morris a écrit:Souvenirs souvenirs LNLN !
Mais c'était aussi une série télé avec Yul Brynner, non ?
Non, un film
Ah mais !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Anna_et_le_Roi_(s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C3%A9e)
Gouverneur Morris- Messages : 11706
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
J'ai honte d'avoir ainsi "pollué" le sujet historique de notre ami Calonne.
La nuit, la neige- Messages : 18060
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
La nuit, la neige a écrit:Tu as raison ! En 13 épisodes. Je ne la connais pas non plus.
Elle date de 1972...
Impossible à regarder, à mon avis.
J'en ai pourtant gardé un souvenir diffus mais agréable... comme toi, avec un goût de Saint-Nicolas en pain d'épices
Gouverneur Morris- Messages : 11706
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Ah ben alors, autant pour moi !
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Mme de Sabran- Messages : 55309
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Les Philippines
Nous restons dans la zone d'influence de l'Asie avec un petit détour aux Philippines.
Abordées en 1521 et nommées ainsi en l'honneur de l'Infant et futur Philippe II, les Philippines sont toujours, en 1789, possession espagnole. Mais elles sont surtout une formidable plaque tournante entre le Nouveau Monde et l'Asie : le port de Manille voit arriver les galions et navires en provenance de l'Amérique du Sud (d'Acapulco principalement) avant d'y retourner, chargés de marchandises diverses. C'est ainsi que les colons d'Amérique du Sud trouvent sur les étals de leurs marchés soie, thé, laques et porcelaines, ensuite expédiées à Mexico ou Lima.
Tête de pont commerciale mais surtout religieuse. C'est en effet à partir de ces îles que les espagnols tentèrent d'évangéliser Chine et Japon. Suite au rejet du christianisme par ces derniers, l'Eglise s'est trouvé une autre voie, la politique…
Officiellement, les Philippines dépendent du Vice-Roi installé à Mexico et qui prend ses ordres de Madrid. Vu la lenteur des communications et des voyages de l'époque et l'éloignement de Manille aussi bien par rapport à Mexico que Madrid, on réalise que très vite, l'archipel a mené sa petite vie à son rythme, petite vie que les gouverneurs s'échinent à ne surtout pas contrarier… L'Eglise a donc pris le relais, avec une forte présence et un maillage serré d'églises, de missions, couvents et monastères implantés un peu partout. C'est le friocracy, le règne des frères, au sens religieux du terme.
A côté se trouvent les grands propriétaires terriens et planteurs, maîtres de vastes domaines où l'on cultive majoritairement l'hévéa et le café.
Ne reste qu'à rajouter les Iranun, une population particulière qui avait la réputation à l'époque de fournir de forts contingents de pirates redoutables et féroces infestant les côtes et pillant les navires entre les îles ou au large.
En 1789, officiellement possession espagnole, les Philippines forment néanmoins un monde clos, vivant à son rythme, malgré sa position commerciale stratégique entre deux mondes, l'Asie et l'Amérique.
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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1098
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Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Merci Calonne, je n'en ai jamais tant vu ni tant compris en regardant par le hublot de ma cabine.
Monsieur de la Pérouse- Messages : 485
Date d'inscription : 31/01/2019
Localisation : Enfin à bon port !
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Le Viet Nam
Accrochez-vous, c'est compliqué...
Qui règne sur le Viet Nam en 1789 ? Hé bien, beaucoup de monde…
Effectivement, depuis le XVIème siècle, le pays (qui au XVIIIème atteint à peu de choses près sa configuration actuelle) est déchiré entre deux puissantes familles, les Trinh qui règnent au nord, à Hanoï et les Nguyen au sud, depuis Hué. Il s'agit de deux dynasties de "Maires du palais" qui font la pluie et le beau temps du delta du Song-Kaï au Tonkin au delta du Mékong en Cochinchine. Au milieu, un empereur, issu de la dynastie Lé et qui se contente d'inaugurer les chrysanthèmes…
Les Trinh vont dominer le pays jusqu'en 1786 où ils seront renversés par les Tay Son.
Petit retour en arrière.
En 1771, trois frères, Huệ, Lữ et Nhạc, du clan des Hồ, se révoltent contre les Nguyen au sud. D'abord aidés par les Trinh, ils s'emparent de l'actuelle Saïgon, puis de Hué qui devient la nouvelle capitale impériale. Les Nguyen sont tous massacrés sauf un jeune prince de 16 ans, le prince Anh, qui fuit avec une poignée de fidèles, dans le delta du Mékong. Intervient alors un prélat français, le père Pigneau de Behaine :
Ce dernier, évêque de Cochinchine, missionnaire, en a déjà vu de belles : en 1778, des pirates cambodgiens attaquent et pillent sa mission, tuant quasiment tout le monde, notre prélat réussissant de justesse à sauver sa peau. Il se réfugie alors à Saïgon (après un court séjour au Cambodge) mais, manque de bol, les trois frères dont nous avons parlé plus haut s'emparent de la ville et notre homme doit fuir à nouveau, cette fois en compagnie d'un autre fugitif, le prince Anh Nguyen, seul rescapé du massacre de sa famille comme nous l'avons vu. Le prélat propose alors au jeune prince de demander l'aide de la France. Accompagné du jeune fils de son ami, Pigneau embarque et, après un voyage mouvementé, arrive enfin à Versailles où il trouve des ministres très réticents à l'idée d'intervenir dans ces pays perdus et lointains. Seul Loménie de Brienne lui prête une oreille attentive. En mai 1787, Louis XVI accorde enfin une audience au prélat et un accord est conclu : un traité entre le Royaume de France et l'Empire d'Annam est signé à Versailles par le comte de Montmorin. La France s'engage à aider le prince Ánh à remonter sur le trône, en échange de quoi, elle obtient le port de Tourane, l'île de Poulo Condor et surtout un commerce exclusif. Pigneau repart le 27 décembre 1787 accompagné de huit missionnaires. Mais Versailles ne tiendra pas parole et Pigneau attendra en vain armes, munitions, soldats et vivres, nous allons y revenir.
Entretemps, les trois frères cités plus haut, après s'être débarrassé des Nguyen se sont retournés contre leurs alliés Trinh pour imposer leur propre dynastie, celle des Tay Son. Hué, l'aîné, se proclame alors empereur sous le nom de Quang Trung en 1788. En 1789, il repousse les chinois qui avaient décidé de mettre leur grain de sel dans cet imbroglio pour soutenir la dynastie fantoche des empereurs Lé. En 1792, Quang Trung meurt sans héritier, laissant ses cadets se déchirer pour la succession. Le bilan de Quang Trung est néanmoins positif, ayant enfin unifié le pays après des siècles de guerre civile et repoussé l'invasion chinoise.
Et notre prélat et son jeune prince ? Les voici de retour et bien décidés à profiter de la rivalité entre les deux frères restant. Cependant, comme on l'a vu plus haut, la France a lâché notre prélat. C'est donc sur sa propre bourse qu'il achète munitions et matériel et qu'il recrute 350 marins volontaires et vingt officiers de marine, dont Olivier de Puymanel, Jean-Baptiste Chaigneau, Philippe Vannier et Jean-Marie Dayot. Ceux-ci forment à leur tour les soldats et officiers et construisent même plusieurs citadelles à la Vauban, dont la plus importante est celle de Saïgon.
Pigneau de Behaine est tué à la guerre en 1799. Il ne verra donc pas son ami, le prince Anh, monter finalement sur le trône en 1802 sous le nom de Gia Long.
Méfiant envers l'Occident après la "trahison" de la France, le nouvel empereur fermera son pays à l'Occident mais n'expulsera pas les missionnaires, en mémoire de son ami de Behaine… Ce dernier repose à Saïgon et une statue de lui fût dressée devant la cathédrale Notre-Dame de la ville, avant d'être remplacée par une statue de la Vierge.
Gia Long sera par contre sans pitié pour ceux qui ont massacré sa famille autrefois. Il les fera torturer et exécuter, y compris une femme étonnante, Bui Thi Xuan, une générale :
Cette femme fût une guerrière respectée et admirée. Experte en arts martiaux dès l'enfance, elle passe pour avoir sauvé son mari d'un tigre. Elle et son époux se joignent aux trois frères Tay Son dans leur conquête du pays, notre guerrière conduisant elle-même les troupes à la bataille depuis son éléphant de guerre. Mais quand Gia Long sera finalement vainqueur, il la fera arrêter, torturer et exécuter. Elle reste aujourd'hui encore une figure très populaire au Viet Nam.
Dernière édition par Calonne le Dim 31 Mar 2019, 12:22, édité 1 fois
Calonne- Messages : 1098
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Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Passionnant !! Merci Calonne...
Calonne a écrit:
Au milieu, un empereur, issu de la dynastie Lé et qui se contente d'inaugurer les chrysanthèmes…
Quelle vie romanesque !Calonne a écrit:Intervient alors un prélat français, le père Pigneau de Behaine
Ah ! C'est à dire que les caisses sont vides et que la Révolution est en marche...Calonne a écrit:La France s'engage à aider le prince Ánh à remonter sur le trône, en échange de quoi, elle obtient le port de Tourane, l'île de Poulo Condor et surtout un commerce exclusif. Pigneau repart le 27 décembre 1787 accompagné de huit missionnaires. Mais Versailles ne tiendra pas parole et Pigneau attendra en vain armes, munitions, soldats et vivres, nous allons y revenir.
La nuit, la neige- Messages : 18060
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Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Calonne a écrit:Gia Long sera par contre sans pitié pour ceux qui ont massacré sa famille autrefois. Il les fera torturer et exécuter, y compris une femme étonnante, Bui Thi Xuan, une générale :
Cette femme fût une guerrière respectée et admirée. Experte en arts martiaux dès l'enfance, elle passe pour avoir sauvé son mari d'un tigre. Elle et son époux se joignent aux trois frères Tay Son dans leur conquête du pays, notre guerrière conduisant elle-même les troupes à la bataille depuis son éléphant de guerre. Mais quand Gia Long sera finalement vainqueur, il la fera arrêter, torturer et exécuter. Elle reste aujourd'hui encore une figure très populaire au Viet Nam.
... une femme générale !!! et qui combat un tigre pour sauver son mari !!!
Quelle histoire sidérante !
Je regrette que son exécution ternisse l'aura de Gia Long ( auquel je m'étais aussi attachée ) .
Le père de Behaine est une belle figure également !
Merci, mon cher Calonne !
Entre Domi et toi, + l'Egypte à toutes les sauces, je voyage, je voyage ... avec délectation !
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Mme de Sabran- Messages : 55309
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Notons que déjà, à son arrivée à Versailles, notre pauvre prélat ne semble pas enthousiasmer les ministres du roi avec son projet… Il arrive au mauvais moment, Vergennes vient de mourir, c'est la transition aux Affaires Etrangères. Personne ne voit vraiment d'intérêt à la cause d'un jeune prince de 16 ans venu d'un pays si lointain. Seul Loménie de Brienne semble intéressé.
Notre prélat, arrivé en février 1787 n'est reçu par Louis XVI qu'en mai… Il repart vers l'Asie en décembre. Effectivement, vu la longueur du voyage, on peut penser que lorsqu'il est enfin de retour, en France, la monarchie a autre chose à faire…
Une vie romanesque en effet pour ce prélat énergique et atypique. Installé très tôt dans ce qui est encore L'Annam, il réalise très vite que les anglais regardent cette région d'un œil gourmand. Dans le même temps, il se méfie des trois frères qui fonderont la dynastie Tay Son, car il les sait farouchement anti-chrétiens : "La religion des Tây Son est de ne pas en avoir. Si leur règne dure longtemps, nous aurons bien de la peine à échapper de leurs mains". Déjà, les trois frères avaient ordonné des persécutions. Et Pigneau avait pu les voir à l'œuvre lors de la prise de Saïgon et du massacre de la famille Nguyen…
Un mot sur ces aventuriers français qui suivirent le prélat et épousèrent sa cause.
Olivier de Puymanel, né en 1768, déserta son navire en 1788 et s'engagea donc aux côtés de Pigneau et du jeune prince. Il fût un bâtisseur, on lui doit la citadelle de Saïgon et s'occupa de cartographier le pays. Il meurt en 1799, à 31 ans seulement, victime du paludisme.
Jean-Baptiste Chaigneau connût un sort plus enviable. Né en 1769, il s'engage aux côtés du prélat à 25 ans. Après la victoire, Gia Long le fait général de l'armée du Nord, marquis de Thang-Duc, ministre la Marine et "grand mandarin". En 1819, il rentre en France où il est nommé Consul de France à la cour impériale de Hué. Mais à son retour, un nouvel empereur est en place, un souverain méfiant et hostile qui ne veut plus entendre parler de l'Occident. Chaigneau se voit bientôt contraint de choisir entre l'exil ou le suicide commandé et quitte définitivement le pays, écoeuré. Fait chevalier de la Légion d'Honneur, il meurt, désabusé, dans sa Lorient natale, en 1832.
Presque rien sur Philippe Vannier. Né en 1762, il meurt en 1842. Il était officier et explorateur.
Enfin, Jean-Marie Dayot, né en 1760, était un officier de la marine royale. Il rencontre notre prélat à Pondichéry et se lie d'amitié avec lui avant d'entrer à son service en 1790, avec deux vaisseaux de guerre. En juillet 1792, il mène une expédition et coule cinq vaisseaux, quatre-vingt-dix galères et environ cent bateaux plus petits des Tay Son. Il fait débarquer à Qui Nhon des troupes qui y détruisirent les forts avant de retourner au port de Can-Tru. Il opère également une cartographie détaillée des côtes du pays dont un double est transféré à Paris et donne son nom au port de Van Phong qui devient Port-Dayot. Travail considérable, en collaboration avec son frère, qui l'a rejoint et dont il est très proche.
En 1795, le voilà accusé injustement d'avoir échouer volontairement le navire qu'il commandait. Il n'y est pour rien, n'étant même pas à bord, ce qui ne l'empêche pas d'être condamné pour négligence et incarcéré. Les interventions d'Olivier de Puymanel et de Pigneau de Behaine le tirent de sa cellule.
Dégoûté d'avoir été ainsi remercié pour ses immenses services, il quitte la Cochinchine et part pour Manille d'où il commerce activement avec le Mexique. Il meurt en 1809 lors du naufrage de son bateau dans le golfe du Tonkin. Son frère décède à Macao en 1821.
Notre prélat, arrivé en février 1787 n'est reçu par Louis XVI qu'en mai… Il repart vers l'Asie en décembre. Effectivement, vu la longueur du voyage, on peut penser que lorsqu'il est enfin de retour, en France, la monarchie a autre chose à faire…
Une vie romanesque en effet pour ce prélat énergique et atypique. Installé très tôt dans ce qui est encore L'Annam, il réalise très vite que les anglais regardent cette région d'un œil gourmand. Dans le même temps, il se méfie des trois frères qui fonderont la dynastie Tay Son, car il les sait farouchement anti-chrétiens : "La religion des Tây Son est de ne pas en avoir. Si leur règne dure longtemps, nous aurons bien de la peine à échapper de leurs mains". Déjà, les trois frères avaient ordonné des persécutions. Et Pigneau avait pu les voir à l'œuvre lors de la prise de Saïgon et du massacre de la famille Nguyen…
Un mot sur ces aventuriers français qui suivirent le prélat et épousèrent sa cause.
Olivier de Puymanel, né en 1768, déserta son navire en 1788 et s'engagea donc aux côtés de Pigneau et du jeune prince. Il fût un bâtisseur, on lui doit la citadelle de Saïgon et s'occupa de cartographier le pays. Il meurt en 1799, à 31 ans seulement, victime du paludisme.
Jean-Baptiste Chaigneau connût un sort plus enviable. Né en 1769, il s'engage aux côtés du prélat à 25 ans. Après la victoire, Gia Long le fait général de l'armée du Nord, marquis de Thang-Duc, ministre la Marine et "grand mandarin". En 1819, il rentre en France où il est nommé Consul de France à la cour impériale de Hué. Mais à son retour, un nouvel empereur est en place, un souverain méfiant et hostile qui ne veut plus entendre parler de l'Occident. Chaigneau se voit bientôt contraint de choisir entre l'exil ou le suicide commandé et quitte définitivement le pays, écoeuré. Fait chevalier de la Légion d'Honneur, il meurt, désabusé, dans sa Lorient natale, en 1832.
Presque rien sur Philippe Vannier. Né en 1762, il meurt en 1842. Il était officier et explorateur.
Enfin, Jean-Marie Dayot, né en 1760, était un officier de la marine royale. Il rencontre notre prélat à Pondichéry et se lie d'amitié avec lui avant d'entrer à son service en 1790, avec deux vaisseaux de guerre. En juillet 1792, il mène une expédition et coule cinq vaisseaux, quatre-vingt-dix galères et environ cent bateaux plus petits des Tay Son. Il fait débarquer à Qui Nhon des troupes qui y détruisirent les forts avant de retourner au port de Can-Tru. Il opère également une cartographie détaillée des côtes du pays dont un double est transféré à Paris et donne son nom au port de Van Phong qui devient Port-Dayot. Travail considérable, en collaboration avec son frère, qui l'a rejoint et dont il est très proche.
En 1795, le voilà accusé injustement d'avoir échouer volontairement le navire qu'il commandait. Il n'y est pour rien, n'étant même pas à bord, ce qui ne l'empêche pas d'être condamné pour négligence et incarcéré. Les interventions d'Olivier de Puymanel et de Pigneau de Behaine le tirent de sa cellule.
Dégoûté d'avoir été ainsi remercié pour ses immenses services, il quitte la Cochinchine et part pour Manille d'où il commerce activement avec le Mexique. Il meurt en 1809 lors du naufrage de son bateau dans le golfe du Tonkin. Son frère décède à Macao en 1821.
Calonne- Messages : 1098
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Age : 52
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Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Merci cher Calonne de nous rappeler cette histoire de l’Indochine. Le passé colonial de notre pays n’a pas le vent en poupe en ce moment, c’est pourtant notre passé...
Mon grand-père me racontait une expédition à laquelle il avait participé, vers 1907, alors qu’il servait dans l’Infanterie coloniale ( future infanterie de marine). Il en avait rapporté des photos du palais de Hué, et de Tourane ( actuelle D’à Nang ) .
Mon grand-père me racontait une expédition à laquelle il avait participé, vers 1907, alors qu’il servait dans l’Infanterie coloniale ( future infanterie de marine). Il en avait rapporté des photos du palais de Hué, et de Tourane ( actuelle D’à Nang ) .
Vicq d Azir- Messages : 3676
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Localisation : Paris x
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Oui, au travers de cette histoire, on constate que les liens entre France et Indochine ont commencé très tôt. Aujourd'hui pourtant, qui se souvient de Pierre Pigneau de Behaine et de ces hommes l'ayant suivi dans sa quête presque chimérique ?
C'est pourtant un parfum d'ingratitude et d'amertume qui domine cette épopée : lâchage du jeune prince par la France, Chaigneau devenu Grand Mandarin et ayant combattu pour cette cause finalement obligé de choisir entre l'exil et le suicide, Dayot pareillement remercié pour son engagement et préférant partir, écoeuré… Sans parler de Pigneau qui remuera ciel et terre, financera tout de sa poche ou quasiment pour finalement mourir pendant le siège de Saïgon…
Rectificatif à ce que j'ai écris plus haut : les cendres du prélat ont été ramenées en France en 1983. Une partie repose à la chapelle de la rue du Bac et l'autre à l'église de son village natal, Origny-en-Thiérache (Aisne).
C'est pourtant un parfum d'ingratitude et d'amertume qui domine cette épopée : lâchage du jeune prince par la France, Chaigneau devenu Grand Mandarin et ayant combattu pour cette cause finalement obligé de choisir entre l'exil et le suicide, Dayot pareillement remercié pour son engagement et préférant partir, écoeuré… Sans parler de Pigneau qui remuera ciel et terre, financera tout de sa poche ou quasiment pour finalement mourir pendant le siège de Saïgon…
Rectificatif à ce que j'ai écris plus haut : les cendres du prélat ont été ramenées en France en 1983. Une partie repose à la chapelle de la rue du Bac et l'autre à l'église de son village natal, Origny-en-Thiérache (Aisne).
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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1098
Date d'inscription : 01/01/2014
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Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Calonne a écrit:
C'est pourtant un parfum d'ingratitude et d'amertume qui domine cette épopée : lâchage du jeune prince par la France.
Cela me rappelle notre attitude honteuse vis à vis de Bonnie Prince Charlie ... c'est tout à fait pareil : des promesses, des serments d'amitié, et puis rien .
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55309
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