Ailleurs dans le monde en 1789
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LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La France et le Monde au XVIIIe siècle :: Histoire et événements ailleurs dans le monde
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Re: Ailleurs dans le monde en 1789
On ne sait pas si Pasquin parle, mais il a dû en entendre de toutes les couleurs en six siècles! Il rappelle les cahiers de doléances de 1789 qui enregistraient toutes les récriminations.
Monsieur de la Pérouse- Messages : 504
Date d'inscription : 31/01/2019
Localisation : Enfin à bon port !
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Reprenons notre tour du monde en retournant au pays du Soleil Levant, à la découverte des Oirans.
Nous avons vu plus haut dans ce sujet que c'est au XVIIIème siècle que sont "officialisées" les célèbres Geishas, femmes de haute culture versées dans les arts et incarnant une féminité nippone idéalisée. Mais elles avaient depuis longtemps leurs rivales, les Oirans.
Moins connues, les Oirans sont souvent confondues avec elles. Il existe pourtant une différence fondamentale : les Oirans ("premières fleurs") couchaient avec leurs clients.
Des prostituées donc ? Oui, mais de grand luxe, de très grand luxe même.
Prises en charge très jeunes, parfois vendues à une maison par des parents dans la pauvreté, elles commençaient comme servante avant d'entamer une formation exigeante qui n'avait rien à envier à celle des Geishas : art de la conversation, de servir le thé, calligraphie, ikebana (art floral), musique, poésie, chant et danse... Au terme de cette formation, la jeune femme devenue Oiran menait alors grand train : tenues fastueuses, logement superbe, équipage, servante attitrée (Kamuro), repas fins et langage châtié (langue de cour obligatoire). Un si grand train que d'après certains contemporains, il était facile de confondre ces femmes avec celles de la noblesse. La seule différence était qu'elles vivaient et exerçaient dans un quartier réservé. Mais lorsqu'elles se déplaçaient en grand équipage, elles avaient tout d'une grande dame. Elles inspiraient la mode également et les femmes de tous rangs guettaient leur passage pour découvrir leurs fastueux atours. Elles avaient aussi une démarche particulière et codifiée, juchées sur de très hautes socques laquées afin d'être vues de loin.
Huit échelons permettaient d'atteindre le sommet de la profession, en fonction de la beauté, du caractère, des connaissances... Un sommet nommé Tayu.
Hé oui, nous abordons ici la différence entre Oirans et Geishas puisque les premières, contrairement aux secondes, vendaient leurs charmes. Mais pas n'importe comment...
Alors que celles du rang le plus bas étaient exposées derrière des barreaux au rez de chaussée de la maison en attendant d'être choisies, celles du plus haut rang avaient le privilège de choisir, voire de refuser leurs clients. L'usage voulait également qu'elles ne couchent avec eux qu'à partir de la troisième soirée... Les deux premières (payées bien sûr) étaient consacrées à la conversation et à la musique autour du thé ou d'un repas fin. Une fois que la belle acceptait officiellement de donner ses faveurs au prochain rendez-vous, son client n'avait pas le droit de changer d'avis et d'en choisir une autre, sous peine d'amende. Le prix d'une soirée ? Le salaire moyen annuel de l'époque...
Ces trois rencontres étaient strictement ordonnées : lors de la première, la Oiran se tenait sur "le siège du haut", éloignée de son client assis lui sur "le siège du bas" et donc en position inférieure. La jeune femme ne participait pas à la conversation, elle écoutait simplement l'homme qui devait la séduire pour obtenir une nouvelle soirée. Lors de la seconde rencontre, les deux étaient plus proches et la Oiran participait cette fois et échangeait avec son client. A la troisième, l'atmosphère était plus libre et détendue, tout en respectant les règles bien sûr.
Ce furent les Geishas qui précipitèrent le déclin des Oirans. Tout aussi éduquées, raffinées et cultivées mais plus discrètes et surtout, aux tarifs moins onéreux. Les Oirans avaient atteint un tel niveau qu'elles étaient devenues inaccessibles, ne choisissant leurs clients que dans la très haute société. Leur mode de vie, sophistiqué, raffiné à l'extrême, coupé du reste du monde, les isolaient, les coupaient du commun.
Or, à l'époque qui nous intéresse, on assiste comme en Europe à la montée en puissance de la riche bourgeoisie d'affaires et de commerce, avide de plaisirs et de notabilité. Mais ces riches bourgeois ne pouvaient prétendre aux services des Oirans, réservés aux aristocrates. Ils se tournèrent alors vers les Geishas. Ces dernières offraient des plaisirs tous aussi raffinés mais plus abordables et le fait qu'elles ne couchaient pas avec leurs clients leur donnaient une dignité et un attrait que n'avaient pas leurs flamboyantes rivales qui restaient, malgré tout, des prostituées... C'est en 1761 que la dernière Oiran ayant atteint le rang suprême de Tayu mît fin à sa carrière et se retira.
Les Oirans cependant, ne disparurent officiellement et définitivement qu'en 1958, suite à une grande loi sur la prostitution. Mais elles n'étaient déjà plus depuis longtemps que l'ombre de leur splendeur passée...
Andrew O.
Nous avons vu plus haut dans ce sujet que c'est au XVIIIème siècle que sont "officialisées" les célèbres Geishas, femmes de haute culture versées dans les arts et incarnant une féminité nippone idéalisée. Mais elles avaient depuis longtemps leurs rivales, les Oirans.
Moins connues, les Oirans sont souvent confondues avec elles. Il existe pourtant une différence fondamentale : les Oirans ("premières fleurs") couchaient avec leurs clients.
Des prostituées donc ? Oui, mais de grand luxe, de très grand luxe même.
Prises en charge très jeunes, parfois vendues à une maison par des parents dans la pauvreté, elles commençaient comme servante avant d'entamer une formation exigeante qui n'avait rien à envier à celle des Geishas : art de la conversation, de servir le thé, calligraphie, ikebana (art floral), musique, poésie, chant et danse... Au terme de cette formation, la jeune femme devenue Oiran menait alors grand train : tenues fastueuses, logement superbe, équipage, servante attitrée (Kamuro), repas fins et langage châtié (langue de cour obligatoire). Un si grand train que d'après certains contemporains, il était facile de confondre ces femmes avec celles de la noblesse. La seule différence était qu'elles vivaient et exerçaient dans un quartier réservé. Mais lorsqu'elles se déplaçaient en grand équipage, elles avaient tout d'une grande dame. Elles inspiraient la mode également et les femmes de tous rangs guettaient leur passage pour découvrir leurs fastueux atours. Elles avaient aussi une démarche particulière et codifiée, juchées sur de très hautes socques laquées afin d'être vues de loin.
Huit échelons permettaient d'atteindre le sommet de la profession, en fonction de la beauté, du caractère, des connaissances... Un sommet nommé Tayu.
Le sexe
Hé oui, nous abordons ici la différence entre Oirans et Geishas puisque les premières, contrairement aux secondes, vendaient leurs charmes. Mais pas n'importe comment...
Alors que celles du rang le plus bas étaient exposées derrière des barreaux au rez de chaussée de la maison en attendant d'être choisies, celles du plus haut rang avaient le privilège de choisir, voire de refuser leurs clients. L'usage voulait également qu'elles ne couchent avec eux qu'à partir de la troisième soirée... Les deux premières (payées bien sûr) étaient consacrées à la conversation et à la musique autour du thé ou d'un repas fin. Une fois que la belle acceptait officiellement de donner ses faveurs au prochain rendez-vous, son client n'avait pas le droit de changer d'avis et d'en choisir une autre, sous peine d'amende. Le prix d'une soirée ? Le salaire moyen annuel de l'époque...
Youtube, chaîne méli-mélo japonais
Ces trois rencontres étaient strictement ordonnées : lors de la première, la Oiran se tenait sur "le siège du haut", éloignée de son client assis lui sur "le siège du bas" et donc en position inférieure. La jeune femme ne participait pas à la conversation, elle écoutait simplement l'homme qui devait la séduire pour obtenir une nouvelle soirée. Lors de la seconde rencontre, les deux étaient plus proches et la Oiran participait cette fois et échangeait avec son client. A la troisième, l'atmosphère était plus libre et détendue, tout en respectant les règles bien sûr.
Ce furent les Geishas qui précipitèrent le déclin des Oirans. Tout aussi éduquées, raffinées et cultivées mais plus discrètes et surtout, aux tarifs moins onéreux. Les Oirans avaient atteint un tel niveau qu'elles étaient devenues inaccessibles, ne choisissant leurs clients que dans la très haute société. Leur mode de vie, sophistiqué, raffiné à l'extrême, coupé du reste du monde, les isolaient, les coupaient du commun.
Or, à l'époque qui nous intéresse, on assiste comme en Europe à la montée en puissance de la riche bourgeoisie d'affaires et de commerce, avide de plaisirs et de notabilité. Mais ces riches bourgeois ne pouvaient prétendre aux services des Oirans, réservés aux aristocrates. Ils se tournèrent alors vers les Geishas. Ces dernières offraient des plaisirs tous aussi raffinés mais plus abordables et le fait qu'elles ne couchaient pas avec leurs clients leur donnaient une dignité et un attrait que n'avaient pas leurs flamboyantes rivales qui restaient, malgré tout, des prostituées... C'est en 1761 que la dernière Oiran ayant atteint le rang suprême de Tayu mît fin à sa carrière et se retira.
Les Oirans cependant, ne disparurent officiellement et définitivement qu'en 1958, suite à une grande loi sur la prostitution. Mais elles n'étaient déjà plus depuis longtemps que l'ombre de leur splendeur passée...
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Etaient-elles prisonnières de leur condition ou bien pouvaient-elles quitter ce statut ? ... par le mariage peut-être ?
Merci, mon cher Calonne. Quel plaisir de reprendre notre tour du monde !!!
Merci, mon cher Calonne. Quel plaisir de reprendre notre tour du monde !!!
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Il semble que, comme les Geishas, elles demeuraient majoritairement Oirans toute leur vie. Il ne faut pas oublier que tout ce luxe était avancé par la maison qui employait la jeune femme et que cette dernière devait par la suite rembourser cet "investissement", ce qui pouvait prendre des années. Elles étaient également astreintes à un quartier précis, isolé du reste de la ville par des murs hauts et épais, loin du centre-ville. Et lorsqu'elles sortaient, elles étaient accompagnées par des serviteurs qui, aussi respectueux qu'ils étaient, étaient chargés de les surveiller et de les empêcher de fuir.
Quant au mariage, n'oublions pas qu'elles restaient des prostituées... Les Geishas pouvaient, exceptionnellement, se libérer de leur condition par le mariage parce qu'elles étaient plus respectables, ne couchant pas avec leurs clients.
Quant au mariage, n'oublions pas qu'elles restaient des prostituées... Les Geishas pouvaient, exceptionnellement, se libérer de leur condition par le mariage parce qu'elles étaient plus respectables, ne couchant pas avec leurs clients.
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Les exceptions étaient certainement rarissimes ...
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
La tenue
fr.japantravel.com
La tenue d'une Oiran n'avait rien à envier aux toilettes de Rose Bertin...
Fastueuses, luxueuses, ces toilettes étaient en fait un kimono spécifique, agrémenté d'un lourd manteau et de nombreux accessoires, en soie majoritairement, richement brodé et ornementé. Le raffinement ultime était au niveau des manches : la dame enfilait plusieurs vêtements les uns sur les autres, de couleurs différentes, avec des manches de plus en plus courtes. Ainsi, on obtenait un dégradé de couleurs au niveau des manches. En équipage, la dame laissait pendre ses bras au-dehors afin que chacun puisse admirer le subtil dégradé de couleurs de ses manches, expression de son goût sans faute...
S'y ajoutaient la coiffure et les chaussures.
La coiffure pouvait peser jusqu'à trois kilos, ornée d'accessoires divers dont de grands peignes en or dont le nombre variait en fonction du rang de la dame. A l'époque, on considérait qu'une femme était belle si sa chevelure déployée était plus longue qu'elle. On imagine les migraines, raideurs de la nuque et douleurs cervicales avec tout ce barda sur la tête... Les fameuses socques laquées mesuraient environ 20 centimètres de haut et pouvaient peser jusqu'à trois kilos. Il fallait apprendre à marcher avec, selon une démarche bien particulière, comme nous l'avons vu. Une démarche que l'on maîtrisait au bout de trois ans en général. L'ensemble de la toilette pouvait atteindre... 30 kilos, l'équivalent d'une armure médiévale.
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Ah, tais-toi ... quel esclavage !
J'aime beaucoup le détail du dégradé des manches et la main qui pend, comme nonchalamment, de la portière.
J'aime beaucoup le détail du dégradé des manches et la main qui pend, comme nonchalamment, de la portière.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Il faut souffrir pour être belle... Et en cas d'envie pressante, vous m'en direz des nouvelles !
Les chaussures, de trois kilos chacune, étaient des Taka Geta. La démarche particulière était nommée Hachi Monji. En fait, la dame posait sa main sur l'épaule d'un serviteur et elle avançait lentement en faisant un mouvement circulaire du pied, sur le côté, la chaussure presque à l'horizontale avant de ramener le pied vers l'avant.
Les chaussures, de trois kilos chacune, étaient des Taka Geta. La démarche particulière était nommée Hachi Monji. En fait, la dame posait sa main sur l'épaule d'un serviteur et elle avançait lentement en faisant un mouvement circulaire du pied, sur le côté, la chaussure presque à l'horizontale avant de ramener le pied vers l'avant.
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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
... diable !
Mais cela ne pouvait pas faire une jolie démarche, tu imagines ?!!
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Réponse en images (on voit vraiment la démarche à partir de 4 minutes) :
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Calonne- Messages : 1124
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Localisation : Un manoir à la campagne
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Perso, je plains le pauvre monsieur qui porte le parasol...
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Calonne- Messages : 1124
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Localisation : Un manoir à la campagne
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Le Brésil portugais
Au XVIIIème siècle, le Portugal n'a plus l'éclat d'autrefois parmi les états européens mais il garde de beaux restes : des possessions du côté du détroit d'Ormuz et de ce qui est l'actuel sultanat d'Oman, quelques comptoirs en Inde, des territoires africains (actuels Angola et Mozambique), les îles du Cap Vert, les Açores et bien sûr, l'immense Brésil...
Les portugais y sont arrivés en 1500 tout rond avec le navigateur Pedro Alvares Cabral, à la tête d'une flotte de 13 navires et plus de 1000 hommes.
Ils commencent alors à exploiter les richesses du pays dont un bois fameux et recherché, celui qui a donné son nom au pays, le bois-brésil :
Rodrigo Silveira Camargo
Au début, les nouveaux venus se contentent d'établir des "capitaineries", une quinzaine, le long de la côte. Puis commence à se mettre en place un état centralisé, aidé par l'arrivée importante des jésuites. La canne à sucre devient une autre activité lucrative, de grandes fermes et plantations sont créées et y travaillent des centaines d'esclaves venus des possessions portugaises en Afrique. Une capitale est installée à Salvador de Bahia tandis que les jésuites participent activement à la fondation de Rio de Janeiro. Le tabac et le coton viennent s'ajouter au bois et à la canne à sucre. Le tout en circuit fermé : le Brésil ne doit commercer qu'avec le Portugal ou les colonies portugaises.
Frans Post
A l'époque qui nous intéresse, on observe certains changements.
Le premier est politique : la capitale est transférée en 1763 à Rio de Janeiro. En 1775, les trois grands états qui se partageaient le territoire (Brésil, Maranhão et Grão-Pará) sont unifiés en un seul ensemble, dirigé par un vice-roi.
Economiquement, les choses changent aussi.
Le sucre brésilien doit faire face à la concurrence des "isles à sucre" des Antilles, dont les françaises, qui ont l'avantage d'être plus proches des côtes européennes et donc de proposer un sucre moins cher. Dans les grandes plantations, les esclaves se révoltent, s'enfuient. Ils forment alors des Quilombos, de vastes communautés d'esclaves évadés qui se réfugient dans les forêts et les régions sauvages de l'arrière-pays. Un grand chef se révèle alors, Ganga Zumba, puis son successeur, Zumbi, créant un véritable état indépendant. Il faudra aux portugais de nombreux efforts pour réduire ces esclaves et tuer Zumbi. C'est le fait du capitaine Domingos Jorge Velho, en 1703.
Benedito Calixto de Jesus
A la même époque, des bandeirantes (aventuriers) découvrent d'importants gisement aurifères dans le centre du pays. C'est aussitôt la ruée vers l'or et on assiste à une forte expansion de la population vers l'ouest, vers l'intérieur des terres alors que jusqu'ici, seules les côtes étaient vraiment habitées. Au Portugal, alors en plein marasme, c'est l'enthousiasme et de nombreux aventuriers prennent le large pour le nouvel Eldorado brésilien. En 1729, on découvre également des gisements de diamants. On assiste alors à un phénomène semblable à celui de la ruée vers l'or californienne qui aura lieu au siècle suivant : un afflux massif de population, la naissance de "villes champignons", des fortunes colossales édifiées en peu de temps... et pas mal d'illusions et de rêves brisés aussi. Parmi les nouveaux venus, beaucoup d'aventuriers dans tous les sens du terme, d'hommes à problèmes, ayant des choses à cacher ou souhaitant se faire oublier... Beaucoup rêvant aussi d'une autre vie et qui vont se heurter à la réalité : les indigènes, le climat, le dur labeur, les maladies... Les marchands d'esclaves, eux, se frottent les mains et font de bonnes affaires car dans les grandes mines, ce sont les esclaves qui travaillent. La contrebande règne aussi et prospère même. En 1725, le Portugal ordonne que tout l'or extrait soit fondu sur place en lingots estampillés (dans des fonderies nommées Casas de Fundição, "maisons de coulée") et transféré sous bonne escorte à Rio d'où l'or est embarqué pour la métropole.
C'est aussi l'époque de l'expansion vers le sud avec la fondation de grandes villes comme Rio Grande en 1736 ou Porto Alegre en 1732. Des accrochages ont lieu avec les espagnols qui n'apprécient pas trop ces nouveaux voisins... Pourtant, en 1750, le Traité de Madrid vient régulariser tout cela et en 1756, les deux pays s'allient pour réprimer une puissante révolte des indigènes Guarani.
On le voit, le Brésil portugais du XVIIIème siècle est en pleine mutation, politique, économique, sociétale.
Alors que la Révolution débute en France, le Brésil est secoué par une conspiration de grande ampleur, l’Inconfidência Mineira (conjuration minière). Les conspirateurs en question appartiennent à l'élite en place, nourrie des Lumières et enthousiasmée par la révolution et l'indépendance américaine. Ces hommes, intellectuels, propriétaires terriens, riches bourgeois, veulent instaurer un état indépendant, une République dirigée par un Président élu démocratiquement.
Ne nous emballons pas cependant : derrière ces beaux et nobles idéaux, nos conspirateurs entendaient maintenir l'esclavage indigène ou en provenance d'Afrique et surtout, ils avaient une dent contre le gouvernement qui, devant la baisse de la production d'or, venait de leur imposer un lourd impôt qui les frappait au premier chef...
Quoiqu'il en soit, le complot est éventé par les services du vice-roi en 1789 et la répression s'abat, féroce. Onze conjurés sont déportés en Angola et le chef de la conjuration, Joaquim José da Silva Xavier, est exécuté à Rio. Ecartelé, les différentes parties de son corps sont exposées dans plusieurs villes du pays.
Oscar Pereira da Silva
Notre homme avait pourtant bien commencé, comme capitaine, chargé par la reine Marie Ière en personne de sécuriser les convois d'or et de diamants sur la route menant à Rio. Mal remercié pour son travail, ignoré et désœuvré, il bascule alors dans la fameuse conspiration. Il sera, comme les autres, trahi par certains de ses semblables en échange de l'effacement de leurs dettes par la couronne. Lui et les autres condamnés croupiront trois ans en prison jusqu'à ce que la reine Marie, surnommée "la reine folle", décide personnellement de déporter tous les conjurés sauf Joaquim qui sera donc exécuté pour l'exemple.
Une autre conspiration aura lieu en 1798, composée cette fois de gens issus de la classe moyenne, d'esclaves et de petits commerçants. Elle sera également éventée et les principaux conjurés exécutés ou déportés.
Le Brésil passera dans le siècle suivant de manière spectaculaire en accueillant en 1808 les souverains portugais et leur cour, fuyant l'invasion de leur pays par les troupes impériales napoléoniennes...
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Passionnant, merci, mon cher Calonne.
Marie était bien la fille de Joseph Ier, le parrain de Marie-Antoinette, si je ne m'abuse ?
Pourquoi " la Folle " ?
Marie était bien la fille de Joseph Ier, le parrain de Marie-Antoinette, si je ne m'abuse ?
Pourquoi " la Folle " ?
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Alors déjà, elle est surnommée "la pieuse" au Portugal et "la folle" au Brésil.
Elle était très croyante, jusqu'à la superstition. Son état mental s'altère gravement avec la mort de son mari en 1786 et, en 1788, de deux de ses enfants dont son fils aîné. Il serait mort de la vérole et la reine se serait sentie coupable de cette mort, pour avoir refusé de le faire inoculer, pour raisons religieuses. Marie 1ère est considérée comme démente à partir de 1791 et son fils Jean VI assure alors la régence.
Elle était bien la fille du parrain de Marie-Antoinette. Signalons que son mari, roi consort, était son oncle, de 17 ans son aîné... Elle sera également reine du Brésil de 1815 à 1816. Elle meurt en 1816 à Rio, à 81 ans.
Elle était très croyante, jusqu'à la superstition. Son état mental s'altère gravement avec la mort de son mari en 1786 et, en 1788, de deux de ses enfants dont son fils aîné. Il serait mort de la vérole et la reine se serait sentie coupable de cette mort, pour avoir refusé de le faire inoculer, pour raisons religieuses. Marie 1ère est considérée comme démente à partir de 1791 et son fils Jean VI assure alors la régence.
Elle était bien la fille du parrain de Marie-Antoinette. Signalons que son mari, roi consort, était son oncle, de 17 ans son aîné... Elle sera également reine du Brésil de 1815 à 1816. Elle meurt en 1816 à Rio, à 81 ans.
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Portrait of Queen Maria I of Portugal
Artist unknown (possibly Giuseppe Troni)
Oil on canvas, 18th century
Image : Nationalmuseum Sweden
Merci Calonne pour cette (trop courte) aventure brésilienne au 18e siècle. J'en profite aussi pour rappeler votre sujet consacré à :
Le dernier empereur du Brésil
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Quel merveilleux portrait !
_________________
« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 44
Localisation : Pays-Bas autrichiens
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Calonne a écrit:La révolte de Tupac-Amaru II
Après la révolte russe, la révolte péruvienne.
Nous voici sur le continent sud-américain, à la rencontre d'un personnage né en 1738.
José Gabriel Condorcanqui Noguera, plus tard nommé Tupac Amaru II, est un cacique (chef de tribu) né au Pérou, alors possession de l'empire espagnol. C'est en 1780 qu'il prend la tête d'une révolte contre l'occupant espagnol, révolte qui sera la plus importante et violente de l'Amérique du Sud de l'époque. Surnommé "la Grande Rébellion", ce mouvement est déclenché en 1780 avec la capture et l'exécution d'un haut fonctionnaire espagnol....
https://marie-antoinette.forumactif.org/t267p175-ailleurs-dans-le-monde-en-1789
Mon cher Calonne, comme toi en amont de ce sujet, hier soir sur ARTE , dans le magazine 28 minutes ( je suis accro ) Xavier Mauduit nous racontait comment à Cuzco au Pérou, le chef Tupak Amaru menait la fronde ...
https://www.arte.tv/fr/videos/113230-004-A/a-cuzco-au-perou-le-chef-tupak-mene-la-fronde-contre-l-espagne/
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Notre Dame du rosaire des noirs
Paul R. Burley
Nous restons au Brésil au XVIIIème siècle mais à Salvador de Bahia cette fois.
C'est dans cette ville que se trouve cette église, bâtie en 1704, dédiée à notre Dame du rosaire des noirs.
Une église particulière, dont la construction a duré un siècle. Particulière parce qu'elle a été édifiée par les esclaves. En fait, un ensemble de confréries et de fraternités dans lesquelles les esclaves de la ville s'étaient réunis. La principale confrérie était celle du Rosaire des Noirs, fondée en 1685, réservée aux croyants noirs des deux sexes et qui vénérait la vierge du rosaire. Ils travaillaient la nuit uniquement, afin de pouvoir accomplir leurs tâches quotidiennes le jour.
L'ensemble est de style colonial et rococo. A l'intérieur, vous découvrirez de superbes carreaux de faïence, vraisemblablement commandés au Portugal, datés de 1790 et qui représentent des scènes des évangiles. Le faux-plafond représente lui un médaillon central où figure notre Dame du Rosaire, entouré d'allégories des quatre continents (l'Australie était à peine connue à l'époque).
salvadordabahia.com
L'église est toujours en activité.
Sur ses grilles, vous trouverez des rubans ou bracelets multicolores attachés par des fidèles comme prières ou offrandes et vous pourrez sacrifier à la coutume en en achetant auprès des vendeurs de rues.
routard.com
La messe du dimanche est très animée et ouverte à tous, mêlant rites catholiques et africains avec de nombreux joueurs de tambours et des danses endiablées en costumes traditionnels. Enormément de monde, à tel point qu'on laisse souvent les portes ouvertes et que beaucoup restent dans la rue.
Fabio Marconi
De passage à Salvador de Bahia (visite impérative si vous allez au Brésil), vous ne pourrez pas la manquer : elle est située dans le centre historique de la ville et sa façade bleue rehaussée de blanc est visible de loin. Par contre, on ne voit souvent que la façade, le reste du bâtiment, rectangulaire, s'enfonce entre les maisons et demeure peu visible. A proximité également se trouve un petit cimetière où reposent beaucoup des esclaves ayant participé à la construction.
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Une plantation sucrière au Brésil portugais
histgeorufppinquie.weebly.com
Nous nous attardons au Brésil portugais du XVIIIème siècle, cette fois sur une plantation de canne à sucre.
N'allons pas imaginer une grande maison néoclassique à colonnes blanches genre "plantation de Louisiane" au siècle suivant. Les maisons ressemblaient aux grosses fermes blanchies à la chaux que l'on trouvait au Cap, en Afrique du Sud à la même époque, comme nous l'avons vu plus haut au cours de notre voyage. Comme dans les îles à sucre, le confort était rudimentaire et le luxe importé.
Voici par exemple la maison de maître de Poço Comprido, avec son église accolée :
De ses fenêtres, le maître avait vue directe sur le moulin et la raffinerie avec sa haute cheminée :
images : gatewaytobrazil.com
L'intérieur restait donc sobre, comme ici à Bom Retiro (où vous pouvez séjourner, d'où l'écran sur la seconde photo) :
images : fazendas antiguas via gatewaytobrazil.com
Il y avaient bien sûr, pour les plus riches, des exceptions avec de superbes demeures du genre :
D. Ramey Logan
Cette demeure de plantation, Rose Hall, se trouve en Jamaïque et date de 1770 mais certaines demeures de planteurs brésiliens pouvaient lui ressembler. Elles restaient rares néanmoins. Pouvoir bâtir entièrement en pierre de taille était signe de richesse, la majorité des demeures était en bois.
Une plantation sucrière était avant tout une sesmaria, c'est à dire une concession donnée par la couronne à un particulier. A charge pour lui de l'exploiter en empochant bien sûr sa part des bénéfices.
L'élément principal de la plantation était le engenho de açúcar, le moulin à sucre, indispensable. Ils n'étaient pas si nombreux d'ailleurs pour un territoire aussi vaste. L'exploitation pouvait être directe, le détenteur de la sesmaria faisant exploiter sa terre par ses esclaves mais aussi indirecte : le propriétaire faisait travailler des lavradores, des colons, qui lui louaient par bail une ou plusieurs parcelles et faisaient travailler à leur tour leurs esclaves. Quant à la maison du maître, c'était une Fazenda, une ferme.
Les esclaves ? Ils venaient majoritairement des possessions portugaises en Afrique, en gros les actuels Angola et Mozambique. Au départ, on utilisa les indigènes locaux mais les noirs étaient considérés comme plus robustes et plus endurants. De plus, les jésuites convertissaient massivement les populations indigènes et on ne pouvait convertir un chrétien en esclave. Cette déportation (plus de 5 millions d'individus au total) a imprimé à la société brésilienne une forte "présence" africaine qui perdure encore, dans la religion, la cuisine, la culture, sans oublier un fort métissage dans certaines régions.
Les esclaves travaillaient donc dans les champs de canne à sucre qu'ils coupaient à la machette avant de porter les bottes de canne au moulin. Les terres avec une rivière ou un cours d'eau étaient très recherchées car alors le moulin était hydraulique. Autrement, il était mû par des bœufs, qui pouvaient coûter cher et qu'il fallait entretenir. Le jus extrait des cannes broyées était ensuite expédié à la chaufferie, la caldeira, avant d'être raffiné (débarrassé de ses impuretés) dans la purgerie et enfin stocké dans des cônes en terre cuite. La façon de faire était quasiment la même dans les iles à sucre. On remplissait alors de ces cônes de grandes caisses, pouvant peser jusqu'à 200 kilos, afin d'expédier le précieux sucre vers le port le plus proche.
Comme dans les iles, le travail était infernal, du lever du jour au crépuscule, sous le fouet et la surveillance des contremaîtres. Les accidents ne manquaient pas : accidents de machette, chute dans les chaudrons bouillonnants, doigt ou bras emporté ou broyé dans les meules, brûlures... La chaleur lourde faisait gonfler les plaies, aggravait les blessures, fièvres et septicémies n'étaient pas rares.
theguardian.com
On trouvait également sur le domaine la maison du maître bien sûr, où ce dernier vivait avec sa famille, les cases des esclaves regroupées à l'écart (parfois agrémentées d'une grange où les esclaves pouvaient se regrouper pour danser le dimanche) et souvent une église, voire une simple chapelle. Un verger ou un potager étaient bienvenus, de même que des plants de pomme de terre, de tomates ou de maïs pour pourvoir aux besoins des habitants. Les plantations de café suivaient, peu ou prou, la même disposition.
Une chapelle d'époque, abandonnée au milieu des champs de canne :
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
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Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
La Jamaïque/Rose Hall
D'un coup d'aile, nous voici sur l'île de la Jamaïque.
D'abord possession espagnole, l'île est devenue, à la date qui nous intéresse, anglaise. A la fin du XVIIIème siècle, elle est même le second plus grand exportateur de sucre au monde, derrière la possession française de Saint-Domingue. Elle compte alors environ 300 000 esclaves pour 20 fois moins de colons blancs. En dehors de Kingston, la capitale, l'île est occupée par de vastes plantations, de canne à sucre majoritairement. Les anglais tiennent solidement leur île mais doivent faire face avec difficulté aux soulèvements d'esclaves et ont du mal à reprendre ceux qui se sont enfuis (les marrons) et réfugiés dans les forêts de l'intérieur des terres.
La plus célèbre des plantations, soigneusement préservée (tombant en ruines, la maison fût sauvée et restaurée dans les années 1970 par une Miss USA et son mari entrepreneur) est Rose Hall, qui date de 1770 :
viator.com
D Ramey Logan
D Ramey Logan
La demeure dans les années 1960 :
uncertaintist.wordpress.com
Ce manoir géorgien est situé à Montego Bay, en haut d'une colline surplombant l'océan. C'était la "maison du maître" de la plantation qui employait à l'époque 250 esclaves environ. Le domaine totalisait 650 acres dont des pâturages pour 270 têtes de bétail. Aujourd'hui, la maison est un hôtel réputé, agrémenté d'un musée sur l'esclavage. Une partie des bénéfices récoltés permet de préserver le bâtiment.
John Rose Palmer fait bâtir, en 1770, cette demeure, témoignage de sa richesse. Fondations et soubassements sont en pierre, comme c'était la règle dans les îles, pour résister aux ouragans et cyclones. Souvent, le reste de la demeure était en bois, agrémenté d'une "varangue" (véranda). Ici, tout est en pierre. L'intérieur, principalement les chambres au premier, est orné d'acajou et de papiers peints représentant des oiseaux et des palmiers.
Le domaine se nommait autrefois Amitié sincère, acheté par Henry Fenning en 1742. Ce dernier épouse Rose Kelly en 1746 mais meurt peu de temps après. Rose hérite du domaine et épouse George Ash, un autre planteur, qui commence à dessiner les plans de la maison voulue par feu le premier époux de sa femme (un vrai gentleman). Mais il meurt malheureusement en 1752. Qu'à cela ne tienne, Rose se marrie une troisième fois, en 1753, avec Norwood Witter, qui meurt en 1765. Pas de problème : l'infatigable Rose convole en quatrièmes noces avec John Palmer en 1767. C'est lui, veuf également, qui fait donc édifier la maison et qui y ajoute, en cadeau de mariage, son propre domaine, Palmyra.
Rose meurt en 1790, Palmer en 1797.
Pour les amateurs de frissons, la somptueuse demeure a même son fantôme, "la Dame blanche". Une certaine Annie Palmer, qui hanterait la propriété après avoir assassiné ses trois maris...
Même si l'histoire est probablement inventée de toutes pièces, on ne manquera pas de vous montrer la tombe de la dame :
Urban Walnut
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Merci pour ce "voyage", cher Calonne...
Wikipedia - The White Witch of Rose Hall
Non pas "probablement", mais tout à fait inventée. Le personnage fictif d'Annie Palmer lié à cette plantation a été confondu avec celui de Rose, la dernière épouse de John Palmer qui a certes collectionné les maris sans pour autant les assassiner.Calonne a écrit:
Pour les amateurs de frissons, la somptueuse demeure a même son fantôme, "la Dame blanche". Une certaine Annie Palmer, qui hanterait la propriété après avoir assassiné ses trois maris... Même si l'histoire est probablement inventée de toutes pièces, on ne manquera pas de vous montrer la tombe de la dame (...)
Wikipedia - The White Witch of Rose Hall
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Merci pour ce complément d'information et en musique de surcroît !
Une bien belle demeure en attendant, surtout si on ajoute la vue sur l'océan... Et un magnifique travail de restauration aussi, quand on voit ce qu'elle était devenue...
Une bien belle demeure en attendant, surtout si on ajoute la vue sur l'océan... Et un magnifique travail de restauration aussi, quand on voit ce qu'elle était devenue...
_________________
J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1124
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Ailleurs dans le monde en 1789
Saint Domingue, l'île de la Tortue, la flibuste, le sucre...
map24.com
Partons maintenant pour la rivale de la Jamaïque à l'époque, Saint Domingue, actuelle Haïti.
Autrefois possession espagnole, Saint Domingue est une colonie française de 1697 jusqu'à son indépendance, sous le nom d'Haïti, en 1804. Comme nous l'avons vu plus haut, elle est à l'époque la première productrice de sucre au monde et le restera jusqu'à la Révolution.
Mais notre île a d'abord un parfum de flibuste...
Flibustiers, pirates et boucaniers croisaient volontiers dans ses eaux même s'ils lui préféraient la célèbre île de la Tortue, nommée ainsi de par son nom espagnol "tortue de mer", en raison de sa forme. L'île de la Tortue devînt ainsi, au XVIIème siècle, la capitale de la flibuste, de surcroît réputée pour son climat et son air très sain (les fièvres, la jaune surtout, en étaient absentes). Les flibustiers y instaurèrent une communauté, "les Frères de la Côte" avec ses règles et ses lois dont certaines très développées. Ils bénéficiaient ainsi d'une sorte de "sécurité sociale" : une part de chaque butin mise de côté pour verser une somme aux flibustiers blessés, malades ou convalescents... Les Frères de la Côte étaient tous égaux entre eux, l'homosexualité était acceptée (le "matelotage" permettait à un pirate de faire un testament en faveur de son compagnon) et il y avait même des femmes capitaines.
Mais au XVIIIème siècle, la flibuste décline et les français s'installent à Saint Domingue (prise aux espagnols) pour y faire prospérer l'exploitation du sucre, soutenue par le commerce négrier. Ce qui fait le bonheur d'une ville française, la Rochelle...
Cette dernière entretient alors un lien privilégié avec Saint Domingue. En 1710, la ville ne compte pas moins de 16 raffineries produisant 3 millions de livres de sucre blanc, venu de Saint Domingue. A bord d'un bon navire et sans incidents de parcours, il faut 40 jours à peine pour relier Saint Domingue à la Rochelle. En 1791, les échanges avec l'île représentent 50% de l'activité portuaire de la Rochelle.
Ce commerce fructueux donne des ailes à certains, surtout des cadets de bonne famille, qui voient là l'occasion de voler de leurs propres ailes. C'est le cas de Aimé Benjamin Fleuriau :
Né en 1709 à la Rochelle, il débarque sur l'île en 1730 chez son oncle maternel. Dans ses bagages, les 124 409 livres de dettes laissées par son père... Décidé, habile, notre homme devient en peu de temps l'un des plus grands planteurs de l'île, avec les 327 hectares de sa plantation, Bellevue. Revenu à la Rochelle en 1755, fortune faite, notre homme s'y installe confortablement et demande à Malesherbes d'être anobli, ce qui lui est refusé. Il meurt en 1787, laissant une fortune de 4 millions de livres, partagée entre ses trois enfants et sa femme.
En 1720, Saint Domingue était officiellement le premier producteur de sucre au monde, plus de 860 000 esclaves y furent transférés au long du siècle. Mais tout n'était pas rose au pays du sucre blanc... Outre les possibles soulèvements d'esclaves, il y avait la question délicate des "gens de couleur libres". En fait, des noirs ou métis mais non esclaves. Des africains bien sûr mais aussi des amérindiens, voire des européens.
Peintes par Agostino Brunias (1728-1796), un groupe de "femmes de couleur libres"
On en vînt à établir une liste fournie de noms pour désigner chaque type : quarteron, métis, mamelouk, sang-mêlé, quarteronné, marabout... Il s'agissait surtout de distinguer les "gens de couleur libres" des esclaves affranchis (ces derniers étant 12 000 environ). Ce qui n'empêchait pas les discriminations : bien que libres, les "gens de couleur libres" ne pouvaient pas accéder aux postes à responsabilité (fonctions judiciaires, exercice de la médecine, commandement militaire) ni obtenir des privilèges ou des offices royaux, en vertu du "préjugé de couleur". Dans les actes notariés de l'époque, quatre degrés de couleur furent officiellement introduits : nègre, mulâtre, quarteron et blanc, avec chacun leurs spécificités. Signalons que les affranchis eux-mêmes, anciens esclaves devenus libres, possédaient parfois des plantations et des esclaves ! On trouvait parmi eux le chevalier de Saint Georges dont nous avons parlé par ailleurs, maître d'armes réputé et un temps professeur de musique de Marie-Antoinette ou encore le célèbre Toussaint Louverture. En 1773, il fût interdit aux personnes nées d'un père blanc d'adopter le patronyme d'une famille blanche de la colonie. Les colons français blancs exigeaient aux mères non blanches de donner à leurs enfants des noms de famille tirées de noms d'animaux, de plantes, de langues africaines...
Bien que très éloignée de la métropole, l'île sera ensuite emportée dans le tourbillon de la Révolution. Lors des massifs soulèvements d'esclaves de 1791, de nombreux colons se réfugieront sur... l'île de la Tortue.
Calonne- Messages : 1124
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Localisation : Un manoir à la campagne
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